TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/01466
N° Portalis DBZS-W-B7H-XVFS
N° de Minute : 24/00152
ORDONNANCE DE REFERE
DU : 29 Juillet 2024
[T] [B]
C/
[U] [E]
[T] [Z]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU 29 Juillet 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
M. [T] [B] demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Emilie CHEVAL, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
Mme [U] [E], demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
M. [T] [Z], demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
représentés par Me Dominique BELLENGIER, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 01 Juillet 2024
Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 29 Juillet 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG : 23/1466 – Page - SD
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé signé par voie électronique le 29 novembre 2021 avec effet au 6 décembre 2021, M. [B] [T] a donné en location à Mme [U] [E] et M. [Z] un appartement (n°1203) situé au 2ème étage du [Adresse 3] à [Localité 5], moyennant un loyer mensuel initial de 730 euros, outre une provision sur charges de 70 euros.
Par actes d’huissier du 10 août 2023, M. [B] [T] a fait délivrer à Mme [E] et M. [Z] un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail afin d’obtenir le règlement d’une somme de 1 885,83 euros dont 1 754,59 euros à titre principal au titre des loyers et charges impayés.
Par actes d’huissier du 25 octobre 2023, M. [B] [T] a fait assigner en référé Mme [E] et M. [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir :
procéder à la tentative de conciliation prévue par la loi,à défaut, constater que la clause résolutoire contenue au contrat de bail est acquise au bailleur à la date du 11 octobre 2023,à défaut et subsidiairement, prononcer la résolution du bail liant les parties aux torts exclusifs des locataires,dire en conséquence que M. [Z] et Mme [E] sont occupants sans droit ni titre de la date de résiliation (ou résolution) du bail à celle de l’entière libération des lieux,ordonner l’expulsion de M. [Z] et de Mme [E] ainsi que celle de tous occupants de leur chef et ce avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est,autoriser M. [B] [T], en cas d’abandon du logement, à effectuer l’inventaire des meubles meublants le logement initialement loué, de les faire entreposer dans tel local qu’il lui plaira aux frais des expulsés,condamner conjointement et solidairement M. [Z] et Mme [E] à lui payer :une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du terme qui serait dû en l’absence de résiliation, outre toutes charges locatives, de la date de résiliation ou résolution du bail jusqu’à l’entière libération des lieux et restitution des clés,la somme de 3 450,59 euros en principal au titre des termes dus à fin octobre 2023 selon décompte ci-dessus, terme d’octobre 2023 inclus, outre intérêts de droit à compter de l’assignation,tous autres termes de loyers et charges qui seraient venus à échéance jusqu’à la date de résiliation ou résolution du bail retenue par le tribunal, et qui ne seraient pas inclus dans la somme ci-dessus,une somme de 345,05 euros au titre de la clause pénale contractuellela somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser à la seule charge du requérant,les entiers dépens dont le coût du commandement de payer signifié en date du 10 août 2023, celui de l’assignation et de sa notification par LRAR à la direction de la cohésion sociale,ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel ou opposition, et sans caution sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.
Cette assignation a été notifiée par voie électronique au Préfet du Nord le 25 octobre 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024 et renvoyée à trois reprises à la demande des parties.
Elle a retenue à l’audience du 1er juillet 2024.
Dans l’intervalle, le 24 juin 2024, un état des lieux de sortie a été contradictoirement établi.
M. [B] [T], représenté par son conseil, s’en est rapporté aux demandes contenues dans son acte introductif d’instance sauf à préciser que les défendeurs étais partis de sorte que la demande d’expulsion était désormais dépourvue d’objet et à actualiser sa créance à la somme de 3 825,85 euros.
Le conseil de M. [B] [T] a indiqué que par ailleurs, il n’avait pas mandat pour accepter des délais.
Mme [E] et M. [Z], représentés par leur conseil, s’en sont rapportés à leurs dernières écritures aux termes desquelles ils sollicitent de voir :
donner acte de leur accord pour une résiliation de bail acquise au 30 juin 2024,constater qu’ils se reconnaissent débiteurs de loyers et charges impayés à l’égard du bailleur selon un décompte définitif à définir,rejeter les sommes réclamées par le bailleur au titre des frais, soit 286,09 euros,ordonner l’imputation des règlements intervenus en cours de procédure pour un montant de 4 927 euros,ordonner que l’apurement des loyers et des charges qui resteraient dus puisse s’effectuer à raison de 150 euros par mois pendant, s’il en est besoin, 24 mois et le solde le cas échéant au cours du 24ème mois,rejeter les demandes du bailleur pour le surplus,statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de la demande de délais de paiement, ils font valoir que leur situation est précaire et qu’ils ne sont pas en mesure de régler le solde des loyers et charges dus en une seule fois.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 29 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite
Aux termes de l’article 834 du même code, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Aux termes de l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il est constant que l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de ce texte.
En l’espèce, les défendeurs n’ont manifestement pas réglé leur loyer pendant plusieurs mois et ce en méconnaissance des termes du contrat de bail et de la loi du 6 juillet 1989.
L’existence d’un trouble manifestement illicite est donc établie.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la demande d’expulsion
Aux termes du paragraphe I de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l’espèce, les conditions générales du bail conclu entre les parties le 29 novembre 2021 contiennent une clause résolutoire (article2.11) suivant laquelle le contrat sera résilié immédiatement et de plein droit, sans qu’il soit besoin de faire ordonner cette résiliation en justice, si bon semble au bailleur, deux mois après un commandement demeuré infructueux à défaut de paiement aux termes convenus de tout ou partie du loyer et des charges ou en cas de non-versement du dépôt de garantie éventuellement prévu au contrat.
Cette clause résolutoire est visée et reprise sur le commandement de payer qui a été délivré aux défendeurs le 10 août 2023.
La somme due en principal s'élevait alors à 1 754,59 euros.
Suivant le décompte actualisé arrêté au 1er juillet 2024, les causes du commandement n’ont pas été réglées dans le délai de deux mois de sa délivrance.
Il y a donc lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 11 octobre 2023.
Il n’est pas contesté que les défendeurs ont quitté les lieux de sorte que la demande d’expulsion est devenue sans objet.
Elle sera donc rejetée.
Sur les sommes dues
Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et les charges récupérables aux termes convenus.
Par ailleurs, le préjudice subi par le bailleur du fait de l'occupation indue de son bien immobilier est réparée par l’allocation d’une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l’absence de résiliation du bail.
En l’espèce, l’indemnité mensuelle d’occupation due à compter de la résiliation du bail sera fixée à 851,89 euros.
Suivant le décompte arrêté au 1er juillet 2024, la dette de Mme [E] et de M. [Z] au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés est de 3 825,85 euros, échéance de juin 2024 incluse et déduction faite des frais de relance, de mise en demeure et d’huissier d’un montant total de 286,09 euros.
Mme [E] et M. [Z] seront donc solidairement condamnés à payer cette somme à M. [B] [T] qui sera assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 1 754,59 euros à compter du 10 août 2023 et de la présente décision pour le surplus.
La demande de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation pour la période ultérieure sera rejetée dans la mesure où les défendeurs ont quitté les lieux.
Sur la demande d’application de la clause pénale
Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, le contrat de bail ne contient aucune clause pénale et en tout état de cause, le préjudice du bailleur est intégralement réparé par la condamnation des défendeurs à lui payer l’arriéré de loyer et une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à leur départ effectif des lieux.
La demande présentée au titre de la clause pénale sera donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code de procédure civile, Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.
En l’espèce, Mme [E] travaille comme chargée d’accueil pour la société Vilogia depuis le 5 avril 2023 moyennant une rémunération mensuelle nette imposable de 1380 euros environ.
M. [Z] est demandeur d’emploi et ne perçoit pas le revenu de solidarité active car il est âgé de moins de 25 ans.
Le couple attend un enfant à naître.
Compte tenu de cette situation, il y a lieu d’autoriser les défendeurs à s’acquitter de la somme dont ils sont redevables en 23 mensualités de 150 euros et une 24ème mensualité devant permettre d’apurer l’intégralité du solde de la dette en principal et intérêts.
A défaut de paiement d’une seule de ces échéances et après une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, la somme redeviendra intégralement exigible.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [E] et M. [Z] qui succombent à l’instance seront condamnés in solidum aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 10 août 2023.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, ils seront solidairement condamnés à payer à M. [B] [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé à l’issue de débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,
CONSTATONS l’acquisition de la clause résolutoire figurant dans le bail signé par voie électronique le 29 novembre 2021 entre M. [B] [T], d’une part, et Mme [U] [E] et M. [T] [Z], d’autre part, relatif à un appartement n° 1203 situé au 2ème étage du [Adresse 3] à [Localité 5], à compter du 11 octobre 2023;
REJETONS la demande d’expulsion présentée par M. [B] [T] ;
FIXONS l’indemnité mensuelle d’occupation due de la résiliation du bail au départ effectif des lieux à la somme provisionnelle mensuelle de 851,89 euros ;
CONDAMNONS solidairement Mme [U] [E] et M. [T] [Z] à payer à M. [B] [T] la somme provisionnelle de 3 825,85 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés arrêtés au 1er juillet 2024, assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 1 754,59 euros à compter du 10 août 2023 et de la présente décision pour le surplus ;
CONDAMNONS solidairement Mme [U] [E] et M. [T] [Z] à payer à M. [B] [T] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS in solidum Mme [U] [E] et M. [T] [Z] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 10 août 2023 ;
REJETONS les autres demandes ;
RAPPELONS que la présente ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 29 juillet 2024.
LE GREFFIER LE JUGE