La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2024 | FRANCE | N°24/02308

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 17 juin 2024, 24/02308


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/02308 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YC3D

N° de Minute : 24/00372

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024





Société CA CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO


C/

[M] [B]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 17 Juin 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


Société CA CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représen

tée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [M] [B], demeurant [Adresse 3]



comparant en personne ;




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE D...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/02308 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YC3D

N° de Minute : 24/00372

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024

Société CA CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO

C/

[M] [B]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 17 Juin 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

Société CA CONSUMER FINANCE DEPT SOFINCO, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [M] [B], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne ;

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 Avril 2024

Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 17 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats par Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG : 24/308 – Page - SD

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre de crédit préalable acceptée le 12 octobre 2017, la société anonyme CA CONSUMER FINANCE a consenti à [M] [B] un crédit renouvelable d'un montant de 6.000 euros remboursable par mensualités et taux d'intérêts variables selon le montant de l'utilisation.

Suivant offre de crédit préalable acceptée le 31 octobre 2018, la société anonyme CA CONSUMER FINANCE a consenti à [M] [B] un crédit renouvelable d'un montant de 13.000 euros remboursable par mensualités et taux d'intérêts variables selon le montant de l'utilisation.

Suivant offre de crédit préalable acceptée le 12 juin 2020, la société anonyme CA CONSUMER FINANCE a consenti à [M] [B] un crédit renouvelable d'un montant de 15.000 euros remboursable par mensualités et taux d'intérêts variables selon le montant de l'utilisation.

Suivant offre de crédit préalable acceptée le 16 mars 2022, la société anonyme CA CONSUMER FINANCE a consenti à [M] [B] un crédit renouvelable d'un montant de 21.500 euros remboursable par mensualités et taux d'intérêts variables selon le montant de l'utilisation.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 septembre 2023, la banque a mis en demeure [M] [B] de lui payer immédiatement la somme de 23.598,71 euros sous peine de poursuites judiciaires.

Par acte d'huissier du 22 février 2024, la société anonyme CA CONSUMER FINANCE a fait citer [M] [B] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille à l'audience du 12 avril 2024 aux fins d'obtenir :
·         à titre principal :
* le constat de la déchéance du terme de l'engagement souscrit par [M] [B] et la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 23.594,91 euros, avec intérêts au taux de 6,446% l'an à compter du 13 septembre 2023 ;
·         à titre subsidiaire :
* la résolution judiciaire du contrat et la condamnation de [M] [B] à lui payer la somme de 21.500 euros au titre des restitutions, déduction faite des règlements intervenus ;
*la condamnation de [M] [B] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;
·         à titre très subsidiaire :
* la condamnation de [M] [B] à lui payer les échéances impayées jusqu'à la date du jugement ;
* dire que [M] [B] devra reprendre le règlement des échéances à bonne date sous peine de déchéance du terme sans formalité ;
·         en tout état de cause ;
* la condamnation de [M] [B] à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens et le rappel de l'exécution provisoire de la décision.

A l'audience du 12 avril 2024, le juge a relevé d'office les moyens d'ordre public issus du code de la consommation.

La société de crédit, représentée par son conseil, a maintenu l'ensemble des demandes présentées dans son acte introductif d'instance et s'est opposée à la demande de délais de paiement présentée par [M] [B].

Par observations orales, [M] [B], comparant en personne, a demandé au juge des contentieux de la protection de l'autoriser à s'acquitter de sa dette par mensualités de 341 euros conformément au plan de remboursement édicté par la commission de surendettement des particuliers le 13 mars 2024.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action en paiement

Aux termes de l’article R632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Aux termes des dispositions de l'article R312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, il ressort de l'historique de compte produit par la société anonyme CA CONSUMER FINANCE que le premier incident de paiement non régularisé date du 12 juin 2023.

La société anonyme CA CONSUMER FINANCE a fait délivrer son assignation à [M] [B] le 22 février 2024, soit dans le délai de deux ans qui lui était imparti pour ce faire.

Elle est donc recevable à agir en paiement.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l'article L312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

Suivant l'article L312-36 alinéa 1er du même code, dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci, sur support papier ou tout autre support durable des risques qu'il encourt au titre des articles L312-39 et L312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L141-3 du code des assurances.

En application des articles 1103, 1231-1 et 1224 du code civil, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, le crédit affecté souscrit par [M] [B] contient une clause intitulée « défaillance de l'emprunteur » aux termes de laquelle « le prêteur pourra, en cas de défaillance de la part de l'emprunteur dans les remboursements, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. ».

Une telle clause n'affranchit pas de manière expresse et non équivoque le prêteur de délivrer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Or, le prêteur ne démontre pas avoir adressé à l'emprunteur, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, une mise en demeure préalable à la déchéance du terme. En effet, le courrier produit en pièce 11 n'est accompagné d'aucun justificatif d'envoi, ni a fortiori de réception.

Partant, la clause résolutoire ne saurait être considérée comme acquise. La requérante sera par conséquent déboutée de sa demande principale.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

En revanche, aucun texte du code de la consommation ne fait obstacle au prononcé de la résolution judiciaire du contrat de prêt, telle que prévue par les articles 1224 et 1227 du code civil.

Il appartient néanmoins à la requérante de démontrer que le manquement de l'emprunteur à ses obligations est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.

Il ressort en l'espèce des pièces produites par le bailleur que l'emprunteur a manqué à ses obligations en ce qu'il a cessé de s'acquitter de ses échéances mensuelles à compter du mois de juin 2023.

Toutefois, ce même historique permet d'établir que l'emprunteur avait auparavant honoré le remboursement de l'ensemble des mensualités afférentes aux trois concours financiers qui lui avaient été consentis depuis 2017, soit pendant près de six années, sans qu'aucun incident ne soit à déplorer.

En dépit de ces circonstances, le prêteur a privé l'emprunteur de toute possibilité de régulariser sa situation en prononçant indûment et unilatéralement la déchéance du terme, sans aucun avertissement préalable, ce qui apparaît particulièrement inéquitable.

La banque apparaît par conséquent malfondée à se prévaloir de la gravité du manquement invoqué, étant au demeurant observé qu'elle se contente sur ce point d'une affirmation qu'elle n'explicite pas.

Partant, la requérante sera déboutée de sa demande subsidiaire.

Sur la demande de condamnation de l'emprunteur au paiement des échéances échues et impayées

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

L'article L. 311-6 I du code de la consommation prévoit que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
En application de l'article L. 311-48 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43 (...) est déchu du droit aux intérêts.
Par arrêt rendu le 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Si aucune disposition légale n'impose au prêteur de produire un exemplaire de la fiche d'information précontractuelle signé par l'emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles. La signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche d'information précontractuelle constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires comme l'a déjà jugé la Cour de la cassation (1ère civ., 8 avril 2021, pourvoi n°19-20.890).
La jurisprudence récente (1ère Civ. 7 juin 2023, pourvoi n°22-15.552) précise qu'un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt.
En l'espèce, la banque ne démontre avoir remis à l'emprunteur la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée pour aucun des concours financiers consentis.

Cette carence justifie de déchoir la requérante de tout droit aux intérêts conventionnels sur les sommes prêtées.

Sur les sommes dues

Au regard de ce qui précède, la demanderesse ne peut solliciter que le paiement des échéances impayées déduction faite des intérêts indûment payés, sous réserve qu'il subsiste un solde de sa créance.

Il sera ici rappelé qu'il appartient au demandeur d'établir le montant de sa créance, ce qu'en l'espèce il ne fait pas.

Au regard de l'historique de compte, le montant en capital de l'échéance mensuelle était au mois de juin 2023 de 272,49 euros.

Le juge des contentieux de la protection en déduit que le montant en capital des échéances échues et impayées est au jour du jugement de 3.269,88 euros (272,49 x 12).

Or, le montant total des intérêts et frais dont l'emprunteur s'est indûment acquitté depuis la souscription de la première offre de prêt en 2017 apparaît, au regard de l'historique de compte produit, supérieur à la somme de 3.269,88 euros.

Il en résulte que [M] [B] n'apparaît redevable envers la banque d'aucune somme d'argent au titre des échéances échues et impayées à la date du jugement.

Par conséquent, la banque sera déboutée de sa demande.

Sur la poursuite du contrat de prêt

L'emprunteur devra reprendre le paiement des mensualités telles que prévues initialement par le contrat, déduction devant être faite chaque mois des intérêts, [M] [B] n'étant redevable que de l'amortissement et de l'assurance de la mensualité, eu égard à la déchéance du droit aux intérêts prononcée.

Sur les mesures de fin de jugement

La SA CA CONSUMER FINANCE, qui succombe au principal, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire par application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe ;

DECLARE la société anonyme CA CONSUMER FINANCE recevable en son action ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la S.A CA CONSUMER FINANCE ;

DEBOUTE la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande de constat de la déchéance du terme du contrat ;

DEBOUTE la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande de résolution judiciaire du contrat ;

DEBOUTE la sa CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement des échéances échues et impayées à la date du jugement ;

DIT que [M] [B] devra reprendre le paiement des mensualités déduction faite chaque mois des intérêts, [M] [B] n'étant redevable que de l'amortissement et de l'assurance de la mensualité ;

CONDAMNE la SA CA CONSUMER FINANCE aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le GreffierLe Juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 24/02308
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;24.02308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award