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17/06/2024 | FRANCE | N°22/03431

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 17 juin 2024, 22/03431


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/03431 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WETT

JUGEMENT DU 17 JUIN 2024


DEMANDEUR :

Mme [R] [P]
[Adresse 9]
[Localité 5] - AUTRICHE
représentée par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

La société de droit étranger ADMIRAL INTERMEDIARY SERVICES SA ayant pour nom commercial L’OLIVIER ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 3] - ESPAGNE
représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au bar

reau de DOUAI

TIROLER GEBIETSKRANKENKASSE Organisme social autrichien, légalement représenté par ses dirigeants en exercice
[...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/03431 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WETT

JUGEMENT DU 17 JUIN 2024

DEMANDEUR :

Mme [R] [P]
[Adresse 9]
[Localité 5] - AUTRICHE
représentée par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

La société de droit étranger ADMIRAL INTERMEDIARY SERVICES SA ayant pour nom commercial L’OLIVIER ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 3] - ESPAGNE
représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

TIROLER GEBIETSKRANKENKASSE Organisme social autrichien, légalement représenté par ses dirigeants en exercice
[Adresse 11]
[Localité 4] - AUTRICHE
défaillant

La CPAM DE L’HERAULT Légalement représentée par ses dirigeants en exercice
[Adresse 1]
[Localité 2]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 Octobre 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 17 Juin 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 17 Juin 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 août 2015, Mme [R] [P], de nationalité autrichienne et qui vit en Autriche, circulait à bord de sa moto lorsqu'elle a été victime d'un accident de la circulation sur la RD 612 à hauteur de [Localité 6] dans l'Hérault, accident impliquant un véhicule assuré auprès de l'Olivier Assurances.

Elle a été transportée au centre hospitalier de [Localité 7] où il a été diagnostiqué des douleurs sus pubienne et de la hanche gauche sans fracture ainsi qu'une fracture de la styloïde radiale à droite peu déplacée.

Elle a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris lequel a, par ordonnance en date du 22 mai 2018, désigné le Dr [V] [L] aux fins d'expertise. L'Olivier Assurances a été condamné à lui verser une provision de 2.000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

L'expert a déposé son rapport le 12 avril 2019.

Suivant exploit délivré les 9 et 10 mai 2022, Mme [R] [P] a fait assigner la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances, l'organisme de sécurité sociale autrichien Tiroler Gebietskrankenkasse et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Hérault, ci-après la CPAM, devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation.

Bien que régulièrement assignés, l'organisme de sécurité sociale autrichien et la CPAM n'ont pas constitué avocat.

Les parties ont fait notifier leurs dernières conclusions par voie électronique le 28 mars 2023 pour Mme [R] [P] et le 2 mai 2023 pour l'Olivier Assurances.

La clôture des débats est intervenue le 18 octobre 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 avril 2024.

****

Aux termes de ses dernières écritures, Mme [R] [P] demande au tribunal de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

débouter la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances de ses demandes,condamner la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à lui payer les sommes suivantes :* 1.120,56 euros au titre des DSA
* 586,52 euros au titre des PGPA
* 3.150 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire
* 1.758,96 euros au titre des frais divers
* 50.000 euros au titre de l'incidence professionnelle
* 1.817,40 euros au titre du DFT
* 1.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
* 8.000 euros au titre des souffrances endurées
* 11.480 euros au titre du DFP
* 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément

dire que ces sommes porteront intérêts au double du taux légal depuis le 16 novembre 2015, et à titre subsidiaire depuis le 12 septembre 2019, sur l'intégralité de la créance comprenant celle de l'organisme sociale et que les intérêts ainsi dus se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil depuis l'assignation,condamner la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à lui verser la somme de 1.197,32 euros au titre de son préjudice matérielcondamner la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépends comprenant les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 905,50 euros et les frais de traduction assermentée pour la délivrance de l'assignation à l'organisme sociale étranger pour un montant de 474 euros,déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM de l'Hérault et au Tiroler Gebietskrankenkasse.
Aux termes de ses dernières écritures, l'Olivier Assurances demande au tribunal de :

liquider le préjudice corporel et matériel de Mme [R] [P] à la somme globale de 26.069,54 euros se décomposant comme suit :* 1.120,56 euros au titre des DSA
* 586,62 euros au titre des PGPA
* 2.800 euros au titre de l'assistance par tierce personnelle
* 1.464,96 euros au titre des frais divers
* néant au titre des PGPF
* néant au titre de l'incidence professionnelle
* 1.817,40 euros au titre du DFT
* 300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
* 6.000 euros au titre des souffrances endurées
* 11.480 euros au titre du DFP
* 1.000 euros au titre du préjudice d'agrément,
dont à déduire 500 euros de provision,
débouter Mme [R] [P] de sa demande au titre du préjudice matériel,subsidiairement, appliquer un coefficient de vétusté de 50% sur le montant des demandes au titre du préjudice matériel,débouter Mme [R] [P] de ses autres demandes,réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l’exposé des prétentions et moyens respectifs des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du jugement

L'organisme de sécurité sociale autrichien et la CPAM n'ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.

Sur la compétence des juridictions française et la loi applicable au litige

Malgré l'existence évidente d'un lien d'extranéité caractérisé par la résidence de la demanderesse en Autriche, la nationalité autrichienne de cette dernière et la domiciliation de la défenderesse en Espagne, les parties n'ont pas discuté la compétence des juridictions françaises et l'application de la loi française.

En application de l'article 5 3) du règlement CE n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, est compétent, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire. Les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaître du présent litige, l'accident s'étant produit sur le territoire français.

Ensuite, l'article 3 de la convention de la Haye du 4 mai 1971 relative aux accidents de la circulation routière prévoit que la loi applicable est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu. Dès lors, la loi française est applicable au présent litige.

Sur le droit à indemnisation

Le fondement légal de la demande, la loi n°85-577 du 5 juillet 1985, qui n’institue pas un régime de responsabilité mais un régime d’indemnisation basé sur l’implication d’un véhicule terrestre à moteur n’est pas contesté, un véhicule assuré par l'Olivier Asssurances étant impliqué dans l'accident.

Le principe du droit à indemnisation intégrale de Mme [R] [P] n’est pas davantage contesté.

Sur l’indemnisation du préjudice de la victime directe

Conformément aux dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

Les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Mme [R] [P] sollicite la somme de 1.120,56 euros au titre des dépenses de santé restées à charge (physiothérapie), ce qui est accepté en défense.

Il convient donc de lui accorder, au titre des dépenses de santé actuelles, la somme de :
1.120,56 euros

Les frais divers

Il s’agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d’expertise, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

* les frais de retour en taxi des urgences le jour de l'accident

Mme [R] [P] sollicite la somme de 50 euros ce qui est accepté en défense.

* les frais de déplacement pour se rendre à l'expertise

Mme [R] [P] sollicite la somme de 1.040,46 euros ce qui est accepté en défense.

* les frais de trajet pour les soins

Mme [R] [P] sollicite la somme de 374,50 euros ce qui est accepté en défense.

* les frais de médecin conseil

Mme [R] [P] sollicite la somme de 294 euros au titre des frais de médecin conseil.

L'assureur s'oppose à cette demande au motif que l'expertise du Dr [G] a été faite à la demande de la compagnie d'assurance CED France à laquelle il n'a pas été convié. Il ajoute que la facture a dû être réglée par la compagnie d'assurance et non par Mme [R] [P].

Il n'est pas contesté que le Dr [G] a été mandaté par la compagnie d'assurance CED France pour examiner Mme [R] [P] suite à l'accident. Une facture d'un montant de 294 euros a été éditée le 20 décembre 2016 au nom de cette dernière et non au nom de la compagnie d'assurance.

La dépense est imputable à l'accident et doit dès lors être prise en charge par l'assureur.

Au total, il revient à Mme [R] [P], au titre des frais divers, la somme de :

1.758,96 euros
L’assistance par tierce personne

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les frais de garde d’enfants, les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale.

En l’espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 3.150 euros au titre de l'assistance par tierce personne sur la base d'un taux horaire de 18 euros.

L'assureur propose de verser la somme de 2.800 euros sur la base d'un taux horaire de 16 euros.

Sur ce, l'expert a retenu un besoin d'assistance par tierce personne temporaire évalué comme suit :
2h par jour du 17 août 2015 au 22 octobre 2015 pour l'aide aux courses, aux activités ménagères, à la toilette et l'habillage,5h par semaine du 23 octobre 2015 au 23 décembre 2015.
Cette évaluation n'est pas contestée par les parties seul étant discuté le taux horaire à retenir.

Il sera rappelé que l’indemnité allouée au titre de l’assistance par tierce personne ne saurait être réduite en cas d’assistance par un proche de la famille de la victime.

Ainsi, s’agissant d’une aide non spécialisée sans recours à un prestataire, elle peut être évaluée à 18 euros de l’heure comme sollicité.

Par conséquent, il convient de faire droit à la demande et d’allouer à Mme [R] [P] au titre de la tierce personne temporaire, la somme de :
3.150 euros

Les pertes de gains professionnels actuels

Il s’agit du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est à dire des pertes de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu’à la date de consolidation.

Mme [R] [P] sollicite la somme de 586,62 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, ce qui est accepté en défense.

Il convient donc d'allouer à la demanderesse, au titre de la perte de gains professionnels actuels, la somme de :
586,62 euros

Les préjudices patrimoniaux permanents

L’incidence professionnelle

Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 50.000 euros au titre de l'incidence professionnelle. Elle fait valoir qu'avant l'accident, elle exerçait une profession de management et de service en restauration et que les séquelles de l'accident l'empêchent de reprendre son activité antérieure de sorte qu'elle est obligée de changer de profession.

L'assureur conclut au rejet de la demande faisant valoir que Mme [R] [P] ne lui a pas transmis de justificatifs s'agissant notamment du poste occupé depuis la consolidation et du salaire qu'elle perçoit à ce jour.

Sur ce, il convient de rappeler que Mme [R] [P] a subi, suite à l'accident, une fracture de la styloïde radiale à droite peu déplacée. Elle a été plâtrée pendant 5 semaines.

Elle conserve une raideur du poignet avec douleurs à la flexion dorsale et à la mobilisation du pouce reproduisant une circumduction, des douleurs en cas de port de charges supérieures à 4 ou 5 kilos. Elle ne peut dévisser facilement une capsule ou un couvercle et doit dès lors utiliser sa main gauche. Elle ne peut plus utiliser un deux roues, motorisé ou non en raison des douleurs à la flexion dorsale du poignet et lors des impacts transmis au poignet.

Le taux de déficit fonctionnel permanent est fixé à 7%.

Sur le plan professionnel, Mme [R] [P] a expliqué à l'expert qu'elle exerçait, avant l'accident, une profession de management et de service en restauration, ce qui n'est pas pas sérieusement discuté en défense malgré le peu de justificatifs produits.

En effet, il est seulement versé aux débats un contrat saisonnier en qualité de cuisinière à [Localité 10] du 18 juin 2015 au 29 août 2015, et les fiches de paie afférentes. Aucun autre élément n'est versé aux débats s'agissant de l'activité antérieure de Mme [R] [P] et de l'activité exercée suite à l'accident alors même qu'elle indique qu'elle exerce, depuis mai 2017, comme guide-interprète.

L'expert indique que Mme [R] [P] ne peut plus exercer son activité antérieure et doit se reclasser. Il précise toutefois qu'elle est apte à reprendre une activité professionnelle.

Le tribunal comprend que, du fait de ses séquelles au poignet, Mme [R] [P] ne peut plus travailler en qualité de cuisinière. Pour autant, pour établir l'existence d'une incidence professionnelle liée à la nécessité de changer de métier, encore faut-il démontrer qu'elle exerçait régulièrement, avant l'accident, une activité de cuisinière qui lui est désormais interdite. La production d'un contrat de saisonnier d'une durée de deux mois ne peut suffire à apporter cette preuve.

Quant à l'activité alléguée de management, outre qu'il n'est versé aucun justificatif, il ne ressort pas de l'expertise, pas plus que des conclusions de la demanderesse, que cette activité serait devenue impossible, ou plus difficile, en raison des séquelles conservées au poignet.

Dans ces conditions, faute pour Mme [R] [P] de justifier d'une incidence professionnelle, la demande formée à ce titre sera rejetée.

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 1.817,40 euros ce qui est accepté en défense.

En conséquence, il convient d’allouer à la victime, au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de :
1.817,40 euros

Les souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre. 

En l'espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 8.000 euros tandis qu'il est offert la somme de 6.000 euros.

L'expert a chiffré à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées en tenant compte des conditions du traumatisme initial et du mécanisme des faits, de la nature et la localisation des lésions occasionnées par les faits, de la journée d'hospitalisation, de l'immobilisation du membre pendant 35 jours, de la phase de réadaptation fonctionnelle, des séances de kinésithérapie, des douleurs occasionnées ayant nécessité le recours à des antalgiques, de la pratique des examens complémentaires radiologiques et tomodensitométriques.

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer à la victime, au titre des souffrances endurées, la somme de :
8.000 euros

Le préjudice esthétique temporaire

Il s’agit de l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation.

Sont considérés comme faisant partie du préjudice esthétique temporaire, l’apparence générale après les faits, les hématomes, les paralysies, cicatrices, plaies, brûlures et lésions cutanées, les troubles de la voix, de l’élocution, le port d’un fixateur externe, l'utilisation d'un fauteuil roulant, de béquilles, le port d'un plâtre, l'existence d'une boiterie, etc.

En l’espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 1.500 euros tandis qu'il est offert en défense la somme de 300 euros.

L'expert a évalué à 3 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique subi entre le 17 août 2015 et le 22 octobre 2015 du fait du port d'une attelle.

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer à la victime, au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de :
800 euros

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Il s’agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes.

Ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

En l’espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 11.480 euros ce qui est accepté par l'assureur.

Il convient donc de lui allouer, au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de :
11.480 euros

Le préjudice d’agrément

Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, suffisamment spécifique pour ne pas avoir déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel répare déjà les atteintes aux joies usuelles de la vie quotidienne incluant les loisirs communs.

La simple limitation d'une pratique sportive ou de loisirs antérieure constitue également un préjudice d'agrément indemnisable.

En l'espèce, Mme [R] [P] sollicite la somme de 10.000 euros faisant valoir qu'elle ne peut plus pratiquer la moto à titre de loisirs ni le VTT à titre sportif.

L'assureur propose de verser la somme de 1.000 euros en l'absence de tout justificatif.

Il n'est pas contesté, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise, que, du fait de ses séquelles au poignet, Mme [R] [P] ne peut plus utiliser durablement un deux-roues motorisé ni utiliser un VTT.

Pour autant, la demanderesse ne verse aux débats aucun justificatif propre à démontrer qu'elle pratiquait, avant l'accident, la moto et le VTT de manière régulière ou spécifique et le seul fait qu'elle circulait à moto le jour de l'accident ne peut suffire à considérer que cette preuve est rapportée.

Dès lors, il convient de considérer que l'offre de l'assureur est satisfactoire et il lui sera alloué, au titre du préjudice d'agrément, la somme de :
1.000 euros

****

Les sommes allouées à la victime seront versées sous déduction des provisions d’ores et déjà réglées par l’assureur, étant rappelé qu'une provision de 500 euros a été versée le 20 janvier 2016 et qu'une provision de 2.000 euros a été mise à la charge de l'assureur par ordonnance de référés du 22 mai 2018.

Sur le doublement de l’intérêt légal

Aux termes de l'article 1231-7 du Code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

Néanmoins, l’article L.211-13 du Code des assurances dispose que lorsque l’offre d'indemnité formulée par l'assureur n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

A cet égard, il est constant qu’est assimilée à l’absence d’offre celle qui est incomplète comme ne comprenant pas tous les éléments indemnisables du préjudice au sens de l'article R.211-40, ou celle qui revêt un caractère dérisoire.

L’article L.211-9 du même code impose, en effet, à l’assureur de responsabilité civile, lorsque la responsabilité n’est pas contestée et lorsque le dommage est entièrement quantifié, de faire une offre d’indemnité à la victime dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Dans les autres hypothèses, l’assureur doit dans le même délai donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Il est également prévu qu’une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident, cette offre pouvant avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. Dans cette dernière hypothèse, l’offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

En l’espèce, Mme [R] [P] sollicite l'application de la sanction du doublement des intérêts à compter du 16 novembre 2015 et subsidiairement à compter du 12 septembre 2019 sur l'intégralité de la créance comprenant celle de l'organisme social.

L'assureur conclut au rejet de la demande faisant valoir qu'une offre a été adressée à la victime en 2019, que suite à la contre-offre formulée en novembre 2020, des justificatifs lui ont été demandés, en vain et qu'enfin, qu'aucune offre n'a été envoyée en Australie comme le prétend la victime.

Sur ce, l'accident est survenu le 16 août 2015 de sorte que l'assureur disposait jusqu'au 16 novembre 2015 pour formuler une offre d'indemnisation provisionnelle, en l'absence d'acquisition de la consolidation, ce qu'il ne démontre pas avoir fait. Le versement d'une provision de 500 euros, hors délai puisqu'intervenu le 20 janvier 2016 et au surplus d'un montant dérisoire, n'est pas équivalent à l'envoi d'une offre provisionnelle. La sanction du doublement de l'intérêt au taux légal est donc encourue à compter du 17 novembre 2015.

Le rapport de l'expert, fixant la date de consolidation, a été déposé le 12 avril 2019. L'assureur disposait donc d'un délai jusqu'au 12 septembre 2019 pour présenter son offre définitive, ce qu'il ne démontre pas avoir fait, seuls étant versés aux débats deux courriers de relance desquels il se comprend que l'offre définitive, dont le détail et le montant ne sont pas produits, a été faite le 17 décembre 2019, soit hors délai.

En cas d’offre d’indemnisation de l’assureur, l’assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l’assureur, de sorte que la sanction prévue à l’article L.211-13 du Code des assurances a pour assiette l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées. En l’absence d’offre ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’assiette des intérêts majorés porte sur les sommes allouées par le juge avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

Aux termes de ses premières conclusions, signifiées par RPVA le 25 novembre 2022, l'assureur a offert de verser une somme de 26.069,54 euros.

Eu égard aux sommes allouées par le présent jugement, à hauteur de 29.713,54 euros, il doit être considéré que cette offre n'est pas manifestement suffisante de sorte que la sanction du doublement prendra fin le 25 novembre 2022 et portera sur la somme de 26.069,54 euros offerte par l'assureur. Faute pour la demanderesse de produire les débours de son organisme social, l'assiette de la sanction sera limitée à cette somme.

La capitalisation annuelle des intérêts, de droit lorsqu’elle est sollicitée, sera accordée à compter de l'assignation.

Sur le préjudice matériel

Mme [R] [P] réclame la somme de 1.197,32 euros au titre de son préjudice matériel et plus particulièrement du casque, du pantalon de moto, du top case et de son Iphone. Elle précise qu'elle n'a été indemnisée que pour la moto et la privation de jouissance.

L'assureur conclut au rejet de la demande et subsidiairement sollicite que soit appliqué un coefficient de vétusté de 50%.

Il est justifié d'une facture, datée du 14 mai 2013, soit plus de deux ans avant l'accident, pour l'achat d'un casque d'un montant de 220 euros, d'un pantalon d'un montant de 130 euros et d'un top case d'un montant de 150 euros.

Il n'est pas contesté par l'assureur que ces éléments ont pu être dégradés lors de l'accident.

L'assureur ne verse aux débats aucun élément permettant de considérer que ces éléments auraient perdu 50% de leur valeur en deux ans. Néanmoins, et alors que le principe de réparation intégrale suppose d'indemniser la victime sans perte ni profit, il ne peut lui être alloué le remboursement à neuf du matériel abîmé. Dans ces conditions, il y a lieu d'appliquer un coefficient de vétusté de 30%.

Il est ensuite produit une facture, daté du 4 février 2014, d'un Iphone pour un montant de 697,32 euros. Alors que l'assureur indique qu'il n'est pas démontré que la victime détenait ce téléphone lors de l'accident, force est de constater que Mme [R] [P] n'apporte aucun élément permettant d'établir que tel était le cas et que le dit téléphone aurait été dégradé lors de l'accident. La demande formée à ce titre sera donc nécessairement rejetée.

Au final, il sera alloué à Mme [R] [P], au titre du préjudice matériel, la somme de (500 euros – 500 euros x 30%) = 350 euros.

Sur la demande de jugement commun et opposable

La demande est dépourvue d'intérêt dès lors que la CPAM et l'organisme social autrichien sont parties à l'instance et que le jugement leur est réputé contradictoire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

L'assureur, qui succombe, supportera la charge des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 905,50 euros et les frais de traduction d'un montant de 474 euros dont il est justifié.

L’équité commande d’allouer à Mme [R] [P] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Dit que les juridictions françaises sont compétente pour connaître du litige et que la loi française est applicable,

Condamne la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à payer à Mme [R] [P] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 16 août 2015 :
- 1.120,56 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 1.758,96 euros au titre des frais divers
- 3.150 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire
- 586,62 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
- 1.817,40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 8.000 euros au titre des souffrances endurées
- 800 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 11.480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 1.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

Dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées,

Condamne la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à payer à Mme [R] [P] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 26.069,54 euros à compter du 17 novembre 2015 et jusqu’au 25 novembre 2022, et dit que les intérêts ainsi dus se capitaliseront par année entière depuis l'assignation,

Condamne la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à payer à Mme [R] [P] la somme de 350 euros au titre de son préjudice matériel,

Déboute Mme [R] [P] de sa demande au titre de l'incidence professionnelle et du surplus de ses demandes,

Condamne la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d'un montant de 905,50 euros et les frais de traduction d'un montant de 474 euros,

Condamne la société de droit étranger Admiral Intermediary Services exerçant sous l'enseigne commerciale L'Olivier Assurances à payer à Mme [R] [P] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/03431
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;22.03431 ?
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