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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00353

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 17 juin 2024, 24/00353


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/00353
N° Portalis DBZS-W-B7I-YCZY

N° de Minute : 24/00116

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024





S.C.I. [Adresse 5]


C/

[F] [R]
[L] [Y]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 17 Juin 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.C.I. [Adresse 5], dont le siège social est sis [Adresse 5]



représentée par Me Jean-Roch PARICHET, a

vocat au barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [F] [R], demeurant [Adresse 2]


M. [L] [Y], demeurant [Adresse 2]


non comparants




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 Mai ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/00353
N° Portalis DBZS-W-B7I-YCZY

N° de Minute : 24/00116

JUGEMENT

DU : 17 Juin 2024

S.C.I. [Adresse 5]

C/

[F] [R]
[L] [Y]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 17 Juin 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.C.I. [Adresse 5], dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Jean-Roch PARICHET, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [F] [R], demeurant [Adresse 2]

M. [L] [Y], demeurant [Adresse 2]

non comparants

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 13 Mai 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 17 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 353/24 – Page - MA
EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique dressé en l’étude de Maître [E] [T], notaire à [Localité 6], le 19 décembre 2008, la société civile immobilière (SCI) [Adresse 5] est propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 3]) composé de 11 logements dont l’appartement numéro 101.
Le 19 février 2024, Maître [N], commissaire de justice mandaté par la SCI [Adresse 5], a constaté que le bien était occupé par un individu qui a indiqué être M. [L] [Y] et qui a contacté par téléphone l’autre occupant des lieux qui a indiqué être M. [F] [R].
Par acte de commissaire de justice du 19 février 2024, la SCI 62 rue Gambetta a fait assigner Messieurs [Y] et [R] en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille afin de voir, au visa des articles L 213-4-3 du code de l’organisation judiciaire, L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, 1240 et suivants du code civil :
constater que les défendeurs sont occupants sans droit ni titre de l’immeuble ;ordonner leur expulsion ainsi que de tout occupant introduit de leur chef, avec au besoin l’assistance de la force publique,constater la voie de fait, rejeter toute éventuelle demande de délai pour libérer les locaux précités de leur personnes et de leurs biens,supprimer le délai de deux mois du commandement de quitter les lieux,supprimer le bénéfice de la trêve hivernale,être autorisée à faire procéder à l’expulsion des défendeurs ainsi qu’à celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier,dire que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,condamner solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier de justice.L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 13 mai 2024.
La SCI [Adresse 5], représentée par son conseil, a comparu et s’en est rapportée aux demandes contenues dans son acte introductif d’instance.
Au soutien, elle fait valoir que les défendeurs se sont installés dans sa propriété, ce qui ne lui permet pas d’en disposer ; que le fait d’occuper de manière unilatérale la propriété d’autrui constitue, en soi, un trouble manifestement illicite, assimilable à une voie de fait, dès lors que les conditions d’installation sont équivoques et exclusives de toute autorisation, même précaire ; que le fait pour des personnes de s’introduire sans droit ni titre dans un immeuble appartenant à autrui constitue une voie de fait qui les prive de tout délai pour quitter les lieux et de la trêve hivernale.
Les défendeurs, assignés par remise de l’acte à l’étude d’huissier, n’ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 17 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’expulsion
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il est constant que l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de ce texte.

Aux termes de l’article 1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le droit au logement est un droit fondamental. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.

Dans le même temps, aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L'expulsion est, par ailleurs, la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement. L'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété.

En l’espèce, la SCI 62 rue Gambetta justifie être propriétaire de l’appartement n°101 occupé par plusieurs personnes qui n’ont pas été autorisées en ce sens.
Il ressort effectivement du procès-verbal de constat dressé par Maître [N] le 19 février 2024 que la personne qui a ouvert la porte a indiqué être M. [L] [Y] ; que celui-ci a déclaré occuper les lieux avec un autre individu qu’il a contacté par téléphone et qui a déclaré être M. [F] [R] ; que Maître [N] a indiqué à la personne présente qu’ils occupaient illicitement le local et lui a demandé de les quitter.

Il se déduit de ce procès-verbal de constat que les défendeurs occupent l’immeuble dont la SCI [Adresse 5] est propriétaire sans droit ni titre.

Or, par application combinée des textes précités, l'occupation illégale ne peut constituer un moyen licite de mettre en œuvre le droit au logement.

Il convient donc d’ordonner l’expulsion des défendeurs ainsi que celle de tous occupants de leur chef et d’accorder au besoin à la SCI 62 rue Gambetta l'assistance de la force publique et d’un serrurier.

Sur les délais
Aux termes de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution dans sa version applicable depuis le 29 juillet 2023, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L 412-3 à L 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d'expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Il est constant que le fait de prendre possession d’un local sans y être autorisé par le propriétaire et sans avoir été induit en erreur ou abusé sur l’étendue de ses droits constitue une voie de fait, même en l’absence d’effraction ou de dégradation des lieux.

En l’espèce, l’entrée dans les locaux par voie de fait ressort de l’absence d’autorisation donnée en ce sens par la SCI [Adresse 5].

En application de cet article, les défendeurs ainsi que tout occupant de leur chef sont donc privés du délai de deux mois après la délivrance du commandement de quitter les lieux.

Aux termes de l’article L 412-6 du code des procédures civiles d’exécution dans sa version en vigueur depuis le 29 juillet 2023, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l’article L 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
En l’espèce, dans la mesure où les défendeurs se sont introduits dans l’appartement par voie de fait, il n’y a pas lieu de leur accorder le bénéfice d’un tel sursis.

Sur le sort des meubles

Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles L433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d'exécution au titre des opérations d'expulsion. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur séquestration, qui demeure à ce stade purement hypothétique.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les défendeurs seront condamnés in solidum aux dépens.

Les frais de constat d’huissier de justice ne relèvent pas des dépens mais de l’article 700 du code de procédure civile.

La situation économique des défendeurs commande toutefois de rejeter la demande présentée à ce titre par la SCI 62 rue Gambetta.

Enfin, en application de l’article 514-1 du code de procédure civile, la présente ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé à l’issue de débats tenus en audience publique, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,
CONSTATONS que Messieurs [L] [Y] et [F] [R] occupent l’appartement n°101 situé [Adresse 3] dont la société civile immobilière [Adresse 5] est propriétaire, sans droit ni titre ;
ORDONNONS en conséquence à Messieurs [L] [Y] et [F] [R] et à tous occupants de leur chef de libérer les lieux ;
DISONS qu’à défaut pour Messieurs [L] [Y] et [F] [R] d’avoir volontairement libéré les lieux, la société civile immobilière [Adresse 5] pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;
DISONS n’y avoir lieu à accorder à Messieurs [L] [Y] et [F] [R] et tous occupants de leur chef le délai prévu par l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution et la suspension d’exécution prévu par l’article L 412-6 de ce même code ;
RAPPELONS qu’en application de l’article L433-1 du code des procédures civiles d’exécution « les meubles se sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire » ;
REJETONS la demande présentée par la société civile immobilière [Adresse 5] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS in solidum Messieurs [L] [Y] et [F] [R] aux dépens;
RAPPELONS que la présente ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, par mise à disposition au Greffe, le 17 juin 2024.

Le GreffierLa juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 24/00353
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;24.00353 ?
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