TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
Chambre 04
N° RG 21/07175 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VWJY
JUGEMENT DU 28 JUIN 2024
DEMANDEURS :
M. [M] [S]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphanie MERCK, avocat au barreau de LILLE
Mme [I] [J] [W]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphanie MERCK, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEURS :
M. [X] [N]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE
La SCP [X] [N] ET SEVERINE FAVIEZ FOURMAINTRAUX, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE
M. [B] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Emilie GUILLEMANT, avocat au barreau de LILLE
Mme [D] [C] épouse [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Emilie GUILLEMANT, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge
GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier
DEBATS : Vu l’ordonnance de clôture en date du 20 Septembre 2023.
A l’audience publique du 04 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 28 Juin 2024.
Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 28 Juin 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu le 20 juillet 2017, Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] (ci-après ''les acquéreurs'') ont acquis un bien immobilier sis [Adresse 5] (Nord) appartenant à Monsieur [B] [T] et Madame [D] [C] épouse [T] (ci-après ''les vendeurs'') et ce, moyennant le prix principal de 84.000 euros.
Se plaignant de la découverte de l'absence de raccordement de l'immeuble au tout-à-l’égout, Monsieur [S] et Madame [J] [W] ont, suivant courrier adressé par l'intermédiaire de leur conseil daté du 06 juin 2019, mis en demeure les vendeurs d'avoir à prendre en charge l'ensemble des travaux liés à la création d'un réseau de tout-à-l'égout.
Cette mise en demeure étant demeurée vaine, Monsieur [S] et Madame [J] [W] ont sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Lille, suivant ordonnance en date du 12 novembre 2019, l'organisation d'une expertise judiciaire.
L'expert, Monsieur [M] [R], a déposé son rapport le 19 février 2020.
Sur la base de ce rapport, Monsieur [S] et Madame [J] [W] ont, par exploit daté du 08 novembre 2021, assigné Monsieur et Madame [T] devant le tribunal judiciaire de LILLE aux fins d'indemnisation de leurs préjudices. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 21/07175.
Monsieur et Madame [T] ont constitué avocat le 22 décembre 2021.
Suivant exploit daté du 19 juillet 2022, Monsieur et Madame [T] ont assigné Maître [X] [N] et la SCP [X] [N] ET SEVERINE FAVIEZ FOURMAINTRAUX (ci-après ''la société de notaires'') en intervention forcée devant ce même tribunal aux fins de les voir condamner à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de l'instance les opposant à Monsieur [S] et Madame [J] [W]. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/04755.
Maître [N] et la société de notaires ont constitué avocat le 10 août 2022.
La jonction des deux procédures sous le même numéro de répertoire général 21/07175 a été ordonnée par le juge de la mise en état, suivant décision en date du 17 novembre 2022.
La clôture des débats est intervenue le 20 septembre 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience du 04 avril 2024.
* * *
Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, Monsieur [S] et Madame [J] [W] demande au tribunal, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de :
- juger que les désordres constatés par l’expert au titre du réseau d’assainissement constituent des vices cachés,
- en conséquence, condamner solidairement Monsieur et Madame [T] au paiement de la somme de 15.546 € TTC au titre de la reprise des désordres et la somme de 552 € au titre du préjudice de jouissance,
- subsidiairement et dans l’hypothèse où la juridiction considérait que les désordres ne constituent pas des vices cachés selon l’article 1641 du Code Civil, juger que Monsieur et Madame [T] ont manqué à leur obligation de délivrance telle que visée à l’article 1604 du Code civil,
- en conséquence, condamner solidairement Monsieur et Madame [T] au paiement de la somme de 15.546 € TTC correspondant au coût des travaux de reprise des désordres en vertu de l’article 1604 du Code Civil et au paiement de la somme de 552 € au titre du préjudice de jouissance,
- débouter Monsieur et Madame [T] et Maître [N] et la SCP [N] FAVIEZ FOURMAINTRAUX de l’intégralité de leurs demandes,
- condamner in solidum Monsieur et Madame [T] au paiement de la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût de l’expertise.
Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, Monsieur et Madame [T] demandent au tribunal, de :
- à titre principal, au visa de l'article 1641 du Code civil, débouter purement et simplement Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- à titre subsidiaire, au visa de l'article 1604 du Code civil, débouter purement et simplement Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1101 et suivants et 1231-1 et suivants du Code civil et subsidiairement de l’article 1240 du Code civil, condamner solidairement ou in solidum la SCP [N] FAVIER FOURMAINTRAUX et Maître [X] [N] à garantir Monsieur [B] [T] et Madame [D] [C] épouse [T] de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
- En toutes hypothèses :
- débouter purement et simplement Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- débouter purement et simplement la SCP [N] FAVIER FOURMAINTRAUX et Maître [X] [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum Monsieur [M] [S], Madame [I] [J] [W], la SCP [N] FAVIER FOURMAINTRAUX et Maître [X] [N] à leur verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux entiers frais et dépens.
Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 août 2023, Maître [N] et la société de notaires demandent au tribunal, au visa de l'article 1240 du Code civil, de :
- rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de Monsieur et Madame [T], les en débouter ;
- les condamner in solidum à leur verser la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC ;
- les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de l’instance ;
- à titre subsidiaire, écarter l’exécution provisoire de la décision à venir.
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties susvisées pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à “juger” ne constitue pas une prétention au sens juridique du terme devant être tranchée par le tribunal. Ces demandes ne seront, par conséquent, pas retenues en tant que telles mais seront, le cas échéant, étudiées en leur qualité de moyens des parties.
Sur la garantie des vices cachés
L'article 1641 du Code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. ».
L'article 1643 précise que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».
L'action en garantie des vices cachés ouvre droit, pour l'acquéreur soit de solliciter la remise de la chose moyennant restitution de son prix, soit de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Dans l'hypothèse d'une action résolutoire, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, la promesse synallagmatique de vente datée du 03 mai 2017, rédigée avec le concours de l'agence immobilière SOLIMA, contient la clause suivante, au chapitre ''ASSAINISSEMENT'' (pièce n°1 époux [T], page 8) :
« Le vendeur déclare que les biens objet des présentes :
- sont raccordés au réseau public de collecte des eaux usées. A cet effet, le vendeur précise qu'il existe une fosse siphoïde dans la cour. [le tribunal précisant que cette deuxième phrase a été ajoutée manuscritement, ce qui n'est pas contesté par les parties]
- aucun certificat attestant du contrôle de ce raccordement n'a été délivré. L'acquéreur dûment informé déclare vouloir en faire son affaire personnelle et en assumer les suites et les conséquences et renonce à tout recours contre le vendeur de ce chef. » .
L'acte authentique de vente dressé le 20 juillet 2017 stipule néanmoins, pour sa part, s'agissant du raccordement au réseau d'assainissement, que (pièce n°1 demandeur, page 19) :
« LE VENDEUR déclare sous sa seule responsabilité que l'immeuble vendu est raccordé de manière directe et autonome au réseau d'assainissement, mais ne garantir aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur. Il déclare ne pas avoir constaté de remontées d'odeur et il précise que l'installation ne nécessite aucun entretien particulier.
[...]
La présente vente a lieu sans aucune garantie de conformité de l’installation avec la réglementation actuellement applicable, la vente ayant lieu en l'état.
L'ACQUEREUR déclare en faire son affaire personnelle et renonce à exercer de ce chef tous recours contre le VENDEUR, le prix de vente ayant été fixé en considération de cette situation. ».
Il résulte de cette dernière clause que les vendeurs se sont engagés, de manière certaine et non-équivoque, à délivrer un immeuble « directement raccordé » au système dit de ''tout-à-l'égout'', seule la conformité de ce raccordement aux normes en vigueur, qui n'avait pas été vérifiée sur site par les services de la Métropole Européenne de [Localité 6] (cf. courrier du 11 juillet 2017 repris expressément à l'acte), n'étant pas garantie à l'acquéreur. En vendant un immeuble directement raccordé au réseau public d'assainissement et autonome, les époux [T] s'étaient, ainsi, engagés à délivrer un immeuble dont l'intégralité des installations et écoulements y était raccordée de manière directe et autonome.
Or, afin de démontrer que tel n'est pas le cas, Monsieur [S] et Madame [J] [W] versent principalement aux débats le rapport d'expertise judiciaire déposé le 08 mai 2021 par Monsieur [M] [R], lequel confirme l'existence, dans la cour arrière de l'immeuble, d'une fosse de récupération des eaux usées et en partie des eaux pluviales de la terrasse, et conclut en ces termes :
« La notion de ''directe'' [par référence aux termes de l'acte notarié] ne peut être retenue puisque le réseau d’assainissement ne se rejette pas directement au réseau d’assainissement mais s’évacue via un réseau ancien commun aux maisons 61,63,65,67,69 et 71 (Actes de vente 20 juillet 2017 : servitudes page 9).
La notion d’autonome ne peut également être retenue car elle signifierait que le réseau fonctionne de manière automatique.
Or comme l’a précisé Monsieur [T] (Pièce […] Me MERCK du 17 Janvier 2019), le regard siphoïde situé dans l’arrière-cour est à curer de manière périodique.
Cette fosse siphoïde fonctionne par décantation et a besoin d’un nettoyage régulier.
La déclaration du vendeur dans l’acte de vente du 20 juillet 2017 sur l’assainissement n’est donc pas exacte » (pièce n°13 demandeurs).
L'expert précise que le dispositif d'assainissement de l'immeuble n°69, qui est raccordé de manière indirecte au collecteur central, est interdit puisque chaque habitation doit posséder son propre branchement individuel et étanche, de sorte qu'il est « nécessaire et obligatoire de réaliser des travaux de conformité sans délai ».
Cette situation caractérise toutefois une simple absence de conformité du réseau d'évacuation de l'immeuble, laquelle n'est pas susceptible, à elle seule, d'ouvrir recours à garantie des vices cachés, ce d'autant que les acquéreurs étaient informés, tant aux termes du compromis de vente du 03 mai 2017 qu'à ceux de la réitération authentique, de l'absence de contrôle de conformité de l'installation et avaient expressément renoncé à tout recours de ce chef contre les vendeurs.
Or, l'expert assure, au terme de son rapport, qu'« il n'y a pas à proprement parler de désordres puisque les eaux usées sont évacuées », de sorte que les demandeurs défaillent à rapporter la preuve d'un vice qui, de surcroît, aurait eu pour conséquence de rendre l'immeuble impropre à son usage ou, à tout le moins, de diminuer drastiquement cet usage.
Au surplus, il ne saurait être considéré que l'absence de raccordement direct et autonome de l'immeuble au tout-à-l’égout, à supposer qu'il s'agisse d'un vice, était totalement cachée aux yeux des acquéreurs, alors que l'existence d'une fosse d'aisance était expressément mentionnée à la promesse synallagmatique de vente, ce qui aurait dû interpeller les acquéreurs et susciter une vigilance accrue de leur part comme laissant supposer la présence d'un réseau d'assainissement non seulement indirect mais également non-autonome.
Dès lors, les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [S] et Madame [J] [W] ne sauraient aboutir sur ce fondement.
Sur le défaut de délivrance conforme
Aux termes de l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En application des articles 1603 et 1604 du Code civil, le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux prescriptions contractuelles et cela quand bien même il n’aurait pas lui-même connu le défaut de conformité au moment de la vente.
Si tel n’est pas le cas, l’acquéreur est en droit de solliciter, soit la résolution de la vente, soit l’allocation de dommages intérêts, sous réserve de justifier de l’existence d’un préjudice.
La caractérisation du défaut de conformité n’implique ni bonne ni mauvaise foi du vendeur.
En l'espèce, c'est à juste titre que Monsieur [S] et Madame [J] [W] font valoir que les vendeurs n'ont pas respecté leur obligation de délivrance conforme, au sens des articles précités, dès lors que les caractéristiques effectives du réseau d'assainissement de l'immeuble, lequel n'est, selon l'expert judiciaire, raccordé ni de manière directe ni de manière autonome au collecteur central, ne sont pas conformes à celles qui sont stipulées dans l'acte notarié du 20 juillet 2017, dernier acte signé par les parties.
Ce manquement à l'obligation de délivrer un bien conforme aux énonciations contractuelles ouvre ainsi droit pour les acquéreurs, tel que sollicité, à l'octroi de dommages et intérêts.
Sur ce, Monsieur [S] et Madame [J] [W] sollicitent réparation des préjudices suivants :
- 15.546 euros T.T.C. au titre de la reprise des désordres,
- 552 euros au titre du préjudice de jouissance.
Sur la reprise des désordres aux fins de mise en conformité de l'immeuble aux stipulations contractuelles
Il est acquis et non-contesté que le manquement des vendeurs à leur obligation de délivrance conforme les obligent à prendre en charge l'entier coût de la mise en conformité du bien aux stipulations contractuelles et, plus particulièrement, le coût du raccordement direct et autonome de l'immeuble au réseau collectif de recueil et d'assainissement des eaux vannes et usées.
Le tribunal peine, cependant, à comprendre sur quelle base exacte Monsieur [S] et Madame [J] [W] fondent leur demande à hauteur de 15.546 euros T.T.C., ce montant ne correspondant ni au devis établi par la société BÂTI GONCALVES le 27 mai 2019 (soit 24.370,50 euros T.T.C. – pièce n°4 demandeurs), ni au montant des travaux retenu par l'expert judiciaire (soit 7.204 euros T.T.C. – pièce n°13 demandeurs, page 21), ni au demeurant au montant hors taxe indiqué au cœur de leurs conclusions (12.955 euros H.T. correspondant à un montant T.T.C. de 14.250,50 euros).
Pour leur part, les époux [T] sollicitent que le montant du préjudice relatif aux travaux de reprises soit fixé à la somme chiffrée par l'expert judiciaire, à savoir 7.204 euros T.T.C.
Sur ce, après étude du devis BÂTI GONCALVES daté du 27 mai 2019, l'expert judiciaire a indiqué :
- approuver le montant de la vidange et du comblement de la fosse siphoïde, chiffré à 700 euros H.T. ;
- approuver le montant de la création d'un tout-à-l’égout à hauteur de 2.900 euros H.T. ;
- ne retenir, au titre de la dépose, de l'évacuation et de la réfection du carrelage du rez-de-chaussée et de la terrasse, qu'une surface de 2m² et non de 22,50m², soit 180 euros H.T.,
- ne retenir que 30% du montant indiqué au devis pour la dépose et la réfection du carrelage du séjour, de la cuisine, de la salle de bain et des WC (cette dépose nécessitant une dépose des meubles de cuisine et le devis faisant état de l'impossibilité de récupérer ce mobilier pour repose), afin de tenir compte de la vétusté des revêtements de sol, des appareils sanitaires et de l'habitation en général (soit 30% de 4.230 € H.T. et 800 € H.T. = 1.509 euros H.T.) ;
- estimer non-vérifié et de surcroît surévalué le préjudice au titre de la fourniture et de la pose de meubles de cuisine et de dépose-repose de l'ensemble des éléments sanitaires de la salle de bains – WC (chiffré au devis à 11.500 euros H.T.) et retenu au titre de la pose, dépose et de l'adaptabilité des mobiliers de cuisine et de salle de bains la somme totale de 1.650 euros T.T.C.
Le tribunal observe ainsi que le coût des travaux de reprise justifié par le défaut de délivrance conforme s'élève, selon les explications de l'expert judiciaire, à la somme de 5.289 euros H.T. (700€ + 2.900€ + 180 € + 1.509 €) soit, après application non-contestée d'une taxe sur la valeur ajoutée de 10%, à la somme de 5.817,90 euros T.T.C. (et non à la somme de 5.554 euros T.T.C. pourtant retenue in fine par l'expert, sans autre explication), outre 1.650 euros T.T.C. au titre de la dépose/repose de mobilier, soit un montant total de 7.467,90 euros.
Les acquéreurs, qui ne contestent pas les conclusions de l'expert mais paraissent justifier leur réclamation à hauteur de 12.955 euros H.T. par les prix actuels des matériaux, ne versent à la cause aucun devis actualisé ni aucun autre élément objectif de nature à démontrer l'existence d'une hausse du coût des matériaux, voire de la main d’œuvre depuis l'expertise réalisée en 2019 et ce, de surcroît, dans une proportion avoisinant les +75%.
Dans ces conditions, le chiffrage retenu par l'expert judiciaire, tel que ressortant de ses observations détaillées, sera seul retenu, de sorte que les époux [T] seront condamnés solidairement (en vertu de la clause de solidarité stipulée en page 3 de l'acte notarié) à verser à Monsieur [S] et Madame [J] [W], au titre des travaux de mise en conformité de l'immeuble aux stipulations contractuelles, la somme totale de 7.467,90 euros.
Sur le préjudice de jouissance
Monsieur [S] et Madame [J] [W] sollicitent, en outre, une somme de 552 euros au titre de leur préjudice de jouissance, conformément aux conclusions du rapport d'expertise.
Les défendeurs n'ont formulé aucune observation quant à cette demande.
Sur ce, au terme de son rapport définitif, l'expert judiciaire a précisé que, pour réaliser les travaux intérieurs de raccordement de l'assainissement, la jouissance de l'immeuble devrait être interrompue pendant une durée estimée à une semaine pleine. En tenant compte du devis produit par les acquéreurs pour la location d'un gîte, l'expert a ainsi chiffré le montant du préjudice à ce titre à la somme de 552 euros.
La demande, qui apparaît, dès lors, pleinement justifiée, sera accueillie, de sorte qu'il sera accordé aux acquéreurs la somme réclamée de 552 euros.
Sur l'action reconventionnelle en garantie
Les époux [T] sollicitent, à titre reconventionnel, au visa de l'article 1231-1 du Code civil et, à titre subsidiaire, de l'article 1240 du même code, la condamnation de Maître [N] et de la société de notaires à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre au profit des acquéreurs.
Au soutien de leur demande, ils font valoir qu'alors que l'existence d'un raccordement sans précision du caractère direct ou indirect ainsi que l'existence d'une fosse étaient mentionnées au compromis de vente du 03 mai 2017, le notaire instrumentaire aurait dû pousser les investigations et, en toutes hypothèses, ne pas mentionner un raccordement direct et autonome mais, au contraire, tenir compte des mentions figurant dans la promesse.
Maître [N] et la société de notaires concluent au rejet de la demande, faisant valoir, notamment, l'absence de toute faute, alors que leur étude notariale n'a pas été chargée des négociations intervenues entre les parties et que, lorsque Maître [N] a été saisi, la vente était déjà parfaite, puisque l'ensemble des conditions suspensives avait été levé. Ils rajoutent que la différence de rédaction des clauses des deux actes n'a aucune conséquence car c'est au moment de la rédaction du compromis de vente, qui a cristallisé la rencontre des volontés des parties et leurs engagements, qu'il convient de se placer pour déterminer sur quoi portait précisément le consentement des acquéreurs et qu'à cette date, les consorts [S]-[J] [W] ont choisir d'acquérir un immeuble à usage d'habitation comportant une fosse siphoïde dans la cour et dont la conformité du raccordement au réseau d'assainissement au réseau public ne leur état pas garantie par les vendeurs.
Sur ce, il doit être rappelé que les notaires engagent leur responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du Code civil lorsqu'ils ne respectent pas les obligations professionnelles mises à leur charge lesquelles comprennent notamment :
- l’obligation, avant de dresser des actes, de procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité des actes qu’ils authentifient ;
- l’obligation de fournir aux parties toutes informations permettant d’expliquer la nature et la portée de leur engagement ; à cet égard, le notaire instrumentaire est tenu, envers les parties, d’un devoir de conseil dont le caractère est absolu ; il a notamment l’obligation d’éclairer les parties et d’attirer leur attention sur les conséquences et les risques que comportent les transactions auxquelles il prête le concours de son office ;
- l’obligation de se conduire en notaire avisé et en juriste compétent et méfiant ;
- l’obligation de s'assurer de l’efficacité de son acte et par conséquent, s'agissant d'une vente, de vérifier l'origine de propriété, la situation hypothécaire ainsi que les déclarations du vendeur et de l'acquéreur.
Il est, en outre, considéré qu’il appartient au notaire qui prétend avoir rempli sa mission en sa qualité de professionnel d’apporter la preuve qu’il a bien exécuté son devoir absolu de conseil et d’information, ne pouvant se décharger de cette obligation, nonobstant les connaissances personnelles de son client ou l'intervention d'un autre professionnel.
Dans le cas d'espèce, s'il n'incombait pas à Maître [N] d’aller vérifier lui-même l’état de l’installation d’assainissement, ni la véracité des affirmations du vendeur, il lui appartenait en revanche d’attirer l’attention tant des vendeurs que des acquéreurs sur la contradiction manifeste qui apparaissait entre la clause du chapitre ''assainissement'' de l’acte authentique dressé par ses soins et celle de la promesse synallagmatique de vente, ce qui aurait interdit toute contestation ultérieure quant à la nature du système d’assainissement équipant la maison.
L’erreur commise dans la rédaction de la clause litigieuse est à l’origine du défaut de délivrance conforme au contrat, puisqu’il est établi que le système d’assainissement n’était pas relié de manière directe et autonome au réseau communal, ce que le compromis de vente n'avait nullement affirmé, s'étant contenté de faire état d'un raccordement au réseau public d'assainissement avec de surcroît précision de l'existence d'une fosse d'aisance.
Sans la faute commise par le notaire, l’immeuble aurait été vendu en l’état d’un système d’assainissement ''simplement'' raccordé au réseau public d'assainissement, ce qui au demeurant s'est avéré exact s'agissant des eaux usées de l'immeuble au regard des résultats du test à la fluorescéine réalisé lors des opérations expertales, avec présence, s'agissant des eaux vannes, d'une fosse d'aisance, ce dont les acquéreurs étaient informés aux termes du compromis de vente, de sorte qu’ils auraient dû prendre en charge le coût des vidanges de la fosse et celui du raccordement ultérieur sans aucun recours contre leurs vendeurs.
Maître [N] et la société de notaires doivent, en conséquence, être condamnés solidairement à garantir Monsieur et Madame [T] du montant des indemnités allouées à Monsieur [S] et Madame [J] [W].
Sur les mesures accessoires
L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En l'espèce, Maître [N] et la société de notaires, succombants principaux, seront condamnés solidairement aux entiers dépens de la présente instance. Leur demande au titre des frais irrépétibles sera, en conséquence, rejetée.
L’équité commande, en outre, qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 précité au profit de Monsieur [S] et Madame [J] [W]. Maître [N] et la société de notaires seront condamnés solidairement à leur verser, à ce titre, la somme de 3.000 euros.
L'équité commande, en revanche, de ne pas faire application de ces dispositions au profit des époux [T].
Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger à ce principe.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,
Condamne solidairement Monsieur [B] [T] et Madame [D] [C] épouse [T] à payer à Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] les sommes suivantes :
- 7.467,90 euros au titre des travaux de mise en conformité de l'immeuble aux stipulations contractuelles :
- 552 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
Condamne solidairement Maître [X] [N] et la SCP [X] [N] ET SEVERINE FAVIEZ FOURMAINTRAUX à garantir Monsieur [B] [T] et Madame [D] [C] épouse [T] de cette condamnation ;
Condamne solidairement Maître [X] [N] et la SCP [X] [N] ET SEVERINE FAVIEZ FOURMAINTRAUX à payer à Monsieur [M] [S] et Madame [I] [J] [W] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Condamne solidairement Maître [X] [N] et la SCP [X] [N] ET SEVERINE FAVIEZ FOURMAINTRAUX aux entiers dépens de la présente instance ;
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Le Greffier,La Présidente.