TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 24/00618 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YHBY
N° de Minute : 24/00140
ORDONNANCE DE REFERE
DU : 26 Août 2024
[J] [M]
[G] [B]
C/
[X] [R] [U]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Mme [J] [M], demeurant [Adresse 5] - [Localité 4]
M. [G] [B], demeurant [Adresse 5] - [Localité 4]
représentés par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
Mme [X] [R] [U], demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]
comparante en personne ;
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 03 Juin 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG 24/618 – Page - SD
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation située au [Adresse 2] à [Localité 6].
Le 24 janvier 2023, Madame [M] a consenti à Madame [X] [U] un bail d’habitation avec effet au 1er février 2023, d’une durée minimale d’un an, portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 6], pour un loyer mensuel de 1 200 euros.
Par acte authentique du 8 février 2023, Monsieur [B] et Madame [M], d’une part, et Madame [U], d’autre part, ont signé un compromis de vente portant sur la maison à usage d’habitation située au [Adresse 2] à [Localité 6] ainsi qu’un garage pour le montant de 540 000 euros, sans condition suspensive d’obtention d’un prêt.
Par acte d’huissier signifié le 23 juin 2023, les propriétaires ont fait sommation à Madame [U] de signer l’acte de vente le 5 juillet 2023 et de régler le prix de vente du bien.
Par ailleurs, à compter du mois de mars 2023, Madame [U] ne s’est pas acquittée régulièrement du loyer.
Par acte de commissaire de justice signifié le 28 mars 2024, Madame [M] et Monsieur [G] ont assigné en référé Madame [U] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir :
Constater la résiliation du bail litigieux avec effet au 31 janvier 2024 ;Ordonner l’expulsion de Madame [U] et tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force public ;Condamner Madame [U] à leur verser la somme provisionnelle de 4 800 euros au titre des loyers et charges dus du 1er février 2023 au 31 janvier 2024 ;Fixer l’indemnité d’occupation due par Madame [U] à compter du 1er février 2024 à la somme mensuelle de 1 200 euros jusqu’à libération effective des lieux ;Condamner Madame [U] à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 euros du code de procédure civile, outre leur condamnation solidaire aux dépens.
L'affaire appelée pour la première fois à l'audience du 3 juin 2024, à laquelle elle a été retenue.
A cette audience, Madame [M] et Monsieur [B], représentés par leur conseil, s’en rapportent aux demandes contenues dans l’assignation, mais indiquent qu’au jour de l’audience, l’arriéré locatif s’élève à la somme de 8 600 euros.
Madame [U], comparaissant en personne, indique que sa fille, âgée de 22 ans, a fait l’objet d’une hospitalisation en psychiatrie, ce qui a conduit Madame [U] à quitter son emploi et à ne plus s’acquitter du loyer. Elle explique ne pas être en mesure de verser le prix de vente, et ne pas disposer de revenus à l’heure actuelle. Elle indique avoir déposé un dossier auprès de la caisse des allocations familiales, avoir sollicité le bénéfice d’un logement social, et avoir demandé à bénéficier du revenu de solidarité active (RSA). Elle sollicite des délais pour quitter le logement.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la régularité du congé délivré par le bailleur et ses conséquences
En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. L’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.
Par ailleurs, selon l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. À peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.
À l’expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d’occupation des locaux loués.
Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
À l’expiration du délai de préavis, le locataire qui n’a pas accepté l’offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d’occupation sur le local. Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification. Le bailleur ne peut donner congé au locataire que par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signification par acte d’huissier ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.
En l’espèce, le bail consenti à Madame [U] le 23 janvier 2023 avec effet au 1er février 2023 pour une durée réduite d’un an, devait expirer le 31 janvier 2024.
Le bailleur justifie avoir fait délivrer un congé pour vente, à effet au 31 janvier 2024, à Madame [U] le 28 juillet 2023, soit plus de six mois avant l’échéance précitée.
Ce congé rappelle le motif du congé délivré pour vente et contiennent une offre de vente, dont il est précisé qu’elle est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis et reproduit les cinq premiers alinéas de l’article 15 II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Dès lors, le congé délivré dans les formes et délais légaux requis, qui n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation, est bien régulier.
La locataire ne s’est pas portée acquéreur du bien pendant le délai imparti. Par conséquent, le bail s’est trouvé résilié de manière non sérieusement contestable par l’effet du congé le 31 janvier 2024.
Il est établi que Madame [U] s’est maintenue dans les lieux après la fin du contrat de bail.
Madame [U] se trouve ainsi occupante sans droit ni titre du local litigieux depuis le 1er février 2024 et il convient d’ordonner son expulsion, ainsi que l’expulsion de tous occupants de son chef, dans les conditions prévues par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités fixées au dispositif de la présente ordonnance.
II. Sur la provision au titre de l’indemnité mensuelle d’occupation
En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d’une indemnité d’occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.
Par ailleurs, aux termes du contrat de bail signé le 24 janvier 2023, le loyer était initialement fixé à la somme de 1 200 euros par mois. Madame [U] sera condamnée au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle de 1 200 euros, pour la période courant du 1er février 2024 à la date de la libération effective et définitive des lieux.
III. Sur la demande en paiement au titre de l’arriéré locatif
Il ressort du décompte produit par Madame [M] et Monsieur [B] qu’au 3 juin 2024, Madame [U] était redevable de la somme de 8 600 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés du mois de mars 2023 au mois de juin 2024, y inclus l’échéance du mois de juin 2024.
En l’absence de contestation relative au montant de l’arriéré locatif, Madame [U] sera condamnée au paiement de la somme de 8 600 euros au titre de provision sur l’arriéré locatif.
IV. Sur la demande de délais pour quitter les lieux
L’article L412-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Il ressort de l’article L.412-4 du même code que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
S’il apparaît que Madame [U] occupe le logement avec sa fille, qui a connu d’importants problèmes de santé, ce qui rend difficile son relogement, Madame [U] ne justifie pas, lors de l’audience, des démarches effectuées pour obtenir un nouveau logement et reconnaît de pas s’être occupée de la situation pendant un certain temps en raison des difficultés de sa fille. En outre, elle ne dispose pas de revenus et n’est donc pas en mesure d’indemniser les propriétaires pour l’occupation prolongée des lieux. En conséquence, il convient de rejeter la demande de délais sur le fondement de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution.
Madame [U] conserve la possibilité de saisir le juge de l’exécution pour solliciter des délais sur le fondement de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, en justifiant de démarches tendant à obtenir un nouveau logement.
V. Sur les autres demandes
Madame [U], partie perdante, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile. Il n’est toutefois aucunement justifié de faire porter le coût du congé pour vendre aux défendeurs qui ne relève pas d’un acte nécessaire de la procédure, mais d’un acte à la seule initiative du demandeur.
Il est inéquitable de laisser au demandeur la charge de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué une somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit et sera rappelée.
PAR CES MOTIFS :
Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais, dès à présent, vu l’urgence et l’absence de contestation sérieuse,
CONSTATONS que les conditions de délivrance à Madame [X] [U] par Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] d’un congé pour vente relatif au bail conclu le 24 janvier 2023, concernant l’appartement à usage d’habitation situé au situés [Adresse 2] à [Localité 6], sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 31 janvier 2024 à minuit ;
ORDONNONS, en conséquence, à Madame [X] [U] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
DISONS qu’à défaut pour Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
CONDAMNONS Madame [X] [U] à verser à Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] la somme de 8 600 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 3 juin 2024, échéance du mois de juin 2024 incluse ;
CONDAMNONS Madame [X] [U] à verser à Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] une indemnité provisionnelle mensuelle d’occupation d’un montant de 1 200 euros, à compter du 1er juillet 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;
CONDAMNONS Madame [X] [U] à verser à Monsieur [G] [B] et Madame [J] [M] la somme de 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS Madame [X] [U] aux dépens ;
RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits par la Juge et la Greffière susnommées.
Ainsi, jugé et prononcé le 26 Août 2024 par mise à disposition au greffe.
Le GREFFIER Le PRESIDENT