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16/07/2024 | FRANCE | N°22/00402

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 16 juillet 2024, 22/00402


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 22/00402 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VZHR


JUGEMENT DU 16 JUILLET 2024



DEMANDEUR :

M. [J] [E]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Ludovic DENYS, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES :

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de LILLE

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]/FRANCE
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barrea

u de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Maureen DE LA MALENE, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/00402 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VZHR

JUGEMENT DU 16 JUILLET 2024

DEMANDEUR :

M. [J] [E]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Ludovic DENYS, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES :

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de LILLE

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 4]/FRANCE
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Maureen DE LA MALENE, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Mars 2024 ;

A l’audience publique du 07 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 16 Juillet 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 16 Juillet 2024, et signé par Maureen DE LA MALENE, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2009, Monsieur [J] [E] a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, des travaux d'extension de son immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 6].

Sont notamment intervenues à l'acte de construire :
- la société L'Atelier 104 en qualité de maître d’œuvre, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (ci-après la MAF), et placée en liquidation judiciaire le 12 janvier 2016 suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole,
- la société Ravi en charge de l'exécution du lot gros œuvre, assurée auprès de la société AXA France Iard, et placée en liquidation judiciaire le 26 novembre 2018 suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole.

Les travaux ont été réceptionnés le 22 avril 2010 avec réserves.

Se plaignant de l'apparition de désordres, Monsieur [J] [E] a assigné en référé expertise les sociétés L'Atelier 104, MAF, Ravi et AXA France Iard par actes signifiés le 21 janvier 2016.

Suivant ordonnance en date du 23 février 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une expertise judiciaire et a désigné Monsieur [U] [O] pour y procéder.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 20 janvier 2017.

Par ailleurs, se plaignant de l'apparition d'autres désordres, Monsieur [J] [E] a confié, par l'intermédiaire de son assureur, une mission d'expertise amiable au cabinet Arecas qui a déposé son rapport le 23 juillet 2019.

* * *

Par actes d’huissier en date des 17 et 30 décembre 2021, Monsieur [J] [E] a assigné la Mutuelle des Architectes Français et la société AXA France Iard devant le tribunal judiciaire de Lille en réparation d'une part des désordres repris dans l'expertise judiciaire (micro-fissure et puisard) et d'autre part des désordres repris dans l'expertise amiable (désordres de nature décennale pour un montant de 15.244,53 euros).

Suivant ordonnance d'incident en date du 23 mars 2023, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevable la demande formulée par Monsieur [J] [E] tendant à la condamnation solidaire, ou l'une à défaut de l'autre, des sociétés AXA France Iard et MAF à lui payer la somme de 15.244,53 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres objets du rapport Arceas ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'expertise judiciaire ;
- réservé les dépens ;
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 2 juin 2023 pour conclusions des défendeurs.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2024, Monsieur [J] [E] demande au tribunal, au visa des articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du code civil en vigueur au jour de la conclusion du contrat et 1792 et suivants de ce même code, de :
- condamner la société AXA France Iard à lui payer la somme de 176 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres de fissurations ;
- condamner solidairement la société AXA France Iard et la société MAF à lui payer les sommes suivantes :
- 1.563,47 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres affectant le puisard,
- 176 euros au titre des travaux de remise en état des aménagements paysagers,
- 90 euros au titre des frais de nettoyage du puisard,
- 170,88 euros au titre des travaux de traitement des poussières,
- 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- dire et juger que ces condamnations seront revalorisées selon l’évolution de l’indice BT01 du coût de la construction intervenue entre la date du dépôt du rapport (novembre 2018) et le jour du complet paiement ;
- condamner solidairement ou l’une à défaut de l’autre la société AXA France Iard et la MAF à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens en ce compris les frais de référé et d’expertise judiciaire.

Dans ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2024, la Mutuelle des Architectes Français demande au tribunal de :
A titre liminaire,
- constater que la demande de Monsieur [J] [E] est fondée, sans distinction ni hiérarchie aucune, sur la responsabilité contractuelle de droit commun, sur la théorie des dommages intermédiaires et sur la responsabilité décennale des entreprises ;
En conséquence,
- débouter Monsieur [J] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur le désordre relatif à la fissuration de la maçonnerie,
- constater qu'aucune demande n'est formulée par Monsieur [J] [E] à son encontre ;
- débouter le cas échéant toute partie de toute demande qui pourrait être formulée à son encontre sur ce chef de préjudice ;
Sur le désordre relatif au réseau d'assainissement EP,
- dire que l'architecte n'a commis aucune faute contractuelle engageant sa responsabilité au regard de ses diligences normalement établies ;
- débouter en conséquence Monsieur [J] [E], et le cas échéant la société AXA France Iard, de toute demande sur ce chef de préjudice formée à son encontre ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal devait retenir une responsabilité contractuelle de l'architecte sur ce chef de préjudice,
- réduire la part de responsabilité de l'architecte à un quantum de 10 à 15 % ;
- dire en conséquence qu'elle ne pourra être condamnée dans cette mesure qu'à 10 à 15 % du coût de la reprise de ce désordre ;
En tout état de cause,
- dire qu'aucune condamnation solidaire ou in solidum ne pourra être prononcée compte-tenu du de l'article 6.3 du cahier des clauses générales du contrat de maîtrise d'œuvre excluant toute solidarité ;
- débouter Monsieur [J] [E] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1.000 euros ;
- plus subsidiairement encore réduire une telle demande dans de larges proportions ;
- dire qu'elle est bien fondée à opposer à toutes parties les limites et conditions du contrat d'assurance, et notamment la franchise contractuelle ;
- condamner Monsieur [J] [E] à lui verser une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [J] [E] aux entiers dépens.

Enfin, dans ses dernières écritures notifiées le 28 février 2024, la société AXA France Iard demande au tribunal, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1792 et suivants et 1240 et suivants du code civil, de :
A titre principal,
- dire et juger que la police souscrite par la société Ravi auprès d'elle a été résiliée à compter du 1er janvier 2014 ;
En conséquence,
- débouter Monsieur [J] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre ;

A titre subsidiaire, si le tribunal devait considérer que Monsieur [J] [E] était fondé à agir à son encontre sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil,
- dire que la responsabilité de la société Ravi ne saurait dépasser une imputabilité de 70 % telle que retenue par l’expert judiciaire ;
En conséquence,
- condamner la MAF à la garantir et la relever indemne de l’ensemble des condamnations qui interviendraient à son encontre à hauteur de 30 % et à défaut à proportion retenue par le tribunal ;
En tout état de cause,
- débouter Monsieur [J] [E] de sa demande de condamnation formée à son encontre au titre des travaux de reprise des désordres de fissurations, n’étant pas l’assureur à la date de la réclamation ;
- débouter Monsieur [J] [E] de sa demande de condamnation formée à son encontre au titre de son préjudice de jouissance, n’étant pas l’assureur à la date de la réclamation ;
- débouter Monsieur [J] [E] de sa demande d’indexation des condamnations sur l’évolution de l’indice BT01 ;
- l'autoriser à opposer sa franchise contractuelle telle que définie dans les conditions particulières de sa police au titre de tout règlement ;
- débouter Monsieur [J] [E] de ses demandes au titre des frais irrépétibles, des dépens en ce compris des frais d’expertise judiciaire ;
- condamner Monsieur [J] [E] à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [J] [E] et/ou toute partie succombant aux dépens.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 mars 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 7 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré au 16 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties reprises dans leurs dispositifs, tendant notamment à voir le tribunal « dire que », « dire et juger que » et « constater que », ne constituent pas une demande en justice au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile mais uniquement le rappel de moyens de fait et de droit au soutien de leurs réelles prétentions, si bien qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

SUR LES DEMANDES FORMEES PAR MONSIEUR [J] [E]

Monsieur [J] [E] ne hiérarchise pas les fondements invoqués au soutien de ses demandes dans ses dernières écritures. S'il indique en effet dans un premier temps que « en droit la responsabilité contractuelle et solidaire de la société Ravi et la société l’Atelier 104 est incontestablement engagée à l'égard de Monsieur [J] [E] (…) sur le fondement des articles 1217 et suivants du code civil et sur le fondement de la théorie jurisprudentielle des dommages intermédiaires qui est une responsabilité pour faute », il poursuit cependant quelques paragraphes plus tard en indiquant que « la garantie décennale de l'architecte et de l'entreprise qui a exécuté les travaux est incontestablement engagée à l'égard de Monsieur [J] [E] sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ». De même, Monsieur [J] [E] vise sans hiérarchie dans son dispositif les articles 1134 et 1147 ancien du code civil, puis les articles 1792 et suivants du code civil.

Toutefois, dans la mesure où la responsabilité contractuelle de droit commun n'a qu'une vocation subsidiaire lorsqu'une garantie légale des constructeurs est applicable, il y a lieu d'analyser en premier lieu pour chaque désordre dont il est demandé réparation la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, puis dans un second temps le fondement de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige.

L'article 1792 du code civil prévoit que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L'article 1147 ancien de ce même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Ce régime subsidiaire de responsabilité impose au maître de l'ouvrage, en sa qualité de demandeur, la démonstration d'une faute du constructeur dont il poursuit la responsabilité contractuelle, et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué, étant rappelé que ce dernier reste soumis à une obligation de résultat dans l'exécution des travaux commandés.

I. Au titre de la micro-fissure de la maçonnerie :

Monsieur [J] [E] sollicite la condamnation de la société AXA France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Ravi, au paiement de la somme de 176 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres de fissurations.

Sur la matérialité et la nature du désordre dénoncé :
La société AXA France Iard conteste le caractère décennal de ce désordre.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'occasion de ses opérations l'existence d'une « micro-fissuration oblique à 45° sur un mur porteur en maçonnerie brique » de 0,7 millimètre et non traversante.

Il explique la cause de ce désordre par les modifications de la structure existante additionnées aux désordres au niveau du puisard, mais conclut qu'en l'état, il ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination et n'affecte pas sa solidité.

Faute pour Monsieur [J] [E] de rapporter la preuve de l'aggravation de ce désordre dans le délai décennal, le tribunal retient qu'il ne présente donc aucun caractère décennal et ne peut en conséquence relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Sur les différentes responsabilités :
L'expert judiciaire impute intégralement ce désordre aux travaux effectués par la société Ravi en charge de l'exécution du lot gros œuvre, et soumise à l'obligation de livrer un ouvrage exempt de vices, si bien qu'elle a commis une faute contractuelle à l'encontre du maître de l'ouvrage.

Sur la garantie de la société AXA France Iard :
La société AXA France Iard dénie toute garantie aux motifs que le contrat d'assurance souscrit par la société Ravi a été résilié avec effet au 1er janvier 2014, si bien que toutes les garanties facultatives ne trouvaient plus à s'appliquer pour les réclamations effectuées à compter de cette date.

Monsieur [J] [E] ne formule aucune observation sur ce point.

L’article L.124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

L'article L.124-5 de ce même code dispose notamment que la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation.
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres.

En l'espèce, il ressort de l'attestation d'assurance transmise aux débats par Monsieur [J] [E] que la société Ravi était assurée au moment de l'exécution des travaux litigieux notamment au titre des dommages matériels intermédiaires « pour les réclamations notifiées à l'assureur à compter du 1er janvier 2009 et qui se rapportent à des faits dommageables survenus avant la date de résiliation ou d’expiration de la garantie ».

La société AXA France Iard justifie que le contrat d’assurance a été résilié à compter du 1er janvier 2014 par son assurée.

Or, il ressort de l'expertise judiciaire et des développements précédents que si la micro-fissuration est bien apparue le 26 janvier 2015, soit après la résiliation du contrat d'assurance, elle trouve cependant sa cause dans les travaux exécutés en 2009/2010 par la société Ravi, travaux qui constituent le fait dommageable. Il convient en effet de rappeler que le fait dommageable au sens des article L.124-1-1 et L.124-5 du code des assurances est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, à savoir les travaux litigieux, et non pas l'apparition du désordre lui-même.

Aussi, faute pour la société AXA France Iard de rapporter la preuve que le contrat d'assurance souscrit par la société Ravi prévoit, au titre des garanties facultatives, une autre date que celle du fait dommageable, telle que celle de la réclamation par le tiers victime, il y a lieu de faire application de sa garantie.

Sur le coût des travaux de reprise :
L'expert judiciaire a préconisé dans son rapport, afin de remédier à ce désordre, la réalisation des travaux suivants :
- protection des existants,
- purge locale des joints de maçonnerie,
- et réfection locale des joints de maçonnerie.

Ces travaux, que l'expert évalue à la somme de 156 euros HT, soit 171,60 euros TTC après application de la TVA à 10 %, apparaissent indispensables pour mettre un terme définitif au désordre lié à la micro-fissure sur la maçonnerie.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société AXA France Iard à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 171,50 euros à ce titre, avec revalorisation selon l'évolution de l'indice BT01 entre le 20 janvier 2017 et le présent jugement, et étant précisé que l'assureur est bien fondé à faire application des plafonds et franchises applicables en la matière à l'encontre du demandeur s'agissant d'une assurance facultative.

II. Au titre des désordres affectant le puisard :

Monsieur [J] [E] sollicite la condamnation solidaire de la société AXA France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Ravi, et de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société L'Atelier 104, au paiement de la somme de 1.563,47 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres affectant le puisard, outre différentes sommes consécutives à ces désordres, et des dommages-intérêts.

Sur la matérialité et la nature du désordre dénoncé :
La société AXA France Iard et la MAF contestent le caractère décennal de ce désordre.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'occasion de ses opérations des défauts d'étanchéité à l'eau du puisard et la présence en son sein d'encombrement, faute de travaux de réfection malgré les prestations contractuelles prévues, si bien qu'il « n'assure plus ses fonctions initiales et est générateur de désordres ».

Il conclut cependant à juste titre que si ce puisard est donc désormais entaché de malfaçons, il ne rend pas pour autant en l'état l'ouvrage impropre à sa destination et n'affecte pas sa solidité.

Faute pour Monsieur [J] [E] de rapporter la preuve de l'aggravation de ce désordre dans le délai décennal, et notamment qu'il aurait pu générer des pathologies au niveau des fondations ou des dallages, le tribunal retient qu'il ne présente donc aucun caractère décennal et ne peut en conséquence relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Sur les différentes responsabilités :
La MAF reproche à Monsieur [J] [E] de ne pas rapporter la preuve que son assurée aurait commis une faute pouvant engager sa responsabilité contractuelle, dans la mesure où le dallage a été effectué conformément au planning de chantier prévu entre deux réunions ne permettant pas à la société L'Atelier 104 de vérifier préalablement que l'entrepreneur avait correctement exécuté les travaux confiés.

En l'espèce, il résulte du cahier des clauses générales annexé au contrat d'architecte pour travaux sur existants liant Monsieur [J] [E] à la société L'Atelier 104 que cette dernière était titulaire d'une mission complète de maîtrise d’œuvre comprenant notamment la mission de direction de l'exécution des contrats de travaux (mission DET) et celle d'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception (mission AOR).

Il lui appartenait en conséquence d'établir un planning de chantier compatible avec ces deux missions, et particulièrement avec la mission DET, si bien que l’argument soulevé par son assureur tendant à l'exonérer en raison de la date du coulage du dallage par la société Ravi n'a pas vocation à prospérer.

C'est donc à juste titre que l'expert judiciaire impute ce désordre à la fois à la maîtrise d’œuvre, qui a commis une faute en ne veillant pas à ce que les travaux prévus au contrat soient effectivement et correctement réalisés, et à la fois à la société Ravi en charge de l'exécution du lot gros œuvre.

Ces deux sociétés ont donc commis une faute contractuelle à l'encontre de Monsieur [J] [E].

Sur la garantie des assureurs :
La société AXA France Iard dénie toute garantie aux motifs que le contrat d'assurance souscrit par la société Ravi a été résilié avec effet au 1er janvier 2014, si bien que toutes les garanties facultatives ne trouvaient plus à s'appliquer s'agissant des réclamations faites à compter de cette date.

La MAF ne conteste pas quant à elle l'applicabilité de sa garantie.

L’article L.124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

S'agissant de la garantie de la société AXA France Iard, il résulte des développements précédents que cette argumentation doit être écartée, et qu'il y a donc lieu de faire application de sa garantie, tout comme celle de la MAF qui ne conteste pas l'applicabilité de sa garantie.

Sur le coût des travaux de reprise :
Sur le préjudice matériel :

L'expert judiciaire a préconisé dans son rapport, afin de remédier aux désordres entachant le puisard, de dévier le réseau des eaux pluviales, nécessitant en conséquence la réalisation des travaux suivants :
- protection des existants et des abords,
- réalisation des travaux de terrassement,
- création d'une canalisation de type PVC,
- création d'un puisard 40/40,
- puis remise en place des plantations.

Ces travaux, que l'expert évalue à la somme de 1.421,34 euros HT, soit 1.563,47 euros TTC, apparaissent indispensables pour mettre un terme définitif à ces désordres.

A cette somme doit être ajoutée celle de 160 euros HT, soit 176 euros TTC, correspondant à la dépose puis à la repose des aménagements paysagers (c'est-à-dire des plantations) qui sont indispensables à la réalisation des travaux de déviation du réseau de canalisation.

De même, il y a lieu d'y ajouter les sommes de 90 euros TTC et de 170,88 euros TTC correspondant aux frais de nettoyage du puisard et des poussières après travaux, que l'expert judiciaire estime «légitimes », et qui sont essentielles pour remettre Monsieur [J] [E] dans l'état dans lequel il se serait trouvé si les travaux avaient été exécutés conformément aux contrats et dans les règles de l'art dès 2009.

En conséquence, il y a lieu de condamner in solidum la société AXA France Iard et la MAF à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 2.000,35 euros, avec revalorisation selon l'évolution de l'indice BT01 entre le 20 janvier 2017 et le présent jugement, et étant précisé que les assureurs sont bien fondés à faire application des plafonds et franchises applicables en la matière à l'encontre du demandeur s'agissant d'une assurance facultative.
Par ailleurs, l'argumentation soulevée par la MAF selon laquelle le contrat d'architecte prévoit une exclusion de toute condamnation solidaire n'a pas vocation à prospérer dans la mesure où la responsabilité contractuelle de la société L'Atelier 104 a été retenue dans le cadre du présent jugement.

Sur les dommages-intérêts :

Monsieur [J] [E] sollicite également le paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, reprenant à son compte les conclusions de l'expert judiciaire qui indique dans son rapport que « concernant la réclamation en préjudice global, l'expert « suggère » une somme de 1.000 euros compte tenu de la situation et du trouble subi », mais sans en développer la demande. Il ne fait en effet état ni de la contenance de ce préjudice, ni du lien de causalité entre celui-ci et les fautes reprochées aux constructeurs.

Monsieur [J] [E] sera en conséquence débouté de sa demande formée à ce titre.

SUR LES APPELS EN GARANTIE FORMES PAR LES ASSUREURS

La société AXA France Iard forme un appel en garantie à l'encontre de la MAF.

Dans leur relation entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leur faute respective, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au présent litige s'agissant des locateurs d'ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l'article 1147 du code civil toujours dans son ancienne version, s'ils sont contractuellement liés. Aussi, au stade de la contribution à la dette, aucune solidarité n'a vocation à jouer dans le partage de responsabilité.

Ces deux régimes de responsabilité imposent à la partie à l'initiative de l'appel en garantie la démonstration d'une faute du constructeur dont il poursuit la responsabilité (ou la condamnation de son assureur) en lien de causalité certain et direct avec le dommage.

En l'espèce, au regard des fautes précédemment caractérisées, et s’agissant des rapports entre co-obligés, à l’examen du rapport d’expertise, il convient compte tenu des responsabilités respectives, de fixer la contribution à la dette de réparation comme suit
- 30 % pour la société L'Atelier 104, assurée auprès de la MAF,
- et 70 % pour la société Ravi, assurée auprès de la société AXA France Iard.

Par conséquent, il convient de condamner la MAF à garantir la société AXA France Iard à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le puisard.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

I. Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la société AXA France Iard et la MAF, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais de référé.

Par ailleurs, la MAF sera condamnée à garantir la société AXA France Iard à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre de la charge finale des dépens.

II. Sur l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la MAF et la société AXA France Iard, parties perdantes, seront condamnées in solidum à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 2.000 euros à ce titre.

Par ailleurs, la MAF sera condamnée à garantir la société AXA France Iard à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre de la charge finale des frais irrépétibles.

Les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société AXA France Iard à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 171,60 euros au titre de la reprise du désordre relatif à la micro-fissure de la maçonnerie ;

CONDAMNE in solidum la Mutuelle des Architectes Français et la société AXA France Iard à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 2.000,35 euros au titre de la reprise des désordres affectant le puisard ;

DIT que ces sommes allouées au titre des travaux de reprise seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 20 janvier 2017, date du dépôt du rapport d'expertise, jusqu'à la date du présent jugement ;

DÉBOUTE Monsieur [J] [E] de sa demande condamnation formée à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français et de la société AXA France Iard au titre des dommages-intérêts ;

FIXE au titre des désordres affectant le puisard le partage de responsabilité entre co-obligés comme suit :
- 70 % pour la société Ravi, assurée auprès de la société AXA France Iard ;
- et 30 % pour la société L'Atelier 104, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français ;

CONDAMNE en conséquence la Mutuelle des Architectes Français à garantir la société AXA France Iard à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le puisard ;

CONDAMNE in solidum la Mutuelle des Architectes Français et la société AXA France Iard à payer à Monsieur [J] [E] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la Mutuelle des Architectes Français et la société AXA France Iard au dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais de référé ;

FIXE au titre des dépens et des frais irrépétibles le partage de responsabilité entre co-obligés comme suit :
- 70 % pour la société Ravi, assurée auprès de la société AXA France Iard ;
- et 30 % pour la société L'Atelier 104, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français ;

CONDAMNE en conséquence la Mutuelle des Architectes Français à garantir la société AXA France Iard à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et des frais irrépétibles ;

REJETTE les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINE Maureen DE LA MALENE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/00402
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;22.00402 ?
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