TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 24/00693 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YIVM
N° de Minute : 24/00163
ORDONNANCE DE REFERE
DU : 26 Août 2024
S.C.I. [Adresse 5]
C/
[G] [B]
[Y] [M]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR
S.C.I. [Adresse 5], dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 8]
représentée par Me Jean-Roch PARICHET, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEURS
Madame [G] [B] demeurant [Adresse 7] - [Localité 8]
Monsieur [Y] [M], demeurant [Adresse 7] - [Localité 8]
non comparants
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Mai 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG N°693/24 – Page KB
EXPOSE DU LITIGE
La société civile immobilière (ci-après S.C.I) [Adresse 5] est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation et de garages situés à [Localité 8], [Adresse 7] et cadastrés sections CI numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3].
Selon procès-verbal d’huissier du 1er décembre 2023, Maître [T] [S] [H], commissaire de justice, a constaté l’occupation de [Adresse 7], a recueilli les déclarations de Madame [G] [B], qui a indiqué occuper l’appartement numéro 301 situé au deuxième étage avec Monsieur [Y] [M].
Par acte de commissaire de justice signifié le 19 février 2024, la SCI [Adresse 5] a fait assigner Madame [B] et Monsieur [M], en référé, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de :
- voir constater que Madame [B] et Monsieur [M] occupent sans droit ni titre le logement à usage d’habitation situé à [Localité 8], [Adresse 7] ;
- ordonner l’expulsion de Madame [B] et Monsieur [M], ainsi que de tout occupant de leur chef avec au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
- constater la voie de fait et débouter Madame [B] et Monsieur [M] de toute demande éventuelle de délais pour quitter les lieux ;
- supprimer le délai de deux mois du commandement de quitter les lieux ;
- supprimer le bénéfice de la trêve hivernale ;
- dire que les meubles se trouvant dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants du code de procédure civile d’exécution ;
- condamner in solidum Madame [B] et Monsieur [M] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de constat de l’huissier de justice ;
L'affaire a été appelée à l’audience du 12 avril 2024.
Selon jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le jour même, la citation en justice a été déclarée caduque en raison de l’absence de la société demanderesse à l’audience.
Régulièrement assignés par remise respectivement à personne et à domicile, Madame [B] et Monsieur [M], n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
Selon ordonnance du 22 avril 2024, la caducité a été rapportée, le demandeur justifiant de son absence par un motif légitime et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 27 mai 2024.
A cette audience, la SCI [Adresse 5], représentée par son conseil, maintient les demandes formulées dans l’assignation.
Régulièrement avisés de l’ordonnance relevant la caducité et de la date de renvoi de l’affaire par lettres recommandés avec accusés de réception, Madame [B] et Monsieur [M] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
A l'issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 26 août 2024.
MOTIVATION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de Madame [B] et Monsieur [M] à l’audience ne fait pas obstacle à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige.
En application de l’article 473 du code de procédure civile, le jugement sera qualifié de réputé contradictoire du seul fait qu’il est susceptible d’appel.
Sur la demande d’expulsion :
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété. Le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d'obtenir en référé l'expulsion des occupants.
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier du 1er décembre 2023, ainsi que du procès-verbal de signification du 19 février 2024, que Madame [B] et Monsieur [M] occupent [Adresse 7], au [Adresse 7] à [Localité 8] sans être titulaires d’un titre d’occupation et sont par conséquent occupants sans droit ni titre.
Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner leur expulsion de [Adresse 7], situé à [Localité 8], [Adresse 7], ainsi que celle de tous occupants de leurs chefs avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier.
Sur les délais pour quitter les lieux :
1Aux termes de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Ce délai ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
1Conformément à une jurisprudence constante, la voie de fait ne doit pas se déduire de la seule occupation sans droit ni titre et suppose des actes matériels positifs de la part de l’occupant tels que des actes de violence ou d’effraction qui ne sont pas caractérisés au cas d’espèce.
Par conséquent, à défaut de preuve d'une voie de fait, il convient d’écarter la demande de la société [Adresse 5] tendant à obtenir la suppression du délai de deux mois du commandement de quitter les lieux.
Selon l'article L.412-6 du même code, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa.
En l'espèce, il ne résulte d'aucune pièce aux débats que les lieux litigieux constituaient le domicile d'autrui de sorte que l'alinéa 2 de l'article précité ne reçoit pas application. A défaut de caractérisation d’introduction dans le logement par manœuvres, menaces, voie de fait ou contrainte, il n’y a pas lieu de supprimer les délais de l’article L.412-6 du code de procédures civiles d’exécution.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, Madame [B] et Monsieur [M], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
En l’espèce, au vu des situations économique respectives des parties et de l’équité, il convient de dire n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
Il est rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort ;
Au principal, invitons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, au provisoire,
ORDONNONS à Monsieur [Y] [M] et à Madame [G] [B] et à tout occupant de leur chef, de quitter l'immeuble situé à [Localité 8], [Adresse 7] ([Adresse 7]) à compter de la signification de la présente ordonnance ;
ORDONNONS, à défaut d'exécution volontaire, l'expulsion des lieux sus-désignés de Monsieur [Y] [M] et à Madame [G] [B] et tout occupant de leur chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
RAPPELONS qu'en application de l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution “les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire” ;
DISONS que la présente décision sera transmise par les soins du greffe au représentant de l’Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement des occupants dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la loi 90-449 du 31 mai 1990 ;
REJETONS la demande de suppression du délai prévu par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
REJETONS la demande de suppression du délai de l’article L.412-16 du code des procédures civiles d’exécution ;
REJETONS la demande société civile immobilière [Adresse 5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS in solidum Monsieur [Y] [M] et à Madame [G] [B] aux dépens ;
RAPPELONS que la présente décision est, de droit, assortie de l'exécution provisoire.
Ainsi jugé et prononcé à Lille le 26 août 2024 par mise à disposition au greffe.
La GREFFIERE La PRESIDENTE