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17/06/2024 | FRANCE | N°23/06780

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 17 juin 2024, 23/06780


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/06780 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XKSH


JUGEMENT DU 17 JUIN 2024



DEMANDEUR :

La S.A.R.L. NAF LA FONCIERE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Julien FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La SCI W.I.B., prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Asse

sseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/06780 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XKSH

JUGEMENT DU 17 JUIN 2024

DEMANDEUR :

La S.A.R.L. NAF LA FONCIERE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Julien FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La SCI W.I.B., prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 27 Septembre 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 17 Juin 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Juin 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Il existe au [Adresse 1] un ensemble immobilier à usage mixte soumis au statut de la copropriété et composé de différents lots à usage d'habitation et de commerce.

La société Naf La Foncière est propriétaire du rez-de-chaussée commercial depuis le 26 septembre 2019.

Selon compromis de vente en date du 17 février 2023, la société Nal La Foncière a vendu à la société W.I.B le local commercial situé [Adresse 1] au prix de 285.000 euros.

La réitération de la vente devait intervenir au plus tard le 30 mars 2023.

La vente a été conclue sous condition suspensive d'obtention d'un prêt par la société W.I.B.

Le 27 mars 2023, la société W.I.B a fait savoir qu'elle n'avait pas obtenu son prêt.

Par courrier en date du 30 mars 2023, le notaire a mis en demeure la société W.I.B de justifier de l'obtention de son prêt ou du refus de celui-ci conformément aux termes du compromis de vente.

Puis, par courrier recommandé en date du 16 mai 2023, le conseil de la société Naf La Foncière a également mis en demeure la société W.I.B de justifier des demandes de prêt déposées et de deux refus de prêt provenant de deux établissements bancaires différents reprenant les caractéristiques figurant au contrat. A défaut, il l'a mise en demeure d'avoir à régler la somme de 28.500 euros au titre de la clause pénale.

En l'absence de réponse, suivant exploit délivré le 7 juillet 2023, la société Naf La Foncière a fait assigner la société W.I.B devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de :

Vu l'article 1304-3 du code civil,

condamner la société W.I.B au paiement de la somme de 28.500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, somme à majorer des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 mai 2023,condamner la société W.I.B au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Bien que régulièrement assignée, la société W.I.B n'a pas constitué avocat.

Pour l’exposé des moyens de la demanderesse, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa de l'assignation précitée.

La clôture des débats est intervenue le 27 septembre 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du jugement

La société W.I.B n'ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.

Sur la défaillance de la condition suspensive d'obtention d'un prêt

L'article 1304-3 du code civil prévoit que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il convient de rappeler qu'il incombe à l'acquéreur de démontrer qu'il a sollicité un financement conforme aux termes du contrat et qu'il incombe au créancier d'une obligation sous condition suspensive de prouver que le débiteur a empêché la réalisation de celle-ci.

En l'espèce, la vente du 17 février 2023 a été conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreuse d'un montant de 285.000 euros, au taux nominal d'intérêt maximal de 4% l'an (hors assurances) et pour une durée maximale de remboursement de 20 ans. La date limite d'obtention du crédit a été fixée au 30 mars 2023.

L'acte précise que toute demande non conforme aux stipulations contractuelles, notamment quant au montant emprunté, au taux, et à la durée de l'emprunt entraînera la réalisation fictive de la condition au sens du premier alinéa de l'article 1304-3 du code civil.

En outre, aux termes du compromis, la société W.I.B s'est engagée, en cas de non obtention du financement demandé, à justifier de deux refus de prêt correspondant aux caractéristiques visées dans l'acte. Elle s'est ainsi engagée à déposer simultanément deux demandes de prêt.

Il ressort des pièces versées aux débats que la société W.I.B a seulement transmis un mail daté du 21 mars 2023 et émanant de la Caisse d'Epargne lequel mentionne :
« Monsieur [V], Madame [C], Monsieur [R] [les associés de la société],
Après l'étude de votre projet d'acquisition situé au [Adresse 1] et des éléments mis à ma disposition.
Je ne peux malheureusement donner une suite favorable à votre demande de financement.
Merci pour votre compréhension.
Bien cordialement ».

La lecture de ce mail ne permet pas de connaître les caractéristiques du prêt sollicité auprès de la Caisse d'Epargne de sorte qu'il ne peut être vérifié que la demande était conforme aux prévisions contractuelles.

Malgré deux mises en demeure, la société W.I.B n'a pas justifié des caractéristiques sollicitées pas plus qu'elle n'a justifié d'un deuxième refus émanant d'une autre banque comme elle s'y était pourtant engagée aux termes du compromis.

La société W.I.B n'a pas constitué avocat et n'apporte donc pas la preuve attendue d'elle dans le cadre de la présente instance.

Il doit donc être considéré qu'à défaut pour l'acquéreuse de justifier qu'elle a sollicité un financement conforme aux prévisions contractuelles et qu'elle a été confrontée à deux refus, la condition suspensive doit être réputée accomplie.

Sur la clause pénale

L’article 1231-5 du code civil prévoit que “lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a provoqué au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure”.

Il résulte de cet article que les parties peuvent insérer à leur contrat une clause pénale prévoyant de manière anticipée le montant forfaitaire des dommages intérêts dus par une partie en cas d’inexécution contractuelle. Cette clause survit à la résolution amiable du contrat. Le juge peut en modifier le montant s’il le juge dérisoire ou excessif par rapport au préjudice réellement subi par la partie non défaillante.

En l'espèce, les parties ont prévu, aux termes du compromis, une clause pénale ainsi rédigée :
« Au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes seraient remplies, et dans l'hypothèse où l'une des PARTIES ne régulariserait pas l'acte authentique ne satisfaisant pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de VINGT-HUIT MILLE CINQ CENTS EUROS (28.500,00 EUR) à titre de dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil.
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il peut également la diminuer si l'engagement a été exécuté en partie.
Sauf inexécution définitive, la peine n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
La présente stipulation de pénalité ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des PARTIES de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente ».

La société Naf La Foncière sollicite l'application de cette clause, improprement qualifiée, aux termes de son dispositif, d'indemnité d'immobilisation.

Ainsi qu'il a été dit, la condition suspensive d'obtention du prêt est réputée accomplie. Malgré deux mises en demeure d'avoir à justifier du respect de ses obligations et à défaut de régler le montant de la clause pénale, la société W.I.B n'a pas justifié de ses diligences.

L'acte de vente n'a pas été réitéré.

Dans ces conditions, la clause pénale a vocation à s'appliquer.

La venderesse justifie de ce que, à l'époque des négociations avec la société W.I.B, elle avait reçu une offre plus intéressante, datée du 17 novembre 2022, de la société Foncière de l'Hermitage au prix de 320.000 euros. Elle a fait le choix de privilégier la société W.I.B compte tenu des relations qu'elle entretenait auparavant avec M. [R] et M. [V], gérants de la dite société, ce dernier ayant, en octobre 2021, déjà offert d'acheter le local commercial.

Suite à l'échec de la vente en 2023, la venderesse justifie avoir reçu une nouvelle offre d'achat de la société Foncière de l'Hermitage, en date du 4 mai 2023, mais pour un prix moins élevé de 260.000 euros.

Ces éléments permettent de considérer que la pénalité n'est pas manifestement excessive.
Il convient donc de faire droit à la demande et de condamner la société W.I.B à payer à la société Naf La Foncière la somme de 28.500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2023, date de signature du recommandé de la mise en demeure.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Succombant en l'instance, la société W.I.B sera condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à la société Naf La Foncière la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne la société W.I.B à payer à la société Naf La Foncière la somme de 28.500 euros au titre de la clause pénale, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2023,

Condamne la société W.I.B aux dépens,

Condamne la société W.IB à payer à la société Naf La Foncière la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/06780
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;23.06780 ?
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