TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
59034 LILLE CEDEX
☎ :03 20 78 33 33
N° RG 24/05123 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YKZC
N° de Minute : 24/00465
JUGEMENT
DU : 26 Août 2024
Etablissement public PARTENORD HABITAT
C/
ASSOCIATION POUR LE SOUTIEN ET L'ACTION PERSONNALISEE DANS LE DEPARTEMENT DU NORD
[O] [N] épouse [S]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Etablissement public PARTENORD HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sandra VANSTEELANT, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
ASSOCIATION POUR LE SOUTIEN ET L'ACTION PERSONNALISEE DANS LE DEPARTEMENT DU NORD, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Mme [X] [W], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, munie d'un pouvoir.
Mme [O] [N] épouse [S], domiciliée : chez EHPAD [4], [Adresse 1]
non comparante
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Mai 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG 24/05123 – Page - SD
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 15 mars 2022, avec effet au même jour, l’établissement public PARTENORD HABITAT a donné à bail à Madame [O] [N], épouse [S], un immeuble collectif à usage d'habitation situé à [Adresse 5], moyennant un loyer mensuel de 296,33 euros auquel s'ajoute une provision sur charge mensuelle de 120,55 euros.
Par requête du 9 mai 2023, l’Association pour le Soutien et l’Action Personnalisée dans le département du Nord (ASAPN) sollicitait l’autorisation du juge des tutelles pour procéder à la résiliation du bail précité, cette opération ayant été autorisée par l’ordonnance du juge des tutelles en date du 17 mai 2023.
Par acte de commissaire de justice du 28 novembre 2023, il a été constaté que le logement est toujours occupé par la fille de Madame [O] [N], épouse [S], Madame [J] [T].
Suivant acte de commissaire de justice du 2 mai 2024, l’établissement public PARTENORD HABITAT a fait assigner Madame [O] [N], épouse [S], et l’Association pour le Soutien et l’Action Personnalisée dans le département du Nord (ASAPN) devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, à qui il demande de :
valider le congé donné par le locataire en application de l’article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989,déclarer Madame [N], épouse [S], sans droit au maintien dans les lieux et la condamner à délaisser les lieux et les rendre libres de toute personne et de tout bien, à défaut, autoriser l’établissement public PARTENORD HABITAT à faire procéder à l’expulsion de Madame [N], épouse [S], ainsi que tous les occupants introduits de son chef, dès la délivrance du commandement de quitter les lieux, si nécessaire avec l’assistance de la force publique,juger que Madame [N], épouse [S], ne bénéficiera pas du délai de deux mois prévu par les dispositions de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution,autoriser l’établissement public PARTENORD HABITAT à faire transporter les meubles et objets garnissant les lieux dans tout garde-meuble de son choix, aux frais, risques et périls de la locataire,condamner Madame [O] [N], épouse [S], à payer, en deniers ou quittances valables, à lui payer la somme de 2 229,81 euros au titre des loyers et charges dus à la date du 27 février 2024, augmentée des indemnités d’occupation ayant couru jusqu’au jugement à intervenir,juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de l’assignation,condamner Madame [O] [N], épouse [S], à lui payer, à compter de la résiliation du bail jusqu’à complète libération des lieux, une indemnité d’occupation égale au montant des loyers, charges et droits normalement dus, majorée des augmentations légales, condamner Madame [O] [N], épouse [S], à lui payer la somme de 3,98 euros par mois d’occupation au titre de l’assurance,condamner Madame [O] [N], épouse [S], à lui payer la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,juger n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,condamner Madame [O] [N], épouse [S], au paiement des entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’assignation et du procès-verbal de constat.
A l’audience du 27 mai 2024, l’établissement public PARTENORD HABITAT, représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif, sauf à actualiser la dette à la somme de 3 361,55 euros.
Madame [O] [N], épouse [S], régulièrement assignée à personne, n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter. L’Association pour le Soutien et l’Action Personnalisée dans le département du Nord (ASAPN), curatrice de Madame [O] [S], produit un certificat médical attestant de l’impossibilité pour Madame [O] [S] de se présenter à l’audience en raison de son état de santé. L’association curatélaire indique que Madame [O] [S] réside en EHPAD depuis la résiliation du contrat de bail, mais que les clefs du logement sont en possession de la fille de Madame [S], qui refuse de les restituer.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIVATION
I. Sur la résiliation du bail
Aux termes de l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023, applicable au litige, dispose que lorsqu'il émane du locataire, le délai de préavis applicable au congé est de trois mois. Le délai de préavis est toutefois d'un mois : 1° Sur les territoires mentionnés au premier alinéa du I de l'article 17 ; 2° En cas d'obtention d'un premier emploi, de mutation, de perte d'emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi ; 3° Pour le locataire dont l'état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile ; 3° bis Pour le locataire bénéficiaire d'une ordonnance de protection ou dont le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin fait l'objet de poursuites, d'une procédure alternative aux poursuites ou d'une condamnation, même non définitive, en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui ; 4° Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l'allocation adulte handicapé ; 5° Pour le locataire qui s'est vu attribuer un logement défini à l'article L. 831-1 du code de la construction et de l'habitation. Le locataire souhaitant bénéficier des délais réduits de préavis mentionnés aux 1° à 5° précise le motif invoqué et le justifie au moment de l'envoi de la lettre de congé. A défaut, le délai de préavis applicable à ce congé est de trois mois. Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'un commissaire de justice ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte du commissaire de justice ou de la remise en main propre. Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués. »
En l'espèce, par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 juin 2023, l’Association pour le Soutien et l’Action Personnalisée dans le département du Nord (ASAPN), en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs de Madame [O] [N], épouse [S], a manifesté son intention de résilier le contrat de bail.
Le congé prend effet à l'issue d'un délai de préavis réduit à un mois à compter de la remise du congé au bailleur, compte tenu de sa situation en zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants avec un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, soit à compter du 12 juin 2023 jusqu'au 13 juillet 2023.
En conséquence, le bail conclu entre les parties a été valablement résilié le 13 juillet 2023 et Madame [O] [N], épouse [S], n’est plus, depuis cette date, titulaire d’un droit d’occupation.
En conséquence, l’expulsion de Madame [O] [N], épouse [S], et de tout occupant de son chef, sera ordonnée dans les conditions fixées au présent dispositif, étant relevé qu’aucune circonstance du litige ne justifie de réduire le délai de deux mois prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution au titre des opérations d'expulsion. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur enlèvement, leur transport ni leur séquestration, qui demeurent de surcroît purement hypothétiques à ce stade.
II. Sur le montant des sommes dues au titre de l’arriéré locatif
En application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu au paiement du loyer et des charges aux termes convenus.
En vertu de l'article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l'occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail est réparé par l'allocation d'une indemnité mensuelle d'occupation due de la résiliation à la libération des lieux.
La restitution du local d’habitation est caractérisée par la remise des clés au propriétaire ou à son mandataire et un logement ne peut être considéré comme juridiquement libre d’occupation qu'à la date de remise des clés.
En l'espèce, l’établissement public PARTENORD HABITAT expose que Madame [O] [S] reste devoir la somme de 3 361,55 euros au 23 mai 2024, échéance d’avril 2024 incluse, au titre des indemnités d'occupation dues à compter du mois d’août 2023, les loyers ayant été correctement versés jusqu’à la résiliation du bail le 13 juillet 2023.
L’établissement public PARTENORD HABITAT fonde sa demande d’indemnité d’occupation sur le procès-verbal établi par Maître [V], huissier de justice à [Localité 6], le 28 novembre 2023, dont il ressort que lors de la réalisation de l’état des lieux de sortie, la curatrice de Madame [S] a indiqué ne pas être en mesure de remettre les clefs du logement, qui était toujours occupé par la fille de la locataire, Madame [J] [T]. Il ressort du procès-verbal produit aux débats que Madame [S], qui n’était pas présente, n’occupait plus le logement, dans lequel se trouvait un homme non identifié qui a indiqué que Madame [T], la fille de Madame [S], aurait rendu les clefs du logement prochainement.
Au regard de ces éléments, il n’est pas contesté que Madame [S] a effectivement quitté les lieux au mois de juillet 2023 et est depuis prise en charge en EHPAD. En outre, il n’est pas contesté que la locataire avait libéré les lieux de ses possessions mais qu’elle n’était pas en mesure de restituer les clefs du logement car ces dernières étaient en possession de sa fille, Madame [T], qui refusait de procéder à la restitution. Si le locataire est tenu du paiement de l’indemnité d’occupation jusqu’à la restitution des lieux qui s’entend par la remise des clefs, cette obligation est fondée sur la faute du locataire qui ne met pas le bailleur en état de reprendre possession du logement. En l’espèce, il apparaît que la locataire, majeure protégée particulièrement vulnérable, n’a pas commis de faute en ce qu’elle n’était pas en mesure de restituer les clefs pour des causes étrangères à sa volonté. Dans ces conditions, il appartenait au bailleur, professionnel informé de la situation par l’association curatélaire, de prendre les mesures nécessaires pour faire libérer les lieux, en saisissant notamment le tribunal judiciaire d’une demande d’expulsion des occupants sans droit ni titre du logement.
La demande en paiement d’une indemnité d’occupation par l’établissement public PARTENORD HABITAT sera rejetée, le bailleur ne caractérisant pas une faute permettant de condamner le locataire sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
III. Sur les autres demandes
L'article 696 du Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, Madame [O] [S], qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’assignation et de procès-verbal de constat.
Par ailleurs, il ressort de l'article 700 du même code que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au regard des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, l’équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, en application de l'article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de plein droit de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE la validité du congé délivré par Madame [O] [N], épouse [S], locataire, avec l’assistance de l’Association pour le Soutien et l’Action Personnalisée dans le département du Nord (ASAPN), en qualité de curateur, à l’établissement public PARTENORD HABITAT, par courrier réceptionné le 12 juin 2023, et concernant l’appartement à usage d’habitation situé à [Adresse 5], avec effet au 13 juillet 2023 ;
ORDONNE en conséquence, à défaut pour Madame [O] [N], épouse [S], de libérer les lieux et de restituer les clés dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, son expulsion des lieux sus-désignés ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
RAPPELLE qu’en application de l’article L433-1 du code des procédures civiles d’exécution « les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire » ;
REJETTE la demande en paiement de l’établissement public PARTENORD HABITAT au titre de l’indemnité d’occupation ;
DIT n’y avoir lieu à prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [O] [N], épouse [S], aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’assignation et de procès-verbal ;
RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit exécutoire par provision.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, par mise à disposition au greffe, le 26 août 2024.
LE GREFFIER LA JUGE