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28/06/2024 | FRANCE | N°21/07351

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 28 juin 2024, 21/07351


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 21/07351 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VT4J


JUGEMENT DU 28 JUIN 2024

DEMANDEURS :

M. [D] [M]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

Mme [B] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

DEFENDERESSES :

La S.A. SA [Localité 10] ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentée par Me Catherine V

ANNELLE, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Juliette RIBEIRO, avocat plaidant au barreau de PARIS

LA CPAM [Localité 12]-[Localité 9]...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 21/07351 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VT4J

JUGEMENT DU 28 JUIN 2024

DEMANDEURS :

M. [D] [M]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

Mme [B] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Julie PATERNOSTER, avocat au barreau de LILLE

DEFENDERESSES :

La S.A. SA [Localité 10] ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 7]
représentée par Me Catherine VANNELLE, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Juliette RIBEIRO, avocat plaidant au barreau de PARIS

LA CPAM [Localité 12]-[Localité 9], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 12]
défaillant

La S.A. PRO BTP RETRAITE PREVOYANCE- Korelio, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 6]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :Vu la clôture différée au 30 Novembre 2023.

A l’audience publique du 04 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 28 Juin 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 28 Juin 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE

Le 02 juin 2018, Monsieur [D] [M], alors âgé de 30 ans, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il circulait au guidon de sa motocyclette, étant entré en collision avec le véhicule automobile conduit par Monsieur [U] [E] et assuré auprès de la S.A. [Localité 10] ASSURANCES (ci-après ''la société [Localité 10]'').

Transporté par les pompiers au CHRU de [Localité 12], il a été objectivé une fracture déplacée de l'épaule droite avec deux fragments, une fracture au niveau de la branche ilio-pubienne droite, des contusions pulmonaires du lobe moyen, une fracture du tiers moyen de la clavicule droite, une fracture non-déplacée du calcanéum droit, une fracture de l'acétabulum droit au niveau de la colonne antérieure non-déplacée et une luxation de l'articulation gléno-humérale.

Opéré le 03 juin 2018, il est sorti d'hospitalisation le 08 juin 2018.

Suivant quittance en date du 17 octobre 2018, Monsieur [D] [M] s'est vu verser par l'assureur de la motocyclette, la BPCE IARD, la somme provisionnelle de 1.000 euros.

Par suite, Monsieur [D] [M] a sollicité et obtenu du juge des référés de [Localité 12], suivant ordonnance en date du 28 mai 2019, l'organisation d'une expertise médicale confiée au Docteur [A] [Z] et la condamnation de la société [Localité 10] à lui verser une somme de 3.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle, une somme de 1.000 euros à titre de provision ad litem, ainsi qu'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suite au remplacement de l'expert, le Docteur [A] [K] a déposé son rapport définitif le 22 décembre 2020, fixant la date de consolidation de l'état de Monsieur [D] [M] au 02 novembre 2020 et concluant, notamment, à la persistance d'un déficit fonctionnel permanent de 21%.

Sur la base de ce rapport, la société GROUPAMA a, par courrier daté du 06 mai 2021, adressé à Monsieur [D] [M] une offre d'indemnisation définitive à hauteur de 96.282,91 euros, soit après déduction des provisions déjà versées, la somme de 92.282,91 euros.

Néanmoins, aucun accord d'indemnisation amiable n'ayant été trouvé entre les parties, Monsieur [D] [M] et Madame [B] [F] ont, par actes d'huissier de justice en date des 12, 14 et 20 octobre 2021, fait assigner la société [Localité 10] ASSURANCES, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après ''la CPAM'') de Roubaix-[Localité 16] et la S.A. PRO BTP RETRAITE PREVOYANCE devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

La société [Localité 10] a constitué avocat le 05 juillet 2022.

La CPAM de [Localité 13]-[Localité 16] et la S.A. PRO BTP n'ont, en revanche, pas constitué avocat.

Suivant ordonnance du juge de la mise en état datée du 20 septembre 2023, la clôture des débats a été différée au 30 novembre 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 04 avril 2024.

* * *

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 03 juillet 2023, Monsieur [M] et Madame [F] demandent au tribunal, au visa de la loi du 05 juillet 1985, des articles 211-9 et suivants du Code des assurances, de :

- dire et juger leur action recevable et bien fondée ;
- dire et juger qu'ils ont droit, en leur qualité de victime directe pour l'un et de victime indirecte pour l'autre, à indemnisation totale du préjudice résultant de l’accident du 2 juin 2018 ;
- dire et juger que la SA [Localité 10] ASSURANCES, en sa qualité d’assureur du véhicule impliqué dans l’accident, sera tenue d’indemniser leur entier préjudice, en leur qualité de victime directe pour l'un et de victime indirecte pour l'autre de l’accident de la voie publique du 2 juin 2018, et de Madame [B] [F], victime indirecte,
- en conséquence, CONDAMNER la SA [Localité 10] ASSURANCES à indemniser leur entier préjudice ;
- fixer la créance des tiers payeurs ;
- condamner la SA [Localité 10] ASSURANCES à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 998.134,19 € se décomposant comme suit :

- condamner la SA [Localité 10] ASSURANCE à payer à Madame [B] [F], victime indirecte, la somme de 26.000 euros au titre de son préjudice moral d’accompagnement (8.000 €), des troubles dans les conditions d’existence toujours présent (8.000 €) et de son préjudice sexuel (10.000 €),
- dire et juger que ces sommes produiront intérêts au taux doublé à compter de la date du 2 février 2019 sur la somme totale de 1.056.588 € concernant Monsieur [M], soit l’indemnisation allouée augmentée des débours des tiers payeurs, et jusqu’à complet règlement des sommes,
- dire et juger que ces sommes produiront intérêts au taux doublé à compter de la date du 2 février 2019 sur la somme de 26.000 € concernant Madame [F], jusqu’à complet règlement de cette somme,
- dire et juger que lesdits intérêts sur l’ensemble des condamnations porteront eux-mêmes intérêts à compter de la demande initiale puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date conformément au nouvel article 1343-2 du Code civil ;
- rejeter toute demande, fin et conclusions contraire de la SA [Localité 10] ASSURANCES ;
- condamner la SA [Localité 10] ASSURANCES aux entiers dépens de l'instance;
- condamner la SA [Localité 10] ASSURANCES à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 6.000 € et la somme de 1.000 € à Madame [B] [F] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, la société [Localité 10] demande au tribunal, au visa de la loi du 05 juillet 1985, de :

- statuer ce que de droit sur le droit à indemnisation de Monsieur [M] et Madame [F] :
- réduire à de plus justes proportions les indemnités allouées à Monsieur [M] sans excéder les sommes proposées au titre des présentes :
o 15.815,26 € au titre des dépenses de santé actuelles dont 12 979,70 revenant à la CPAM, 2 644,56 à la PRO BTP et 373 euros à Monsieur [M],
o 5.672,40 € au titre de l’assistance à tierce personne temporaire,
o 540 € au titre des frais d’assistance à expertise
o 20.000 € au titre de l’incidence professionnelle,
o 20.772,96 € au titre de l’assistance par tierce personne permanente
o 5.468,65 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
o 12.000 € au titre des souffrances endurées,
o 500 € au titre du préjudice esthétique temporaire,
o 50.400 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
o 750 € au titre du préjudice esthétique permanent
o Rejet du préjudice d’agrément et subsidiairement 3.000 €,
- débouter Monsieur [M] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels, subsidiairement les fixer à 1 287,33 euros;
- débouter Monsieur [M] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs, subsidiairement les fixer à la somme de 30,67 euros ;
- rejeter toute autre demande plus ample ou contraire ;
- débouter Monsieur [M] de sa demande de doublement des intérêts au taux légal et, subsidiairement, limiter le doublement à la période du 2 février 2019 au 16 octobre 2019 et, plus subsidiairement du 2 février 2019 au 5 mai 2021 et à titre infiniment subsidiaire du 2 février 2019 à la date des 1ères conclusions signifiées dans le cadre de la présente instance ;
- statuer en deniers ou quittance ;
- rejeter ou à défaut réduire la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en déduire la provision ad litem d’ores et déjà réglée ;

- limiter l’exécution provisoire à la moitié des sommes allouées et, à titre subsidiaire, ordonner que la moitié des sommes allouées à Monsieur [D] [M] et Madame [B] [F] soit mise sous séquestre par [Localité 10] ASSURANCES auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à ce que la décision à intervenir soit devenue définitive et dire que le séquestre aura la mission suivante :
o [Localité 10] ASSURANCES consignera auprès de la Caisse des dépôts et consignation, la moitié des sommes allouées par la décision à intervenir du Tribunal de céans au profit de Monsieur [D] [M] et de Madame [B] [F].
o la Caisse des dépôts et consignations aura pour mission la garde et la conservation de la somme déposée ; cette mission est gratuite et commence dès l’encaissement du dépôt. Le dépôt ne produit aucune rémunération.
o Le séquestre prendra fin soit :
▪ En cas de transaction entre les parties réglant la contestation ou de volonté commune des parties de mettre fin au séquestre,
▪ Lorsqu’une décision définitive ayant force de chose jugée aura été rendue,
▪ En cas de décès d’une des parties ;
- rejeter toute autre demande formulée à l’encontre de [Localité 10] ASSURANCES.
- statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à “dire et juger” ne constitue pas nécessairement une prétention au sens juridique du terme devant être tranchée par le tribunal. Ces demandes ne seront, par conséquent, le cas échéant, pas retenues en tant que telles et seront alors étudiées en leur qualité de moyens des parties.

Sur la non-constitution de la CPAM de [Localité 13]-[Localité 16] et de la S.A. PRO BTP

Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le principe du droit à indemnisation de Monsieur [D] [M]

La loi n°85-577 du 05 juillet 1985 dite ''loi Badinter'' a instauré un système d’indemnisation des « victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ».

Il s'ensuit que la loi Badinter n’institue pas un régime de responsabilité mais un régime d’indemnisation basé sur l’implication d’un véhicule terrestre à moteur.

Par ailleurs, aux termes de l'article L.124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'action directe dont dispose le tiers lésé suppose que soient établis à la fois l'existence de la responsabilité de l'assuré à l'égard de la victime et le montant de la créance d'indemnisation de celle-ci contre l'assuré.

En l’espèce, il est constant que l'accident subi par Monsieur [D] [M] le 02 juin 2018 a impliqué deux véhicules terrestres à moteur, le sien et celui appartenant à Madame [O] [E] et conduit par son fils, de sorte que cet accident, qui doit dès lors être qualifié d’accident de la circulation, relève de la loi précitée, ce qui n'est pas contesté.

Le principe du droit à indemnisation intégrale de Monsieur [D] [M] n’est pas davantage discuté.

En conséquence, Monsieur [D] [M] a droit à indemnisation intégrale de ses préjudices.

La société [Localité 10], qui ne conteste pas être l'assureur du véhicule impliqué, sera ainsi tenue d'indemniser intégralement les préjudices de Monsieur [D] [M].

Sur l’indemnisation des préjudices de Monsieur [D] [M]

Conformément aux dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

En l'espèce, la date de consolidation médico-légale retenue par l'expert judiciaire, soit le 02 novembre 2020, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, sera entérinée. Il est précisé qu'à cette date, Monsieur [D] [M] était âgé de 33 ans.

Par ailleurs, pour les calculs de capitalisation, il sera retenu le barème de capitalisation de la gazette du palais publié en 2022 au taux d'actualisation de référence de 0,00%, s’agissant de la table de calcul la plus appropriée au principe de la réparation intégrale du préjudice au regard de l’érosion monétaire et des tables de mortalité.

Sur les créances des tiers-payeurs

La créance de la CPAM de [Localité 13]-[Localité 16]

Les débours définitifs de la C.P.A.M. de [Localité 13]-[Localité 16] s’élèvent, pour mémoire, à la somme totale de 34.356,09 euros, selon notification définitive datée du 18 janvier 2021 (pièce n°58 demandeur).

Ils se décomposent comme suit :

- frais hospitaliers : 7.824 €,
- frais médicaux : 3.610,13 €,
- frais pharmaceutiques : 295,40 €,
- frais d'appareillage : 675,65 €,
- frais de transport : 392,52 €,
- indemnités journalières : 21.558,39 €.

Ces débours ne font pas état du versement à Monsieur [M] d'une rente ou d'une pension d'invalidité.

La créance de la S.A. PRO BTP RETRAITE PREVOYANCE

Les débours définitifs de la société PRO BTP RETRAITE PREVOYANCE, organisme de complémentaire santé de Monsieur [M], s’élèvent, pour mémoire, à la somme totale de 22.166,41 euros, selon notification définitive datée du 20 octobre 2021 (pièce n°69 demandeur).

Ils se décomposent comme suit :

- frais médicaux : 2.644,86 €,
- indemnités journalières : 19.521,55 €.

Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d’hospitalisation, les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, ainsi que le préjudice temporaire d’agrément et, éventuellement, le préjudice sexuel temporaire.

En l'espèce, le Docteur [K] retient que le déficit fonctionnel temporaire subi par Monsieur [M] a été :

- total : du 02 au 08 juin 2018 et le 09 mai 2019, soit pendant 8 jours (et non 9),
- partiel de 75 %: du 09 juin au 30 juillet 2018, soit pendant 52 jours,
- partiel de 50 %: du 31 juillet au 03 septembre 2018, le 29 août 2019 et le 17 juillet 2020, soit pendant 37 jours,
- partiel de 25 %: du 10 mai au 28 août 2019, du 30 août 2019 au 16 juillet 2020 et du 18 juillet au 02 novembre 2020, soit pendant 541 jours,
- partiel de 15 %: du 04 septembre 2018 au 08 mai 2019, soit pendant 247 jours.

Ni les périodes retenues ni les taux d'incapacité ne sont contestés par les parties.

Il est, par ailleurs, à relever que l'expert judiciaire a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément temporaire et d'un préjudice sexuel temporaire, du fait de ses fractures, de son immobilisation par attelle [G] et botte en résine et de ses douleurs du bassin et de l'épaule droite.

Monsieur [D] [M] évalue ce chef de préjudice, sur la base d'une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 30 euros, à la somme de 7.134 euros.

La société défenderesse propose, pour sa part, de lui verser une somme totale de 5.468,65 euros, sur la base d’une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 23 euros.

Sur ce, eu égard aux éléments du rapport d'expertise, les troubles dans les conditions d’existence subis jusqu’à la consolidation par Monsieur [M] permettent d'évaluer le préjudice de ce dernier comme suit, sur la base d’une indemnité de 27 euros par jour :

au titre du DFT total : 100% x 8 jours x 27 euros = 216 euros,au titre du DFT partiel de 75% : 75% x 52 jours x 27 euros = 1.053 euros,au titre du DFT partiel de 50% : 50% x 37 jours x 27 euros = 499,50 euros,au titre du DFT partiel de 25% : 25% x 541 jours x 27 euros = 3.651,75 euros,au titre du DFT partiel de 15% : 15% x 247 jours x 27 euros = 1.000,35 euros,
soit un total de 6.420,60 euros.

En conséquence, il sera alloué à Monsieur [D] [M] au titre du déficit fonctionnel temporaire la somme de :
6.420,60 euros.

Les souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, jusqu'à sa consolidation.

En l'espèce, l'expert judiciaire a chiffré à 4 sur une échelle habituelle de 7 les souffrances endurées par Monsieur [M], en considération de ses fractures de l'épaule droite, de la clavicule droite, du calcanéum droit, du bassin, des deux interventions chirurgicales et de sa rééducation.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties, ces dernières étant exclusivement en désaccord sur le montant de l'indemnisation, soit 25.000 euros réclamés par Monsieur [M] contre 12.000 euros offerts par la société [Localité 10].

Sur ce, il ressort plus précisément du rapport d'expertise judiciaire que, suite à l'accident, Monsieur [M] a présenté une fracture déplacée de l'épaule droite avec deux fragments, une fracture au niveau de la branche ilio-pubienne droite, des contusions du lobe moyen, une fracture du tiers moyen de la clavicule droite, une fracture non-déplacée du calcanéum droit, une fracture de l'acétabulum droit au niveau de la colonne antérieure non-déplacée et une luxation de l'articulation gléno-humérale.

Opéré le 03 juin 2018, il est sorti d'hospitalisation le 08 juin avec un [G] et un coussin d'abduction qu'il a dû conserver de façon stricte, ainsi qu'une botte en résine pour sa fracture du calcanéum. Il a été contraint à des déplacements exclusivement en fauteuil roulant pendant plusieurs semaines.

Un an après l'accident, il ressentait toujours des douleurs, des craquements à la mobilisation et une raideur de l'épaule. Malgré une longue rééducation et plusieurs infiltrations, il a continué à présenter des douleurs, l'IRM de son épaule droite réalisée le 23 décembre 2019 ayant, par ailleurs, retrouvé des signes d'ostéonécrose de la tête humérale avec aspect aminci du cartilage et suspicion de fissure de la branche postérieure.

En considération de ces éléments et de la durée de la période pré-consolidation, il sera alloué à la victime, au titre des souffrances endurées, la somme de :
20.000 euros.

Le préjudice esthétique temporaire

Il s’agit de réparer l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation.

Sont considérés comme faisant partie du préjudice esthétique temporaire, l’apparence générale après les faits, les hématomes, les paralysies, cicatrices, plaies, brûlures et lésions cutanées, les troubles de la voix, de l’élocution, le port d’un fixateur externe, l'utilisation d'un fauteuil roulant, de béquilles, le port d'un plâtre, l'existence d'une boiterie, etc...

En l’espèce, l'expert judiciaire a évalué ce poste de préjudice à 3,5 sur échelle habituelle de 7 valeurs, en considération de la période des pansements, de l'immobilisation avec attelle [G] et botte en résine, de son coussin d'adduction et du déplacement pendant une période relativement longue (six semaines) en fauteuil roulant.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Monsieur [M] sollicite, à ce titre, la somme de 5.000 euros, tandis que la société [Localité 10] offre de lui verser la somme de 500 euros.

Dès lors, compte tenu des éléments du rapport d'expertise et de la durée de la période pré-consolidation, il convient de lui allouer, au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de :

3.500 euros.

Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Il s’agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes. Ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

En l'espèce, l'expert judiciaire conclut à l'existence d'un déficit fonctionnel permanent qu'il évalue à 21%, l'expert ayant décrit, aux termes de son rapport, la persistance d'une raideur séquellaire de son épaule droite avec limitation d'amplitude (ne peut plus lever le bras droit à l'horizontale et l'écarter du tronc de plus de 45°) et douleurs au niveau de son épaule, de son calcanéum et de sa hanche à droite.

Sur la base de ces conclusions, Monsieur [M] sollicite une somme de 65.000 euros, tandis que la société [Localité 10] sollicite que l'indemnisation de ce poste soit limitée à la somme de 50.400 euros.

Né le [Date naissance 1] 1987, Monsieur [M] était âgé de 33 ans à la date de la consolidation.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à Monsieur [M], au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de :
60.000 euros.

Le préjudice esthétique permanent :

Il s’agit du préjudice lié aux éléments de nature à altérer définitivement l’apparence physique de la victime.

En l'espèce, le Docteur [K] retient l'existence d'un préjudice esthétique permanent évalué à 1 sur une échelle habituelle de 7 valeurs, du fait de la cicatrice de l'épaule droite, évaluation non-contestée par les parties.

Monsieur [M] sollicite une somme de 5.000 euros, faisant valoir que cette cicatrice a déformé le tatouage qu'il a sur l'épaule et que l'obligation dans laquelle il a été d'arrêter la pratique de la musculation en salle a engendré une modification de sa physionomie.

L'assureur sollicite, pour sa part, que l'indemnisation de ce poste de préjudice soit limitée à la somme de 750 euros.

Il convient d'observer, au vu du rapport d'expertise, qu'à l'examen de la victime, le Docteur [K] a relevé, outre des défauts de mobilité de l'épaule droite :

une cicatrice élargie de 13 cm sur le sillon deltopectoral droit,une cicatrice de 3 cm fine sur le coup de pied droit,une tuméfaction d'allure graisseuse sur le bord interne du calcanéum droit.
Les photographies versées aux débats (pièces n°33 et 45) témoignent également de l'altération du tatouage de Monsieur [M] au niveau de l'épaule, du fait de la cicatrice.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de l'âge de la victime au jour de la consolidation, le préjudice esthétique permanent de Monsieur [M] sera évalué à la somme de :

2.500 euros.

Le préjudice d’agrément

Ce poste vise à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs (ludiques ou culturelles), suffisamment spécifique pour ne pas avoir déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel répare déjà les atteintes aux joies usuelles de la vie quotidienne incluant les loisirs communs.

De jurisprudence constante, ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure, de sorte que la ''simple'' limitation d'une pratique sportive ou de loisirs antérieure constitue un préjudice d'agrément indemnisable.

En l'espèce, Monsieur [M] sollicite, en réparation de ce poste de préjudice, le versement d'une somme de 15.000 euros, faisant valoir qu'avant l'accident, il pratiquait, avec sa compagne, la musculation en salle à raison de trois fois par semaine et ce, depuis 2012 et que, depuis l'accident, son état de santé ne lui permet pas de reprendre sa pratique antérieure. Il souligne qu'il s'agissant à la fois de son loisir, de son sport et d'un moment de partage avec sa compagne, de sorte que l'arrêt de cette pratique lui cause un préjudice spécifique moral important.

La société [Localité 10] conclut, à titre principal, au rejet de la demande, considérant que l'impossibilité de se livrer aux activités de musculation n'est pas établie. Il observe, à cet égard, que le Docteur [T], chirurgien de l'épaule, a préconisé une « utilisation normale de l'épaule, notamment dans les actes de la vie quotidienne et les activités de loisirs » et souligné, à l'occasion de la consultation du 12 mars 2020, que Monsieur [M] « demeure dynamique avec bricolage, jardinage, musculation ». A titre subsidiaire, elle sollicite que la somme allouée au titre de ce poste de préjudice soit limitée à 3.000 euros.

Sur ce, il est effectivement justifié de la pratique, avant la survenance de l'accident, de la musculation en salle à raison de plusieurs fois par semaines depuis plusieurs années (pièces n°25, 26 et 59, notamment).

L'expert judiciaire retient, dans son rapport, que les séquelles imputables à l'accident ne permettent pas à Monsieur [M] de reprendre ses activités sportives antérieures, caractérisant ainsi l'existence d'un préjudice d'agrément.

Si les éléments médicaux versés aux débats ne permettent pas de conclure à une impossibilité absolue pour la victime de pratiquer la musculation, il n'en demeure pas moins que Monsieur [M] subit a minima une limitation dans la pratique de cette activité spécifique de sport et de loisir à laquelle il s'adonnait, de surcroît, de manière intensive avant l'accident et ce, alors qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire qu'il présente une mobilité significativement limitée au niveau de l'épaule droite (pour rappel, il ne peut lever le bras droit à l'horizontale ni l'écarter du tronc de plus de 45°) avec, notamment, inaptitude au port de charge lourde et persistance de douleurs importantes.

Les deux responsables de la salle de musculation qu'il fréquentait depuis 2012 ont attesté en décembre 2020 et novembre 2022 que, depuis l'accident, Monsieur [M] n'a plus fréquenté la salle (pièces n°26 et 59), ce que confirment d'ailleurs ses proches (pièces n°24 et 63).

Eu égard à l'ensemble de ces éléments et de son âge au jour de la consolidation, il y a lieu de lui allouer, au titre du préjudice d'agrément, la somme de :
8.000 euros.

Le préjudice sexuel

Il s’agit de l’ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle :

- le préjudice morphologique, lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;
- le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;
- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

En l'espèce, l'expert judiciaire a admis l'existence d'un préjudice sexuel, ayant tenu compte des doléances de la victime en terme de fréquence des rapports mais également en terme de qualité, du fait de ses douleurs et de la mobilité réduite de son épaule droite, ce qui doit s'analyser en préjudice lié à l'acte sexuel lui-même (d'ordre, notamment, positionnel).

Monsieur [M] sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 20.000 euros, faisant valoir, en outre, des difficultés à voir leur désir d'enfant assouvi, Monsieur [M] reliant cette difficulté à la baisse de thymie liée au fait de sentir handicapé.

Bien que semblant proposer la somme de 3.500 euros au cœur de ses conclusions, la société [Localité 10] n'a repris, au dispositif de celles-ci, aucune proposition au titre de ce poste de préjudice.

Sur ce, si le Docteur [K] a reconnu l'existence d'un préjudice manifestement lié à l'acte sexuel lui-même, aucun préjudice lié à une difficulté à procréer voire même à une atteinte aux organes sexuels n'a été médicalement admise, l'expert ayant conclu à l'absence de limitation en terme de fertilité secondairement à l'accident. L'imputabilité à l'accident et à ses séquelles des difficultés rencontrées par Monsieur [M] et sa compagne dans leur projet de fonder une famille n'est, dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément médical, pas établie.

Dès lors, compte tenu des éléments développés par l'expert, il sera alloué à Monsieur [M], au titre du préjudice sexuel, une somme de :
8.000 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Les dépenses de santé sont les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d’hospitalisation (on les retrouve dans les prestations en nature des organismes sociaux) et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc..).

En l'espèce, Monsieur [M] sollicite, au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers demeurés à charge, les sommes suivantes :

- participation forfaitaire aux soins: 126,5 € au titre des séances de kinésithérapie et des rendez-vous chez le médecin traitant pour le renouvellement des traitements, l’envoi chez les spécialistes et le kiné (pièce 4),
- frais d’ostéopathie : 100 € (pièce 5),
- coût de l’acide hyaluronique (Synvisc-one) : 165 € (pièce 6),

soit un total réclamé de 391,50 euros.

La société [Localité 10] n'accepte de lui verser, au titre des dépenses de santé demeurées à charge, que la somme de 373 euros, estimant que, si les frais d’ostéopathie et d’achat d’acide hyaluronique sont parfaitement justifiés, le montant des franchises médicales imputables demeurées à charge ne saurait excéder la somme de 108 euros, en l'état des éléments produits.

Sur ce, au regard des relevés de l'Assurance maladie produits, le montant dû au titre de la participation forfaitaire de l'assuré social doit être fixé à la somme totale de 112 euros (pièce n°4 demandeur).

Par conséquent, et compte tenu de l'accord de l'assureur s'agissant des frais d'ostéopathie et d'achat d'acide hyaluronique, il sera accordé à Monsieur [M], au titre des dépenses de santé actuelles, la somme totale de : 112 € + 100 € + 165 € =
377 euros.

Les frais divers (hors assistance par tierce-personne)

Il s’agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d’expertise, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

a) les frais d'assistance d'un médecin conseil

Monsieur [M] sollicite à ce titre la somme de 540 euros. A l'appui de sa demande, il justifie des honoraires du Dr [X] qui l'a préparé à l'expertise judiciaire à venir et l'a assisté lors des opérations expertales (pièce n°9).

La société [Localité 10] reconnaît lui devoir se montant.

Il en sera, dès lors, donné acte, de sorte qu'il lui sera accordé la somme réclamée de 540 euros.

b) les frais de transport

En l'état de ses dernières écritures, Monsieur [M] sollicite une indemnisation à hauteur de 931,36 euros au titre de ce poste de préjudice, faisant valoir avoir parcouru 1.476 kilomètres pour se rendre à divers rendez-vous médicaux, aux séances de kinésithérapie, au commissariat de police et au garage, selon récapitulatif détaillé établi par ses soins (pièce n°7).

Pour sa part, bien que ne reprenant aucune offre à ce titre au terme du dispositif de ses conclusions, la société [Localité 10] confirme, au cœur de ces dernières, que la somme réclamée est justifiée.

Dès lors et en considération des justificatifs produits (pièces n°7, 8 et 56 demandeur), Monsieur [M] sera indemnisé de ses frais de transport engagés des suites de l'accident à hauteur de la somme réclamée de 931,36 euros.

* * *

Dès lors, il convient d'allouer à Monsieur [D] [M], au titre des frais divers, la somme totale de : 540 € + 931,36 €, soit :
1.471,36 euros.

L’assistance par tierce personne temporaire

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les frais de garde d’enfants, les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale.

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu un besoin en assistance par tierce-personne temporaire à hauteur de :

- 4 heures par jour pendant la période de DFT à 75% soit du 9 juin 2018 au 30 juillet 2018, soit pendant 52 jours,
- 2 heures par jour pendant la période de DFT à 50% soit du 31 juillet 2018 au 03 septembre 2018, le 29 août 2019 et le 17 juillet 2020, soit pendant 37 jours,
- 2 heures par semaine pendant les périodes de DFT à 25%, soit du 10 mai 2019 au 28 août 2019, du 30 août 2019 au 16 juillet 2020 et du 18 juillet 2020 au 02 novembre 2020, soit pendant 541 jours,
- 1 heure par semaine pendant la période de DFT à 15% soit du 04 septembre 2018 au 08 mai 2019, soit pendant 247 jours.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Monsieur [M] sollicite, néanmoins, que soit également pris en compte, en sus du besoin en assistance par tierce-personne pour les gestes de la vie quotidienne évaluée par l'expert, un besoin particulier en assistance par tierce-personne pour les déplacements à ses rendez-vous notamment médicaux, la quantification de ce besoin devant tenir compte du temps d'attente de l'accompagnant. Il souligne, à cet égard, que l'évaluation de ce besoin spécifique ne fait pas partie de la mission de l'expert puisqu'il ne ressort pas d'une analyse médicale.

Il sollicite ainsi la prise en compte d'un besoin particulier à ce titre qu'il quantifie de la manière suivante :

- Domicile/CHU [Localité 12]: 15 minutes x 1 consultation (pièce 51),
- Domicile/ [Localité 13]: 30 minutes x 1 consultation (pièce 52),
- Domicile/ commissariat : 20 minutes x 2 rendez-vous (pièce 53),
- Domicile/ médecin traitant : 5 minutes x 5 consultations (pièce 54),
- Domicile/ [Localité 15] (garage): 20 minutes x 1 rendez-vous (pièce 55),
- Domicile / kiné: 10 minutes x 99 rendez-vous (pièce 56),
- Domicile / CH [Localité 15] (IRM): 20 minutes x 2 imageries (pièce 57),
- Attente de l'accompagnant pendant les rendez-vous : 30 minutes x 111 rendez-vous,

soit un besoin supplémentaire à hauteur de 94,10 heures (2.320 minutes de déplacements + 3.330 minutes d'attente).

Monsieur [M] sollicite, ainsi, au titre de ce poste de préjudice, une somme totale de 31.081,82 euros (10.379,82 € + 20.702 €, majoration de 10% pour tenir compte des congés payés comprise), sur la base d’un tarif horaire de 20 €.

La société [Localité 10] offre, pour sa part, de lui verser la somme totale de 5.672,40 euros, sur la base des conclusions de l'expert et d'un tarif horaire de 12 euros. Il s'oppose à toute indemnisation au-delà des besoins retenus par l'expert, lesquels incluent, selon lui, la nécessité d'être aidé pour les déplacements. Il souligne, en tout état de cause, qu'il ne saurait il y avoir lieu à indemnisation des temps d'attente non-justifiés ni dans leur principe, ni dans leur durée, ce d'autant qu'il n'est pas établi que le demandeur a bénéficié d'un accompagnement lors de l'ensemble de ses rendez-vous.

Sur ce, Monsieur [M] ne démontre pas que l'expert judiciaire, en quantifiant son besoin en assistance par tierce-personne, n'aurait pas tenu compte du besoin qui était incontestablement le sien sur certaines périodes, au regard de son état de santé, au titre des conduites à divers rendez-vous notamment médicaux, et ce, alors que le Docteur [K] a précisément corrélé son évaluation du besoin en assistance par tierce-personne à l'ampleur du déficit fonctionnel temporaire présenté par la victime et a manifestement pris en considération le fait que Monsieur [M] se déplaçait, durant la période de déficit partiel de 75%, exclusivement en fauteuil roulant et qu'il avait poursuivi la rééducation au-delà, durant la période de déficit de 50%.

Contrairement à ce qui est soutenu en demande, la capacité à se déplacer en autonomie de Monsieur [M] (capacité à marcher et/ou à conduire) à chaque stade de la période traumatique relevait parfaitement de la mission de l'expert et de son domaine de compétence et, s'il estimait que sa situation à ce titre n'avait pas été correctement ou intégralement prise en compte, il appartenait au demandeur d'interroger ou d'interpeller le Docteur [K] à ce sujet. Tel n'a pas été le cas, aucun dire n'ayant été formulé par la victime ou son conseil à l'issue des opérations expertales.

Au surplus, il sera observé que Monsieur [M] n'explique pas pour quelles raisons il aurait eu besoin d'un accompagnement à ses séances de kinésithérapie (listées en pièce n°50) notamment sur la période où il était atteint d'un déficit fonctionnel de 15% (soit du 04 septembre 2018 au 08 mai 2019), alors que sur ladite période l'expert judiciaire retient qu'il ne présentait que des besoins ponctuels, pour le port d'objets lourds, la tonte de la pelouse et le déshabillage parfois l'été, de sorte qu'il est permis de penser qu'il était alors apte à se déplacer en autonomie.

L'existence, de surcroît médicalement justifiée, et l'absence de prise en compte par l'expert d'un besoin en assistance par tierce-personne pour les déplacements aux divers rendez-vous nécessités par suite de l'accident ne sont, dans ces conditions, pas démontrées. La demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée et seule l'évaluation réalisée par l'expert sera retenue.

Du reste, s'agissant d'une aide non-spécialisée et étant rappelé que l’indemnité allouée au titre de l’assistance par tierce-personne ne saurait être réduite en cas d’assistance par un proche de la victime (tel que cela a manifestement été le cas en l'espèce), l'indemnité horaire de 20 euros sollicitée n’apparaît pas excessive.

Dès lors, le préjudice subi par Monsieur [M] au titre du besoin en assistance par tierce-personne temporaire peut être évalué comme suit :

- 4 h x 52 jours x 20 € = 4.160 €,
- 2 h x 37 jours x 20 € = 1.480 €,
- 2 h x (541 jours / 7) x 20 € = 3.091,43 €,
- 1 h x (247 jours / 7) x 20 € = 705,71 €,

soit la somme de 9.437,14 euros, à laquelle il convient de rajouter 10% afin de tenir compte des jours fériés et congés payés, soit la somme totale de 10.380,85 euros.

En conséquence, eu égard à l'ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer, au titre de l'assistance par tierce-personne temporaire, la somme totale de :
10.380,85 euros.

Les pertes de gains professionnels actuels

Il s’agit du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est à dire des pertes de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu’à la date de consolidation.

En l'espèce, Monsieur [M] sollicite, au titre de ce poste de préjudice, la somme totale de 21.654,76 euros. Il indique que, suite à l'accident, il a été en arrêt de travail du 02 juin 2018 au 10 septembre 2020, date de prise en compte effective de sa démission et fait valoir qu'il aurait dû, à compter du 1er mars 2019, être promu chef d'équipe, grâce à la formation financée par son employeur, ce qui lui aurait garanti un salaire supérieur à celui qui était le sien précédemment, nouveau salaire qu'il estime à 30.000 euros par an au minimum, soit 2.500 euros par mois.

La société [Localité 10] conclut, pour sa part, principalement au débouté, estimant, en se basant sur le revenu mensuel moyen qui était le sien dans les mois ayant précédé l'accident, soit sur un revenu de 1.336,92 euros par mois, que la perte de revenus éprouvée par la victime a été parfaitement compensée par les prestations servies par la CPAM et la PRO BTP.

A titre subsidiaire, si le tribunal devait retenir pour revenu de référence le revenu moyen perçu au titre de l'année complète de 2017, soit 1.594,25 euros par mois, elle reconnaît l'existence d'une perte de gains professionnels actuels d'un montant de 1.287,33 euros.

Elle s'oppose à ce que ce poste de préjudice soit calculé en tenant compte du revenu conventionnel d’un chef de chantier dès lors que, s’il n’est pas contesté que Monsieur [M] devait suivre une formation de chef d'équipe, rien n’indique qu’il aurait, dans la suite de celle-ci, assuré de telles fonctions, lesquelles dépendaient nécessairement du résultat de cette formation. Elle estime, en tout état de cause, que les données chiffrées sur lesquelles Monsieur [M] entend se fonder pour la rémunération d’un chef de chantier sont erronées, au regard de la convention collective des ouvriers des travaux publics qu'elle verse aux débats.

Enfin, elle s'oppose à la réévaluation du salaire de Monsieur [M] sur la base de l’augmentation du SMIC, dans la mesure où le demandeur ne percevait pas un revenu établi sur la base du SMIC mais supérieur à celui-ci.

Sur ce, il est établi qu'au jour de l'accident, Monsieur [M] était employé dans le domaine des travaux publics en qualité d'ouvrier de niveau II (ouvrier professionnel), position 1, au sein de la société EIFFAGE, intégrée en décembre 2007 (pièces n°10 et 11). Ses revenus s'élevaient alors, en moyenne, sur la base des deux dernières années (2016 et 2017), à 1.592,08 euros (pièces n°12 et 13 demandeur), étant précisé qu'il ne peut être tenu compte du bulletin de paie du mois de mai 2018 pour quantifier le salaire moyen de la victime dans les mois ayant précédé l'accident, le cumul imposable y indiqué ne tenant pas compte des primes perçues ni des congés payés servis, dans ce domaine d'activité, par une caisse autonome.

Il est, en outre, constant que, par suite de l'accident, il a été en arrêt de travail jusqu'à sa démission à la fin de l'été 2020 (pièce n°21), démission dont il n'est pas sérieusement contestable qu'elle était justifiée par son état séquellaire, l'expert judiciaire ayant, à cet égard, retenu que Monsieur [M] « ne peut plus prétendre à l'exercice d'un métier manuel », ce qui était de toute évidence le cas antérieurement à l'accident. A cet égard, si la société défenderesse soutient que « la perte de son emploi ne résulte que de sa propre démission », alors qu'il appartenait à son employeur de le reclasser, il doit être rappelé que l’auteur d’un fait dommageable est tenu d’en réparer toutes les conséquences sans que l’on puisse exiger de la victime qu’elle limite son préjudice en acceptant des conditions de travail radicalement différentes de celles qui étaient les siennes avant l’accident.

Or, il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur [M] avait été inscrit par son employeur à une formation qualifiante ''chef d'équipe travaux publics'', laquelle devait débuter le 17 septembre 2018 pour plusieurs mois, du lundi au jeudi de 8h00 à 17h00 et le vendredi de 8h00 à 11h00 (pièce n°18).

Ses supérieurs hiérarchiques, Monsieur [Y] [V], chef de secteur ayant suivi l'évolution de Monsieur [M] depuis ses débuts au sein de la société EIFFAGE, et Monsieur [R] [L], chef de chantier – dispatcheur, attestent de l'opportunité et des capacités qui étaient les siennes d'évoluer en qualité de chef d'équipe, alors qu'il avait effectué une première mise en situation en cette qualité sur un chantier à [Localité 14] [Localité 11] [Localité 12] et qu'il devait entamer la formation dédiée. Le responsable d'exploitation de l'agence EIFFAGE de Fretin confirme que « son excellent état d'esprit ainsi que ses compétences le prédestinaient à une carrière prometteuse » (pièces n°60, 61 et 70).

Dans ces conditions, s'il ne peut être assuré avec certitude que Monsieur [M] aurait non seulement validé sa formation mais également évolué, dès l'issue de celle-ci, en mars 2019, en qualité de chef de chantier, ses chances en ce sens étaient particulièrement sérieuses, ce d'autant qu'il bénéficiait manifestement de l'appui de ses supérieurs.

Or, il n'est pas sérieusement contestable que l'accident du 02 juin 2018 a mis un terme à ce projet professionnel, alors que le Docteur [K] retient, au terme de son rapport définitif, que « du fait de ses séquelles M. [M] ne peut plus prétendre à la réalisation de métier manuel et même, non manuel, il présente des limitations nettes du fait de ses amplitudes articulaire de son membre dominant ». La médecine du travail a, à cet égard, retenu en septembre 2019 une contre-indication aux manutentions du bras droit, aux gestes répétitifs de ce bras en élévation, ainsi qu'à la conduite d'engins de chantier (pièce n°22), ce qui le rendait indubitablement inapte au poste de chef de chantier, tel que décrit à la convention collective nationale, ce type de poste, de niveau III, n'étant pas un poste d'exclusif encadrement, mais incluant la réalisation des travaux de sa spécialité, ce que confirment d'ailleurs plusieurs témoins (pièces n°3 [Localité 10] et n°60 et 73 demandeur).

Il sera ainsi considéré que Monsieur [M] a perdu une chance, qui sera évaluée à 90%, de percevoir, dès l'issue de la formation, un revenu de chef de chantier, ce qui correspond, selon la convention collective nationale du secteur, dans un premier temps, à un salaire minimum annuel de niveau III compris, en 2019, entre 24.685 et 26.967 euros (pièce n°3 [Localité 10]), rien ne permettant d'indiquer qu'il aurait acquis immédiatement le niveau IV correspondant aux maîtres-chef d'équipe. Le salaire médian de 2.216 euros pour un chef d'équipe en travaux publics, tel que ressortant du justificatif produit en demande (pièce n°49) sera ainsi retenu comme base, sans qu'il y ait lieu à revalorisation ainsi que sollicité en demande, ce revenu n'étant pas basé sur le S.M.I.C.

Sur ce, durant la période traumatique, Monsieur [M] :

- aurait dû percevoir, de la date de l'accident jusqu'au 1er mars 2019 (date de fin de la formation), un revenu de 1.592,08 euros par mois, soit un total sur la période de : (273 jours / 30,5) x 1.592,08 € = 14.250,42 euros ;
- a perdu une chance de percevoir, à compter du 02 mars 2019 jusqu'au 02 novembre 2020 (date de la consolidation), un revenu de 1.994,40 euros par mois (2.216 € x 90%), soit un total sur la période de : (612 jours / 30,5) x 1.994,40 € = 40.018,78 euros ;

soit un total général de 54.269,20 euros.

Or, sur cette même période, il a effectivement perçu les sommes suivantes, étant précisé qu'il a été embauché à compter du 15 septembre 2020 en qualité de dispatcheur dans une autre entreprise (pièce n°23) :

- 21.558,39 euros d'indemnités journalières de la CPAM (pièce n°58),
- 19.521,55 euros via la S.A. PRO BTP (pièce n°69),
- 2.095,66 euros net imposable au titre de son nouvel emploi (calculé à partir du cumul net imposable d'un montant de 4.619 euros figurant au bulletin de paie du mois de décembre 2020, ramené sur 49 jours jusqu'à la date de consolidation – pièce n°35),

soit un total perçu de 43.175,60 euros.

Il en résulte une perte de revenus, sur la période, de 11.093,60 euros.

En conséquence, il sera alloué à Monsieur [M], au titre de la perte de gains professionnels actuels, la somme de :
11.093,60 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents

Les dépenses de santé futures

Il s’agit les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d’hospitalisation, et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie, aides techniques, consommables etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.

En l'espèce, au terme de son rapport d’expertise, le Docteur [K] retient, en tenant compte de la préconisation en première intention du Docteur [T], chirurgien de l'épaule, que les dépenses de santé futures de Monsieur [M] seront constituées d'une à deux infiltrations par an pendant deux ans, à visée antalgique.

Monsieur [M], faisant valoir que le coût d'une injection est de 165 euros, non-remboursable par la sécurité sociale, sollicite à ce titre l'octroi d'une somme de 660 euros.

La société [Localité 10] conclut, pour sa part, au rejet de la demande, au motif de l'absence de production, plus de deux après le dépôt du rapport d'expertise, des justificatifs des frais engagés à ce titre.

Il convient toutefois de rappeler qu'en vertu du principe de non-affectation de l'indemnité, il ne peut être exigé de la victime la production de factures pour évaluer l'indemnisation, la réparation intégrale de la victime n’impliquant aucun contrôle de l’utilisation des fonds dont elle doit pouvoir conserver la libre utilisation.

Dans le cas d'espèce, l'imputabilité à l'accident du 02 juin 2018 d'un besoin futur en infiltrations d'acide hyaluronique, du fait des douleurs persistantes de l'épaule droite de Monsieur [M] a été médicalement reconnue par l'expert judiciaire.

Le demandeur justifie du montant d'une telle infiltration (pièce n°6) et l'absence de prise en charge par la sécurité sociale et la mutuelle n'est pas discutée en défense.

La demande est, dans ces conditions, parfaitement justifiée et il sera fait droit, de sorte qu'il sera accordé à Monsieur [M], au titre des dépenses de santé futures, la somme de :
660 euros.

Les frais divers post-consolidation

Monsieur [M] sollicite, à ce titre, une somme totale de 59,30 euros, faisant valoir avoir dû parcourir 22 kilomètres aller-retour pour se rendre aux opérations d'expertise judiciaire et devoir prochainement parcourir 18 kilomètres aller pour se rendre au CHRU de [Localité 12] en vue de procéder aux quatre infiltrations à venir.

La société [Localité 10] conclut au rejet de la demande, relevant que la demande apparaît hypothétique s'agissant des infiltrations dont il n'est en l'état justifié d'aucune.

Sur ce, quatre séances d'infiltrations d'acide hyaluronique ayant été retenues au titre des dépenses de santé futures, les déplacements nécessités pour la réalisation desdites infiltrations doit également être retenus comme faisant partie intégrante du préjudice subi par Monsieur [M].

Par ailleurs, les kilométrages retenus n'étant pas contestés, non plus que le barème fiscal retenu sur la base du certificat d'immatriculation produit (pièce n°8), la demande sera accueillie.

Il sera, dès lors, accordé au titre de ce poste de préjudice la somme de :
59,30 euros.

L’assistance par tierce personne permanente

Il s’agit d’indemniser la victime du coût lié l’embauche d’une tierce personne l’assistant dans les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Ces dépenses visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

En l'espèce, au terme de son rapport définitif, le Docteur [K] a conclu à un besoin en assistance par tierce-personne d'une heure par semaine à titre viager, du fait de la limitation importante de ses amplitudes de l'épaule.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties, lesquelles se trouvent exclusivement en désaccord sur le montant de l'indemnité horaire, Monsieur [M] sollicitant à ce titre une somme totale capitalisée de 71.047 euros, sur la base d'un tarif horaire de 20 euros, tandis que la société [Localité 10] offre de lui verser la somme totale capitalisée de 20.772,96 euros, sur la base d'un tarif horaire de 12 euros.

S'agissant d'une assistance non-spécialisée et étant rappelé que l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce-personne ne saurait être réduite en cas d'assistance par un proche de la victime, la même base horaire de 20 euros sera retenue.

Dès lors, les besoins permanents en tierce-personne de Monsieur [M] doivent s'évaluer comme suit :

* L’assistance tierce personne échue

Entre le lendemain de la date de consolidation (03 novembre 2020) et le jour où il est statué (28 juin 2024 inclus), l’assistance par tierce-personne s’élève à :

- (1334 jours / 7) x 1 h x 20 € = 3.811,43 €,

soit, après application d'une majoration de 10% pour tenir compte des congés payés et jours fériés, la somme de 4.192,57 euros.

* L’assistance tierce personne à échoir

Étant précisé que les parties s'accordent sur le principe d'une indemnisation en capital, le coût de l'assistance tierce-personne à échoir sera évalué comme suit :

Coût annuel de l'assistance tierce-personne : 1 h x 20 € x (412 jours / 7) = 1.177,14 euros.

Capitalisation : 1.177,14 € x 44.197 (euro de rente viager pour un homme de 36 ans au jour où il est statué) = 52.026,06 euros.

En conséquence, la société [Localité 10] sera condamnée à verser à Monsieur [M], au titre des frais d'assistance tierce-personne post-consolidation, la somme totale de :
56.218,63 euros.

La perte de gains professionnels future

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

En l'espèce, Monsieur [M] estime subir, compte tenu de son inaptitude à tout poste de chef de chantier, une perte de gains professionnels futurs d'un montant total de 627.192,81 euros et, à titre subsidiaire, si le tribunal estimait devoir prendre en compte sa perte de droits à la retraite au titre du poste ''incidence professionnelle'', de 328.250 euros.

La société [Localité 10] conclut, à titre principal, à l'absence de perte de gains professionnels futurs sur la période et, par conséquent, au rejet de la demande, rappelant qu'il ne peut être procédé à un calcul à partir d’un revenu hypothétique de chef de chantier, profession que Monsieur [M] n’exerçait pas avant les faits et dont on ignore si et quand il l’aurait effectivement exercée. Elle s'oppose, en tout état de cause, au calcul de pertes de gains professionnels futurs par une capitalisation viagère, l'existence d'une perte de droits à la retraite étant parfaitement hypothétique au regard tant de l’absence de perte de revenus démontrée que de l’âge de Monsieur [M].

Sur ce, pour les motifs précédemment développés, il a été retenu pour Monsieur [M], en lien direct et certain avec l'accident du 02 juin 2018, une perte de chance de 90% de percevoir le revenu médian d'un chef de chantier.

Dès lors, l'éventuelle perte de gains professionnels futurs de Monsieur [M] doit être appréciée comme suit :

* Perte de gains professionnels futurs échue - du 03 novembre 2020 (lendemain de la consolidation) au 28 juin 2024 (date du prononcé de la présente décision) :

→ Monsieur [M] a perdu une chance de percevoir un revenu d'un montant total de :

(1.994,40 euros / 30,5 jours) x 1.334 jours = 87.230,48 euros ;

→ Or, il a perçu un revenu total de :

- du 03/11/2020 au 31/12/2020 : 2.523,34 € (calculé à partir du cumul net imposable d'un montant de 4.619 euros figurant au bulletin de paie du mois de décembre 2020 – pièce n°35),

- 2021 : 21.309 € (suivant avis de situation déclarative 2022 sur 2021 – pièce n°40),
- 2022 : 21.309 €,
- 2023 : 21.309 €,
- du 01/01/2024 au 28/06/2024 : (21.309 € / 365 jours) x 180 jours = 10.508,55 €,

soit un total de 76.958,89 euros.

Il en résulte une perte de gains professionnels futurs échus de 10.271,59 euros.

* Perte de gains professionnels futurs à échoir :

L'inaptitude au poste de chef de chantier auquel Monsieur [M] était manifestement destiné étant définitive, au regard de ses séquelles, telles que reprises au rapport d'expertise, la perte de gains professionnels qui en résulte sera capitalisée en viager, afin de tenir compte de la perte irrémédiable de droits à la retraite à ce titre.

Dès lors, la perte de gains professionnels futurs à échoir peut s'évaluer comme suit :

Perte de gains annuelle : (1.994,40 € x 12 mois) – 21.309 € = 2.623,80 euros.

Capitalisation : 2.623,80 € x 44.197 (euro de rente viager pour un homme de 36 ans au jour où il est statué) = 115.964,09 euros.

Dès lors, la perte de gains professionnels futurs de Monsieur [M] sera indemnisée par l'allocation d'une somme d'un montant total de (10.271,59 € + 115.964,09 €) :
126.235,68 euros.

L’incidence professionnelle

Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste de préjudice recèle également des pertes de chance, étant rappelé que la perte de chance existe et présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable sérieuse.

Pour évaluer ce poste de préjudice, il convient de prendre en compte la catégorie d’emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l’ampleur de l’incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), des perspectives professionnelles et de l’âge de la victime (durée de l’incidence professionnelle).

En l'espèce, Monsieur [M] fait valoir qu'alors qu'il exerçait la profession d'ouvrier dans le domaine des travaux publics à temps plein depuis plusieurs années auprès du grand groupe EIFFAGE, avec opportunités professionnelles lui permettant une évolution de carrière, puisqu'il devait débuter une formation pour devenir chef d'équipe, son état de santé des suites de l'accident l'a contraint à démissionner et à se réorienter sur un poste de dispatcheur dans une PME, poste qui lui impose des contraintes horaires et du stress qu'il n'avait pas auparavant et au sein duquel il s'épanouit beaucoup moins.

Il rajoute qu'au regard des nombreuses contre-indications dont il fait l'objet de la part de la médecine du travail, les opportunités de poste sont, pour lui, particulièrement réduites, de sorte qu'il subit non seulement une perte de chance professionnelle mais également une dévaluation importante sur le marché du travail, ce d'autant que toute sa formation professionnelle ne lui est plus d’aucune utilité.

Enfin, il souligne que les séquelles physiques qu'il présente entraînent des douleurs qui accentuent la pénibilité de son activité professionnelle, augmentation de la pénibilité du travail qui perdurera tout au long de sa carrière.

Il sollicite, à ce titre, l'octroi d'une somme de 100.000 euros.

La société [Localité 10] ne conteste pas l'existence d'un tel préjudice dans le cas d'espèce et offre de verser au demandeur, au regard de la modification du poste de travail comme de l'âge de l'intéressé au jour de la consolidation et de sa carrière, une indemnité d'un montant de 20.000 euros.

Il rappelle toutefois, s’agissant de la modification de poste, que la rupture de son contrat de travail avec EIFFAGE ne relève que de sa propre décision.

Il conteste, en revanche, l'augmentation de la pénibilité au travail, faisant remarquer que Monsieur [M] bénéficie d’un poste aménagé pour éviter justement la pénibilité liée aux séquelles de son accident.

Enfin, il estime que la dévalorisation sur le marché du travail est relative dans la mesure où Monsieur [D] [M] a immédiatement retrouvé un poste de travail à rémunération supérieure, ce poste étant au demeurant un poste d’encadrement, de sorte qu'il s'agit d’ores et déjà d’une évolution pour Monsieur [M].

Sur ce, ayant repris l'historique professionnel de la victime, l'expert judiciaire a, en effet, conclu, au terme de son rapport, à l'existence d'une incidence professionnelle.

Ainsi qu'il a été précédemment retenu, c'est en raison de l'accident et des séquelles en ayant résulté (limitation significatives d'amplitudes de son épaule droite chez un droitier, avec persistance de douleurs importantes), que Monsieur [M] n'a pas été en mesure d'effectuer sa formation de chef d'équipe travaux publics et s'est vu contraint d'abandonner définitivement ce projet d'évolution professionnelle, l'expert judiciaire ayant retenu qu'il ne pouvait plus prétendre à la réalisation d'un métier manuel que le poste de chef de chantier impliquait de toute évidence (pièces n°60 demandeur et n°3 [Localité 10], notamment).

Si Monsieur [M] a pris l'initiative de démissionner de son entreprise afin de se réorienter sur un autre poste quelques jours plus tard et ce, sans qu'une impossibilité de reclassement au sein du groupe EIFFAGE ne soit rapportée, il doit être rappelé qu'en tout état de cause un tel reclassement aurait impliqué un changement d'orientation professionnelle caractéristique d'une incidence professionnelle. Cette décision de Monsieur [M] ne saurait, au surplus, s'analyser en un choix véritable, alors que nombre de ses proches et nouveaux comme anciens collègues témoignent de ce qu'il adorait son métier et ses conditions de travail antérieurs, dont il parle encore régulièrement avec nostalgie voire regret, et qu'il a été contraint de se résoudre à « repartir de zéro » sur des nouvelles fonctions très éloignées de l'intégralité de sa formation et de sa carrière professionnelle, ses collègues soulignant, en outre, « le stress et les contraintes » particulières de ce nouveau poste (pièces n°64, 65, 70 et 73, notamment).

Les nombreuses contre-indications relevées à son égard par la médecine du travail (à la manutention du bas droit, aux gestes répétitifs du bas droit en élévation, aux mouvements d'élévation du bras droit au-delà de 60°, à la conduite d'engins de chantier), ainsi que la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé sans limitation de durée (pièces n°22, 41 et 42) témoignent, en outre, d'une dévalorisation sur le marché du travail.

Enfin, le fait que le poste actuel de Monsieur [M] soit aménagé ou non est indifférent à l'existence d'une pénibilité et d'une fatigabilité accrues au travail, lesquels sont en tout état de cause établie au regard des douleurs séquellaires importantes dont il souffre des suites de l'accident.

Dès lors, en considération de l'ensemble de ces éléments et de son âge au jour de la consolidation, l'incidence professionnelle de Monsieur [D] [M] sera justement indemnisée par l'octroi d'une somme de :
80.000 euros.

Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation

En l'espèce, Monsieur [M] sollicite, au titre de ce poste de préjudice, l'allocation d'une somme de 12.000 euros, faisant valoir avoir été contraint de renoncer, du seul fait de l'accident, à sa formation professionnelle en qualité de ''chef d'équipe''.

La société [Localité 10] conclut au rejet de la demande, considéré que ce préjudice a d'ores et déjà été indemnisé au titre de l'incidence professionnelle que Monsieur [M] estime caractérisée également du fait de l'impossibilité d'avoir pu suivre cette formation et d'obtenir un poste de chef d'équipe.

Sur ce, ainsi qu'il a précédemment été vu, au moment de l'accident, Monsieur [M] été inscrit à une formation qualifiante de « chef d'équipe travaux publics », laquelle devait débuter le 17 septembre 2018 et s'achever le 1er mars 2019 (pièce n°18), formation qu'il n'a jamais pu suivre et à laquelle il a été contraint de renoncer définitivement, en raison de son état séquellaire dû à l'accident.

Néanmoins, contrairement à ce que soutient la société [Localité 10], l'impossibilité de surcroît définitive de suivre une formation qualifiante caractérise un préjudice autonome dépassant la privation d'une évolution professionnelle voire la nécessité d'une réorientation professionnelle.

Compte tenu de la durée de ladite formation, ce préjudice spécifique sera indemnisé par l'allocation d'une somme de :
6.000 euros.

* * *

Les sommes allouées à la victime seront versées sous déduction des provisions déjà versées, d'un montant total de 4.000 euros (1.000 euros versés par la société BPCE IARD suivant quittance du 17 octobre 2018 et 3.000 euros que la société [Localité 10] a été condamnée à verser à titre provisionnel suivant ordonnance de référé du 28 mai 2019).

Sur l'indemnisation de Madame [F], victime indirecte

Sur le préjudice d'affection

Le préjudice d'affection indemnise le préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, mais justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il convient d’inclure à ce titre le retentissement pathologique objectivé que la perception du handicap de la victime a pu entraîner chez certains proches.

Il doit être indemnisé même s’il n’a pas un caractère exceptionnel. Son montant est fixé en fonction de l’importance du dommage corporel de la victime directe et sa réparation implique l’existence d’une relation affective réelle avec le blessé.

En l'espèce, Madame [B] [F] sollicite la somme de 8.000 euros en réparation de ce poste de préjudice, faisant valoir que, depuis l'accident, elle a assisté seule son compagnon pour pallier sa perte d'autonomie et a été le témoin quotidien de l'état de santé physique et psychologique de ce dernier, ainsi que de ses importantes souffrances.

Elle fait état des angoisses et des conséquences néfastes dans son activité professionnelle que cette situation a engendré pour elle et souligne que cette souffrance commune a conduit son couple à se séparer et à dissoudre le PACS qui les unissait, avant de finalement réussir à se retrouver.

La société [Localité 10] ne conteste pas l'existence de ce poste de préjudice et offre de verser à Madame [F], à ce titre, la somme de 3.000 euros.

Sur ce, Madame [F] verse aux débats plusieurs attestations de proches faisant état des importantes angoisses présentées par elle suite à l'accident (pièces n°27, 28 et 72).

Une amie, Madame [I] [P], décrit également « une baisse de moral marquée par un manque de joie de vivre, ainsi qu'une fatigue qui ont perduré pendant plusieurs mois suite à l'accident de son conjoint, ce qui a été accentué par l'aide pour les tâches quotidiennes afin d'aider M. [M] » (pièce n°29).

En considération de ces éléments, il convient d'allouer à cette dernière la somme de 5.000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Sur les troubles dans les conditions d'existence

Il s’agit d’indemniser les troubles dans les conditions d’existence dont sont victimes les proches justifiant d’une communauté de vie effective et affective avec la victime directe.

L’évaluation de ce préjudice est nécessairement très personnalisée et spécifique. On indemnise notamment à ce titre le préjudice sexuel du conjoint (ou concubin) consécutif au handicap subi par la victime pendant la maladie traumatique et après sa consolidation. La demande formulée indépendamment au titre du préjudice sexuel de Madame [F] sera, en conséquence, requalifiée en demande complémentaire au titre des troubles dans les conditions d'existence.

En l'espèce, Madame [B] [F] fait tout d'abord valoir assister impuissante au handicap de son compagnon au quotidien et à son moral en berne, ce qui affecte leur quotidien.

Elle souligne, en outre, souffrir, au même titre que son compagnon, d'un préjudice sexuel en terme positionnel, lequel ne s'améliorera pas.

Elle sollicite, ainsi, l'octroi d'une somme totale de 18.000 euros (dont 10.000 euros au titre du préjudice sexuel).

La société [Localité 10] conclut au rejet de sa demande, considérant que les troubles évoqués par la victime indirecte relèvent davantage de l'assistance par tierce-personne et du préjudice d'affection déjà indemnisés. Elle soutient, en outre, que l'existence d'une gêne positionnelle ne caractérise pas un préjudice sexuel.

Sur ce, s'il convient de rappeler qu'il ne s'agit pas, au travers de ce poste de préjudice, d'indemniser l'assistance tierce-personne prodiguée par le proche de la victime directe, poste au demeurant déjà indemnisé par l'octroi d'une indemnité auprès de cette dernière, il peut, néanmoins, être tenu compte d'une charge mentale ou de répercussions particulières pour ce proche.

Or, Madame [F] justifie avoir été contrainte d'être absente à son travail pendant une durée de cinq jours dans les suites immédiates de l'accident pour assister son compagnon (pièce n°31) et que les difficultés personnelles engendrées par l'accident pour le couple et son quotidien ont fortement impacté son activité professionnelle, son supérieur ayant relevé, en octobre 2019, soit plus d'un an après l’accident, « un gros manque de concentration, de motivation » en lien avec ces difficultés personnelles, et souligné la nécessité pour Madame [F] de « se reconcentre[r] sur son travail », de « réalise[r], si nécessaire un planning de travail à la semaine pour ne rien ou oublier et avancer » et de « monter en puissance à son poste », en ayant les capacités mais ne les exploitant pas » (pièce n°30).

Les proches du couple témoignent également de ce que le couple a été particulièrement fragilisé par l'accident, ayant conduit pendant plusieurs mois à une séparation avec dissolution du PACS qui les unissaient (pièce n°72).

Enfin, l'expert judiciaire ayant reconnu l'existence, pour Monsieur [M], d'un préjudice sexuel positionnel, lequel caractérise un préjudice lié à l'acte sexuel lui-même, il est indéniable que ce préjudice a impacté le couple en son entier.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [B] [F] seront indemnisés par l'octroi d'une somme qu'il convient d'évaluer à :

10.000 euros.

Sur le doublement de l’intérêt légal

L’article L.211-9 du Code des assurances impose à l’assureur de responsabilité civile, lorsque la responsabilité n’est pas contestée et lorsque le dommage est entièrement quantifié, de faire une offre d’indemnité à la victime dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Dans les autres hypothèses, l’assureur doit dans le même délai donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Il est également prévu qu’une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident, cette offre pouvant avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. Dans cette dernière hypothèse, l’offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

S'agissant, toutefois, des victimes par ricochet, le délai dans lequel l'offre définitive d'indemnisation de l'assureur doit être faite court à compter de la demande d'indemnisation émise par lesdites victimes indirectes.

L’article L.211-13 du même code dispose quant à lui que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

A cet égard, il est constant, d’une part, qu’en l’absence d’offre provisionnelle, il est encouru la même sanction qu’à défaut d’offre définitive et, d’autre part, qu’est assimilée à l’absence d’offre celle qui revêt un caractère manifestement insuffisant.

S'agissant de Monsieur [M]

Sur l’absence d’offre d’indemnisation dans les délais prévus

En l’espèce, Monsieur [M] fait valoir avoir sollicité une indemnisation, à titre provisoire, par assignation en référé expertise-provision les 13 et 14 février 2019, mais qu'aucune offre provisionnelle détaillée dans le délai de trois mois à compter de cette demande ne lui a été formulée par la société [Localité 10], ni d'ailleurs par la suite.

Il rajoute qu'alors que l'expert judiciaire a indiqué la date de consolidation retenue lors de la réunion du 19 novembre 2020 au cours de laquelle étaient présents le médecin-conseil et l'avocat de la compagnie d'assurance, de sorte qu'elle disposait jusqu'au 19 avril 2021 pour formuler une offre définitive, elle n'a formulé une telle offre que le 06 mai 2021. Il souligne que cette offre définitive est, de surcroît, largement insuffisante.

La société [Localité 10] ne conteste pas l'application de la sanction du doublement des intérêts mais sollicite, à titre principal, que cette sanction ne porte que sur la période du 02 février 2019 au 16 octobre 2019, date à laquelle une offre provisionnelle a été adressée à Monsieur [M] par son propre assureur, lequel avait pris le mandat d'indemnisation. Elle rajoute avoir elle-même formulé une offre provisionnelle le 17 octobre 2019, laquelle n'avait pas à être détaillée puisque celle de son propre assureur l'avait été.

A titre subsidiaire, elle sollicite que l'arrêt du doublement des intérêts soit fixé au 05 mai 2021, une offre définitive ayant été adressée à la victime le 06 mai 2021 et, à titre infiniment subsidiaire, à la date des premières conclusions présentées dans le cadre de la présente procédure.

Sur ce, il est établi que, suivant quittance datée du 17 octobre 2018, la S.A. BPCE IARD a versé à Monsieur [M] une somme provisionnelle de 1.000 euros au titre de l'accident survenu le 02 juin 2018 (pièce n°32 demandeur). Il est, par ailleurs, constant que la société [Localité 10] a été condamnée à verser à Monsieur [M] une indemnité provisionnelle d'un montant de 3.000 euros, suivant ordonnance de référé en date du 28 mai 2019 (pièce n°71 demandeur).

Toutefois, le versement de sommes provisionnelles ne saurait être assimilé à la présentation d'une offre provisionnelle détaillée, telle qu'imposée par les textes susvisés et la S.A. [Localité 10] ASSURANCES ne verse aux débats aucun justificatif de l'émission, par elle-même ou par la S.A. BPCE IARD, d'une telle offre.

Par ailleurs, l'acquisition de la consolidation de l'état de santé de Monsieur [M] a été reconnue au terme du rapport définitif d'expertise judiciaire du Docteur [K] déposé le 22 décembre 2020.

La société [Localité 10] disposait, dès lors, jusqu'au 24 mai 2021 à 23h59 (le 23 mai étant un dimanche) pour formuler une offre d’indemnisation définitive. Si tel a bien été le cas puisqu'elle a formulé cette offre le 07 mai 2021 (cachet de la poste faisant foi), cette offre était, néanmoins, manifestement insuffisante, au regard des montants offerts et, notamment, du tarif horaire proposé en indemnisation de l'assistance par tierce-personne (pièce n°1 [Localité 10]).

Dans ces conditions, il convient de constater le doublement, de plein droit, du taux de l’intérêt légal au bénéfice de Monsieur [D] [M].

Sur le point de départ et d’arrivée des intérêts au double du taux légal

Le point de départ de la sanction du doublement de l’intérêt légal sera fixé au 05 février 2019, alors que le délai de huit mois qui était laissé aux assureurs après la survenance de l'accident pour présenter une offre provisionnelle expirait le 04 février à 23h59 (le 03 février 2019 étant un dimanche), étant rappelé que le dommage ne pouvait à cette date pas être entièrement quantifié, l'état de santé de Monsieur [M] n'étant pas consolidé.

Cette sanction sera appliquée jusqu’au jour où la présente décision deviendra définitive, l'offre définitive du 06 mai 2021, comme les offres formulées dans le cadre de la présente instance, ne pouvant valoir terme comme étant manifestement insuffisantes au regard des sommes allouées par la présente décision.

Sur l’assiette du doublement de l’intérêt légal

En cas d’offre d’indemnisation de l’assureur, l’assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l’assureur, de sorte que la sanction prévue à l’article L.211-13 du Code des assurances a pour assiette l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées. En l’absence d’offre ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’assiette des intérêts majorés porte sur les sommes allouées par le juge avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

En l'espèce, le doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera sur la somme de 457.439,52 euros (400.917,02 euros alloués par la présente décision + 34.356,09 euros correspondant à la créance de la CPAM + 22.166,41 euros correspondant à la créance de la S.A. PRO BTP).

S'agissant de Madame [F]

A titre liminaire, conformément aux dispositions de l'article 768 du Code de procédure civile, le tribunal rappelle n'avoir à statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et à examiner les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Or, force est de constater qu'il n'a été développé aucun moyen, notamment de fait, au soutien de la demande de doublement des intérêts formulées au dispositif des conclusions en demande au profit de Madame [F], victime indirecte.

La demande sera, en conséquence, purement et simplement rejetée.

Les indemnités allouées à Madame [B] [F] porteront, en conséquence, intérêts au taux légal et ce, à compter de la présente décision, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du Code civil.

Sur la capitalisation des intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil, dans sa version en vigueur applicable au présent litige, les intérêts échus des capitaux dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

La capitalisation annuelle des intérêts est de droit dès lors qu'elle est sollicitée, comme au cas d’espèce, étant précisé que :

- la capitalisation des intérêts par année entière s’applique aux intérêts moratoires ainsi qu’aux provisions ;
- la mise en œuvre du doublement de l’intérêt légal en application des articles L 211-9 et suivants du code des assurances constitue une fraction du capital légalement dû à la victime et, comme telle, assimilable à des intérêts moratoires ;
- la capitalisation des intérêts par année entière s’applique à compter du jugement pour les intérêts légaux des postes de préjudices liquidés au jour du jugement et, s’agissant des intérêts échus pour une date antérieure à ce jugement, pour ceux liquides et exigibles à la date de son prononcé ;
- la capitalisation annuelle des intérêts doit être expressément sollicitée, cette demande constituant le point de départ de cette capitalisation.

En l'espèce, la capitalisation des intérêts sera ordonnée à compter de la date de première demande, soit à compter du 12 octobre 2021, date de l'assignation.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du même code que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, la société [Localité 10], qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de la présente instance.

Par ailleurs, l’équité commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 précité au profit des demandeurs qui ont été contraints d’exposer des frais irrépétibles non-compris dans les dépens de l'instance pour faire valoir leurs droits en Justice.

Il sera accordé, à ce titre, à Monsieur [M] la somme de 5.000 euros et à Madame [F] la somme de 1.000 euros, étant précisé qu'il conviendra de déduire de ce montant la somme de 1.000 euros accordée ad litem par le juge des référés, au terme de son ordonnance du 28 mai 2019.

Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger à ce principe même partiellement, de sorte que la demande de la société [Localité 10] tendant à ce que la moitié des sommes allouées soit séquestrées auprès de la Caisses des dépôts et consignations jusqu'à ce que la décision devienne définitive sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et susceptible d’appel,

Fixe la créance définitive de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de [Localité 13]-[Localité 16] à la somme de 34.356,09 euros ;

Fixe la créance définitive de la S.A. PRO BTP RETRAITE PREVOYANCE à la somme de 22.166,41 euros ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à payer à Monsieur [D] [M] les sommes suivantes en réparation du préjudice résultant de l'accident survenu le 02 juin 2018 :

- 377 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
- 1.471,36 euros au titre des frais divers (hors assistance par tierce-personne temporaire),
- 10.380,85 euros au titre de l'assistance par tierce-personne temporaire,
- 11.093,60 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,
- 660 euros au titre des dépenses de santé futures,
- 59,30 euros au titre des frais divers post-consolidation,
- 56.218,63 euros au titre de l'assistance par tierce-personne permanente,
- 126.235,68 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- 80.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
- 6.000 euros au titre du préjudice de formation,
- 6.420,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 20.000 euros au titre des souffrances endurées,
- 3.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 60.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 2.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 8.000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 8.000 euros au titre du préjudice sexuel ;

Dit que le paiement de ces sommes interviendra sous déduction des indemnités provisionnelles déjà versées ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à payer à Monsieur [D] [M] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 457.439,52 euros à compter du 05 février 2019 et jusqu’au jour où la présente décision deviendra définitive ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à payer à Madame [B] [F] les sommes suivantes :

* 5.000 euros au titre du préjudice d'affection,
* 10.000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence (préjudice sexuel compris);

Déboute Madame [B] [F] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal ;

Rappelle, en conséquence, que chacune des indemnités dues à Madame [B] [F] emporte intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à chacun de Monsieur [D] [M] et Madame [B] [F] et ce, à compter du 12 octobre 2021 ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Dit que le paiement de cette somme interviendra sous déduction de la provision ad litem d'un montant de 1.000 euros accordée par ordonnance de référé du 28 mai 2019 ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à payer à Madame [B] [F] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la S.A. [Localité 10] ASSURANCES à supporter les entiers dépens de la présente instance ;

Dit n'y avoir lieu à écarter, même partiellement, l'exécution provisoire de droit de la présente décision ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 21/07351
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;21.07351 ?
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