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08/07/2024 | FRANCE | N°23/09427

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 08 juillet 2024, 23/09427


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 23/09427
N° Portalis DBZS-W-B7H-XUEA

N° de Minute : L 24/00426

JUGEMENT

DU : 08 Juillet 2024





S.A. CONSUMER FINANCE DEPARTEMENT VIAXEL


C/

[O] [I]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 08 Juillet 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.A. CA CONSUMER FINANCE DEPARTEMENT VIAXEL, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représe

ntée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

Mme [O] [I], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PU...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09427
N° Portalis DBZS-W-B7H-XUEA

N° de Minute : L 24/00426

JUGEMENT

DU : 08 Juillet 2024

S.A. CONSUMER FINANCE DEPARTEMENT VIAXEL

C/

[O] [I]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 08 Juillet 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. CA CONSUMER FINANCE DEPARTEMENT VIAXEL, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [O] [I], demeurant [Adresse 2]

comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 06 Mai 2024

Louise THEETTEN, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 08 Juillet 2024, date indiquée à l'issue des débats par Louise THEETTEN, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 9427/23 – Page - MA

EXPOSE DU LITIGE

La société anonyme (S.A) CA Consumer Finance Departement Viaxel a consenti le 20 septembre 2021 à Mme [O] [I] un crédit, signé de manière électronique, d’un montant de 13300 euros, remboursable au taux d’intérêt annuel de 4,950% en 72 mensualités de 214,77 euros et affecté à l'acquisition d'un véhicule automobile de marque Peugeot modèle 3008 immatriculé [Immatriculation 5].

Par exploit de commissaire de justice du 27 septembre 2023, la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel a fait assigner Mme [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de :

à titre principal :

- condamner Mme [I] à payer la somme de 13094,26 euros augmentée des intérêts au taux de 4,95% l’an courus et à courir à compter du 17 février 2023 et jusqu’au jour du plus complet paiement ;
- condamner Mme [I] à restituer le véhicule automobile de marque Peugeot modèle 3008 immatriculé [Immatriculation 5] aux fins de sa mise aux enchères publiques, le prix de vente venant en déduction de la créance

à titre subsidiaire :

- prononcer la résolution judiciaire du contrat signé le 20 septembre 2021 ;
- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 13300 euros au titre des restitutions, déduction faite des règlements intervenus ;
- condamner Mme [I] à restituer le véhicule automobile de marque Peugeot modèle 3008 immatriculé [Immatriculation 5] aux fins de sa mise aux enchères publiques, le prix de vente venant en déduction de la créance ;
- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts ;

à titre très subsidiaire :

- condamner Mme [I] à payer à la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel les échéances impayées jusqu’à la date du jugement ;
- dire que Mme [I] devra reprendre le règlement des échéances à bonne date sous peine de déchéance du terme sans formalité de la part de sa part ;

en toute état de cause :

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens ;
- rappeler si besoin l’exécution provisoire de droit.

A l’audience du 6 mai 2024, le juge a relevé d'office la fin de non recevoir tirée de la forclusion et les moyens d'ordre public de déchéance du droit aux intérêts.

La S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel, représentée par son conseil, réitère ses demandes initiales et s'oppose à la demande de délais de paiement.

Il sera en application de l'article 455 code de procédure civile expressément référé à son assignation pour un exposé complet de ses moyens.

Mme [I] sollicite le bénéfice de délais de paiement, elle indique qu'elle a été incarcérée, que depuis elle a retrouvé un emploi et qu'elle a repris les paiements à hauteur de 200 euros. Elle précise ne pas avoir restitué le véhicule et déclare percevoir des ressources variant entre 1500 et 1900 euros par mois.

Comme elle y avait été autorisée Mme [I] a adressé, par correspondance électronique reçue au greffe le 13 mai 2024, différents bulletins de salaire et des relevés de compte bancaire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la note en délibéré :

Mme [I] ne justifie pas avoir adressé les pièces qu'elle a remises en cours de délibéré au tribunal à la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel.

La juridiction tenue de faire respecter le principe de la contradiction ne peut qu'écarter lesdites pièces en application de l'article 16 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande :

L’article R. 312-35 du code de la consommation, dont les dispositions sont d’ordre public, impose d’engager l’action dans le délai de deux ans du premier incident non régularisé, d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, à peine de forclusion.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au débat, notamment de l’historique des prélèvements, que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 5 septembre 2022.

L’assignation ayant été délivrée le 27 septembre 2023, la demande en paiement du solde du crédit est recevable.

Sur l’exigibilité de la créance de la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel :

Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En application de ce texte et des articles 1103, 1104, 1224 et 1231-1 du code civil, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, le contrat litigieux ne stipule pas, en son article VI 2 relatif à la défaillance de l'emprunteur et prévoyant une clause de déchéance du terme, de dispense expresse et non équivoque de mise en demeure préalable au débiteur. Selon correspondance du 8 novembre 2022, la banque a mis Mme [I] en demeure de lui régler la somme de 777,71 euros dans un délai de quinze jours, puis a prononcé la déchéance du terme du prêt par correspondance du 17 février 2023.

La déchéance du terme du crédit a rendu exigible l'intégralité du prêt, ce qu'admet implicitement Mme [I].

Sur les sommes dues et la déchéance du droit aux intérêts contractuels :

Selon l'article L. 341-1 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 est déchu du droit aux intérêts.

L'article L. 312-12 énonce notamment que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et que la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

En l’espèce, les documents relatifs à la signature électronique et en particulier l'enveloppe de preuve produits par la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel, ne permettent pas d’établir que la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée (FIPEN), versée aux débats, a été signée par Mme [I] de manière distincte de l’offre de contrat de crédit signée électroniquement.

De même, si le contrat stipule que Mme [I] reconnaît avoir pris connaissance de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisée, il s’agit d’une clause type qui ne constitue qu’un simple indice de la remise de ladite fiche que le prêteur doit corroborer par d’autres éléments, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la FIPEN non signée de Mme [I] émanant de la banque.

La preuve de la remise effective de la fiche d’informations européennes normalisées n’est donc pas rapportée.

En conséquence, la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels doit être prononcée. Celle-ci s’applique à compter de la conclusion du contrat, l'irrégularité sanctionnée affectant les conditions mêmes de sa formation.

Aux termes de l'article L341-8 du code de la consommation, « lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L341-1 à L341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu ».

Par ailleurs, si les articles L. 312-39 et D. 312-16 du code de la consommation prévoient le droit du prêteur à une indemnisation devant compenser, au moins partiellement, la perte de la rémunération qu’il subit dans l’hypothèse de la résiliation du contrat en conséquence de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du droit aux intérêts, qui lui interdit d’obtenir la rémunération de son prêt, exclut nécessairement l’application de la disposition conventionnelle prévoyant une telle indemnité.

Au vu de l'historique des prélèvements, Mme [I] s'est acquittée avant la déchéance du terme de la somme de 2365,84 euros.

Mme [I] justifie par la production de deux captures d'écran qu'elle a effectué deux virements de 200 euros, le premier le 10 avril 2024 et le second le 5 mai 2024.

Ainsi, la créance de la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel doit être fixée à la somme de 10534,16 euros.

Il résulte de l'article 23 de la directive de l'Union Européenne n°2008/48 que les dispositions de l'article L.313-3 du Code monétaire et financier, qui prévoient la majoration de cinq points du taux légal à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, et celles de l'article 1231-6 du code civil, prévoyant l'application du taux légal à compter de la mise en demeure, doivent être écartées lorsqu'il en résulterait que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur, à la suite de la déchéance du droit aux intérêts, pourraient lui procurer un bénéfice ou ne seraient pas significativement inférieurs à ceux dont il pourrait bénéficier, conformément au contrat, s'il avait respecté ses obligations, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité.

En l'espèce, le taux contractuel stipulé était de 4,95% l'an de sorte que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal même non majoré ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations. La seule sanction de la déchéance du droit aux intérêts est ainsi insuffisamment dissuasive au regard de la gravité du manquement constaté.

Il convient donc d'écarter l'application du taux légal et par voie de conséquence la majoration légale.

Mme [I] sera donc condamnée à payer à la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel la somme de 10534,16 euros sans intérêts, au titre du solde du prêt litigieux, créance arrêtée au 6 mai 2024 tenant compte d'un virement de 200 euros ordonné le 5 mai 2024.

Sur la demande de délais de paiement :

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, au vu du salaire déclaré de Mme [I] et en l'absence de besoins de la banque, Mme [I] sera autorisée à se libérer de sa dette par mensualités de 200 euros comme il sera dit au présent dispositif.

Sur la demande de restitution du véhicule :

En application de l'article 1346-1 du code civil que c'est seulement lorsque le créancier a reçu son paiement d'une tierce personne qu'il peut conventionnellement subroger celle-ci dans ses droits, actions et accessoires contre le débiteur.

Selon l'article 2367 du code civil, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.

En l'espèce, la facture d'acquisition du véhicule stipule une clause de réserve de propriété. Par ailleurs, la demande de financement, signée par Mme [I] et le vendeur du véhicule litigieux, énonce que « le bien et/ou la prestation de services financé(e), pour un montant de 13300 euros par une offre de crédit avec clause retardant le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral dudit bien ou de la prestation, (…) a été livrée ou exécutée » et que Mme [I] subroge le prêteur dans le bénéfice des droits du vendeur.

Toutefois, il résulte des textes sus-visés que lorsque le prêteur professionnel se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par l'emprunteur, il n'est pas l'auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d'une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente.

Sur les mesures accessoires :

Mme [I], partie succombante, sera condamnée aux dépens.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

DECLARE la note en délibéré de Mme [O] [I] et les pièces jointes reçues le 13 mai 2024 irrecevables ;

DECLARE l'action la société anonyme CA Consumer Finance Departement Viaxel recevable ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société anonyme CA Consumer Finance Departement Viaxel au titre du crédit renouvelable conclu avec Mme [O] [I] le 20 septembre 2021 ;

CONDAMNE Mme [O] [I] à payer à la S.A CA Consumer Finance Departement Viaxel la somme de 10534,16 euros au titre du solde du prêt sus-désigné ;

DIT qu'aucun intérêt légal ou conventionnel ne courra sur la somme de 10534,16 euros ;

AUTORISE Mme [O] [I] à s'acquitter de sa dette en 24 mensualités de 200 euros payable le 8 de chaque mois et pour la première fois le 8 du mois suivant la signification de la présence décision et la dernière mensualité étant égale au solde de la dette ;

DIT que faute pour Mme [O] [I] de payer la mensualité ainsi fixée à bonne date, dès le premier impayé et 15 jours après l’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception d’une mise en demeure de payer demeurée infructueuse, l'intégralité du solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société anonyme CA Consumer Finance Departement Viaxel de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme [O] [I] aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi, jugé et prononcé le 8 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

Le Greffier Le Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 23/09427
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;23.09427 ?
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