TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 6]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/11112 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XZNK
N° de Minute : L 24/00475
JUGEMENT
DU : 26 Août 2024
[G] [T] épouse [P]
C/
[H] [Z]
[J] [M]
[W] [M]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEURS
Madame [G] [T] épouse [P], demeurant [Adresse 3]
comparante en personne
ET :
DÉFENDEURS
Madame [H] [Z], demeurant [Adresse 4]
comparante en personne
Monsieur [J] [M], demeurant [Adresse 7]
comparant en personne
Monsieur [W] [M], demeurant [Adresse 2]
non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 03 Juin 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assistée de DEHAUDT, Greffier
RG n°23/11112 – Page KB
EXPOSÉ DES FAITS
Par acte sous seing privé du 30 juin 2021, Mme [G] [T] épouse [P] a consenti un bail d’habitation à M. [J] [M] et Mme [H] [Z] sur des locaux situés au [Adresse 7] à [Localité 8], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 900 euros.
Par acte sous seing privé du 27 septembre 2021, Monsieur [W] [M] s’est porté caution solidaire de M. [J] [M] et Mme [H] [Z].
Par actes de commissaire de justice des 7 et 9 juin 2023, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 3 053 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.
Ce commandement a également été dénoncé à la caution le 13 juin 2023.
La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [J] [M] et Mme [H] [Z] le 16 juin 2023.
Par assignations signifiées les 10 et 16 novembre 2023, Mme [G] [T] épouse [P] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [J] [M] et Mme [H] [Z] et obtenir leur condamnation solidaire avec M. [W] [M] au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,6 653 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 1er octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 17 novembre 2023, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.
À l'audience du 3 juin 2024, Mme [G] [T] épouse [P] maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 3 juin 2024, s'élève désormais à 13 853 euros, comprenant le loyer du mois de juin 2024. Elle indique qu’aucun paiement n’est intervenu depuis le mois de juin 2023. Elle ajoute avoir eu connaissance du départ de Mme [H] [Z], mais indique que cette dernière ne s’est pas désolidarisée du bail. Elle s’oppose à l’octroi de délais de paiement.
M. [J] [M], comparant en personne, explique qu’il occupe toujours le logement. Il confirme que Mme [H] [Z] a quitté le logement. Il explique percevoir environ 1 500 euros par mois en tant qu’intérimaire et avoir trois enfants mineurs en garde alternée. Il reconnaît le montant de l’arriéré locatif, mais sollicite des délais pour s’acquitter de la dette.
Mme [H] [Z], comparant en personne, précise avoir quitté le logement le 16 mai 2023 et présent un contrat de bail conclu le 17 mai 2023.
Bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré à personne, M. [W] [M] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
I. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
- Sur la recevabilité de la demande
Mme [G] [T] épouse [P] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
- Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer, demeuré infructueux.
En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail a été signifié aux locataires les 7 et 9 juin 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 3 053 euros n’a pas été réglée par ces derniers dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.
La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 8 août 2023.
Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge.
Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge.
Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience et du diagnostic social et financier réalisé dans les conditions de l’article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, que M. [J] [M], qui sollicite des délais de paiement, n’a pas repris le paiement intégral du paiement du loyer avant l’audience. Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de délais de paiement.
Il convient, en conséquence, d’ordonner aux locataires ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, Mme [G] [T] épouse [P] à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.
Cependant, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, il convient de rappeler que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance aux locataires d'un commandement de quitter les lieux.
II. Sur la demande en paiement au titre de la dette locative
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.
L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En cas de maintien dans les lieux des locataires ou de toute personne de leur chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’à la date de l’acquisition de la clause résolutoire, M. [J] [M] et Mme [H] [Z], qui n’occupait plus le logement mais ne s’était pas désolidarisée du contrat de bail, étaient solidairement tenus du paiement de la somme de 4 193 euros, après prise en compte proportionnelle du loyer pour le mois d’août, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Cependant, la clause de solidarité ne survit pas à la cessation du bail de sorte qu'elle ne s'étend pas à l'indemnité d’occupation postérieure à sa résiliation. En outre, l’indemnité d’occupation, allouée sur le fondement de l’article 1240 du code civil, n’est due que par le locataire qui se maintient effectivement dans les lieux. Mme [H] [Z], dont il n’est pas contesté qu’elle ait quitté le logement le 16 mai 2023, antérieurement à l’acquisition de la clause résolutoire, comme il ressort d’ailleurs du procès-verbal de signification du commandement de payer du 9 juin 2023, qui lui a été signifié à son nouveau domicile à [Localité 9], n’est donc pas tenue du paiement de l’indemnité d’occupation, qui incombe uniquement à M. [J] [M], qui ne conteste pas occuper le logement le jour de l’audience.
Monsieur [J] [M] est donc tenu du paiement de l’indemnité d’occupation payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 8 août 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à Mme [G] [T] épouse [P] ou à son mandataire.
III. Sur la condamnation solidaire de la caution
Aux termes de l’article 2288 du code civil, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
En outre, l’article 22-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dans sa version applicable à la date de l’acte de cautionnement prévoit que la personne physique qui se porte caution signe l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.
En l’espèce, l’acte de cautionnement versé aux débats indique que M. [W] [M] se porte caution solidaire de M. [J] [M] et de Mme [H] [Z] pour le paiement du loyer mensuel ainsi que des indemnités d’occupation, réparations locatives et frais éventuels de procédure. Le montant du loyer ainsi que l’avant dernier alinéa de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 sont reproduis par l’acte, qui est donc conforme aux exigences de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version en vigueur lors de la rédaction de l’acte.
Par conséquent, il convient de condamner M. [W] [M], solidairement avec M. [J] [M] et Mme [H] [Z], à verser à Mme [G] [T] épouse [P] la somme de 4 193 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 8 août 2023.
Par ailleurs, M. [W] [M] sera également tenu, solidairement avec M. [J] [M], du paiement de l’indemnité d’occupation due par ce dernier jusqu’à libération des lieux.
IV. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
M. [J] [M], Mme [H] [Z] et M. [W] [M], qui succombent à la cause, seront condamnés in solidum aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 500 euros à la demande de Mme [G] [T] épouse [P] concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.
Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DECLARE recevable l’action introduite par Mme [G] [T] épouse [P] ;
CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer des 7 et 9 juin 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,
CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 30 juin 2021 entre Mme [G] [T] épouse [P], d’une part, et M. [J] [M] et Mme [H] [Z], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 7] à [Localité 8] est résilié depuis le 8 août 2023,
DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. [J] [M] et Mme [H] [Z], sans préjudice des délais qui pourraient leur être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement,
ORDONNE à M. [J] [M] et Mme [H] [Z] de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au [Adresse 7] à [Localité 8] ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,
DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique,
DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,
CONDAMNE solidairement M. [J] [M] et M. [W] [M] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 900 euros par mois,
DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 8 août 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,
CONDAMNE M. [J] [M] et Mme [H] [Z] solidairement avec M. [W] [M], à payer à Mme [G] [T] épouse [P] la somme de 4 193 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 8 août 2023, échéance du mois d’août 2023 comprise au prorata, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
RAPPELLE à M. [J] [M] qu'il peut saisir la commission de médiation, à condition de justifier du dépôt préalable de l'enregistrement d'une demande de logement social pourvue d'un numéro unique et, le cas échéant, renouvelé ou à défaut d'apporter la justification de l'absence de demande.
Pour saisir la commission de médiation, il convient d'utiliser le formulaire CERFA N°15036*1, téléchargeable sur le site internet des services de l'Etat dans le NORD "nord.gouv.fr", à retourner complété et accompagné de toutes les pièces justificatives requises à l'adresse suivante :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA COHESION SOCIALE
Mission accès au logement
Secrétariat de la commission médiation DALO
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe au représentant de l’Etat dans le département pour information ;
CONDAMNE M. [J] [M] et Mme [H] [Z], in solidum avec M. [W] [M], à payer à Mme [G] [T] épouse [P] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] [M] et Mme [H] [Z], solidairement avec M. [W] [M], aux dépens de l’instance, comprenant notamment le coût des commandements de payer des 7 et 9 juin 2023 et celui des assignations des 10 et 16 novembre 2023,
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 août 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière La Juge