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08/07/2024 | FRANCE | N°24/00177

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 08 juillet 2024, 24/00177


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
59034 LILLE CEDEX


☎ :03 20 78 33 33




N° RG 24/00177 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X7R3

N° de Minute : 24/00146

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 08 Juillet 2024





S.C.I. CIADRE


C/

[D] [X] [Y] [T]
Association ASAPN

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 08 Juillet 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.C.I. CIADRE, dont le siège social est sis [Adresse 4]



représentée

par Me Philip REISENTHEL, avocat au barreau de LILLE


ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [D] [X] [Y] [T]
né le 10 Janvier 1976 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]


Association ASAPN, [Adresse 2], curateur de Mr [T...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
59034 LILLE CEDEX

☎ :03 20 78 33 33

N° RG 24/00177 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X7R3

N° de Minute : 24/00146

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 08 Juillet 2024

S.C.I. CIADRE

C/

[D] [X] [Y] [T]
Association ASAPN

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 08 Juillet 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.C.I. CIADRE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Philip REISENTHEL, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [D] [X] [Y] [T]
né le 10 Janvier 1976 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Association ASAPN, [Adresse 2], curateur de Mr [T] [D] suivant décision du 12/12/2022

représentés par Me Christophe WERQUIN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 06 Mai 2024

Louise THEETTEN, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 08 Juillet 2024, date indiquée à l'issue des débats par Louise THEETTEN, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG : 24/177 – Page - SD

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé en date du 26 février 2022, la société civile immobilière Ciadre a donné à bail à M. [D] [T] un immeuble à usage d’habitation situé 1er étage, [Adresse 3], moyennant un loyer révisable mensuel de 650 euros, majoré d'une provision sur charges de 50 euros.

Au vu de l'extrait d'une décision du juge des tutelles du 12 décembre 2022, par ordonnance de même date du juge des tutelles du tribunal judiciaire de Lille, M. [T] a bénéficié d'un changement de curateur, l'association pour le soutien et l'action personnalisée dans le département du Nord (ci-après l'ASAPN) étant désignée en cette qualité.

Par acte de commissaire de justice du 30 octobre 2023, la SCI Ciadre a fait commandement à M. [T] d'avoir, immédiatement et sans délai, à respecter les obligations lui incombant en sa qualité de locataire et à cesser les troubles de voisinage et les nuisances.

Faisant valoir que M. [T] n'use pas des lieux loués de manière paisible et cause à autrui des troubles de voisinage, la SCI Ciadre, par exploit du 24 janvier 2024, a fait assigner M. [T] et Mme [I] [K] en qualité de curatrice de M. [T], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé aux fins de voir :

constater la résiliation du bail au 1er janvier 2024, à défaut prononcé la résiliation du bail à la date de l'ordonnance à intervenirordonner l'expulsion de M. [T] avec assistance de la force publique, avec enlèvement des meubles sous astreinte de 300 euros par jour de retardordonner jusqu'à la libération des lieux la cessation des troubles et nuisances sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie de commissaire de justice ou par les services de policefixer l'indemnité mensuelle d'occupation due par M. [T] à une somme égale au montant du loyer et des charges avant résiliationcondamner en conséquence M. [T] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle de 700 euros avec intérêts au taux légal jusqu'à la libération effective des lieuxcondamner M. [T] à lui payer la somme provisionnelle 5000 euros au titre des travaux de rénovation à effectuer suite à la dégradation du logement, somme à actualiser au jour de l'audience ainsi qu'au départ effectif des lieuxjuger la décision opposable à Mme [K] en sa qualité de curatrice de M. Leroycondamner M. [T] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civilecondamner M. [T] aux dépens dont le coût du commandement du 30 octobre 2023.
A l'audience du 25 mars 2024, l'affaire a été contradictoirement renvoyée, l'ensemble des parties étant représenté.

A l'audience du 6 mai 2024, la SCI Ciadre, représentée par son conseil, demande, par conclusions n°2 déposées à l'audience de :

prononcer la résiliation du bail pour usage anormal du logement et trouble anormal du voisinageordonner l'acquisition de la clause résolutoire au 31 décembre 2023 .prononcer l'expulsion de M. [T] et dire qu'il a quitté définitivement les lieux suite à l'incendie survenu dans la nuit du 10 au 11 décembre 2023

condamner M. [T] à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer majoré des charges jusqu'à la libération définitive des lieux loués ayant eu lieu le 24 avril 2024condamner M. [T] à lui payer la somme provisionnelle de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de son comportement fautif dans le cadre du bailcondamner M. [T] à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civilele condamner aux entiers dépens dont le coût du commandement d'avoir à respecter les clauses du bail et visant la clause résolutoireordonner l'exécution provisoire.
M. [T], assisté de son curateur, l'ASAPN, tous deux représentés par leur conseil, demande au juge des contentieux de la protection statuant en référé de :

débouter la SCI Ciadre de ses demandesà titre subsidiaire constater l'existence d'une contestation sérieuse en ce qui concerne la demande de dommages-intérêtsà titre reconventionnel, condamner la SCI Ciadre à lui restituer la somme de 650 euros au titre du dépôt de garantie augmentée de 10% par mois à compter du 12 janvier 2024 ainsi que la somme de 429 euros à titre de restitution d'un loyer trop perçucondamner la SCI Ciadre aux dépensaccorder à M. [T] l'aide juridictionnelle provisoire.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions sus-visées des parties pour un exposé complet de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il sera considéré que nonobstant la maladresse de formulation dans l'assignation délivrée par la SCI Ciadre à Mme [K], salariée de l'ASAPN, et compte tenu des conclusions déposées pour M. [T] et l'ASAPN par leur conseil que l'ASAPN en qualité de curateur est partie à la procédure et non Mme [K].

En application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de leur compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur la résiliation :

En application de l'article 7b de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

Par application de l'article 4g de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, est valable la clause résolutoire stipulée pour non-respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée

En l'espèce, le bail, dont la validité est admise par les parties, stipule qu'il « sera résilié immédiatement et de plein droit, c'est à dire sans qu'il soit besoin de faire ordonner une résolution en justice (...) deux mois après le non respect de l'obligation d'user paisiblement des locaux loués résultant notamment de troubles de voisinage constatés par décision de justice passée en force de chose jugée »

Or, il n'est pas justifié d'une décision passée en force de chose jugée constatant les troubles du voisinage imputés à M. [T] et la présente ordonnance ne peut constituer la décision de justice passée en force de chose jugée.

La réunion des conditions d'acquisition de la clause résolutoire sus-visée n'est donc pas établie.

Si le juge des référés dispose des pouvoirs pour constater la réunion des conditions d'acquisition d'une clause résolutoire, il ne peut prononcer la résolution d'un bail sauf les pouvoirs qu'il tient de l'article 706-40 du code de procédure pénale lequel permet au propriétaire de solliciter la résiliation du bail et l'expulsion du locataire qui se livre à la prostitution ou la tolère lorsque sont commis de manière répétée les faits de vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou emplacements non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.

Toutefois, la SCI Ciadre n'invoque, ni ne vise les dispositions de l'article 706-40 du code de procédure civile dans ses écritures.

En toutes hypothèses, à supposer que la SCI Ciadre invoque ledit article du code de procédure pénale, en faisant état de la présence de prostituées dans l'immeuble du fait de M. [T], la SCI Ciadre ne justifie pas de la réalité de cette présence laquelle n'est étayée que par des documents rédigés par elle ou ses associés ou leurs dépôts de plainte. En effet, seul un mail du 24 juillet 2023 imputé à Mme [V] et à M. [N] évoque la présence de préservatifs usagés. Or cette pièce est insuffisante à caractériser des faits habituels de vente ou mise à disposition d'un local ou emplacement au profit de personnes se livrant à la prostitution.

Ainsi, la demande de constat de la résiliation du bail et la demande de prononcé de la résiliation du bail, qu'elles soient fondées sur des troubles du voisinage ou les faits visés à l'article 706-40 du code de procédure pénale, seront rejetées.

En revanche, il est établi et admis par les parties qu'un incendie a détruit le logement de M. [T] dans la nuit du 10 au 11 décembre 2023. L'attestation d'intervention du SDIS énonce que le feu se situait au 1er étage de l'immeuble, soit celui du logement, avec propagation dans une rue adjacente.

En application de l'article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit.

L'incendie de la chose louée a manifestement rendu impossible l'utilisation du logement à des fins d'habitation, tel que cela est énoncé par les associés de la SCI Ciadre dans leur plainte pénale du 13 décembre 2023 et tel que cela résulte des photographies aux débats.

Or, les pièces aux débats ainsi que l'absence de pièces relatives aux causes précises du sinistre ne permettent pas de considérer avec l'évidence requise en référé que l'incendie est survenu par cas fortuit, ni que l'impossibilité d'user de la chose louée est définitive et absolue.

La date de résiliation du bail ne peut être fixée au 11 décembre 2023.

Cependant, force est de constater que si les parties divergent sur la date de résiliation elles considèrent toutes deux que le bail est désormais résilié. Cet accord sera constaté dans le dispositif de l'ordonnance.

La demande d'expulsion de M. [T] est sans objet, celui-ci n'étant plus dans les lieux.

Sur la demande de provision à valoir sur des dommages-intérêts :

L'article 1733 du code civil énonce que le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

La SCI Ciadre sollicite l'allocation de dommages-intérêts en réparation de son préjudice constitué par tous les désagréments subis du fait du comportement de M. [T] allant jusqu'à la destruction de l'immeuble dont l'origine se situe dans la cuisine de l'appartement de M. [T].

Dès lors que le juge des référés n'a pas les pouvoirs pour apprécier la responsabilité de M. [T] dans les troubles du voisinage allégués et qu'aucune pièce ne détermine les causes précises de l'incendie ayant détruit le logement, la demande de provision sera rejetée.

Sur les indemnités mensuelles d'occupation provisionnelles dues jusqu'au 24 avril 2024 :

Il n'est pas sérieusement contestable qu'en application de l'article 1240 du code civil, la bailleresse subit un préjudice résultant de l'occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail.

Toutefois, la demande d'indemnités mensuelles d'occupation provisionnelles ne peut être accueillie en l'absence de date certaine de résiliation du bail et d'occupation du logement par M. [T] pour la période considérée.

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie avec majoration :

L'article 22 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l'adresse de son nouveau domicile.
Il est restitué dans un délai maximal d'un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées.
A défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile.

En l'espèce, seule une provision peut être allouée par le juge des référés.

Par ailleurs, l'obligation de restitution du dépôt de garantie pesant sur la SCI Ciadre est sérieusement contestable dès lors que le logement de M. [T] a été détruit par un incendie et que ce dernier n'allègue aucune des causes exonératoires énumérées à l'article 1733 du code civil, ni a fortiori ne produit d'élément en faveur de l'existence manifeste d'une cause exclusive de sa responsabilité.

La demande de restitution sera rejetée.

Sur la demande de restitution d'un trop perçu de loyer :

Outre que seule une provision pourrait être allouée, M. [T] n'établit pas s'être acquitté de la somme de 429 euros dont il demande le remboursement.

Sa demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sera accordée à M. [T].

La solution du litige justifie de condamner M. [T] aux dépens de l'instance.

L'équité commande en revanche de dire n'y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Au principal, invitons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, au provisoire,

CONSTATONS que les parties s'accordent sur la résiliation du bail et la libération du logement par M. [D] [T] antérieurement à la présente ordonnance ;

DEBOUTONS la société civile immobilière Ciadre de sa demande en paiement d'indemnités mensuelles d'occupation provisionnelles et de la somme provisionnelle de 5000 euros à valoir sur des dommages-intérêts ;

DEBOUTONS M. [D] [T] de ses demandes de restitution du dépôt de garantie et de la somme de 429 euros ;

ACCORDONS M. [D] [T] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

DISONS n 'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTONS les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNONS M. [D] [T] aux dépens ;

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de la décision au greffe le 08 juillet 2024.

Le Greffier Le Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 24/00177
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;24.00177 ?
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