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17/06/2024 | FRANCE | N°22/06353

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 17 juin 2024, 22/06353


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/06353 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WPGC


JUGEMENT DU 17 JUIN 2024

DEMANDEUR :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 2]-[Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

LE Groupement Hospitalier de l’Insdtitut Catholique de LILLE (GHICL), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau

de LILLE

Mme [C] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/06353 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WPGC

JUGEMENT DU 17 JUIN 2024

DEMANDEUR :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 2]-[Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

LE Groupement Hospitalier de l’Insdtitut Catholique de LILLE (GHICL), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE

Mme [C] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 07 Juillet 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 17 Juin 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Juin 2024 par Leslie JODEAU, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Dans le courant de l'année 2008, Mme [C] [V] a présenté une douleur lombaire spontanée évoluant sur un mode clinique progressif. Elle a dans un premier temps été suivie par son médecin traitant mais l'aggravation clinique s'est produite ensuite avec installation d'une sciatique radiculaire type S1 gauche en plus des lombalgies.

Après plusieurs examens et des traitements qui n'ont pas permis de soulager ses douleurs, Mme [C] [V] a été hospitalisée le 9 novembre 2012, à l'hôpital [7] de [Localité 6], pour une infiltration épidurale.

En l'absence d'amélioration, une intervention a été réalisée le 8 janvier 2013, à l'hôpital [7], pour une cure de hernie discale en L5 S1 gauche.

Dans les suites de cette intervention, elle a présenté une désunion de la cicatrice qui a nécessité une reprise chirurgicale le 5 février 2013. Des prélèvements bactériologiques ont été réalisés qui sont revenus positifs à staphylocoque aureus multi sensible.

Une antibiothérapie a été mise en place.

Ce traitement, associé à la reprise chirurgicale, a permis de mettre fin à l'infection.

Les douleurs lombaires ont persisté. Un scanner réalisé en juillet 2016 a mis en évidence des discopathies et des lésions dégénératives articulaires postérieures. Une infiltration a été réalisée mais n'a pas permis de soulager la patiente.

Le 9 septembre 2016, elle a subi, à l'hôpital [7], une arthrodèse et une libération canalaire.

Dans les suites de cette intervention, elle a présenté une infection de la cicatrice d'intervention avec fièvre.

Une reprise chirurgicale a été effectuée le 10 octobre 2016 pour lavage de l'arthrodèse et une antibiothérapie probabiliste a été mise en place dans l'attente des résultats des prélèvements.

Il a finalement été retrouvé la présence d'un staphylococcus aureus.

Un scanner réalisé le 30 novembre 2018 a mis en évidence un descellement des vis de L4 et de S1 et l'échec de la fusion intervertébrale.

Le 10 février 2019, il a été procédé à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse et à une greffe osseuse.

Par acte du 24 août 2020, Mme [C] [V] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille lequel a ordonné une expertise confiée, après changement d'expert, au Dr [S].

L'expert a déposé son rapport le 19 mars 2021.

Suivant exploit délivré le 29 septembre 2022, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5], ci-après la CPAM, a fait assigner le Groupement Hospitalier de l'Institut Catholique de Lille, ci-après le GHICL, et Mme [C] [V] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de paiement de ses débours.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 20 janvier 2023 pour le GHICL et le 24 janvier 2023 pour Mme [C] [V] tandis que la CPAM n'a pas déposé de conclusions.

La clôture des débats est intervenue le 7 juillet 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 avril 2024.

****

Aux termes de son assignation, la CPAM demande au tribunal de :

Vu le code de la santé publique,
Vu le code de la sécurité sociale,
Vu le code de procédure civile,
Vu le rapport d'expertise du Dr [S],

déclarer le GHICL responsable des dommages subis par Mme [C] [V] en raison de deux infections nosocomiales contractées au cours des interventions de janvier 2013 et de septembre 2016,condamner le GHICL à lui payer la somme de 35.944,45 euros au titre de ses débours définitifs, avec les intérêts à compter de la notification de la mise en demeure du 22 juin 2022,ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,condamner le GHICL à lui payer la somme de 1.114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,condamner le GHICL à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, le GHICL demande au tribunal de :

statuer sur ce que de droit sur sa responsabilité au titre des seules infractions nosocomialeslimiter la créance de la CPAM à une somme de 34.547 euros au titre des frais hospitaliers,rejeter le surplus de la créance de la CPAM,rejeter toute demande présentée par la CPAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, Mme [C] [V] demande au tribunal de :

statuer sur la responsabilité du GHICL,statuer sur la créance de la CPAM.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action subrogatoire de la CPAM

En application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent code. Les caisses de sécurité sociale disposent alors d'un recours contre le tiers responsable. Ce recours s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Il appartient au tiers payeur d'établir la responsabilité du tiers, de justifier de sa créance et de son imputabilité au fait à l'origine du préjudice corporel de la victime.

Sur la responsabilité du GHICL

Aux termes de l’article L1142-1 du code de la santé publique :
“I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».

Ce texte consacre une responsabilité de plein droit à la charge des établissements.

Le patient doit rapporter la preuve du caractère nosocomial de l’infection. Est nosocomiale toute infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans un établissement de santé et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci. Il appartient, le cas échéant, à l’établissement de santé mis en cause de démontrer l’existence d’une cause exonératoire, laquelle ne peut consister dans le simple respect des règles en matière d’aseptie.

En l'espèce, le GHICL s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à son éventuelle responsabilité au titre des infections nosocomiales.

Etant rappelé que s'en “rapporter à justice” équivaut à s'opposer à la demande, il appartient à la CPAM de démontrer que Mme [C] [V] a subi deux infections nosocomiales.

Sur ce, il ressort du rapport d'expertise que Mme [C] [V] a subi une première infection dans les suites de l'intervention réalisée le 8 janvier 2013 au sein de l'hôpital [7] qui dépend du GHICL.

Les prélèvements ont mis en évidence un staphylocoque aureus multi sensible. La prise en charge chirurgicale réalisée le 5 février 2013 et l'antibiothérapie ont permis de guérir l'infection.

Puis, dans les suites de l'intervention réalisée le 9 septembre 2016 à l'hôpital [7], elle a présenté une deuxième infection pour laquelle les prélèvements sont revenus positifs au staphylocoque aureus. Une reprise chirurgicale réalisée le 10 octobre 2016 et une antibiothérapie ont permis la guérison de l'infection.

L'expert indique que Mme [C] [V] a présenté des infections qu'il qualifie de nosocomiales, ce qui n'est au demeurant pas sérieusement contesté par le GHICL.

Aucun manquement n'a été mis en évidence par l'expert à l'encontre du GHICL s'agissant des mesures d'hygiène mises en place pour lutter contre les infections et s'agissant de leur prise en charge (diagnostic et traitement).

Le GHICL n'invoque aucune cause étrangère pour s'exonérer de sa responsabilité de plein droit.

Il se déduit des conclusions de l'expert que le GHICL engage sa responsabilité de plein droit au titre des deux infections nosocomiales contractées par Mme [C] [V]. Par suite, la CPAM, subrogée dans les droits de cette dernière, est fondée à obtenir le remboursement de ses débours.

Sur le montant des débours

La CPAM réclame la somme globale de 35.944,45 euros décomposée comme suit :
frais hospitaliers : 34.547 eurosfrais médicaux : 412,56 eurosfrais pharmaceutiques : 335,01 eurosfrais d'appareillage : 420 eurosfrais de transport : 229,88 euros.
Le GHICL ne conteste pas les frais hospitaliers à hauteur de 34.547 euros de sorte qu'il sera fait droit à cette demande.

Pour le reste, comme l'indique à juste titre le GHICL, la CPAM ne justifie nullement de l'imputabilité des autres débours aux infections nosocomiales contractées et ne s'explique aucunement sur ce point. Il ne suffit pas de produire le relevé des débours pour établir leur imputabilité aux infections. Le tribunal relève d'ailleurs qu'ils n'ont pas été communiqués à l'expert pour qu'une discussion soit engagée devant lui sur l'imputabilité.

Dans ces conditions, il convient de rejeter le surplus de la demande.

Concernant les intérêts, la créance de la CPAM, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une certaine somme si bien que le point de départ des intérêts se situe au jour de la demande. La somme de 34.547 euros produira intérêts à compter de l'assignation, faute pour la CPAM de justifier de l'envoi en recommandé de sa mise en demeure du 22 juin 2022. La capitalisation des intérêts, de droit lorsqu'elle est sollicitée, sera ordonnée.

Sur l'indemnité forfaire de gestion de la CPAM

En application de l'article L376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa de cet article, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au code de la sécurité sociale.

Cette indemnité légale échappe au pouvoir modérateur du juge et son montant est fonction de celui de sa créance.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de la CPAM, au demeurant non contestée par le GHICL, et de lui allouer la somme réclamée de 1.114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Succombant en l'instance, le GHICL sera condamné aux dépens.

L'équité commande d'allouer à la CPAM, qui a été contrainte d'engager des frais irrépétibles non compris dans les dépens pour faire valoir ses droits en justice, la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne le Groupement des Hôpitaux de l'Institut Catholique de Lille à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5] la somme de 34.547 euros au titre de ses débours définitifs,

Dit que cette somme produira intérêt au taux légal à compter de l'assignation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5],

Déboute la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5] de ses autres demandes au titre des débours,

Condamne le Groupement des Hôpitaux de l'Institut Catholique de Lille à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5] la somme de 1.114 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion,

Condamne le Groupement des Hôpitaux de l'Institut Catholique de Lille aux dépens,

Condamne le Groupement des Hôpitaux de l'Institut Catholique de Lille à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 2] [Localité 5] la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/06353
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;22.06353 ?
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