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17/06/2024 | FRANCE | N°24/01415

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 17 juin 2024, 24/01415


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/01415
N° Portalis DBZS-W-B7I-YAJU

N° de Minute : L 24/00371

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024





S.C.I. TRENTANS


C/

[I] [V]
[D] [E]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 17 Juin 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.C.I. TRENTANS, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au

barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [I] [V], demeurant [Adresse 5]


Mme [D] [E] Epouse [V] , demeurant [Adresse 5]

comparants en personne




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/01415
N° Portalis DBZS-W-B7I-YAJU

N° de Minute : L 24/00371

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024

S.C.I. TRENTANS

C/

[I] [V]
[D] [E]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 17 Juin 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.C.I. TRENTANS, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [I] [V], demeurant [Adresse 5]

Mme [D] [E] Epouse [V] , demeurant [Adresse 5]

comparants en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 Avril 2024

Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 17 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats par Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 1415/2024 - Page - MAEXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé du 11 septembre 2015, [H] [L] a donné à bail à [I] [V] et [D] [V] née [E] un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 5]), moyennant un loyer mensuel initial de 690 euros outre 30 euros de provisions sur charges.

Par acte authentique reçu le 12 janvier 2022 entre les mains de Maître [O], notaire à BAILLEUL, [H] [L] a vendu cet immeuble à la SCI TRENTANS.

Par acte d'huissier du 25 octobre 2023, la SCI TRENTANS a fait délivrer à [I] [V] et [D] [V] née [E] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail pour un montant principal de 6.130,96 euros au titre des loyers et charges impayés.

Par acte d'huissier du 11 janvier 2024, la SCI TRENTANS a fait citer [I] [V] et [D] [V] née [E] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Lille à l'audience du 12 avril 2024 aux fins d'obtenir :

à titre principal, le constat de la résiliation de plein droit du bail en application de la clause résolutoire et à titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation du bail aux torts de [I] [V] et [D] [V] née [E]  ;l'expulsion de [I] [V] et [D] [V] née [E] ;la fixation au montant du loyer actuel, soit la somme de 739,84 euros, outre les provisions sur charges, le montant de l'indemnité d'occupation due à compter de la date de résiliation du bail ;la condamnation de [I] [V] et [D] [V] née [E] à lui payer la somme de 8.470,48 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;la condamnation de [I] [V] et [D] [V] née [E] à lui payer une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant actuel du loyer et des charges à compter de la résiliation et jusqu'à la libération effective des lieux ;la condamnation de [I] [V] et [D] [V] née [E] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre l'ensemble des dépens.
A l'audience du 12 avril 2024, la SCI TRENTANS, représentée par son conseil, a maintenu l'ensemble des demandes contenues dans son acte introductif d'instance, sauf à actualiser le montant de la dette locative à la somme de 11.290,03 euros au 3 avril 2024. Elle s'est opposée à la demande de délais pour quitter les lieux présentée par ses locataires.

Comparant en personne, [I] [V] et [D] [V] née [E] ont demandé au juge des contentieux de la protection de leur accorder un délai de 8 mois pour quitter les lieux et de débouter la requérante de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils ont indiqué ne pas contester le montant des sommes réclamées, expliquant ne plus pouvoir honorer leur loyer. Ils précisent que [I] [V] est tombé malade trois ans auparavant et a récemment obtenu l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés. Ils ajoutent être suivis par une assistante sociale, être en recherche d'un logement social ainsi que d'un plan d'apurement de leur dette avec la Banque de France.

A l'issue de l'audience, la décision a été mise en délibéré au 17 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION

Aux termes de l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de le commissaire de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins six semaines avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette notification s'effectue par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa de l'article 7-2 de la même loi. La saisine de l'organisme mentionné à la première phrase du présent III peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. L'organisme saisi réalise un diagnostic social et financier, selon des modalités et avec un contenu précisés par décret, au cours duquel le locataire et le bailleur sont mis en mesure de présenter leurs observations, et le transmet au juge avant l'audience, ainsi qu'à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ; le cas échéant, les observations écrites des intéressés sont jointes au diagnostic. Le locataire est informé par le représentant de l'Etat dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement, prévu au V du présent article.

En l'espèce, l'assignation du 11 janvier 2024 a été notifiée par voie électronique au Préfet du Nord le 12 janvier 2024, soit plus de six semaines avant l'audience.

L'action est donc recevable.

SUR LE CONSTAT DE L'ACQUISITION DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE

Aux termes de l'article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

L’article 24 de cette même loi dispose notamment que tout contrat de bail d'habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, le contrat de bail signé entre les parties contient une telle clause.

La dette de loyer s'élevait, au 25 octobre 2023, date à laquelle le commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié à [I] [V] et [D] [V] née [E], à la somme en principal de 6.130,96 euros.

Il ressort du décompte produit par la bailleresse que [I] [V] et [D] [V] née [E] ne se sont acquittés d'aucune somme d'argent depuis.

Il convient donc de constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail au 6 décembre 2023.

Il y a lieu par conséquent d'ordonner l'expulsion de [I] [V] et [D] [V] née [E] et de tous occupants de leur chef à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux.

SUR LES DEMANDES EN PAIEMENT

L'article 7-a) de la loi du 6 juillet 1989 précitée, ainsi que le contrat de bail conclu entre les parties, énoncent que le locataire doit payer les loyers et charges récupérables aux termes convenus.

En vertu de l'article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l'occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail sera réparé par l'allocation d'une indemnité mensuelle d'occupation due de la résiliation à la libération des lieux.

En l'espèce, il ressort du dernier décompte non contesté produit par la requérante, actualisé au 3 avril 2024, que [I] [V] et [D] [V] née [E] étaient redevables de la somme de 11.290,03 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation, échéance du mois d'avril 2024 incluse.

[I] [V] et [D] [V] née [E] seront par conséquent condamnés à payer à la SCI TRENTANS la somme de 11.290,03 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 3 avril 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 11 janvier 2024 sur la somme de 8.470,48 euros et du présent jugement pour le surplus.

[I] [V] et [D] [V] née [E] seront également condamnés à payer à la SCI TRENTANS une indemnité d’occupation jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux. Cette indemnité mensuelle d'occupation sera fixée au montant du loyer majoré de la provision sur charges, soit la somme de 809,84 euros au regard du dernier décompte, afin de réparer le préjudice découlant pour la SCI TRENTANS de l'occupation indue de son bien et de son impossibilité de le relouer.

SUR LA DEMANDE DE DELAI POUR QUITTER LES LIEUX

Aux termes des articles L. 412-3 et L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales ; ces délais ne peuvent être inférieurs à trois mois ni supérieurs à trois ans.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés, selon les modalités prévues au code de la construction et de l'habitation, en cas de défaut d'attribution d’un logement locatif social et, plus généralement, du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, il est démontré la perception par [I] [V] de l'allocation de solidarité spécifique du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 à hauteur de 18,17 euros par jour pendant 366 jours. Les locataires produisent en outre la décision du 5 mars 2024 par laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a fait droit au recours amiable présenté par [I] [V] aux fins d'obtenir l'allocation aux adultes handicapés, ce pour la période du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2024, ce qui laisse présager une amélioration de sa situation financière.

[D] [V] née [E] justifie pour sa part percevoir un « demi traitement maladie » à hauteur de de 641,98 euros par mois.

Il résulte de ces éléments que les locataires pâtissent de difficultés de santé à l'origine de leurs faibles ressources et de leur incapacité à s'acquitter de leur loyer.

Cette situation laisse craindre de réelles difficultés pour trouver un nouveau logement, tandis que la SCI TRENTANS n'invoque ni a fortiori ne démontre l'existence de besoins particuliers.

En outre, [I] [V] et [D] [V] née [E] occupent le logement depuis près de 10 ans ; la bailleresse n'a fait part d'aucun incident antérieur à la présente procédure.

Il apparaîtrait par conséquent inéquitable d'ordonner leur expulsion sans leur accorder les délais nécessaires à leur relogement.

Par conséquent, il leur sera accordé un délai de trois mois supplémentaire pour quitter les lieux.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

En l'espèce, [I] [V] et [D] [V] née [E], qui succombent principalement, seront condamnés aux entiers dépens de l'instance.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La situation économique des parties condamnées justifie de rejeter la demande présentée par la SCI TRENTANS au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l'article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection de Lille, statuant après débats publics, par décision contradictoire, rendue en premier ressort, et mise à disposition au greffe,

DECLARE la SCI TRENTANS recevable en son action ;

CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat aux termes duquel [H] [L] ont donné à bail à [I] [V] et [D] [V] née [E] un immeuble sis [Adresse 5]), à la date du 6 décembre 2023 ;

CONDAMNE [I] [V] et [D] [V] née [E] à payer à la SCI TRENTANS la somme de 809,84 euros par mois à compter du 6 décembre 2023 au titre de l'indemnité d'occupation et jusqu'à libération effective des lieux ;

CONDAMNE [I] [V] et [D] [V] née [E] à payer à la SCI TRENTANS la somme de 11.290,03 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 3 avril 2024, échéance du mois d'avril incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 11 janvier 2024 sur la somme de 8.470,48 euros et du présent jugement pour le surplus ;

ACCORDE à [I] [V] et [D] [V] née [E] un délai de trois mois, à compter du présent jugement, pour quitter les lieux ;

A l'expiration de ce délai :

ORDONNE l'expulsion de [I] [V] et [D] [V] née [E] des lieux loués dans le respect du délai prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution (à l'expiration du délai de deux mois du commandement d'avoir à quitter les lieux) et sans préjudice des articles L.412-2 et suivants du même code ;

DIT qu'à défaut de départ volontaire dans ce délai, la SCI TRENTANS pourra faire procéder à l'expulsion de [I] [V] et [D] [V] née [E] et à celle de tous occupants de leur chef avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

AUTORISE, le cas échéant, la SCI TRENTANS à faire transporter et séquestrer les biens abandonnés dans les lieux aux frais, risques et périls de [I] [V] et [D] [V] née [E] dans le délai de deux mois de la libération des lieux ;

RAPPELLE à [I] [V] et [D] [V] née [E] qu'ils peuvent  saisir la commission de médiation, à condition de justifier du dépôt préalable et de l'enregistrement d'une demande de logement social pourvue d'un numéro unique et, le cas échéant, renouvelée ou, à défaut, d'apporter la justification de l'absence de demande. Pour saisir la commission de médiation, il convient d’utiliser le formulaire Cerfa n°15036*01,  téléchargeable  sur le site internet des services de l'Etat dans le Nord "nord.gouv.fr", à retourner complété et accompagné de toutes les pièces justificatives requises, à l'adresse suivante :


Direction départementale de la cohésion sociale Mission accès au logement
Secrétariat de la commission de médiation - DALO
[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 3] 

REJETTE le surplus des demandes présentées et non satisfaites ;

CONDAMNE [I] [V] et [D] [V] née [E] aux entiers dépens de l'instance ;

REJETTE la demande présentée par la SCI TRENTANS au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 17 juin 2024

LE GREFFIER LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 24/01415
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;24.01415 ?
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