TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Référé
N° RG 24/00457 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YEGZ
MF/CG
JUGEMENT PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
DU 16 JUILLET 2024
DEMANDEURS :
Mme [A] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 14]
représentée par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE
M. [T] [Y]
[Adresse 19]
[Localité 18] Belgique
représenté par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDEURS :
Mme [D] [U] [M] [J]
[Adresse 15]
[Localité 17]
représentée par Me Alban POISSONNIER, avocat au barreau de LILLE
M. [X] [I] [J]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représenté par Me Alban POISSONNIER, avocat au barreau de LILLE
M. [C] [J]
[Adresse 2]
[Localité 16]
représenté par Me Alban POISSONNIER, avocat au barreau de LILLE
PRÉSIDENT : Carine GILLET, Première vice-présidente, suppléant le Président en vertu des articles R. 311-17 et R. 311-21 du Code de l’Organisation Judiciaire
GREFFIER : Sébastien LESAGE lors de l’audience et Martine FLAMENT lors de la mise à disposition
DÉBATS à l’audience publique du 11 Juin 2024
JUGEMENT mise en délibéré au 16 Juillet 2024
LE PRÉSIDENT
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :
De l’union de [M] [S] et de [R] [Y], mariés le [Date mariage 12] 1958, séparés en 1962 et divorcés le 10 juin 1980, sont issus deux enfants
-[T] [Y], né le [Date naissance 10] 1958
-[A] [Y], née le [Date naissance 11] 1960.
Du concubinage de [M] [S] et de [T] [J] (lui-même divorcé le 1er mars 1962 de [Z] [N], avec laquelle il a eu un premier enfant : [E] [J]), sont nés trois enfants :
-[X] [J], né le [Date naissance 7] 1963
-[D] [J], née le [Date naissance 4] 1969
-[C] [J], né le [Date naissance 13] 1971.
[M] [S] et [T] [J] ont contracté mariage le [Date mariage 1] 1993, sous le régime de la séparation de biens, suivant acte authentique reçu le 05 mai 1993, par Maître [O], Notaire, avec donation entre vifs, mutuelle et irrévocable, au profit du survivant, de la totalité en usufruit, sous réserve d’un inventaire des meubles et un état des immeubles, conformément à l’article 600 du code civil, le conjoint survivant pouvant être dispensé de fournir caution et de faire emploi, sauf en présence d’enfants, en application des dispositions de l’article 1 094 du code civil. Le contrat mentionne une preuve et une présomption de propriété pour ce qui concerne les comptes joints, les biens meubles, les effets garnissant le domicile conjugal, les bijoux, présumés appartenir à chacun pour moitié.
[T] [J] est décédé le [Date décès 6] 1998, sans que n’aient été établis une déclaration de succession ou acte de partage du régime matrimonial au moment de ce décès, ni d’inventaire nécessaire à la mise en œuvre de l’usufruit. Le domicile conjugal était composé de deux immeubles acquis par Monsieur [T] [J] au moment de la succession de sa mère, biens propres du défunt.
[M] [S] est décédée le [Date décès 9] 2021 et vivait à cette date avec [G] [F].
Par actes extrajudiciaires des 13 décembre 2023 et 19 janvier 2024, [D] [J], [X] [J] et [C] [J] ont fait délivrer à [A] [Y] et [T] [Y], en leur qualité d’héritiers de [M] [S] veuve [J], une sommation d’opter.
[A] [Y] et [T] [Y] ont par actes des 25 janvier 2024 et 02 mars 2024, fait assigner [D] [J], [X] [J] et [C] [J], devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins, entre autres mesures, de déclarer irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir des consorts [J], la sommation d’opter qui leur a été adressée , outre une indemnité pour frais irrépétibles.
L’affaire a été appelée à l’audience du 19 mars 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 11 juin 2024.
A cette date, [A] [Y] et [T] [Y], représentés, sollicitent le bénéfice de leurs dernières conclusions reprises oralement, aux fins de :
-Déclarer irrecevable et mettre à néant la sommation d’opter délivrée à Madame [A] [Y] et à Monsieur [T] [Y] sur le fondement de l’article 770 du Code Civil, faute d’intérêt à agir pour les consorts [J] et faute pour eux de justifier de l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible dans le cadre des opérations de succession de leur père à l’encontre de la succession de leur mère,
-Ordonner la communication de l’acte de notoriété et de l’inventaire successoral établi au moment de la déclaration de succession de Monsieur [T] [J], sous peine d’astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
-Ordonner la communication des avis de taxes foncières sur les années 2019, 2020, 2021, 2022, sous peine d’astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
-Condamner les consorts [J] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-Les condamner aux entiers dépens.
[D] [J], [X] [J] et [C] [J] représentés par leur avocat ont développé oralement leurs écritures déposées à l‘audience, formant les prétentions suivantes :
Vu les articles 617, 720, 771, 772 et suivants du code civil
-Juger recevable la sommation d’opter délivrée à Madame [A] [Y] et
Monsieur [T] [Y] par les Consorts [J],
-Débouter Madame [A] [Y] et Monsieur [T] [Y] de leur demande de délai au titre de l’article 772 du code civil,
-Débouter les Consorts [Y] de leurs demandes plus amples ou contraire,
-Condamner solidairement Madame [A] [Y] et Monsieur [T] [Y] au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner solidairement Madame [A] [Y] et Monsieur [T] [Y] aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.
La présente décision susceptible d’appel est contradictoire
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’irrecevabilité de la sommation d’opter
[A] [Y] et [T] [Y] soulèvent l’irrecevabilité de la sommation d’opter qui leur a été délivrée par les consorts [J], pour défaut d’intérêt à agir de ces derniers, en l’absence d’acte de notoriété établissant précisément et de façon incontestable la liste des héritiers et au motif que les consorts [J] ont renoncé à la succession de leur mère, [M] [S].
A défaut, [A] [Y] et [T] [Y] soutiennent que la reconstitution de l’actif de la succession de [M] [S] n’est pas établie, à défaut de liquidation préalable du régime matrimonial des époux [S]-[J].
Selon l’article 771 du code civil, “L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois, à compter de l’ouverture de la succession.
A l’expiration de ce délai, il peut être sommé par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent, ou de l’Etat”.
En application de l’article 772 du code civil “Dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi.
A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple”.
En application des dispositions de l’article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées en application des articles 772 .... du code civil, sont portées devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant selon la procédure accélérée au fond.
En l’espèce, il n’est pas contesté que [T] [J] et [I] [S] étant mariés sous le régime de la séparation de biens, et [T] [J] ayant acquis en propre, la propriété de l’immeuble devenu le domicile conjugal, dans le cadre de la succession de sa mère, cet immeuble constitue un bien propre dépendant de la succession de [T] [J].
Si en vertu du contrat de mariage, [M] [S] en sa qualité de conjoint survivant, a pu bénéficier de la qualité d’usufruitière du bien immeuble, appartenant en propre à son mari décédé, les ayants droit de [T] [J] en étant les nus-propriétaires, cet usufruit, non transmissible aux héritiers de l’usufruitier, s’est éteint conformément aux dispositions de l’article 617 du code civil, par le décès de [M] [S], titulaire de ce droit, survenu le [Date décès 9] 2021, les ayants droit de [T] [J] recouvrant la pleine propriété du bien.
Il n’y a pas lieu dès lors contrairement à ce que soutiennent les consorts [Y] à reprise dans l’inventaire de la succession de [M] [S], cet usufruit. Par ailleurs, il ne peut être tiré aucune conséquence, des avis d’impôts fonciers ou taxes foncière, portant mention du nom de [M] [S], veuve [J], qui y apparaît non pas en tant que propriétaire du bien, mais usufruitière de son vivant de ce bien. Enfin les consorts [Y] ne contestent pas eux-mêmes que les consorts [J] sont devenus seuls propriétaires du bien immobilier litigieux, dépendant de la succession de leur père [T] [J].
En revanche, en ce qui concerne les meubles meublants garnissant cet immeuble, après renonciation des consorts [J] de la succession de leur mère [M] [S], les consorts [Y] se trouvent en être les seuls propriétaires et il n’appartenait pas aux consorts [J] d’en assurer l’enlèvement et la mise à disposition de ceux-ci, dans un autre local.
Et quand bien même, les consorts [J] ont renoncé à la succession de leur mère, ils demeurent néanmoins recevables, en leur qualité de créanciers de la succession de [M] [S], à sommer les consorts [Y] d’opter, afin que puisse être déterminé le sort des meubles meublants qui se trouvent dans l’immeuble leur appartenant, et que puisse être réalisée la vente qu’ils envisagent du bien immeuble, libéré de tout bien revenant éventuellement aux consorts [Y].
La sommation d’opter délivrée le 31 janvier 2024 par les consorts [J], disposant d’un intérêt à agir, non pas en leur qualité d’héritiers, mais en leur qualité de créanciers de la succession de [M] [S], quand bien même ils ont renoncé à celle-ci, est donc recevable.
Il convient par ailleurs de constater les consorts [Y] ne forment aucune demande, aux fins d’obtenir l’octroi judiciaire d’un délai supplémentaire pour opter.
Sur la demande de communication
Les consorts [Y] sollicitent la communication par les défendeurs, de l’acte de notoriété et de l’inventaire successoral de la succession de [T] [Y], ainsi que des taxes foncières 2019 à 2022, sous astreinte.
Les avis de taxe foncière, sont sans effet sur la situation de [M] [S] quant au bien immobilier appartenant en propre à [T] [J] et les ayants droit de la défunte qui ne justifient pas que ces sommes ont été acquittées par leur mère, n’établissent pas avoir un intérêt à en avoir la communication. Cette demande sera écartée.
N’ayant aucun droit dans la succession de [T] [J], les consorts [Y] ne disposent pas d’un intérêt à obtenir communication de l’acte de notoriété et de l’inventaire de succession de celui-ci.
Sur les autres demandes
[A] [Y] et [T] [Y] qui succombent supporteront les dépens et leurs propres frais. Leur demande pour frais irrépétibles sera rejetée.
Ils seront en outre condamnés à payer in solidum entre eux, à [D] [J], [X] [J] et [C] [J], la somme de 1000 euros, au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont été contraints d’exposer pour assurer leur défense et leur représentation et préserver leurs droits , qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La présente décision est exécutoire par provision en application des articles 481-1-6° du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par jugement selon la procédure accélérée au fond mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable la sommation d’opter délivrée le 31 janvier 2024, par les consorts [J] aux consorts [Y]
Déboute [A] [Y] et [T] [Y] de leur demande de communication de pièces,
Déboute [A] [Y] et [T] [Y] de leur demande pour frais irrépétibles,
Condamne [A] [Y] et [T] [Y] in solidum, à payer à [D] [J], [X] [J] et [C] [J], la somme de 1000 euros (mille euros) au titre des frais irrépétibles,
Condamne [A] [Y] et [T] [Y] aux dépens,
Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire par provision.
Le présent jugement a été signé par le Président et le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Martine FLAMENT Carine GILLET