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05/07/2024 | FRANCE | N°23/02264

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 05 juillet 2024, 23/02264


1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/02264 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XXLK
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 05 JUILLET 2024

N° RG 23/02264 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XXLK

DEMANDEUR :

M. [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS - dispensé de comparution

DEFENDERESSE :

CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS - dispensée de comparution


COMPOSITION DU TR

IBUNAL

Président : Maryse MPUTU-COBBAUT, Juge
Assesseur : Christophe DESMETTRE, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur : Pasc...

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/02264 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XXLK
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 05 JUILLET 2024

N° RG 23/02264 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XXLK

DEMANDEUR :

M. [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS - dispensé de comparution

DEFENDERESSE :

CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Malaury RIPERT, avocat au barreau de PARIS - dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Maryse MPUTU-COBBAUT, Juge
Assesseur : Christophe DESMETTRE, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur : Pascal CHOMBART, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Claire AMSTUTZ,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 05 Juillet 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [H] est affilié à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) depuis le 1er janvier 2010, pour une activité de conseil exercée sous le statut d'auto-entrepreneur.

M. [H] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV d'une demande de rectification du relevé de situation individuelle qu'il s'était procuré sur le site internet « info retraite », s'agissant des points de retraite de base et des points de retraite complémentaire.

Statuant sur le recours de M. [H] à l'encontre de la décision implicite de rejet de ladite commission, le pôle social du tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 9 septembre 2022, a :
- rectifié les points de retraite complémentaire acquis par M. [H] sur la période des années 2011 à 2020 de la façon suivante :
- 40 points en 2011,
- 40 points en 2012,
- 36 points en 2013,
- 72 points en 2014,
- 72 points en 2015,
- 72 points en 2016,
- 72 points en 2017,
- 72 points en 2018,
- 72 points en 2019,
- 72 points en 2020,
- rectifié les points de retraite de base acquis par M. [H] sur la période des années 2011 à 2020 de la façon suivante :
- 15 points en 2011,
- 96,2 points en 2012,
- 401,5 points en 2013,
- 450,5 points en 2014,
- 396,2 points en 2015,
- 442 points en 2016,
- 379,3 points pour 2017,
- 530,3 points en 2018,
- 484,6 points en 2019,
- 388,4 points en 2020,
- condamné la CIPAV à communiquer à M. [H] un relevé de situation individuelle conforme,
dit n'y avoir lieu à astreinte,
- débouté M. [H] de sa demande en réparation du préjudice moral,
condamné la CIPAV à payer à M. [H] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la CIPAV aux dépens.

La CIPAV a interjeté appel de cette décision.

Par courrier du 16 novembre 2023, la CIPAV a adressé à M. [H] une notification rectificative de ses droits à retraite de base, portant le nombre de points acquis à 4 428,7 et le nombre de points à payer à 4 041,2 (taux minoré de 8,75 %).

Par courrier du même jour, la CIPAV a adressé à M. [H] une notification rectificative de ses droits à retraite complémentaire, portant le nombre de points acquis à 724 et le nombre de points à payer à 660,6 (taux minoré de 8,75 %).

Par arrêt rendu le 16 février 2024, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement du 9 septembre 2022 en toutes ses dispositions précitées.

M. [H] a sollicité la liquidation de ses droits à liquidation de ses droits à retraite de base et complémentaire avec effet au 1er juillet 2023.

Par courrier en date du 9 août 2023, la CIPAV, a notifié à M. [H] l'attribution d'une retraite personnelle de base à la date d'effet du 1er juillet 2023, calculée sur la base d'une durée d'assurance CIPAV de 44 trimestres, correspondant à 3 726,2 points acquis et 3 400,2 points payés (taux minoré de 8,75 %).

Par courrier du même jour, la CIPAV, a notifié à M. [H] l'attribution d'une retraite personnelle complémentaire à la date d'effet du 1er juillet 2023, calculée sur la base de 571,1 points acquis et 521,1 points payés (taux minoré de 8,75 %).

Par courrier du 17 août 2023, M. [H] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV afin de contester la comptabilisation de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période de 2011 à 2022.

Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée le 17 novembre 2023, M. [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lille afin de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 28 mai 2024, à laquelle l'affaire a été retenue.

En application des dispositions de R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale, les parties ont toutes deux sollicité leur dispense de comparution à l'audience.

M. [H] s'en rapporte par écrit aux écritures aux termes desquelles il demande de voir :
- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire qu'il a acquis sur la période 2021-2022, selon le détail suivant :
- 72 points en 2021 (classe B),
- 72 points en 2022 (classe B),
- condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base qu'il a acquis sur la période 2021-2022, selon le détail suivant :
- 530,4 points de retraite de base en 2021,
- 409,5 points de retraite de base en 2022,
- condamner la CIPAV à revaloriser ses pensions du régime de base et de retraite complémentaire de manière conforme en transmettant les titres rectificatifs, avec paiement des arrérages à compter du 1er juillet 2023, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,
- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- condamner la CIPAV à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande de rectification des points de retraite complémentaires acquis, M. [H] fait valoir que l'attribution d'un nombre forfaitaire de points se fait en fonction de la classe de revenu ; que la Cour de cassation pose pour principe que le nombre de points de retraite attribués annuellement à l'auto-entrepreneur inscrit à la CIPAV procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité ; que l'allocation de points de retraite complémentaire d'un montant inférieur à ceux de la première classe est impossible ; que seul l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 fixe la méthode de calcul des points de retraite complémentaire de l'auto-entrepreneur ; que l'invocation d'une règle de proportionnalité, sans fondement textuel ou jurisprudentiel avéré, est incompatible avec les dispositions décrétales précitées, qui visent un octroi de point forfaitaire (et non proportionnel) ; qu'au surplus, le décret a une valeur normative supérieure à celle des statuts de la CIPAV, lesquels n'intéressent que le fonctionnement interne de l'organisme. Il ajoute que l'assiette à retenir pour déterminer la classe de revenu applicable est celle du chiffre d'affaires qui constitue l'assiette spécifique des cotisations et que le BNC théorique est à proscrire pour les auto-entrepreneurs.

Sur la demande de revalorisation de la pension de retraite de base, M. [H] relève que les parties s'accordent sur la formule de calcul des points de retraite de base des auto-entrepreneurs mais s'opposent sur l'assiette de revenus à retenir, laquelle doit également être celle du chiffre d'affaires, sans abattement de 34 %.

Il expose que jusqu'au 31 décembre 2015, l'Etat compensait financièrement l'éventuel différentiel d'encaissement de cotisations pour la CIPAV en lui régalant la différence entre la cotisation la plus faible non nulle dont l'auto-entrepreneur aurait été redevable s'il n'avait pas opté pour ce statut incitatif, à savoir la cotisation annuelle de classe A, et le cumul annuel des cotisations du forfait social reversées par l'ACCOSS à la CIPAV. Il soutient que ces règles financières n'intéressent que la relation entre l'Etat et la CIPAV, à laquelle est étranger l'auto-entrepreneur, et ne sont donc pas opposables à ce dernier ; que dès lors, la disparition de la compensation financière précitée à compter du 1er janvier 2016 est sans incidence sur le décompte des points de retraite acquis par le professionnel.

Sur sa demande en réparation, M. [H] soutient que son préjudice moral est caractérisé par le stress lié à un sentiment d'impossibilité d'obtenir la rectification de ses droits ; il dit s'acharner sur une activité indépendante pour subvenir à ses besoins et déplorer l'indifférence et le mépris de la CIPAV à son égard, laquelle adopte selon lui une attitude exclusive de la bonne foi.

La CIPAV s'en rapporte par écrit aux écritures aux termes desquelles elle demande de voir :
- juger la demande portant sur les années 2011 à 2020 irrecevable et mal fondée, la cour d'appel d'Amiens ayant rendu une décision devenue définitive,
- juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de M. [H],
- attribuer à M. [H] les points de retraite de base suivants :
- 379,2 points de retraite de base en 2021,
- 273,9 points de retraite de base en 2022,
- attribuer à M. [H] les points de retraite complémentaire suivants :
- 48 points en 2021,
- 33 points en 2022,
-débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [H] à payer à la CIPAV la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la CIPAV soutient que le statut d'auto-entrepreneur est un statut dérogatoire au régime normal ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique ; que pour chaque période d'affiliation, le statut d'auto-entrepreneur permet aux professionnels libéraux, en fonction du chiffre d'affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d'acquérir des points de retraite ; que le montant des cotisations est calculé en appliquant au chiffre d'affaires un taux fixé par décret (selon l'article D. 131-5-1 du code de la sécurité sociale, 22% depuis le 1er janvier 2018 et jusqu'au 30 juin 2021 ; 22,2 % à compter du 1er juillet 2021 ; 21,2 % à compter du 1er janvier 2022).

Sur les modalités de restitution à la CIPAV des cotisations du régime des auto-entrepreneurs, celle-ci explique que les affiliés cotisent auprès de l'URSSAF qui redistribue ensuite un pourcentage des cotisations à chaque organisme collecteur dont la CIPAV ; que les modalités de répartition des montants de cotisations recouvrés pour les adhérents à la CIPAV sont précisées par l'article D. 131-5-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que la CIPAV ne perçoit que 52,5 % du forfait social appliqué par l'auto-entrepreneur dont 30 % sont affectés au régime de base, 20 % au régime complémentaire et 2,5 % au titre du régime invalidité décès.

Elle rappelle que le système de retraite français repose sur un système contributif, de sorte qu'il doit y avoir une stricte proportionnalité entre les droits acquis et les cotisations payées.

Elle soutient que pour les auto-entrepreneurs, que les assurés ont droit aux prestations pour lesquelles ils justifient du versement de cotisations, qu'il s'agisse de cotisations acquittées personnellement ou de cotisations versées par l'Etat en application de dispositions législatives ou réglementaires ; que jusqu'en 2015, afin que le dispositif du forfait social soit sans incidence sur les droits ouverts aux auto-entrepreneurs, la loi a prévu en ses articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, le versement d'une compensation de l'Etat au régime de protection sociale pour couvrir la perte de recette induite par le régime dans des conditions assurant une cotisation au moins égale à la plus faible cotisation non nulle dont ils pourraient être redevables ; que la compensation de l'Etat ayant pris fin en janvier 2016, elle a appliqué le principe de proportionnalité selon lequel le rapport entre le montant des cotisations effectivement payées par l'adhérent et la valeur d'achat du point détermine le nombre de points attribué au titre du régime complémentaire ; qu'ainsi, le rapport entre le montant des cotisations payées par l'adhérent et la valeur d'achat du point détermine directement le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire.

Elle fait valoir qu'au regard du montant du forfait social acquitté par M. [H] en 2021 et 2022, lui faire bénéficier du nombre de points qu'il sollicite au titre de ces années reviendrait à lui attribuer des points à une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV et entraînerait une rupture d'égalité vis-à-vis des adhérents de la Caisse ne relevant pas du régime de l'auto-entreprise, ce qui est inconcevable dans un système de retraite obligatoire.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se rapporter aux conclusions auxquelles elle se sont référées dans leur demande de dispense de comparution, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue des débats, les parties ont été informées que le jugement serait rendu après plus ample délibéré par décision mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est constaté que dans ses écritures, M. [H] ne forme aucune demande au titre des années 2011 à 2020, de sorte que l'irrecevabilité des demandes de l'assuré soulevée par la CIPAV concernant cette période est sans objet.

Sur le calcul des points de retraite pour les années 2021 et 2022

*Sur le calcul des points de retraite complémentaire

La pension de retraite complémentaire est une pension en points versée à l'affilié qui est à jour de ses cotisations obligatoires auprès de sa section. Le montant de la pension est égal au nombre de points porté au compte de l'affilié, multiplié par la valeur du point, fixé chaque année par le conseil d'administration de chaque section.

Il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l'article 1er de ce texte, comporte huit classes de cotisations déterminées en fonction du revenu d'activité de l'adhérent, auxquelles correspond l'attribution d'un nombre de points de retraite dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d'administration de l'organisme.

A chaque classe de cotisation, correspond un montant de cotisations et un nombre de points de retraite. Ce nombre est fixé pour la première des classes (classe A) à 36 points par année pour les années 2021 et 2022.

Les dispositions de l'article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV (Cass. 2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n°18-15.542).

Il en découle que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié en fonction de son revenu d'activité, étant précisé que la cotisation s'exprime sous la forme d'un montant fixe (et non d'un pourcentage) dû par l'assuré dont le revenu, déterminé selon les règles d'assiette appropriées, est compris entre les bornes de la classe de cotisation dont celui-ci le fait relever.

S'agissant de l'assiette des cotisations, aux termes de l'article L. 613-7 I du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables au litige, les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article (les travailleurs indépendants mentionnés à l'article L. 631-1 du code de la sécurité sociale) bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d'activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas des dispositions du présent article.

L'article L. 631-1 du code de la sécurité sociale, par renvoi à l'article L.611-1 du même code, vie notamment les travailleurs non-salariés qui ne sont pas affiliés au régime mentionné au 3° de l'article L. 722-8 du code rural et de la pêche maritime.

Les dispositions des articles L. 131-7 et R. 133-30-10 du code de la sécurité sociale, applicables jusqu'au 31 décembre 2015, fixaient les modalités de la compensation par l'Etat du manque à recouvrer par les organismes sociaux et prévoyaient que le montant de cette compensation est égal à la différence entre le montant des cotisations et contributions dont les travailleurs indépendants auraient été redevables au cours de l'année civile et le montant des cotisations et contributions calculées en application de l'article L. 613-7 versées par les intéressés.

Ces règles de compensation financières n'intéressaient que les rapports entre l'Etat et l'organisme et étaient étrangères aux relations organisme/affiliés. Elles étaient donc sans incidence sur la détermination des droits à pension des assurés régie par le seul article 2 du décret du 21 mars 1979 susvisé.

La suppression du dispositif de compensation de l'Etat à compter du 1er janvier 2016 est donc sans incidence sur les modalités de calcul et le principe selon lequel le nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l'affilié, déterminée en fonction de son revenu d'activité, en application des dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié.

L'option en faveur du statut de l'auto-entrepreneur conduit toujours, en effet, à l'application d'un forfait déterminé par l'application au montant du chiffre d'affaires ou des recettes effectivement réalisés par l'intéressé d'un taux global fixé par décret selon les catégories d'activité, en vertu des dispositions de l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions successivement applicables aux années 2021 et 2022.

Le principe de proportionnalité dont la CIPAV se prévaut, sur le fondement de ses statuts – réglementation interne à l'organisme à laquelle M. [H] n'a pas adhéré - ne peut conduire à écarter les dispositions de l'article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979.

Les griefs tirés d'une rupture d'égalité entre les auto-entrepreneurs et les autres adhérents et du non-respect de la valeur des points telle que fixée par le conseil d'administration de la CIPAV sont sans portée, dans la mesure où le régime applicable aux auto-entrepreneurs se veut incitatif et répond à la volonté du législateur de favoriser la création d'entreprises par la mise en place, notamment, d'un régime de déclaration et de paiement fiscal et social simplifié, sans porter atteinte aux droits de ceux qui ont choisi d'opter pour le régime micro-social.

Enfin, la CIPAV ne peut s'appuyer sur les dispositions de l'article 3.12 de ses statuts, qui prévoit une réduction de la cotisation en fonction du revenu professionnel de l'année précédente, dès lors qu'il résulte de ces dispositions que cette réduction ne peut intervenir que sur demande expresse de l'adhérent, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Au regard de ces éléments, la CIPAV n'était pas fondée à réduire le montant de la pension de retraite complémentaire de M. [H] pour les années 2021 et 2022.

Il est constant que M. [H] est à jour du paiement du forfait social pour les années 2021 et 2022.

Il convient dès lors de condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaires acquis par M. [H] sur la période 2021-2022, en prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé par l'assuré, soit selon la pièce 1-4 de l’assuré : 44 084 euros en 2021 et 31 784 euros en 2022.

M. [H] se situe donc en classe de cotisation B pour la retraite complémentaire sur les deux années litigieuses.

*Sur le calcul des points de retraite de base

Vu les dispositions précitées de l'article L. 613-7 I du code de la sécurité sociale,

En l'espèce, il est relevé que dans ses conclusions, pour déterminer la classe de cotisation applicable à M. [H] en 2021 et 2022, la CIPAV prend en compte le chiffre d'affaires réalisé l'assuré, sans appliquer d'abattement forfaitaire de 34%.

En revanche, à partir du taux montant de cotisations retraite de base (tranches 1 et 2) payé par le cotisant, l'organisme soutient que le nombre de points revendiqué par l'assuré conduit à lui attribuer des points pour une valeur d'achat largement inférieure à celle fixée par le conseil d'administration de la CIPAV.

Néanmoins, ce grief est infondé car il se heurte au principe du forfait social institué par la loi au bénéfice des auto-entrepreneurs.

Le paiement de ses cotisations retraite de base par M. [H] n'est pas contesté par la CIPAV.

Par conséquent, pour les motifs précités, il y a lieu de condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par M. [H] sur la période 2021-2022, en prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé par l'assuré.

*Sur la demande de communication du relevé de situation individuelle sous astreinte

Consécutivement à la rectification des points de retraite de base et complémentaires acquis par M. [H] pour les années 2021 et 2022, il y a lieu de condamner la CIPAV à communiquer à M. [H] un relevé de situation individuelle conforme.

En revanche, il n'apparaît pas nécessaire d'assurer cette condamnation d'une astreinte pour assurer l'exécution de la décision.

Sur la demande en réparation

Aux termes de l'article 1240 du code civile, toute fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Pour être accordée, la réparation suppose que soit démontrés une faute, un préjudice et un lien entre ces derniers, étant précisé que le préjudice doit être certain et non hypothétique.

En l'espèce, le différend opposant la CIPAV à M. [H] sur les modalités de calcul de ses droits à pension ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de la part de l'organisme, l'affilié disposant de la faculté de soumettre à un tribunal l'application des textes et de la jurisprudence.

En outre la preuve de la réalité du préjudice n'est pas rapportée.

Dès lors, M. [H] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur les mesures accessoires

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la CIPAV, partie succombante, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner la CIPAV, tenue aux dépens, à payer à M. [H] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles. La CIPAV sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

RECTIFIE les points de retraite complémentaire acquis par M. [C] [H] sur la période des années 2021 et 2022 de la façon suivante :
- 72 points en 2021,
- 72 points en 2022,

RECTIFIE les points de retraite de base acquis par M. [C] [H] sur la période des années 2021 et 2022 de la façon suivante :
- 530,4 points en 2021,
- 409,5 points en 2022,

CONDAMNE la CIPAV à communiquer à M. [C] [H] un relevé de situation individuelle conforme ;

DIT n’y avoir lieu à astreinte ;

DÉBOUTE M. [C] [H] de sa demande en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNE la CIPAV à verser à M. [C] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CIPAV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la CIPAV aux entiers dépens ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.

La Greffière La Présidente
Claire AMSTUTZ Maryse MPUTU-COBBAUT

Expédié aux parties le :
1 CE à Me Pincent
1 CCC à:
- M. [H]
- CIPAV
- Me Ripert


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Pôle social
Numéro d'arrêt : 23/02264
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;23.02264 ?
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