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26/08/2024 | FRANCE | N°22/10336

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 26 août 2024, 22/10336


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 22/10336 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WVV3

N° de Minute : 24/00462

JUGEMENT

DU : 26 Août 2024





S.A. COFIDIS


C/

[S] [J]
[E] [M]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 26 Août 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.A. COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 4]



représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barre

au de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

Mme [S] [J], demeurant [Adresse 2] CANADA


M. [E] [M], demeurant [Adresse 2] CANADA



non comparants




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 22/10336 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WVV3

N° de Minute : 24/00462

JUGEMENT

DU : 26 Août 2024

S.A. COFIDIS

C/

[S] [J]
[E] [M]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 26 Août 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [S] [J], demeurant [Adresse 2] CANADA

M. [E] [M], demeurant [Adresse 2] CANADA

non comparants

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Mai 2024

Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG : 22/10336 – Page - SD

EXPOSÉ DES FAITS

Suivant offre de contrat acceptée le 15 mars 2018, la société anonyme COFIDIS a consenti à M. [E] [M] et Mme [S] [J] un crédit à la consommation sous la forme d’un regroupement de crédits d’un montant de 20 300 euros, remboursable en 84 mensualités de 293,45 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 5,68 % et un taux annuel effectif global de 5,59 %.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société COFIDIS a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2020, mis en demeure M. [E] [M] et Mme [S] [J] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.

Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 septembre 2020, la société COFIDIS leur a finalement notifié la déchéance du terme, et les a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Par actes de commissaire de justice du 13 janvier 2022, la société COFIDIS a ensuite fait assigner M. [E] [M] et Mme [S] [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, afin d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer les sommes suivantes :

19 234,03 euros au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 15 mars 2018, outre intérêts au taux contractuel de 5,68 % à compter de la mise en demeure,
500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 avril 2022, lors de laquelle le juge des contentieux de la protection a relevé d'office les moyens pris de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La société COFIDIS, représentée par son conseil, s’en est rapportée aux demandes contenues dans l’assignation.

M. [E] [M] et Mme [S] [J] n'ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter. Il ressort des documents produits l’huissier mandaté par la société COFIDIS au [Localité 5], Canada, n’a pas pu signifier l’assignation en raison du changement d’adresse des défendeurs.

Par jugement du 30 mai 2022, le juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de produire leurs observations sur la violation des dispositions de l’article 688 code de procédure civile et notamment le respect du délai de six mois depuis l’envoi de l’acte.

Lors de l’audience de réouverture le 3 octobre 2022, la société COFIDIS a maintenu ses demandes initiales et remis un procès-verbal de démarches. Les défendeurs n’étaient ni présents ni représentés.

Par jugement du 5 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection a de nouveau réouvert les débats, pour permettre à la société COFIDIS de produire ses observations sur la violation des dispositions de l’article 687-1 du code de procédure civile prévoyant que lorsque les destinataires n’ont plus de résidence connue, l’huissier de justice relate dans l’acte les indications fournies et procède à la signification en adressant au destinataire une copie du procès-verbal attestant des diligences accomplies et l’informant du fait qu’il peut se faire remettre une copie de l’acte.

L’affaire a été appelée en réouverture des débats le 13 février 2023, et a fait l’objet de nombreux renvois à la demande de la société COFIDIS, pour lui permettre de régulariser l’assignation.

L’affaire a été retenue à l’audience du 27 mai 2024, lors de laquelle le juge des contentieux de la protection a relevé d'office les moyens pris de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La société COFIDIS, représentée par son avocat, s'en est rapportée aux demandes contenues dans l’assignation.

M. [E] [M] et Mme [S] [J] n’ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.

L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

I. Sur la régularité de l’assignation

Les défendeurs résidant au Canada, il convient de s’assurer que les règles concernant la signification des actes à l’étranger ont été respectées.

L’article 688 du code de procédure civile dispose, en matière de notification des actes à l’étranger, que la juridiction est saisie de la demande formée par assignation par la remise qui lui est faite de l'acte complété par les indications prévues à l'article 684-1 ou selon le cas, à l'article 687-1, le cas échéant accompagné des justificatifs des diligences accomplies en vue de sa notification au destinataire. S'il n'est pas établi que le destinataire d'un acte en a eu connaissance en temps utile, le juge saisi de l'affaire ne peut statuer au fond que si les conditions ci-après sont réunies :
1° L'acte a été transmis selon les modes prévus par les règlements européen ou les traités internationaux applicables ou, à défaut de ceux-ci, selon les prescriptions des articles 684 à 687 ;
2° Un délai d'au moins six mois s'est écoulé depuis l'envoi de l'acte ;

3° Aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis.

Le Canada ayant adhéré à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile, les dispositions de cette dernière sont applicables conformément à l’article 688 du code de procédure civile.

La Convention de La Haye prévoit que chaque état désigne une autorité centrale auquel l’officier ministériel compétent adresse une demande selon le modèle prévu par la Convention, et que l’autorité centrale de l’Etat fait procéder à la signification de l’acte selon les formes prescrites de l’Etat requis, en l’espèce le Canada, soit selon la forme particulière demandée par le requérant. L’autorité centrale établit une attestation par laquelle elle relate l’exécution de la notification, et précise la forme, le lieu et la date de l’exécution ainsi que la personne à laquelle l’acte a été remis, ou précise le fait qui aurait empêché l’exécution.

En l’espèce, il ressort de l’attestation adressée le 22 mars 2022 par l’autorité centrale du [Localité 5] à l’huissier mandaté par la société COFIDIS que conformément à la Convention de La Haye, l’assignation a été transmise par l’huissier mandaté en France à l’autorité centrale de l’Etat requis, soit au ministère de la justice du [Localité 5] le 13 janvier 2022, que l’autorité centrale a fait procéder à la signification de l’acte par Monsieur [G] [X], huissier de justice à [Localité 5], qui s’est déplacé à l’adresse indiquée le 23 février 2022 et a constaté que M. [E] [M] et Mme [S] [J] avaient changé de domicile.

Cette attestation, conformément à l’article 6 de la convention, relate le fait qui a empêché la signification de l’acte.

Conformément à l’article 688 du code de procédure civile, l’acte a donc été transmis selon les traités internationaux applicables, un délai d’au moins 6 mois s’est écoulé depuis l’envoi de l’acte et aucun justificatif de remise de l'acte n'a pu être obtenu nonobstant les démarches effectuées auprès des autorités compétentes de l'Etat où l'acte doit être remis.

Par ailleurs, conformément à l’article 687-1 du code de procédure civile, qui renvoie aux dispositions de l’article 659 du même code, la société COFIDIS justifie avoir adressé aux destinataires, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal.

La juridiction est donc saisie de la demande formée.

II. Sur la demande en paiement du solde du prêt
 
- Sur la recevabilité de l’action
 
Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que le délai de forclusion est une fin de non-recevoir. Par application de l’article 125 du même code, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.
En application des dispositions de l'article R.312-35, les actions engagées au titre d’un crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
Les dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation étant d’ordre public, la forclusion doit être soulevée d’office.
En l'espèce, il ressort de l’historique de compte produit par l’établissement de crédit concernant le contrat conclu le 15 mars 2018 que le premier incident de paiement non régularisés date du 11 février 2022.
Par conséquent, l’action en paiement du solde des deux crédits, introduite par assignation du 13 janvier 2022, soit moins de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, est recevable. 

- Sur la déchéance du terme
 Aux termes de l'article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. 
La société COFIDIS justifie avoir adressé à M. [E] [M] et Mme [S] [J] le 3 septembre 2020 un courrier recommandé aux termes duquel elle les mis en demeure de lui régler les échéances impayées dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.
Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 septembre 2020, la société COFIDIS leur a finalement notifié la déchéance du terme, et les a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Il résulte des pièces produites au débat et notamment de l’historique des règlements et du détail de la créance qu'aucun règlement n'est intervenu dans le délai imparti, de sorte que la déchéance du terme du contrat est valablement intervenue le 20 septembre 2020.
 
- Sur le montant de la créance 

L’article L.312-12 du code de la consommation exige du prêteur ou de l'intermédiaire de crédit qu'il donne à l'emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, par écrit ou sur un autre support durable dont le contenu et la présentation sont définis par les articles R.312-2 et suivants, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

L’article L.341-1 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L.312-12 est déchu du droit aux intérêts.

Il appartient à la banque d’apporter la preuve de ce qu’elle a satisfait aux obligations qui lui incombent par application des dispositions du code de la consommation. La production par la banque de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisée, sans la signature ou les initiales de l’emprunteur, ne permet pas de venir corroborer la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne.

En l’espèce, le crédit souscrit le 15 mars 2018 contient une clause intitulée « acceptation de l’offre du contrat » par laquelle les emprunteurs attestent avoir reçu et conservé la fiche d’information précontractuelle. Cette clause constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Toutefois, la société COFIDIS produit seulement une copie de la fiche d’informations pré-contractuelles européenne normalisée, fiche qui ne comporte ni la signature ni le paraphe des emprunteurs. Ce document, qui émane de la seule banque et ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt, ne permet pas d’établir que la banque a respecté les exigences de l’article L.312-12 du code de la consommation.

En l'absence de production par la demanderesse d'autre élément susceptible d'apporter cette preuve, il convient donc de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts depuis l'origine sur ce fondement.

Conformément à l'article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.

Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

En l’espèce, le taux d’intérêt prévu par les contrats est de 5,68% et de 5,66%, alors que le taux d’intérêt légal est fixé à 5,07% au premier semestre 2024. Au regard de la nécessité que les sanctions soient dissuasives, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l'encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.

Il convient, en conséquence, d'écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

Les sommes dues se limiteront par conséquent à la somme de 13 097,31 euros, correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [E] [M] et Mme [S] [J] (20 300 euros) et celui, justifié et non contesté, des règlements effectués par ces derniers (7 202,69 euros).

III. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [E] [M] et Mme [S] [J], qui succombent à l'instance, seront condamnés in solidum aux dépens.

En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable l’action introduite par la société anonyme COFIDIS ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société anonyme COFIDIS au titre du crédit souscrit le 15 mars 2018 par M. [E] [M] et Mme [S] [J],

ÉCARTE l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,

CONDAMNE solidairement M. [E] [M] et Mme [S] [J] à payer à la société COFIDIS la somme de 13 097,31 euros, à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité,

DIT que cette somme ne produira pas d'intérêt, même au taux légal,

DÉBOUTE la société anonyme COFIDIS du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [E] [M] et Mme [S] [J] aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Ainsi signé par la juge et la greffière susnommées et mis à disposition des parties le 26 août 2024.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 22/10336
Date de la décision : 26/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-26;22.10336 ?
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