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17/06/2024 | FRANCE | N°24/00227

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 17 juin 2024, 24/00227


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/00227
N° Portalis DBZS-W-B7I-YAMD

N° de Minute : L 24/00126

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 17 Juin 2024





S.A. VILOGIA


C/

[J] [C]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 17 Juin 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.A. VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 3]


représentée par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat

au barreau de LILLE


ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [J] [C] demeurant [Adresse 2]


comparant en personne





COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 Avril 2024

Joelle SPAGNOL, J...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/00227
N° Portalis DBZS-W-B7I-YAMD

N° de Minute : L 24/00126

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 17 Juin 2024

S.A. VILOGIA

C/

[J] [C]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 17 Juin 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [J] [C] demeurant [Adresse 2]

comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 Avril 2024

Joelle SPAGNOL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 17 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats par Joelle SPAGNOL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 24/227 – Page - MAEXPOSE DU LITIGE
La société anonyme (SA) Vilogia est propriétaire d’un immeuble situé au [Adresse 2], à [Localité 5].
Par procès-verbal du 8 novembre 2023, Maître [D] [N], commissaire de justice, a constaté que l’immeuble était illégalement occupé et que des effets personnels étaient présents dans l’appartement.
A la suite de ce constat, Monsieur [J] [C] s’est présenté auprès de l’agence de [Localité 4] de la SA Vilogia pour déposer un dossier concernant ce logement.
Le 14 décembre 2023, la SA Vilogia a déposé plainte contre Monsieur [C] pour violation de domicile.
Par acte de commissaire de justice du 30 janvier 2024, la SA Vilogia a fait assigner Monsieur [C] en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille afin de voir :
constater l’occupation sans droit ni titre de l’immeuble à usage d’habitation situé au [Adresse 2], à [Localité 5],ordonner l’expulsion de Monsieur [C] ainsi que de toutes personnes qu’il aurait pu introduire dans les lieux de son fait avec, si besoin est, le concours de la force publique et d’un serrurier,supprimer le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux comme le délai de la trêve hivernale pour entreprendre les formalités d’expulsion des lieux,fixer l’indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, soit à la somme de 479,51 euros et subissant les mêmes variations,condamner Monsieur [C] au paiement d’une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges, soit la somme mensuelle de 479,51 euros à compter du 8 novembre 2023 jusqu’à complète libération des lieux,condamner Monsieur [C] au paiement de la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,condamner Monsieur [C] au paiement de la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,condamner Monsieur [C] aux entiers dépens.L’assignation a été notifiée par voie électronique au Préfet du Nord le 31 janvier 2024.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 15 avril 2024.
La SA Vilogia, représentée par son conseil, s’en est rapportée aux demandes contenues dans son acte introductif d’instance. Elle précise toutefois qu’aucun bail n’a pu être consenti à Monsieur [C], dont le titre de séjour est expiré.
Monsieur [C], présent à l’audience, indique être en possession de quittances de loyers et avoir souscrit une assurance pour le logement. Il ajoute y accueillir sa fille tous les 15 jours. Il indique avoir effectué des travaux d’amélioration au sein de l’appartement. Il perçoit le RSA et recherche un emploi.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 17 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’expulsion
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il est constant que l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de ce texte.

Aux termes de l’article 1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le droit au logement est un droit fondamental. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent.

Par ailleurs aux termes de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L'expulsion est la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement. L'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété.

En l’espèce, la SA Vilogia justifie être propriétaire d’un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5]. Par procès-verbal en date du 8 novembre 2023, le commissaire de justice a constaté que le logement était occupé illégalement.
Lors de son dépôt de plainte le 14 décembre 2023, le représentant de la SA Vilogia a indiqué que la serrure avait été changée, que l’appartement était en travaux et que les peintres avaient découvert qu’il était occupé. Postérieurement à la visite du commissaire de justice, un homme, dénommé Monsieur [C], s’est présenté à la SA Vilogia, pour solliciter l’attribution de l’appartement et déposer des documents d’identité, notamment un titre de séjour expiré depuis le 4 mai 2022.

Malgré les déclarations à l’audience de Monsieur [C] quant à la possession de quittances de loyers et à la souscription d’une assurance pour l’appartement dont il ne peut justifier, il reste qu’il occupe les lieux dont la SA Vilogia est propriétaire sans droit ni titre.

Par application combinée des textes précités, l'occupation illégale ne peut constituer un moyen licite de mettre en œuvre le droit au logement.

Il convient donc d’ordonner l’expulsion de Monsieur [C] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique.

Sur les délais
Aux termes de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution dans sa version applicable depuis le 29 juillet 2023, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L 412-3 à L 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L 442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque la procédure d'expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par l'occupation de résidents temporaires, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Il est constant que le fait de prendre possession d’un local sans y être autorisé par le propriétaire et sans avoir été induit en erreur ou abusé sur l’étendue de ses droits constitue une voie de fait, même en l’absence d’effraction ou de dégradation des lieux.

En l’espèce, l’entrée dans les locaux par voie de fait ressort de la plainte déposée par la SA Vilogia dont les termes ont été précédemment rappelés. Dès lors la voie de fait est établie, sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence d'un acte matériel d'effraction ou de dégradation.

Il convient donc de supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L412-1 susvisé.

Aux termes de l’article L 412-6 du code des procédures civiles d’exécution dans sa version en vigueur depuis le 29 juillet 2023, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l’article L 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
En l’espèce, dans la mesure où le défendeur s’est introduit dans l’appartement par voie de fait, il n’y a pas lieu de lui accorder le bénéfice d’un tel sursis.

Sur l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, l’occupation des lieux sans droit ni titre cause à la propriétaire un préjudice qu’il convient de réparer en fixant une indemnité d’occupation à la somme de 479,51 euros par mois à compter du 8 novembre 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux.

En effet, à l’occasion du procès-verbal du 8 novembre 2023, Maître [D] [N], commissaire de justice, a constaté que l’immeuble était illégalement occupé et que des effets personnels étaient présents dans l’appartement. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit des effets personnels de Monsieur [C].

Par ailleurs, aucun élément ne permet de considérer qu’il aurait quitté les lieux à ce jour.

Il sera donc condamné à payer mensuellement cette somme à la SA Vilogia.

Sur la demande de dommages et intérêts

Conformément à l’article 1231-6, alinéa 3, du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un prejudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, la SA Vilogia n’apporte pas la preuve de l’existence d’un prejudice distinct de celui né de l’occupation illegal du logement, réparé par la condamnation à une indemnité d’occupation.

Au surplus, la SA Vilogia ne justifie d’aucun abus imputable à Monsieur [C], en conséquence, elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [C] sera condamné aux dépens.

L’équité commande de rejeter la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l’article 514-1 du code de procédure civile, la présente ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé à l’issue de débats tenus en audience publique, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Au principal, invitons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, au provisoire,

CONSTATONS que Monsieur [J] [C] occupe l’appartement situé [Adresse 2], à [Localité 5], dont la société anonyme d’habitat à loyer modéré Vilogia est propriétaire, sans droit ni titre ;
ORDONNONS en conséquence à Monsieur [J] [C] et à tous occupants de son chef de libérer les lieux ;
DISONS qu’à défaut pour Monsieur [J] [C] d’avoir volontairement libéré les lieux, la société anonyme d’habitat à loyer modéré Vilogia pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique ;
DISONS n’y avoir lieu à accorder à Monsieur [J] [C] et tous occupants de son chef le délai prévu par l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution et la suspension d’exécution prévu par l’article L 412-6 de ce même code ;
FIXONS à titre provisionnel à la somme de 479,51 euros le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation due par Monsieur [J] [C] à compter du 8 novembre 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux occupés illégalement ;
CONDAMNONS Monsieur [J] [C] à payer mensuellement cette somme à la société anonyme d’habitat à loyer modéré Vilogia à compter du 8 novembre 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux occupés illégalement ;
REJETONS les autres demandes ;
CONDAMNONS Monsieur [J] [C] aux dépens ;
RAPPELONS que la présente ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, par mise à disposition au Greffe, le 17 juin 2024.

Le GreffierLa juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 24/00227
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;24.00227 ?
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