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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00388

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés, 09 juillet 2024, 24/00388


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Référé
N° RG 24/00388 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YBZ6
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024




DEMANDERESSE :

S.C.I. [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Delphine CHAMBON, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDERESSES :

S.A.S. ALTERMOVE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Benjamin GRAS, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. SAINT MARTIN MULTIMEDIA
[Adresse 2]
[Localité 7]r>représentée par Me Clotilde HAUWEL, avocat au barreau de LILLE






JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référé
N° RG 24/00388 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YBZ6
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024

DEMANDERESSE :

S.C.I. [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Delphine CHAMBON, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES :

S.A.S. ALTERMOVE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Benjamin GRAS, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. SAINT MARTIN MULTIMEDIA
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Clotilde HAUWEL, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 18 Juin 2024

ORDONNANCE mise en délibéré au 09 Juillet 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Suivant acte sous seing privé du 17 février 2014, la SCI [Adresse 8] a consenti à la SAS ALTERMOVE un bail commercial portant sur des locaux situés à [Localité 9], [Adresse 1] et [Adresse 3] pour une durée de neuf années à compter du 17 février 2014, moyennant le paiement d’un loyer annuel de 40000 euros, payable par quart et d’avance, outre provisions pour charges et versement d’un dépôt de garantie de 10000 euros.

Suivant acte sous seing privé en date du 22 septembre 2021, réitéré par acte authentique reçu le 28 septembre 2023 par Maître [Y] [P], Notaire à [Localité 10], la SAS ALTERMOVE a cédé huit fonds de commerce à la SAS ECYCLUM, aux droits desquels est venue la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA par décision de transfert universel de son patrimoine en date du 1er janvier 2023 à compter du 1er juillet 2022.

Le bail prévoit qu’en cas de cession, le cédant restera garant et répondant solidaire de son cessionnaire tant pour le paiement du loyer que pour l’exécution des conditions du bail.

Par acte du 29 décembre 2023, la Société SAINT MARTIN MULTIMEDIA a donné congé pour le 30 juin 2024.

Les loyers étant impayés, la SCI [Adresse 8] a envoyé une mise en demeure le 15 janvier 2024 à la SAS ALTERMOVE et à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA, puis par actes des 26 février et 4 mars 2024, a fait assigner la SAS ALTERMOVE et la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA devant le président du tribunal judiciaire de LILLE, statuant en référés, aux fins de condamner la SAS ALTERMOVE et à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA
- au paiement à titre provisionnel de la somme de 86.383,10 euros au titre de loyers et charges, arrêtés 12 janvier 2024, échéance du 1er trimestre 2024 incluse
- à régler à la SCI DU [Adresse 8] les intérêts prorata temporis à compter de la date d’exigibilité de chaque échéance, au taux légal majoré de cinq points, conformément aux dispositions du bail
- solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens.

L’affaire appelée à l’audience du 26 mars 2024 a été renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 18 juin 2024.

A cette audience, la SCI [Adresse 8] représentée par son avocat reprend oralement ses conclusions déposées et demande de :
Vu le bail du 17 février 2014,
Vu l’article 835 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce,
- CONDAMNER solidairement la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE ou l’une à défaut de l’autre, à régler à la SCI DU [Adresse 8] une provision d’un montant de 101.576,16 €. correspondant au solde débiteur au 2 mai 2024.
- CONDAMNER par provision solidairement la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE, ou l’une à défaut de l’autre, à régler à la SCI DU [Adresse 8] les intérêts prorata temporis à compter de la date d’exigibilité de chaque échéance, au taux légal majoré de cinq points, conformément aux dispositions du bail,
- DEBOUTER la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens.

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA, représentée par son avocat, reprend oralement ses écritures déposées à l’audience, aux termes desquelles elle demande :
Vu les dispositions de l’article 835 du Code de Procédure Civile ;
Vu les articles 1101, 1231-1,1343-5 et 2278 du Code Civil ;
Vu les articles L 145-1 et suivants du Code de Commerce ;
Vu le contrat de bail commercial en date du 17 février 2024 ;
Vu le congé en date du 29 décembre 2023 ;
Vu les pièces annexées,
- JUGER que la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA est recevable dans ses demandes, fins et conclusions ;
- DEBOUTER LA SCI [Adresse 8] dans ses demandes, fins et conclusions.
A TITRE LIMINAIRE
- JUGER que les demandes de la SCI [Adresse 8] démontrent l’existence d’une contestation sérieuse ;
- JUGER qu’il n’y a lieu à référé ;
- RENVOYER la SCI [Adresse 8] à mieux se pourvoir au fond devant le Tribunal Judiciaire de LILLE ;
A TITRE PRINCIPAL
- FIXER la créance due à titre provisionnel, à la somme de 76 383,10 euros, terme du premier trimestre 2024 incluse.
- DEBOUTER LA SCI [Adresse 8] de sa demande de condamnation de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA, par provision aux intérêts prorata temporis, à compter de la date d’exigibilité de chaque échéance, au taux légal majoré de cinq points,
A TITRE RECONVENTIONNEL
- JUGER que la SCI [Adresse 8] a manqué à son obligation de bonne foi contractuelle,
- JUGER que la SCI [Adresse 8] engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA ;
- CONDAMNER la SCI [Adresse 8] à payer à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA la somme de 10 129 euros en réparation de son préjudice, à parfaire en fonction du montant des intérêts et accessoires retenus par le Tribunal ;
- ORDONNER la compensation judiciaire entre les sommes allouées à titre de dommages et intérêts au profit de la SAINT MARTIN MULTIMEDIA et les sommes dues à la suite d’une éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA ;
A TITRE SUBSDIAIRE
- ACCORDER à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA des délais de 24 mois pour apurer sa dette, soit la somme de MILLE DEUX CENTS (1 200 €), pendant 23 mensualités et le solde à la 24ème mensualité et ce, tous les 15 du mois ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
- DEBOUTER la SCI [Adresse 8] du surplus de ses demandes.
- DEBOUTER la SCI [Adresse 8] de sa demande de condamnation solidaire de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et de la SAS ALTERMOVE à la somme de 4 000 €, sur le fondement de l’article 700 et aux entiers dépens.
- CONDAMNER la SCI [Adresse 8] à régler à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 et aux entiers dépens.

La Société ALTERMOVE, représentée par son avocat, sollicite le bénéfice de ses conclusions et demande de :
Vu l’article 835 du Code de procédure civile,
Vu le bail commercial du 17 février 2014,
Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce,
Vu les éléments versés aux débats,
A titre principal
- SE DECLARER incompétent pour juger le présent litige.
- DECLARER l’ensemble des demandes de la société SCI [Adresse 8] infondées.
A titre subsidiaire
- CONSTATER que les demandes de provision de la SCI [Adresse 8], tant au titre des loyers et charges qu’au titre des intérêts, doivent être fixées dans la limite du montant non sérieusement contestable de la créance alléguée,
- CONSTATER que seule la facture du 1er trimestre 2024 servira de base au calcul des provisions.
En tout état de cause
- CONDAMNER la société SCI [Adresse 8] à payer à la société ALTERMOVE la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER la société SCI [Adresse 8] aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

La présente décision susceptible d’appel est réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du juge des référés

Le président du tribunal judiciaire est compétent en application de l’article 835 du code de procédure civile et peut condamner à titre provisionnel au paiement de sommes d’argent lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le président du tribunal statuant en référé aura à examiner si les contestations soulevées sont sérieuses afin de déterminer s’il y a lieu à référé.

Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l’arriéré

La SCI [Adresse 8] sollicite le paiement des loyers et charges depuis le 1er trimestre 2023.
Elle indique que la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA n’a payé aucun loyer depuis le début de l’année 2023.
Elle souligne avoir été contactée pour une réitération de cession car des formalités avaient été mal faites mais toujours pour un effet en 2021 et avoir été interrogée sur le compte locatif en 2021, date d’effet de la cession, jamais sur le compte locatif 2023/2024 puisqu’il s’agissait de réitérer la cession avec effet en 2021.

Pour s’opposer aux prétentions de la SCI, la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA invoque l’absence de bonne foi du bailleur dans l’exécution de ses obligations. Elle souligne que la SCI [Adresse 8] a concouru à l’acte de cession, en la personne de Madame [K] [G], agissant en sa qualité de gérante et ayant donné mandat à l’étude notariale pour la représenter mais qu’à aucun moment elle n’a indiqué qu’il existait une dette locative, ni alerté sur les montants dus.
La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA indique qu’elle n’a pas pu jouir des locaux et bénéficier de sa qualité de locataire depuis septembre 2021.
Elle expose aussi qu’à la suite de la cession intervenue le 29 septembre 2021, elle a réglé les charges et les loyers, alors même que ceux-ci ne pouvaient pas être comptabilisés, comme tels, faute de justificatifs comptables puisqu’elle n’a pas été destinataire des quittances et appels de fonds, adressés à la SAS ALTERMOVE et à la Société ECYCLUM.
Elle estime que la SCI a manqué de diligence, ne l’a pas averti lors de la réitération de la cession et aurait pu entamer une procédure judiciaire à l’encontre des locataires, depuis le 1er trimestre 2023.
Elle fait valoir que s’il n’est pas contestable qu’à compter du 28 septembre 2023, elle était redevable des loyers, il existe un doute sérieux quant à l’exigibilité des loyers à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA, avant cette date.
Elle avance aussi que le tableau faisant office de décompte n’est pas suffisamment explicite et ne permet pas aux débiteurs de comprendre exactement à quoi correspondent les sommes appelées d’autant que le décompte ne débute pas depuis l’origine de la dette.
Elle considère qu’il existe donc des contestations sérieuses.

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile “Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [il peut] accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire”.

L’acte authentique de cession intervenu le 28 septembre 2023 mentionne que la SCI [Adresse 8], signataire de l’acte, confirme que la société ALTERMOVE est à jour du règlement du loyer et des charges à la date du 29 septembre 2021 et qu’elle n’est redevable d’aucune autre somme de quelque nature que ce soit.

La SCI [Adresse 8] a donc indiqué que la société ALTERMOVE était à jour de ses loyers alors qu’elle est solidairement tenue des loyers qui ne sont pas versés depuis le 1er janvier 2023.
Pour autant, la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA ne conteste pas devoir les loyers après le 28 septembre 2023.

Il apparaît que les factures des loyers et charges ont été adressées à « ECYCLUM-ALTERMOVE » excepté celle du 27 décembre 2023 adressée à « SAINT MARTIN MULTIMEDIA » depuis le 29 décembre 2022 et ces factures permettent de connaître le détail des sommes dues (Pièce demanderesse n°7) reprises dans le tableau des loyers.
En réalité, aucune somme n’étant due après la facture du 1er trimestre 2023, seul le loyer de ce trimestre est appelé avec la facture du 29 décembre 2022.

Il est indiqué dans l’acte authentique de cession que la société ECYCLUM a été dissoute le 1er janvier 2023, entraînant le transfert universel de son patrimoine au profit de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA, mais cette société ne justifie pas en avoir averti le bailleur avant le 28 septembre 2023.

Il ne peut donc être reproché à la SCI de n’avoir pas adressé les factures à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA avant le 28 septembre 2023.
La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA ne justifie pas qu’elle n’a pu jouir des locaux loués.
Il semble d’ailleurs que depuis 2021 les loyers soient payés.

Le défaut de paiement du loyer est concomitant avec la dissolution de la société ECYCLUM le 1er janvier 2023.

Pourtant, la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA connaissait parfaitement ses obligations et se devait de verser les loyers dus sans qu’il soit nécessaire de recevoir des factures.
De même, il ne saurait être reproché au bailleur son manque de diligence alors que les loyers sont dus en application des clauses du bail et de la cession de fonds de commerce du 29 septembre 2021 réitérée le 28 septembre 2023.

Les moyens tirés de l’absence d’exécution de bonne foi du contrat par le bailleur ne revêtent pas le caractère d'une contestation sérieuse opposable à son obligation de payer le loyer et les charges.

La SCI [Adresse 8] justifie par la production du bail, de la mise en demeure du 15 janvier 2024, des factures des loyers des 4 trimestres de 2023 adressées à ECYCLUM et ALTERMOVE et du décompte que la SAINT MARTIN MULTIMEDIA a cessé de payer ses loyers, charges, taxes, et indemnités d’occupation, et reste lui devoir une somme de 101.576,16 euros, selon décompte arrêté au 17 juin 2024, terme de du 2ème trimestre 2024 inclus.

Si la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA affirme avoir quitté les lieux et qu’une remise des clés est prévue entre les parties, elle n’en justifie pas. Il ne peut donc être déduit de la somme due le remboursement du dépôt de garantie, à hauteur de la somme de 10000 euros à défaut d’état des lieux de sortie et de remise des clés.

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA sera condamnée à payer à la SCI [Adresse 8], la somme provisionnelle de 101.576,16 euros.

Sur la condamnation de la société ALTERMOVE

La SCI [Adresse 8] fait valoir que l’engagement de codébiteur solidaire de la société ALTERMOVE n’est pas sérieusement contestable en application des clauses de l’acte de cession de fonds de commerce.
Elle estime que l’obligation du cédant de régler l'arriéré locatif, solidairement avec la locataire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse dès lors que l'acte de cession comporte une clause de garantie solidaire.
Elle rappelle que la dette débute en 2023 et n’est pas ancienne au sens de la jurisprudence. Elle souligne qu’il n’y a aucune négligence fautive du bailleur dans le recouvrement de sa créance, ce dernier ayant agi dans des délais raisonnables.

La société ALTERMOVE ne conteste pas être solidairement garante du paiement des loyers et charges dus par la société SAINT MARTIN MULTIMEDIA, preneur, à la SCI [Adresse 8], bailleur, mais conteste son obligation de payer pour n’avoir pas été mise en mesure de connaître l’existence de cette créance.
La société ALTERMOVE souligne que la SCI [Adresse 8] ne l’a jamais avertie avant le 15 janvier 2024 d’un défaut de paiement des loyers de la société SAINT MARTIN MULTIMEDIA, alors qu’elle aurait eu l’occasion de le faire, notamment lors de la réitération de l’acte de cession le 28 septembre 2023.

L’article L145-16-1 du code de commerce dispose que si la cession du bail commercial est accompagnée d'une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, ce dernier informe le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci.

En l’espèce, aucune dérogation à cet article n’a été prévue.

L’acte de cession de fonds de commerce a expressément prévu une clause de garantie solidaire du cédant qui reste tenu solidairement du paiement des loyers avec le cessionnaire durant 3 ans à compter du 29 septembre 2021, soit jusqu’au 29 septembre 2024.

La SCI [Adresse 8] ne justifie pas avoir averti le cédant dans le mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA durant toute l’année 2023.
La société ALTERMOVE quant à elle, ne démontre pas comment, informée plus tôt, elle aurait pu échapper à une condamnation solidaire de la totalité des loyers impayés ou être condamnée à une somme moindre.

La société ALTERMOVE sera donc condamnée in solidum à payer à la SCI [Adresse 8], la somme provisionnelle de 101.576,16 euros.

Sur les intérêts

Les demandes relatives à des pénalités pouvant prendre la forme d'intérêts de retard sont des clauses pénales dont l'interprétation comme l'éventuel caractère manifestement excessif ou dérisoire préjudicient au fond.

En conséquence, il n’y aura pas lieu à référé sur les prétentions se fondant sur ces clauses.

La somme provisionnelle de 101.576,16 euros au paiement de laquelle les défenderesses seront condamnées produira intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente ordonnance.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts et de compensation judiciaire

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA estime que la SCI [Adresse 8] a commis une négligence fautive engageant sa responsabilité contractuelle puisqu’elle aurait dû l’informer de sa dette plus tôt.

La SCI [Adresse 8] estime que sa mise en demeure n’est pas tardive.

L’article 1231-1 du Code Civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA ne peut sérieusement considérer que même en l’absence de factures ou de mises en demeure, elle ignorait l’obligation de payer les loyers à la société propriétaire des locaux commerciaux loués.

Il n’y aura donc pas lieu à référé sur ces demandes reconventionnelles.

Sur la demande subsidiaire d’octroi de délais de paiement

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA indique avoir réglé les loyers et charges pendant plus de quinze mois, de septembre 2021 à décembre 2022, puis avoir cessé ces paiements compte tenu de l’absence de quittance au nom de la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et des difficultés économiques rencontrées.

La SCI [Adresse 8] s’oppose à l’octroi de délai en raison de l’ancienneté de la dette.

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA indique qu’elle essuie une perte financière de 2 308 970 euros, laissant penser que sa situation financière est obérée.
La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA indique qu’à compter de juillet 2024, sa trésorerie va nettement s’améliorer. Cependant, alors qu’elle annonce une pièce n°7 correspondant à une attestation comptable, elle ne la verse pas.

En l’absence d’informations sur la situation financière du débiteur, le juge des référés est dans l’impossibilité de déterminer les mensualités susceptibles d’être tenues par lui pour apurer la dette dans le délai de deux ans fixé à l’article 1343-5 du code civil et par suite de faire droit à la demande de délais de paiement présentée par la société défenderesse.

Sur les demandes accessoires

La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE, qui succombent, seront condamnées aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI [Adresse 8] les sommes exposées par elle dans la présente instance et non comprises dans les dépens.
La SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE seront condamnées in solidum à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En vertu des dispositions des articles 484, 514 et 514-1 du Code de procédure civile, l’exécution provisoire sera de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référés, par décision mise à la disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort ;

Condamnons in solidum la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE, à payer à la SCI DU [Adresse 8] la somme provisionnelle de 101.576,16 euros (cent un mille cinq cent soixante-seize euros et seize centimes) au titre de l’arriéré de loyers, charges et taxes, et indemnités d’occupation, selon décompte arrêté au 17 juin 2024, terme du 2ème trimestre 2024 inclus ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de majoration de cinq points des intérêts ;

Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de la présente ordonnance ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SCI [Adresse 8] à payer à la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA la somme de 10129 euros en réparation de son préjudice ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de compensation ;

Rejetons la demande de délais de paiement ;

Condamnons in solidum la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE à payer à la SCI DU [Adresse 8] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SARL SAINT MARTIN MULTIMEDIA et la Société ALTERMOVE in solidum aux dépens ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Sarah HOURTOULE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00388
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;24.00388 ?
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