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17/06/2024 | FRANCE | N°22/07655

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 17 juin 2024, 22/07655


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/07655 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WU37


JUGEMENT DU 17 JUIN 2024



DEMANDEUR :

La société EURL LE LION IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.C.I. EMC2, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Margaux MACHART, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL>
Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yac...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/07655 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WU37

JUGEMENT DU 17 JUIN 2024

DEMANDEUR :

La société EURL LE LION IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.C.I. EMC2, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Margaux MACHART, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Octobre 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 17 Juin 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Juin 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

Le 11 octobre 2021, Mme [L] [F] a donné mandat à la société Le Lion Immobilier de vendre sa maison située [Adresse 1] à [Localité 6].

Un compromis de vente a été signé les 23 et 27 décembre 2021 entre Mme [L] [F] et la société EMC2. Puis la vente a été réitérée par acte authentique le 2 août 2022.

Les honoraires de l'agence immobilière étaient fixés à 20.000 euros mais la société Le Lion Immobilier a accepté, le 11 août 2022, de rétrocéder à Mme [L] [F] une partie de sa rémunération à hauteur de 19.000 euros.

Soutenant que la perte de cette rémunération est imputable à l'acquéreur, suivant exploit délivré le 30 novembre 2022, la société Le Lion Immobilier a fait assigner la société EMC2 devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation à hauteur de 19.000 euros à titre principal sur le fondement de la responsabilité délictuelle et à titre subsidiaire sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 30 mai 2023 pour la société Le Lion Immobilier et le 19 juillet 2023 pour la société EMC2.

La clôture des débats est intervenue le 5 octobre 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 avril 2024.

****

Aux termes de ses dernières écritures, la société Le Lion Immobilier demande au tribunal de :

Vu les articles 1104, 1194, 1200, 1240 et 1303 du code civil,

A titre principal :

condamner la société EMC2 à lui payer la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
A titre subsidiaire :

condamner la société EMC2 à lui payer la somme de 19.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1303 du code civil,
En toutes hypothèses :

débouter la société EMC2 de l'ensemble de ses demandes,ordonner l'exécution provisoire de la décision,condamner la société EMC2 à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, la société EMC2 demande au tribunal de :

débouter la société Le Lion Immobilier de ses demandes,condamner la société Le Lion Immobilier à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,ordonner l'exécution provisoire.

Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action en responsabilité délictuelle à l'encontre de la société EMC2

Selon l'article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige selon par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

La société Le Lion Immobilier invoque un manquement de la société EMC2 a son obligation de bonne foi à l'égard de la venderesse telle qu'elle résulte de l'article 1104 du code civil, qui est d'ordre public et qui dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

Le 11 octobre 2021, Mme [L] [F] a donné mandat à la société Le Lion Immobilier de vendre sa maison située [Adresse 1] à [Localité 6] au prix net vendeur de 550.000 euros. Le mandat prévoyait que la rémunération du mandataire s'élèverait à 27.000 euros et serait à la charge du vendeur.

Par mail en date du 30 novembre 2021, Mme [H] [U], représentant la société EMC2, a formulé une offre d'achat au prix de 525.000 euros, frais d'agence inclus.

Par mail en réponse du 1er décembre 2021, Mme [L] [F] a déclaré accepter l'offre de vente au prix de 505.000 euros nets vendeur.

Il s'en déduit que les parties se sont accordées sur un prix global, frais d'agence inclus, de 525.000 euros devant être payé par l'acquéreur dont 505.000 euros nets devant revenir à la venderesse.

La société EMC2 ne tire aucune conséquence juridique du moyen qu'elle soulève relatif au fait que Mme [U] n'était pas la gérante de la société. Et pour cause puisque, un compromis ayant par la suite été valablement signé par M. [P] [J], gérant de la société, il s'en déduit que Mme [H] [U] pouvait valablement formuler l'offre d'achat, ce d'autant que le compromis de vente mentionne comme email de contact celui de Mme [U] à savoir [Courriel 7].

Le compromis de vente, signé les 23 et 27 décembre 2021, entre M. [P] [J], représentant de la société EMC2, et Mme [L] [F], mentionne que la vente aura lieu moyennant le prix de 505.000 euros. Puis, dans un paragraphe distinct relatif aux honoraires du mandataire, il est indiqué qu'ils s'élèvent à 20.000 euros et qu'ils sont à la charge du vendeur.

Le compromis ne mentionne ni que le prix de vente de 505.000 euros est un prix net vendeur ni qu'il inclut les frais de rémunération de l'agent immobilier, de sorte qu'il existait alors un flou sur le prix devant être effectivement réglé par l'acquéreur.

L'acte authentique de vente a été réitéré le 2 août 2022. Conformément aux stipulations du compromis de vente, il indique un prix de vente de 505.000 euros et précise que les frais de négociation à la charge du vendeur sont de 20.000 euros. Il s'en infère qu'en vertu de cet acte de vente, la société EMC2 a été tenue de payer un prix de 505.000 euros et non de 525.000 euros, somme sur laquelle les parties s'étaient pourtant accordées, et qu'en conséquence Mme [L] [F] ne pouvait prétendre, après déduction des 20.000 euros d'honoraires, qu'à une somme nette de 485.000 euros.

Il est évident que la société EMC2 a profité de l'imprécision du compromis de vente en réitérant l'acte authentique de vente qui reprenait des mentions sur le prix de vente contraires à la volonté des parties.

Pour autant, comme elle l'indique, elle n'est nullement à l'origine des mentions erronées ou à tout le moins imprécises du compromis de vente. En effet, il est acquis que le compromis de vente a été rédigé par la société Le Lion Immobilier, professionnelle de l'immobilier, qui se devait d'être vigilante quant aux mentions de l'acte soumis à la signature de sa mandante et de l'acquéreur. Le mail adressé le 15 décembre 2021 par l'agence immobilière au notaire, reprenant dans la ventilation du prix du bien un prix net vendeur de 505.000 euros et des honoraires d'agence de 20.000 euros, est sans incidence dès lors qu'il a été adressé avant la signature du compromis et que le notaire s'est, sans que cela ne puisse lui être reproché, basé sur les mentions du compromis, dont les termes auraient tout à fait pu être renégociés entre les parties, plutôt que sur celles d'un email antérieur.

En définitive, la perte de rémunération de la société Le Lion Immobilier, à hauteur de 19.000 euros, la venderesse ayant accepté de supporter une somme de 1.000 euros, n'est pas imputable à un manquement de la société EMC2 à son obligation de bonne foi envers sa venderesse mais bien à sa propre erreur lors de la rédaction du compromis.

La demande d'indemnisation formée au titre de l'article 1240 du code civil sera donc rejetée.

Sur l'enrichissement sans cause

L'article 1303 du code civil prévoit que « en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement ».

L'article 1303-2 prévoit quant à lui qu'il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel.

L'appauvrissement de 19.000 euros qu'invoque la société Le Lion Immobilier a pour origine le geste commercial qu'elle a fait en faveur de sa mandante dans le but de ne pas ternir sa réputation. Il ne peut dès lors donner lieu à indemnisation de la part de la société EMC2.

La demande formée à ce titre sera donc rejetée.

Sur l'exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.”

Il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret, ni de déroger à ce principe.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Succombant en l'instance, la société Le Lion Immobilier sera condamnée aux dépens ce qui entraîne rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande d'allouer à la société EMC2 la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute la société Le Lion Immobilier de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la société Le Lion Immobilier aux dépens,

Condamne la société Le Lion Immobilier à verser à la société EMC2 la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/07655
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;22.07655 ?
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