TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 24/00855 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YLQM
N° de Minute : 24/00139
ORDONNANCE DE REFERE
DU : 26 Août 2024
Association SOLIHA SOLIDAIRES POUR L'HABITAT
S.A. SOLIHA BATISSEURS DE LOGEMENTS D'INSERTION HAUTS DE FRANCE pour elle-même et venant aux droits de VILOGIA
C/
[F] [B]
[I] [B]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Association SOLIHA SOLIDAIRES POUR L'HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 2]
S.A. SOLIHA BATISSEURS DE LOGEMENTS D'INSERTION HAUTS DE FRANCE pour elle-même et venant aux droits de VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentées par Me Anne-laurence DELOBEL BRICHE, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [F] [B], demeurant [Adresse 3]
Mme [I] [B], demeurant [Adresse 3]
comparants en personne ;
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 03 Juin 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique dressé par Maître [M] [R], notaire à [Localité 4], le 3 novembre 2023, la société anonyme VILOGIA a accordé à la société anonyme SOLIHA Bâtisseurs de Logements d’Insertion Hauts de France, un bail emphytéotique portant sur plusieurs logements dont l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4].
Par mandat du 17 novembre 2023, la société SOLIHA Bâtisseurs de Logements d’insertion Hauts de France a donné mandat à l’association SOLIHA Métropole Nord de gérer plusieurs immeubles dont l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4], les louer, recevoir et encaisser les loyers, ainsi que les indemnités d’occupation, cautionnement, avances sur travaux, et sommes dont la perception est la conséquence de l’administration des biens gérés, et en cas de squat de bien, engager la procédure judiciaire d’expulsion à l’encontre des squatteurs.
Le 31 janvier 2024, un huissier de justice, a constaté l’occupation de l’immeuble susvisé par Monsieur [F] [B], Madame [I] [B] ainsi que leurs quatre enfants mineurs.
Par actes d'huissier signifiés le 7 mai 2024, l’association SOLIHA Solidaires pour l’Habitat, ainsi que la société SOLIHA Bâtisseurs de logements d’insertion Hauts de France ont fait assigner Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir :
- déclarer Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] occupant sans droit ni titre de l’immeuble situé au [Adresse 3] à [Localité 4] ;
- ordonner l’expulsion de Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] et tous occupants de leur chef, avec au besoin l’assistance de la force publique ;
- dire n’y avoir lieu à appliquer les délai des articles L.412-1, L.412-3 et L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution ;
- astreindre Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] au paiement de 50 euros par jour de retard ;
- condamner solidairement Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
L'affaire a été appelée à l’audience du 3 juin 2024 à laquelle elle a été retenue.
La société anonyme SOLIHA Bâtisseurs de logements d’insertion Hauts de France ainsi que l’association SOLIHA Solidaires pour l’Habitat, représentées par leur conseil, maintiennent les demandes formulées dans l’assignation.
Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] comparaissent en personne et indiquent avoir acheté le bail auprès d’une personne qui leur a demandé 1 500 euros, leur indiquant que le propriétaire ferait un bail pour la suite. Ils expliquent que le logement présentaitdes traces d’effraction mais qu’ils ne s’en sont pas inquiétés. Ils sollicitent des délais pour quitter les lieux et expliquent avoir quatre enfants âgés de 5, 7, 14 et 15 ans, percevoir environ 1 500 euros chacun par mois.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 24 juin 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIVATION
Sur la demande d’expulsion :
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété. Le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d'obtenir en référé l'expulsion des occupants.
En l’espèce, il ressort des constatations rapportées dans le procès-verbal du 31 janvier 2024 que la fille de Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B], âgée de 15 ans, était présente dans les lieux et a indiqué occuper le logement, avec sa famille. A l’audience, Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] confirment occuper le logement, et ne pas avoir conclu de bail ou de convention d’occupation portant sur les lieux.
Il apparaît que Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] occupent donc le logement sans droit ni titre. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner l'expulsion de Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B], ainsi que des occupants de leur chef, du logement situé au [Adresse 3] à [Localité 4].
Par ailleurs, il convient de rejeter la demande d’astreinte non suffisamment justifiée.
Sur les délais pour quitter les lieux :
Aux termes de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Ce délai ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Conformément à une jurisprudence constante, la voie de fait ne doit pas se déduire de la seule occupation sans droit ni titre et suppose des actes matériels positifs de la part de l’occupant tels que des actes de violence ou d’effraction qui ne sont pas caractérisés au cas d’espèce.
En l’espèce, le procès-verbal de constat ne fait mention d’aucune trace d’effraction, et Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] contestent avoir commis des violences ou forcé la porte pour s’installer dans le logement, indiquent que les clefs leur ont été remises en l’échange d’argent. Par conséquent, à défaut de preuve d'une voie de fait, il convient d’écarter la demande de l’association SOLIHA Solidaires pour l’Habitat, ainsi que la société SOLIHA Bâtisseurs de logements d’insertion Hauts de France tendant à obtenir la suppression du délai de deux mois du commandement de quitter les lieux.
Selon l'article L.412-6 du même code, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa.
En l'espèce, il ne résulte d'aucune pièce aux débats que les lieux litigieux constituaient le domicile d'autrui de sorte que l'alinéa 2 de l'article précité ne reçoit pas application. A défaut de caractérisation d’introduction dans le logement par manoeuvres, menaces, voie de fait ou contrainte, il n’y a pas lieu de supprimer les délais de l’article L.412-6 du code de procédures civiles d’exécution.
L’article L412-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Il ressort de l’article L.412-4 du même code que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
S’il apparaît que Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] occupent le logement avec quatre enfants mineurs âgés de 5 à 15 ans, ces derniers justifient de revenus de 1 500 euros chacun par mois et ne démontrent pas avoir effectué de démarches tendant à obtenir un nouveau logement. En conséquence, ils ne démontrent pas que leur relogement ne peut pas avoir lieu dans des conditions normales. Par conséquent, il convient de rejeter leur demande de délais sur le fondement de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution.
Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] conservent la possibilité de saisir le juge de l’exécution pour solliciter des délais sur le fondement de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, en justifiant de démarches tendant à obtenir un nouveau logement.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de débouter l’association SOLIHA Solidaires pour l’Habitat et la société SOLIHA Bâtisseurs de logements d’insertion Hauts de France de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
Il est rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En application de l'article 514-1 du code de procédure civile, par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort ;
Au principal, invitons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, au provisoire,
ORDONNONS à Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] ainsi que tout occupant de leur chef de quitter l'immeuble situé au [Adresse 3] à [Localité 4] à compter de la signification de la présente ordonnance ;
ORDONNONS à défaut d'exécution volontaire l'expulsion de Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] des lieux sus-désignés ainsi que celle de tous occupants de leur chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
RAPPELONS qu'en application de l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution “les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire” ;
REJETONS la demande de délais sur le fondement de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
REJETONS la demande de suppression des délais prévus par les articles L.412-1 et L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution ;
REJETONS la demande d’astreinte ;
DISONS n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNOS Monsieur [F] [B] et Madame [I] [B] in solidum aux dépens;
RAPPELONS que la présente décision est de droit assortie de l'exécution provisoire.
Ainsi jugé et prononcé le 26 Aout 2024 par mise à disposition au greffe.
La GREFFIÈRE Le PRESIDENT