TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
59034 LILLE CEDEX
☎ :03 20 78 33 33
N° RG 23/09649 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XUXW
N° de Minute : 24/00432
JUGEMENT
DU : 02 Septembre 2024
S.A. BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE
C/
[M] [T]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 02 Septembre 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Charlotte HERBAUT, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [M] [T], demeurant [Adresse 2]
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 Mai 2024
Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 02 Septembre 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre de crédit acceptée par voie électronique le 19 mars 2019, la société anonyme (SA) BANQUE POSTALE FINANCEMENT, aujourd’hui dénommée SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, a consenti à M. [M] [T] un prêt personnel d’un montant de 20 000 euros au taux débiteur de 4,30% l’an., remboursable en 72 mensualités de 317,85 euros hors assurance facultative.
Par lettre recommandée du 20 février 2023 réceptionnée le 27 février 2023, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a mis en demeure Monsieur [T] de régulariser, dans un délai de 15 jours, le paiement des mensualités impayées du crédit, soit la somme de 1 809,98 euros, sous peine de déchéance du terme du prêt.
Par lettre recommandée du 7 avril 2023 réceptionnée le 17 avril 2023, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a notifié à M. [T] la déchéance du terme et elle l’a mis en demeure de lui régler la somme de 11 445,84 euros au titre du solde du prêt.
Par lettre recommandée d’huissier du 31 mai 2023 réceptionnée le 6 juin 2023, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a de nouveau mis le débiteur en demeure de lui régler la somme actualisée de 11 493,24 euros.
Par acte d’huissier du 10 octobre 2023, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a fait assigner M. [T] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Lille afin de le voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
condamner à lui payer la somme de 11 307,20 euros selon décompte arrêté au 17 juillet 2023, outre les intérêts au taux de 4,30% l’an sur la somme de 10 604,88 euros ;
condamner à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 13 mai 2024.
A l’audience, le juge des contentieux de la protection a relevé d’office les moyens d’ordre public notamment relatifs à la forclusion et à la déchéance du droit aux intérêts.
La SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, représentée par son conseil, s’en est rapportée aux demandes contenues dans son acte introductif d’instance.
Au soutien de sa demande en condamnation au paiement du capital et intérêts, conformément aux articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE fait valoir que M. [T] a cessé de s’acquitter des mensualités à compter du 30 août 2022 de sorte qu’elle est bien fondée à sollicité le paiement d’une indemnité de 8% en application des conditions générales du prêt.
Elle ajoute que l’offre a été acceptée par voie électronique suivant un procédé fiable et sécurisé qui garantit notamment la réitération du consentement par la reproduction d’un code transmis par la banque sur une page dédiée.
Elle souligne encore que le débiteur n’a jamais dénoncé sa signature et s’est acquitté des mensualités pendant plus de trois ans.
Elle soutient enfin qu’elle a honoré toutes ses obligations en vérifiant l’identité du débiteur ainsi que sa solvabilité, en consultant le FICP dans les 7 jours qui ont suivi la signature et avant la délivrance des fonds conformément à l’article L. 312-16 du code de la consommation et en débloquant les fonds 7 jours après la signature du contrat en accord avec la demande de son client et en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation et des conditions générales du prêt.
Assigné régulièrement par remise de l’acte à l’étude d’huissier, M. [T] n’a pas comparu à l’audience et ne s’est pas fait représenter.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 2 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement
Sur la recevabilité
En application de l’article 125 du code de procédure civile, la forclusion de l’action en paiement d’un crédit de consommation est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge comme étant d’ordre public en application des dispositions de l’article L. 314-26 du code de la consommation.
En outre, aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet évènement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte produit par la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE que son action en paiement n’était pas forclose à la date à laquelle elle a fait délivrer son assignation à M. [T].
Elle est donc recevable à agir.
Sur la déchéance du terme
En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, étant précisé que jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard au taux contractuel.
Aux termes de l'article L.312-36 alinéa 1er du même code, dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci, sur support papier ou tout autre support durable des risques qu'il encourt au titre des articles L312-39 et L312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L.141-3 du code des assurances.
En l'espèce, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE justifie avoir, par lettre recommandée du 20 février 2023, mis en demeure M. [T] de régler les échéances impayées sous 15 jours.
Il ressort de l’historique de compte produit aux débats que M. [T] n’a pas régularisé les échéances impayées dans les 15 jours suivant cette mise en demeure.
La déchéance du terme est donc régulièrement intervenue et la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE est recevable à agir en paiement du solde du prêt.
Sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur
Aux termes de l’article L.341-2 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L.312-14 et L.312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Aux termes de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L 511-6 ou au 1 du I de l’article L 511-7 du code monétaire et financier.
En l’espèce, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE n’a exigé de l’emprunteur aucun justificatif relatif à ses charges notamment de logement alors qu’elles sont classiquement les plus significatives.
Elle a donc insuffisamment vérifié sa solvabilité et elle sera donc déchue en totalité du droit aux intérêts.
Sur les sommes dues
En application des dispositions de l'article L.341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction de toutes les sommes réglées à quelque titre que ce soit.
Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut, par ailleurs, qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L.312-39 du code de la consommation.
Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
Au regard de cette dernière exigence, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l'encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.
Il convient, en conséquence, d'écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.
La créance de la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE s'établit donc comme suit au 6 avril 2023, date à laquelle l’historique de compte a été arrêté :
capital emprunté : 20 000 euros
sous déduction des versements depuis l'origine : - 12 900,67 euros
soit un restant dû de : = 7 099,33 euros.
M. [T] sera donc condamné à payer à la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE la somme de 7 099,33 euros arrêtée au 6 avril 2023 au titre du solde du prêt personnel souscrit le 19 mars 2019, sans intérêt.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [T] qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens.
L'équité comme la situation économique respective des parties commande de rejeter la demande présentée par la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, en application de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant à l’issue de débats tenus en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,
DECLARE la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE recevable à agir en paiement du solde du prêt personnel souscrit par voie électronique par M. [M] [T] le 19 mars 2019 ;
CONDAMNE M. [M] [T] à payer à la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE la somme de 7 099,33 euros au titre du solde du prêt personnel souscrit par voie électronique le 19 mars 2019, sans intérêt ;
REJETTE la demande présentée par la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [M] [T] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé le 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
LA GREFFIERE LE JUGE