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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00706

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés, 09 juillet 2024, 24/00706


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Référé
N° RG 24/00706 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YGBF
SL/SH



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024




DEMANDEUR :

M. [S] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE




DÉFENDEUR :

M. [O] [U] [S] [I]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphanie LEFEBVRE, avocat au barreau de LILLE






JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, supp

léant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 18 Juin 2024

ORDONNANCE ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référé
N° RG 24/00706 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YGBF
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024

DEMANDEUR :

M. [S] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

M. [O] [U] [S] [I]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphanie LEFEBVRE, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 18 Juin 2024

ORDONNANCE du 09 Juillet 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

EXPOSE DU LITIGE

De l’union de Monsieur [Y] [I] et de Madame [Z] [T] sont issus trois enfants : [S], [U] et [O] [I].

Madame [N] [T] est décédée le [Date décès 1] 2023 et le partage de la succession a eu lieu par acte authentique du 27 mars 2024, devant Maître [M] [X], notaire à [Localité 6].

Madame [Z] [T] avait conclu un contrat d’assurance vie auprès de la compagnie [7], en désignant ses enfants en qualité de bénéficiaires avec la répartition suivante : 67% pour Monsieur [O] [I], 30% pour Monsieur [U] [I] et 3% pour Monsieur [S] [I].

Exposant qu’un protocole d’accord a été régularisé le 13 octobre 2023 pour une nouvelle répartition du capital décès, par acte du 16 avril 2024, Monsieur [S] [I] a assigné Monsieur [O] [I] devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé, aux fins de :
Vu le protocole du 13 octobre 2023
Vu les articles 1101 et suivants et 1217 et suivants du Code Civil
Vu l’article 835 du Code de procédure civile
- Condamner Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme provisionnelle de 31 333.72 €, somme qui doit être augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 11 Janvier 2024 ;
- Condamner Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;
- Condamner Monsieur [O] [I] aux entiers frais et dépens.

L’audience a été appelée le 07 mai 2024 et a été renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 18 juin 2024.

Monsieur [S] [I], représenté, sollicite le bénéfice de ses dernières écritures, aux fins de :
- Constater l’absence de contestation sérieuse ;
- Condamner Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme provisionnelle de 31 333.72 €, somme qui doit être augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 11 Janvier 2024 ;
- Condamner Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
- Condamner Monsieur [O] [I] aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions, Monsieur [O] [I], représenté par son avocat, demande au président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de :
Vu l’article 835 du code de procédure civile
Vu l’article 1128 du Code civil
Vu l’article 1137 du Code civil
- Dire n’y avoir lieu à condamnation provisionnelle en présence d’une obligation sérieusement contestable,
- Débouter Monsieur [S] [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Monsieur [S] [I] à verser à Monsieur [O] [I] une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

La présente décision, susceptible d’appel, est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de provision

Monsieur [S] [I] sollicite la condamnation au paiement à titre provisionnel par Monsieur [O] [I] de la somme de 31 333, 72 euros en application du protocole signé entre les parties le 13 octobre 2023. Monsieur [S] [I] soutient qu’un protocole d’accord a été régularisé le 13 octobre 2023, pour une nouvelle répartition du capital décès, en présence de Me [X], notaire à [Localité 6] et signé par Monsieur [U] et [O] [I], précisant que sa signature ne figure pas sur l’acte versé au débat puisqu’il s’agit de son exemplaire qu’il n’a pas jugé utile de signer en présence des autres signatures. Il soutient que les termes du protocole démontrent sans équivoque que les parties étaient parfaitement informées et qu’elles ont ensemble convenu d’une nouvelle répartition du capital décès afin de mettre un terme à toute procédure judiciaire. Monsieur [S] [I] ajoute que le défendeur n’a jamais remis en cause les dispositions de l’accord et a proposé de trouver une issue amiable le 6 octobre 2023 et en reformulant postérieurement à l’accord, son acceptation par mail du 30 janvier 2024 puis par mail du 16 avril 2024.
Monsieur [S] [I] soutient que la somme est due en l’absence de contestation sérieuse et qu’il ne peut lui être opposé des manœuvres dolosives, qu’un notaire était présent pour la conclusion de l’accord et que le défendeur n’a pas contesté la validité du protocole avant cette présente instance.
Il fait valoir que Monsieur [O] [I] ne peut se prévaloir d’une quelconque vulnérabilité puisqu’il a, en mars 2024, signé non seulement le partage consécutif aux décès de ses parents mais également un divorce par consentement mutuel, actes vérifiés par notaire et qui supposent la capacité juridique des parties. Il ajoute que Monsieur [O] [I] ne fait l’objet d’aucune mesure de protection judiciaire.
Enfin, Monsieur [S] [I] souligne que le protocole n’est pas une donation mais un accord mettant à un terme à un contentieux entre frères concernant le capital décès versé par l’assurance vie.

Monsieur [O] [I] soutient que l’obligation est sérieusement contestable, elle fait obstacle à la demande de provision puisque la nullité du protocole devra être tranchée par les juges du fond.
Concernant la forme du protocole communiqué, il expose que le document ne comporte pas la signature des 3 enfants, qu’il a été établi sans notaire puisque l’acte ne reprend pas sa présence et que rien ne prouve que toutes les signatures ont été concomitantes.
Concernant le fond du protocole communiqué, il estime que son consentement a été vicié par des mails dénigrants envoyés à plusieurs reprises par le demandeur, qui ne lui a pas permis de prendre le recul nécessaire, le contraignant à admettre une dette. Monsieur [O] [I] ajoute également qu’il est particulièrement vulnérable en raison de son état de santé avec traitement médicamenteux, rendant son consentement non valable.
Enfin, il affirme que le document produit, dans lequel il s’appauvrit sans contrepartie, peut s’agir d’une donation, qu’il conteste aujourd’hui puisqu’il n’est pas animé d’une intention libérale envers son frère. Il ne s’estime tenu à aucune obligation envers son frère et le contentieux ne peut porter sur le capital décès versé par l’assurance vie puisque le capital a déjà été versé aux bénéficiaires désignés par Madame [Z] [T].

Conformément à l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il ressort de ces dispositions que le juge des référés n’a pas le pouvoir de trancher le fond du litige mais seulement de statuer à titre provisoire et qu’il ne peut accorder de provision ou ordonner l’exécution d’une obligation que si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il en résulte qu’il appartient à la partie qui réclame en référé le versement d’une provision ou l’exécution d’une obligation de démontrer l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, étant rappelé que selon l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Les parties au litige reconnaissent dans leurs écritures respectives que Madame [T] avait souscrit un contrat d’assurance vie auprès de la [7] n°327693 (pièce demandeur n°3) en ayant désigné ses enfants en qualité de bénéficiaires, 3% pour [S] [I], 30% pour [U] [I] et 67% pour [O] [I].

Pour justifier d’une nouvelle répartition du capital, l’accord “pour une nouvelle répartition du capital décès” (pièce demandeur n°2) est produit aux débats. Il ressort de ce document que d’une part, Monsieur [O] [I] l’a signé le 13 octobre 2023 ainsi que son frère Monsieur [U] [I] et que d’autre part, la nouvelle répartition du capital décès est prévue de la manière suivante : “20 % pour Monsieur [I] [S], 32% pour Monsieur [U] [I] et 48% pour Monsieur [O] [I]”.
Sur le dosument communiqué, la signature de Monsieur [S] [I] n’est pas présente, mais c’est lui qui le produit aux débats et qui en est le principal bénéficiaire. Il en reconnaît donc les termes.
Si l’acte n’a pas été régularisé devant notaire, cette circonstance n’est pas une condition de validité de l’acte.
De plus, le demandeur produit deux mails écrits par Monsieur [O] [I] qui déclare le 30 janvier 2024 que “suite à consultation de mes conseils juridiques et médicaux notamment, j’accepte de régler la somme de 31 333, 72 euros” puis le 16 avril 2024 “je suis d’accord pour payer la somme demandée jusque lors par mon frère [S] [I] avec signature du protocole d’accord tel que vous me l’avez proposé dans votre mail du 21 février dernier” (pièces demandeur n°8 et 12).

Dès lors, Monsieur [S] [I] établit l’existence de la créance due par Monsieur [O] [I] pour un montant de 31333,72 euros représentant 20% du capital décès.

Pour contester cette obligation, Monsieur [O] [I] fait valoir que son consentement a été vicié par le dol et qu’il n’était pas en capacité de donner son consentement à l’acte.
Le dol suppose que le contractant ait obtenu le consentement de l’autre par des manœuvres ou le mensonge (article 1137 du Code civil).
En l’espèce, les mails qualifiés d’agressifs par Monsieur [O] [I] ou l’assignation en justice pour faire reconnaître l’existence d’une obligation, ne peuvent permettre de caractériser une intention dolosive de Monsieur [S] [I] qui lui aurait permis d’obtenir le consentement du défendeur au protocole.

La capacité de contracter est une condition de validité du protocole dont l’application est demandée (article 1128 du code civil) mais Monsieur [O] [I] ne parvient pas au travers les documents versés aux débats à démontrer qu’il en est privé. En effet, s’il peut connaître un état de santé fragilisé notamment relaté par différents certificats médicaux, aucune expertise n’a mesuré l’impact de cet état sur sa capacité juridique, il ne fait l’objet d’aucune démarche pour être placé sous mesure de protection judiciaire et il a, en mars 2024, signé non seulement un divorce par consentement mutuel mais également la succession de ses parents (pièces défendeur n°3 et 5).

Enfin, alors même que Monsieur [O] [I] a formulé à plusieurs reprises son accord pour payer la somme due au titre de la répartition du capital décès, il sollicite désormais que cette somme soit qualifiée de don. Cependant, cette qualification ne saurait prospérer, puisque Monsieur [O] [I] doit verser cette somme en raison du déséquilibre dans la répartition du capital décès reconnu dans l’accord du 13 octobre 2023 et non parce qu’il est animé d’une intention libérale envers son frère.

Dès lors, l’obligation dont l’existence est établie ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Monsieur [O] [I] sera condamné au paiement provisionnel de la somme de 31333,72 euros à Monsieur [S] [I] en application de l’accord du 13 octobre 2023.

Sur les intérêts

Monsieur [S] [I] demande la condamnation de Monsieur [O] [I] au paiement des intérêts à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2024.

L’accord dont l’application est sollicitée ne prévoit pas que les sommes dues seront assujetties jusqu’à leur paiement des intérêts légaux.

Dès lors, il n’y aura pas lieu de faire droit à cette demande.


Sur les dépens et frais irrépétibles

Monsieur [O] [I], qui succombe, sera condamné aux dépens.

Il sera en outre condamné à payer à Monsieur [S] [I], la somme de 1000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700, au titre des frais exposés par le demandeur, pour assurer la préservation de ses droits qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référés, par décision contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

Condamnons Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme provisionnelle de 31333,72 euros (trente et un mille trois cent trente-trois euros et soixante-douze centimes) en application de l’accord du 13 octobre 2023,

Condamnons Monsieur [O] [I] à payer à Monsieur [S] [I] la somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons Monsieur [O] [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons Monsieur [O] [I] aux dépens,

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Sarah HOURTOULE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00706
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Accorde une provision

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;24.00706 ?
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