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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00362

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés, 09 juillet 2024, 24/00362


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-



Référé
N° RG 24/00362 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAK6
SL/SH


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024




DEMANDERESSE :

Mme [L] [G]-[R]
[Adresse 8]
[Localité 1] ([Localité 10], SUISSE)
représentée par Me Alban POISSONNIER, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEURS :

Centre Hospitalier Régional Universitaire de [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 6]
non comparant

M. [E] [M]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me V

ronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE

Mme [C] [Y]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Arnaud NINIVE, avocat au barreau de LILLE





JUGE DES RÉFÉRÉS : ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référé
N° RG 24/00362 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAK6
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 09 JUILLET 2024

DEMANDERESSE :

Mme [L] [G]-[R]
[Adresse 8]
[Localité 1] ([Localité 10], SUISSE)
représentée par Me Alban POISSONNIER, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

Centre Hospitalier Régional Universitaire de [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 6]
non comparant

M. [E] [M]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE

Mme [C] [Y]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Arnaud NINIVE, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Sébastien LESAGE

DÉBATS à l’audience publique du 18 Juin 2024

ORDONNANCE mise en délibéré au 09 Juillet 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Monsieur [X] [R], décédé le [Date décès 4] 2022 alors qu’il était hospitalisé à l’Hôpital [11] à [Localité 6], était pacsé avec Madame [C] [Y].

Un mois avant son décès, le [Date décès 5] 2022, Monsieur [X] [R] a rédigé un testament par lequel il a institué Madame [C] [Y] légataire de l’ensemble de ses biens et compte d’assurance-vie.

Exposant que les circonstances de la mort de son frère et de la rédaction de son dernier testament posent questions, Madame [L] [R] épouse [G] a par actes séparés des 16 et 22 février 2024, fait assigner devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé l’établissement d’hospitalisation CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE [Localité 6], Maître [E] [M] et Madame [C] [Y] devant le président du tribunal judiciaire de Lille aux fins de
Vu les articles 145, 696 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
- PRONONCER la levée du secret professionnel de Maître [E] [M] concernant la succession de Monsieur [X] [R] ;
- JUGER que Maître [E] [M] communiquera au Conseil de Madame [L] [G] l’ensemble des informations dont il dispose sur la succession de Monsieur [X] [R] et notamment :
- Les clauses bénéficiaires d’assurances-vie ou à défaut les coordonnées de l’organisme auprès duquel les contrats étaient souscrits ;
- L’inventaire des biens meubles et immeubles du défunt ;
ASSORTIR cette obligation d’une astreinte à hauteur de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, pour une durée de trois mois ;
- JUGER que la juridiction sera compétente pour liquider l’astreinte ;
- PRONONCER la levée du secret professionnel du CHU de [Localité 6] concernant Monsieur [X] [R] ;
- JUGER que le CHU de [Localité 6] communiquera au Conseil de Madame [L] [G] l’ensemble du dossier médical de Monsieur [X] [R] ;
- ASSORTIR cette obligation d’une astreinte à hauteur de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, pour une durée de trois mois;
- JUGER que la juridiction sera compétente pour liquider l’astreinte ;
- JUGER que chaque partie conservera à sa charge ses entiers frais de procédure et dépens ;
- DEBOUTER les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

L’affaire a été appelée à l’audience du 26 mars 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 18 juin 2024.

A cette date, Madame [L] [R] épouse [G] représentée par son avocat sollicite le bénéfice de ses dernières écritures déposées à l’audience et reprises oralement.
Elle demande
Vu les articles 145, 696, 700, 752 et 760 du Code de procédure civile,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
- JUGER que l’assignation délivrée le 16 février 2024 par Madame [L] [R] épouse [G] à [C] [Y] est recevable
- JUGER que Madame [L] [R] épouse [G] se désiste de sa demande, au CHU de [Localité 6], de communication de l’ensemble du dossier médical de Monsieur [X] [R]
- JUGER que Madame [L] [R] épouse [G] justifie d’un intérêt légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile
- PRONONCER la levée du secret professionnel de Maître [E] [M] concernant la succession de Monsieur [X] [R] ;
- JUGER que Maître [E] [M] communiquera au Conseil de Madame [L] [G] l’ensemble des informations dont il dispose sur la succession de Monsieur [X] [R] et notamment :
- Les clauses bénéficiaires d’assurances-vie ou à défaut les coordonnées de l’organisme auprès duquel les contrats étaient souscrits ;
- La liste des éléments d’actif et de passif composant la succession ;
- La liste des meubles en possession du défunt au jour du décès ;
- ASSORTIR cette obligation d’une astreinte à hauteur de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, pour une durée de trois mois;
- JUGER que la juridiction sera compétente pour liquider l’astreinte
- DEBOUTER Madame [C] [Y] de sa demande au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.
- CONDAMNER Madame [C] [Y] à verser à Madame [L] [R] épouse [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
- DEBOUTER les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Maître [E] [M], représenté par son avocat, sollicite le bénéfice de ses conclusions soutenues et déposées à l’audience et demande de :
Vu les dispositions de l’article 145 du Code de Procédure Civile,
A titre principal
- Dire que Madame [G]-[R] ne dispose pas d’un motif légitime à solliciter la levée du secret professionnel de Maître [M] concernant la succession de Monsieur [X] [R] ;
Dans tous les cas,
- Prendre acte que les éventuelles clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie n’ont pas été réglés par l’intermédiaire de l’étude de Maître [M],
- Prendre acte qu’aucune liste des meubles en possession du défunt n’a été dressée au jour du décès par Maître [M].
En conséquence,
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de Madame [G]-[R] telles que dirigées à l’encontre de Maître [M], l’en débouter ;
- La condamner à verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du CPC ;
- La condamner aux entiers frais et dépens à l’instance.

Madame [C] [Y], représentée par son avocat, sollicite le bénéfice de ses conclusions soutenues et déposées à l’audience et demande de :
- Constater que Madame [C] [Y] se désiste de sa demande en nullité de l’assignation délivrée le 16 février 2024 par Madame [L] [R] épouse [G] à Madame [C] [Y] pour défaut de constitution expresse d’avocat de la demanderesse dans son assignation emportant élection de domicile en son cabinet lorsque la demanderesse réside à l'étranger en application des articles 119, 752, 760 du code de procédure civile au regard de la régularisation de la demanderesse par constitution expresse d’avocat dans la notification de ses conclusions en réponse emportant élection de domicile en son cabinet
- Dire et juger que Madame [L] [R] épouse [G] ne justifie pas d’un intérêt légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile,
- Rejeter en conséquence les demandes de Madame [L] [R] épouse [G],
En tout état de cause,
- Condamner Madame [L] [R] épouse [G] à payer à Madame [C] [Y] la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts en application de l’article 32-1 du code de procédure civile au regard des souffrances psychologiques endurées à la suite d’une assignation qui comporte de façon inutile, dans un but vexatoire et blessant, des affirmations et allégations calomnieuses qui portent atteinte en justice à sa dignité au regard de son paragraphe intitulé « Préalable sur le comportement de Madame [C] [Y] » constituant un réquisitoire de pur procès d’intention concluant qu’il serait « évident que Madame [C] [Y] a orchestré l’éloignement de Monsieur [X] [R] de sa famille avant son décès afin de spolier sa succession »,
- Condamner Madame [L] [R] épouse [G] aux entiers frais et dépens et à payer à Madame [C] [Y] une indemnité de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’établissement d’hospitalisation CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE [Localité 6], régulièrement cité par remise de l’acte à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision

En l’absence de l’un au moins des défendeurs qui n’a pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire en application des dispositions de l’article 474 du Code de procédure civile.
Il sera en outre fait application des dispositions de l’article 472 du même Code selon lesquelles le juge ne fait droit à la demande, en l’absence d’un des défendeurs, que s’il estime la demande régulière, recevable et bien fondée.

La présente décision, susceptible d’appel, sera réputée contradictoire.

Sur les demandes de “prendre acte” ou de “constater”:

En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

L’article 4 du même code dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.

Les demandes dépourvues d'effet telles les demandes de « donner acte » ou de “constater” ne constituent pas une prétention sur laquelle le juge doit se prononcer au sens des dispositions du code de procédure civile.

En conséquence, il n'y a pas lieu à statuer sur les demandes formulées en ce sens.

Sur la demande de levée du secret professionnel

Madame [L] [R] épouse [G] sollicite la main levée du secret notarial concernant la succession de Monsieur [X] [R], exposant qu’elle est sa collatérale la plus proche et sera donc son héritière si, comme envisagé, son testament est annulé.
Elle fait valoir qu’elle dispose d’un intérêt légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile pour solliciter du notaire, Maître [E] [M], des informations qu’il refuse de communiquer, sans motif pour éclaircir les circonstances de la rédaction du testament de Monsieur [X] [R]. Elle estime que les circonstances de rédaction du testament sont obscures et que tous les éléments laissent à croire que Monsieur [X] [R] n’était pas en capacité de tester, voire de modifier les clauses bénéficiaires de ses contrats d’assurance-vie et ajoute que l’attitude qu’elle qualifie d’acerbe de Maître [E] [M] dans ses correspondances a renforcé ce doute.

Maître [M] fait valoir qu’il n’avait pas à prendre position dans le cadre du litige opposant Madame [L] [R] épouse [G] à sa belle-sœur et n’avait pas à répondre aux différentes interrogations sur les circonstances ayant entouré le décès de son frère et les raisons sur lesquelles celui-ci avait souhaité rédiger ses dernières volontés. Il estime que Madame [L] [R] épouse [G] ne dispose d’aucun motif légitime à obtenir l’ensemble des informations sollicitées quant à l’état de la succession puisqu’elle n’a pas la qualité d’héritière et qu’il n’existe aucune décision de justice déclarant nul le testament du [Date décès 5] 2022.
Il ajoute que la demande de communication de pièces sous astreinte de Madame [L] [R] épouse [G] ne peut prospérer puisque les éventuelles clauses bénéficiaires d’assurance vie ont été réglées hors l’intervention de Maître [M], car hors succession ; aucune liste des meubles/biens en possession du défunt n’a été dressée au jour du décès et seul un acte de notoriété a été dressé et une déclaration de succession déposée auprès des impôts.

Madame [Y] expose que la composition de la succession d’un testateur ne constitue absolument pas un élément de nature à permettre de savoir si ce dernier était ou non sain d’esprit au moment de la rédaction de son testament de sorte que la demanderesse ne justifie d’aucun intérêt légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile à vouloir connaître la composition de la succession de son frère.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il suffit qu’un procès futur soit possible, qu’il ait un objet et un fondement suffisamment déterminé, que le demandeur produise des éléments rendant crédibles ses suppositions, sans qu’il n’y ait lieu à exiger un commencement de preuve des faits invoqués, que l’expertise est justement destinée à établir, que sa solution puisse dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, que celle-ci ne soit pas vouée à l’échec en raison d’un obstacle de fait ou de droit et ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Il résulte de l’article 23 de la Loi du 25 Ventôse An XI que les notaires ne peuvent sans l'ordonnance du président du tribunal de grande instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts.

Le juge ne peut condamner une partie ou un tiers à produire des pièces sans que leur existence soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable.

La communication de documents peut être ordonnée si le requérant justifie d’un intérêt légitime.

En l’espèce, Madame [R] épouse [G] ne justifie pas d’un intérêt légitime, n’ayant pas la qualité d’héritière de son frère Monsieur [R].

En outre, Maître [M] ne peut être condamné à communiquer des documents dont il ne dispose pas. Les clauses bénéficiaires d’assurances-vie ou les coordonnées de l’organisme auprès duquel les contrats étaient souscrits sont des renseignements qui ne dépendent pas du notaire mais des organismes bancaires auprès desquels les assurances vie ont été contractées.
D’autre part, la liste des éléments d’actif et de passif composant la succession ou la liste des meubles en possession du défunt au jour du décès sont des documents qui ne sont pas établis systématiquement et dont l’établissement n’est pas obligatoire en l’espèce.

Madame [R] sera en conséquence déboutée de sa demande de communication de pièces dans la mesure où elle ne dispose pas à ce jour de la qualité d’héritière et que Maître [M] est soumis au secret professionnel.

Sur la demande reconventionnelle de Madame [C] [Y]

Madame [Y] fait valoir que Madame [R]-[G] a agi en justice de façon abusive en lui portant un grave préjudice moral.
Elle souligne que son assignation ne comporte aucune demande formulée à son encontre, mais contient de façon inutile, dans un but vexatoire et blessant, des affirmations et allégations calomnieuses qui portent atteinte en justice à sa dignité notamment dans le paragraphe « Préalable sur le comportement de Madame [C] [Y] » concluant qu’il est « évident que Madame [C] [Y] a orchestré l’éloignement de Monsieur [X] [R] de sa famille avant son décès afin de spolier sa succession »

Madame [R] épouse [G] indique qu’elle se questionne légitimement sur la validité du testament réalisé par son frère un mois avant son décès.

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il est constant que l’octroi de dommages et intérêts excède les pouvoirs du juge des référés mais qu’il peut en revanche accorder une provision sur dommages-intérêts.

L’article 32-1 du code de procédure civile énonce que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il est admis que cet article peut être appliqué par toute juridiction y compris celle des référés de sorte que la juridiction des référés a le pouvoir de statuer sur le dommage causé par le comportement abusif des parties à la procédure dont elle est saisie dès lors que le caractère abusif n’est pas sérieusement contestable.

L’exercice d’une action en justice ne saurait en lui-même être constitutif d’un abus du droit d'agir en justice s’il n’est exercé à des fins dilatoires ou avec une intention de nuire.

La demanderesse indique dans son assignation et ses conclusions qu’il est évident que Madame [C] [Y] a orchestré l’éloignement de Monsieur [X] [R] de sa famille avant son décès afin de spolier sa succession.
Elle affirme cela en se fondant sur le fait que depuis 2018 son frère refusait de répondre aux sms qu’elle lui envoyait pour son anniversaire.
Il n’est pas contesté que Madame [Y] et Monsieur [R] ont entretenu une relation de couple depuis de longues années. Madame [Y] indique qu’ils se sont rencontrés en 2002 et en 2014 elle figure sur le faire part de décès de la mère de son compagnon à ses côtés.
Il semblerait que Monsieur [R] ait décidé de placer sur le compte d’assurance vie l’argent perçu au décès de sa mère et la demanderesse affirme qu’il souhaitait qu’elle et sa fille en soient les bénéficiaires pour que cet argent reste dans la famille, dans la mesure où il n’avait pas d’enfant.

Il ne peut être contesté que Madame [Y] a accompagné Monsieur [R] dans la maladie et alors qu’elle entretenait avec lui une relation de couple depuis plus de 15 ans.
En parallèle, il apparait que les relations entre madame [R] épouse [G] et son frère se sont distendues puisqu’il ressort des conversations sms qu’elle produit (Pièces demanderesse n°4 et 5) qu’en 2018 et 2019 elle lui a envoyé des sms à l’occasion de son anniversaire et de la nouvelle année et qu’il n’a pas répondu au point qu’elle s’est inquiétée de savoir s’il les avait reçus. Le 2 janvier 2020, elle lui a envoyé un dernier sms indiquant qu’elle n’avait plus de nouvelles.
Madame [R] épouse [G] et son frère n’avaient donc plus de relations et n’échangeaient plus de nouvelles depuis 2020.

Il ressort des documents versés par Madame [Y] et des conclusions du notaire de Monsieur [R], Maître [M], que Monsieur [R] est resté cohérent, capable et lucide dans les derniers mois de sa vie.
Le médecin traitant de Monsieur [R] atteste le 29 mai 2024 qu’il a conservé toutes ses facultés intellectuelles jusqu’à sa dernière hospitalisation. (Pièce Madame [Y] n°11)

Monsieur [R] vivait en concubinage avec Madame [Y] lorsque courant mai 2022, il a contacté Maître [M], Notaire, aux fins de l’aider à rédiger son testament olographe au profit de sa compagne. Il apparait que c’est Maître [M] qui a conseillé au couple, suite aux modifications testamentaires opérées, de régulariser un PACS.

Monsieur [R] a fait le choix, connaissant les problèmes graves de santé qu’il rencontrait, de faire de sa compagne sa légataire universelle. (Pièce demanderesse n°1)

Madame [R] épouse [G] n’a pas été contactée par l’assurance vie de son frère puisque ni elle ni sa fille n’en étaient bénéficiaires.

Alors qu’elle n’avait plus de relation avec son frère, Madame [R] épouse [G] a dans son assignation et ses conclusions indiqué qu’il est « évident que Madame [C] [Y] a orchestré l’éloignement de Monsieur [X] [R] de sa famille avant son décès afin de spolier sa succession » […] « Madame [C] [Y] adopte un comportement suspect depuis quelques années. » […] elle « s’interroge sur l’implication de Madame [C] [Y] dans le silence de son frère depuis quelques années avant son décès ». […] « Madame [C] [Y] a contacté la cousine de Madame [L] [G], Madame [S], qu’elle ne connaît pas, pour lui demander où se trouvait l’argent issu de la vente de la maison dont Monsieur [X] [R] avait hérité de ses parents ». […] elle « doute à juste titre des circonstances obscures entourant la rédaction du testament par Monsieur [X] [R] ».

Madame [R] épouse [G] a fait assigner Madame [Y] alors même qu’elle n’a formulé aucune demande à son encontre puisqu’elle sollicitait dans un premier temps le dossier médical du centre hospitalier et la communication de documents du notaire de son frère.
Le dossier médical ayant été communiqué, elle n’a maintenu que les demandes à l’encontre de Maître [M] tout en maintenant dans la cause Madame [Y].

Ainsi, il apparait avec l’évidence requise en référé que Madame [R] épouse [G] a abusé de son droit d’agir en justice à l’encontre de Madame [Y]. Sans élément, sans même formuler de demande à son encontre, Madame [R] épouse [G] a fait assigner Madame [Y] pour lui reprocher de spolier la succession de son frère.

Madame [Y] justifie de l’aggravation de son état de santé. Elle présente un état anxio-dépressif réactionnel dont les symptômes se sont aggravés depuis la procédure judiciaire. (Certificat médical du 29 mars 2024 – Pièce Madame [Y] n°7)

Madame [L] [R] épouse [G] sera donc condamnée à payer une provision visant à indemniser Madame [C] [Y] à hauteur de 2500 euros en réparation de son préjudice engendré par la procédure abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’article 491, alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit Code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Madame [R] épouse [G], qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions susvisées.

En application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de Madame [R] épouse [G] ne permet d’écarter la demande de Madame [Y] formée sur le fondement des dispositions susvisées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 2000 euros.

Madame [R] épouse [G] sera aussi condamnée à verser à Maître [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Madame [L] [R] épouse [G] sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

La présente décision, susceptible d’appel, est exécutoire par provision, en application des dispositions des articles 484, 514 et 514-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort ;

Déboutons Madame [L] [R] épouse [G] de sa demande de levée du secret professionnel de Maître [E] [M] concernant la succession de Monsieur [X] [R] ;

Déboutons Madame [L] [R] épouse [G] de sa demande de communication par Maître [E] [M] de l’ensemble des informations dont il dispose sur la succession de Monsieur [X] [R] sous astreinte ;

Condamnons Madame [L] [R] épouse [G] à payer à Madame [C] [Y] la somme de 2500 euros à titre de provision au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [L] [R] épouse [G] à payer à Madame [C] [Y] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [L] [R] épouse [G] à payer à Maître [E] [M], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons Madame [L] [R] épouse [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [L] [R] épouse [G] à payer les entiers dépens de l’instance ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Sarah HOURTOULE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00362
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;24.00362 ?
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