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04/06/2024 | FRANCE | N°21/06760

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 04 juin 2024, 21/06760


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 21/06760 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VWCP


JUGEMENT DU 04 JUIN 2024



DEMANDERESSE :

S.A. SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°552120222, agissant par ses représentants légaux.
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEURS :

SCI FAMILLE DU NORD, immatriculée au RCS de LILLE sous le n°498 899 160, ayant pour dernier gérant connu Monsieur [T] [B].
[Adresse 3]
[Localité 6]<

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M. [T] [B]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

Mme [Z] [E]
[Adresse ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 21/06760 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VWCP

JUGEMENT DU 04 JUIN 2024

DEMANDERESSE :

S.A. SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°552120222, agissant par ses représentants légaux.
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Benoît DE BERNY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

SCI FAMILLE DU NORD, immatriculée au RCS de LILLE sous le n°498 899 160, ayant pour dernier gérant connu Monsieur [T] [B].
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

M. [T] [B]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

Mme [Z] [E]
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Maureen DE LA MALENE, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 09 Février 2024 ;

A l’audience publique du 02 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 04 Juin 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 04 Juin 2024, et signé par Maureen DE LA MALENE, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [B] et Mme [Z] [E] sont associés de la SCI Famille du Nord qu'ils ont créée le 15 juin 2007.

La Société Générale a consenti à cette dernière trois prêts immobiliers destinés à l'acquisition de deux immeubles :

- un prêt destiné à l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 13], d'un montant de 80.000 euros, remboursable en 324 mensualités au taux de 4,91 % par acte sous seing privé en date du 7 août 2007 (ci-après prêt n°1), accompagné d'un cautionnement solidaire à hauteur de 120.000 euros signé par M. [T] [B] et Mme [Z] [E] le 22 août 2007 ;

- un prêt destiné à l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 12], d'un montant de 72.970 euros, remboursable en 312 mensualités au taux de 4,91 % par acte sous seing privé en date du 6 septembre 2007 (ci-après prêt n°2), accompagné d'un cautionnement solidaire à hauteur de 109.455 euros signé par M. [T] [B] et Mme [Z] [E] le 5 septembre 2007 ;

- un prêt destiné aux travaux de l'immeuble susvisé de [Localité 12], d'un montant de 27.030 euros, remboursable en 204 mensualités au taux de 4,71 % par acte sous seing privé en date du 6 septembre 2007 (ci-après prêt n°3), accompagné d'un cautionnement solidaire à hauteur de 40.545 euros signé par M. [T] [B] et Mme [Z] [E] le 5 septembre 2007.

Prêt n°1

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a mis en demeure la SCI Famille du Nord de régler la somme de 16.199,02 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a informé M. [T] [B] et Mme [Z] [E] des impayés.

Sans retour, elle a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 août 2021, mis en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler la somme de 16.751,33 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

La SCI Famille du Nord n'a procédé à aucun versement.

La Société Générale a prononcé la déchéance du terme du prêt et l'a mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2021, de lui régler la somme de 77.773,20 euros correspondant aux échéances impayées et au capital restant dû.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2021, la Société Générale a mis en demeure M. [T] [B] et Mme [Z] [E] de régler la somme de 77.773,20 euros en leur qualité de caution.

Prêt n°2

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a mis en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler la somme de 13.201,73 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a informé M. [T] [B] et Mme [Z] [E] des impayés, en leur qualité de caution.

Sans retour, elle a mis en demeure la SCI Famille du Nord, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 août 2021, de lui régler la somme de 13.717,39 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

La SCI Famille du Nord n'a procédé à aucun versement.

La Société Générale a donc prononcé la déchéance du terme du prêt et, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2021, l'a mise en demeure de lui régler la somme de 67.074,64 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 2021, la Société Générale a mis en demeure les cautions de lui régler la somme de 67.074,64 euros.

Prêt n°3

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a mis en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler la somme de 4.834,61 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021, la Société Générale a informé M. [T] [B] et Mme [Z] [E] des impayés en leur qualité de caution.

Sans retour, la Société Générale a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 août 2021, mis en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler la somme de 5.073,24 euros au titre des échéances impayées dans un délai de 8 jours à compter de sa réception.

La SCI Famille du Nord n'a procédé à aucun versement.

La Société Générale a prononcé la déchéance du terme du prêt et, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2021, l'a mise en demeure de lui régler la somme de 14.006,16 euros.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 24 septembre 2021, la Société Générale a mis en demeure les cautions de lui régler la somme de 14.006,16 euros.

* * *

Par actes d'huissier en date du 8 novembre 2021, la Société Générale a assigné en remboursement des trois prêts la SCI Famille du Nord ainsi que M. [T] [B] et Mme [Z] [E] devant le tribunal judiciaire de Lille.

Par actes de commissaire de justice en date du 15 mars 2023, la Société Générale a à nouveau assigné en remboursement des trois prêts la SCI Famille du Nord et Mme [Z] [E] devant le tribunal judiciaire de Lille.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction suivant ordonnance du juge de la mise en état du 2 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023 à M. [T] [B] et par voie d'huissier aux parties non constituées le 4 décembre 2023, la Société Générale demande au tribunal de :
S'agissant du prêt de 80.000 euros,
- condamner solidairement ou in solidum la SCI Famille du Nord, Monsieur [T] [B] et Mme [Z] [E] à lui payer la somme de 77.951,64 euros avec les intérêts au taux de 3,60 % l'an à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2021
S'agissant du prêt de 72.900 euros,
- condamner solidairement ou in solidum la SCI Famille du Nord, Monsieur [T] [B] et Mme [Z] [E] à lui payer la somme de 67.284.47 euros avec les intérêts au taux de 4.91 % l'an à compter du 23 septembre 2021 ;
S'agissant du prêt de 27.030 euros,
- condamner solidairement ou in solidum la SCI Famille du Nord, Monsieur [T] [B] et Mme [Z] [E] à lui payer la somme de 14.048.33 euros avec les intérêts au taux de 4.71 % l'an à compter du 23 septembre 2021 ;
S'agissant des accessoires,
- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour l'année ;
- les condamner solidairement ou in solidum à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'exécution provisoire ;
- les condamner solidairement ou in solidum aux frais et dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2024 à la demanderesse et par voie d'huissier le 8 février 2024 aux parties non constituées, M. [T] [B] demande au tribunal, au visa des articles 1231-1 et 2300 du code civil, de :
- constater, dire et juger que les engagements de caution qu'il a souscrits auprès de la Société Générale sont disproportionnés ;
- réduire à néant lesdits cautionnements ;
A titre subsidiaire,
- dire que la Société Générale a manqué à son obligation de mise en garde engageant ainsi sa responsabilité contractuelle et la condamner en conséquence à lui payer la somme de 159.284,44 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier et moral subis ;
- ordonner la compensation entre les sommes dues par chacune des parties ;
A titre infiniment subsidiaire,
- lui accorder les plus larges délais de paiement compte tenu de sa situation financière ;
- dire que ses paiements s'imputeront en priorité sur le capital ;
- dire n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ni à exécution provisoire ;
- condamner la Société Générale au paiement d'une somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 37 de la loi de 1991 et de l'article 700 2° du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Cindy Dubrulle ;
- condamner la Société Générale aux entiers frais et dépens ;
- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La SCI Famille du Nord et Mme [Z] [E] n'ont pas constitué avocat.

Par conséquent, il sera statué par jugement réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 février 2024 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 2 avril 2024.

La décision a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.?Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT FORMEE PAR L'ORGANISME BANCAIRE

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

I. A l'encontre de la SCI Famille du Nord :

Sur le principal et les intérêts :

Il résulte de l'article 11 " exigibilité anticipée - défaillance de l'emprunteur " des conditions générales applicables aux trois prêts litigieux des 7 août et 6 septembre 2007 qu'en cas notamment de " non-paiement à son échéance, d'une mensualité ou de toute somme dues à la Société Générale ", celle-ci " pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû ", à charge pour elle de notifier " à l'emprunteur (…) et à la caution, par lettre recommandée avec AR qu'elle se prévaut de la présente clause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt ".

Par ailleurs, l'alinéa suivant stipule que " toutes sommes dues au titre du prêt, y compris en cas d'exigibilité anticipée, porteront du jour de leur exigibilité normale ou anticipée et jusqu'à complet paiement, intérêts, sans mise en demeure préalable, au taux stipulé dans les conditions particulières ".

En l'espèce, la Société Générale produit aux débats les lettres recommandées avec accusé de réception des 16 juillet et 10 août 2021, aux termes desquelles elle met en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler les échéances impayées au risque de rendre le capital du prêt de 80.000 euros exigible, ainsi que la lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2021 par laquelle elle prononce la déchéance du terme du prêt et met en demeure l'emprunteuse de lui régler la somme de 77.773,20 euros correspondant aux échéances impayées et au capital restant dû.

La Société Générale produit également aux débats les lettres recommandées avec accusé de réception des 16 juillet et 10 août 2021, aux termes desquelles elle met en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler les échéances impayées au risque de rendre le capital du prêt de 72.970 euros exigible, ainsi que la lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2021 par laquelle elle prononce la déchéance du terme du prêt et met en demeure l'emprunteuse de lui régler la somme de 67.074,64 euros correspondant aux échéances impayées et au capital restant dû.

Enfin, la banque produit aux débats les lettres recommandées avec accusé de réception des 16 juillet et 10 août 2021, aux termes desquelles elle met en demeure la SCI Famille du Nord de lui régler les échéances impayées au risque de rendre le capital du prêt de 27.030 euros exigible, ainsi que la lettre recommandée avec accusé de réception du 23 septembre 2021 par laquelle elle prononce la déchéance du terme du prêt et met en demeure l'emprunteuse de lui régler la somme de 14.006,16 euros correspondant aux échéances impayées et au capital restant dû.

Aussi, en l'absence de régularisation par la SCI Famille du Nord, la Société Générale était bien-fondée à prononcer la déchéance du terme de ces trois prêts.

A la lecture des trois décomptes des sommes dues au 18 octobre 2021 produits aux débats, les créances de la Société Générale se décomposent comme suit :
-77.951,64 euros au titre du prêt n°1,
-67.284,47 euros au titre du prêt n°2,
-et 14.048,33 euros au titre du prêt n°2.

Par conséquent, la SCI Famille du Nord sera condamnée à payer à la Société Générale
-la somme de 77.951,64 euros au titre du prêt n°1 avec intérêt au taux de 3,60 %, correspondant au taux sollicité par la banque dans son dispositif, à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement,
-la somme de 67.284,47 euros au titre du prêt n°2 avec intérêt au taux de 4,91 % à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement,
-et la somme de 14.048,33 euros au titre du prêt n°3 avec intérêt au taux de 4,71 % à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement.

Sur la capitalisation des intérêts :

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Toutefois, l'article L.312-23 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige (devenu L.313-52) déroge à ce principe en prévoyant que les intérêts échus ne peuvent produire d'intérêt lorsque la déchéance du terme est prononcée dans le cadre d'un crédit immobilier soumis au droit de la consommation.

Aussi, la demande en capitalisation des intérêts formulée par la demanderesse sera rejetée.

II. A l'encontre des cautions :

Conformément à l'article 37 de l'ordonnance du 15 septembre 2021 réformant le droit du cautionnement, les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeurent soumis à la loi ancienne.

En l'espèce, les trois contrats de cautionnement ont été conclus les 22 août et 5 septembre 2007 entre les parties, de sorte qu'il convient d'appliquer le droit antérieur à la réforme.

Sur la régularité des cautionnements :

A.Sur la proportionnalité des cautionnements :

M. [T] [B] soutient que les engagements de cautionnement qu'il a souscrits sont disproportionnés si bien qu'il y a lieu de faire application du nouvel article 2300 du code civil et qu'ils ne peuvent donc pas lui être opposés. Il souligne que :
-l'organisme bancaire ne produit pas la fiche de renseignement reprenant ses revenus et ses charges afin de s'assurer que le cautionnement souscrit n'était pas disproportionné au moment de la souscription des prêts et des actes de cautionnement ;
-il a souscrit cinq actes de cautionnement simultanément (puisqu'il s'était également porté caution de deux prêts contractés par une autre de ses SCI, dénommée la SCI Constellation) et que cela aurait dû alerter l'organisme bancaire ;
-au jour de la souscription des actes de cautionnement, il était endetté à hauteur de 102,7%.

L'organisme bancaire défend la régularité du cautionnement des trois prêts litigieux aux motifs que M. [T] [B] disposait, au moment de la souscription de la caution, d'un patrimoine immobilier et financier lui permettant de satisfaire ses engagements. Au surplus, la Société Générale indique que Mme [Z] [E], caution solidaire, dispose également d'un patrimoine suffisant et proportionné aux cautionnements. Elle ajoute que M. [T] [B] n'était pas un profane et qu'il était donc conscient des engagements qu'il souscrivait.

Pour rappel, le nouvel article 2300 du code civil argué par le défendeur ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, les contrats de cautionnement datant de 2007.

L'article L.332-1 du code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution de prouver que son engagement était excessif au moment où elle s'est engagée.

Le créancier a toutefois le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution avant la souscription du cautionnement, par la fourniture notamment d'une fiche de renseignements à remplir par celle-ci.

Aussi, en l'absence de fiche de renseignements fournie par le créancier, la caution garde la possibilité, qu'elle perd seulement en cas de fiche remise et dûment remplie, d'invoquer la disproportion de son engagement au regard, notamment, des cautionnements antérieurs non déclarés.

Cette disproportion doit être manifeste, c'est-à-dire lorsque la caution se trouve dans l'impossibilité évidente de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. A ces fins, il convient de mettre en rapport d'une part l'endettement de la caution, y compris résultant de précédents cautionnements, et d'autre part, l'importance de ses biens et revenus.

En l'espèce, la Société Générale ne produit pas de fiche de renseignements concernant la situation de M. [T] [B] au moment de la souscription de l'acte de cautionnement.

Aussi, en l'absence de telles déclarations, il appartient au tribunal de retenir l'ensemble des dettes, charges, biens et revenus dont M. [T] [B] établit l'existence pour apprécier la réalité d'une éventuelle disproportion de son engagement au sens de l'article L.332-1 du code de la consommation.

Le défendeur se prévaut de l'existence de plusieurs prêts immobiliers, lesquels l'auraient placé dans une situation financière instable au moment de la souscription du cautionnement des trois prêts litigieux.

Il produit ainsi :
-un prêt immobilier contracté auprès de la Société Générale par acte sous seing privé en date du 10 juin 2006, pour un montant de 78.000 euros en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 8], lequel est accompagné d'un acte de cautionnement du Crédit Logement ;
-un prêt immobilier contracté auprès de la Société Générale par acte sous seing privé en date du 7 octobre 2005, pour un montant de 108.000 euros en vue de l'acquisition d'un appartement situé à [Localité 11] ;
-un prêt immobilier contracté auprès du Crédit Agricole Nord de France par acte sous seing privé en date du 26 août 2005, pour un montant de 92.000 euros en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Localité 10], lequel est accompagné d'un acte de cautionnement de CAMCA Assurance ;
-un prêt immobilier contracté par lui et Mme [Z] [E], auprès de la Société Générale par acte sous seing privé en date du 18 août 2007, pour un montant de 112.500 euros en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Localité 9], lequel est accompagné d'un acte de cautionnement personnel en date du 19 août 2007 et par lequel M. [T] [B] et Mme [Z] [E] sont solidairement engagés à hauteur de 168.750 euros. S'ajoute également un acte de cautionnement du Crédit Logement en date du 19 août 2007 ;
-un prêt immobilier contracté auprès de la Société Générale par acte sous seing privé en date du 6 août 2007, pour un montant de 51.500 euros en vue de l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Localité 9], lequel est accompagné d'un acte de cautionnement personnel en date du 19 août 2007 et par lequel M. [T] [B] et Mme [Z] [E] sont solidairement engagés à hauteur de 77.250 euros. S'ajoute également un acte de cautionnement du Crédit Logement en date du 19 août 2007.

Il ressort de ces éléments que M. [T] [B] justifie donc avoir simultanément souscrit, en son nom personnel ou dans le cadre de ses SCI, quatre prêts auprès de la Société Générale et ce, antérieurement à la souscription des cautionnements qui fondent les demandes formulées dans la cadre de la présente instance. Il s'est d'ailleurs personnellement porté caution pour au moins deux d'entre eux.

Au surplus, M. [T] [B] verse aux débats les bulletins de salaires qu'il a perçus entre janvier et juin 2007, et sur lesquels il est constaté que le salaire varie selon les mensualités, entre 1.622,15 euros pour le mois de juin 2007 et 5.506,31 euros pour le mois d'avril 2007.

Toutefois, M. [T] [B] ne justifie pas de l'ensemble de ses revenus sur les années 2006 et 2007 et ne démontre donc pas la disproportion des engagements de caution qu'il a souscrits. En effet, bien qu'ils produisent deux tableaux dans lesquels il met en évidence ses revenus, ses charges et son pourcentage d'endettement, il n'en demeure pas moins que ces éléments sont purement déclaratifs et ne peuvent donc pas être objectivement vérifiés. Notamment, il ne produit pas aux débats ses déclarations sur les revenus professionnels ou locatifs ou ses impôts fonciers de cette période-là, alors même que le tribunal relève que M. [T] [B] les produit à compter de 2014 pour justifier la perte de ses revenus.

En considération de l'ensemble de ces éléments, M. [T] [B], n'établit pas qu'au moment de la souscription des cautionnements les 22 août et 5 septembre 2007, il était dans l'impossibilité évidente de faire face à ses engagements de caution avec ses biens et ses revenus.

Il en va de même pour Mme [Z] [E], non constituée, qui s'est portée solidairement caution des mêmes prêts.

B.Sur la responsabilité de la banque pour défaut de mise en garde et manquement à son obligation d'information et de conseil :

M. [T] [B] soutient que l'organisme bancaire n'a pas rempli son obligation d'information et de conseil. Il argue notamment que les prêts souscrits étaient risqués au regard de sa situation financière et que les demandes en paiement lui causent aujourd'hui un préjudice.
A ce titre, il entend demander au tribunal la condamnation de la Société Générale à lui payer la somme de 159.284,44 euros.

La Société Générale met en avant la qualité de professionnel de M. [T] [B] pour indiquer qu'il ne pouvait ignorer les conséquences de ses engagements.

Il est constant que l'organisme bancaire peut engager sa responsabilité s'il a manqué à son devoir de mise en garde, qui consiste notamment à alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement.

Toutefois, si la caution dispose des compétences nécessaires et suffisantes pour évaluer les risques sur les concours consentis, l'établissement bancaire est dégagé de son obligation de mise en garde, sauf à démontrer pour la caution que la banque disposait d'informations qu'elle même aurait ignorées concernant sa situation financière.

En l'espèce, M. [T] [B] a créé deux SCI destinées à financer des acquisitions immobilières et a simultanément souscrit, en son nom personnel ou dans le cadre de ses SCI, quatre prêts immobiliers auprès de la Société Générale et ce, antérieurement à la souscription des prêts qui fondent les demandes formulées dans la cadre de la présente instance. Il a également souscrit un autre prêt auprès du Crédit Agricole Nord de France. L'acquisition des biens immobiliers est manifestement destinée à leur mise en location. Ces éléments, mis en lien avec son activité de manager au sein d'une agence immobilière au moment de la souscription des cautionnements, témoignent de son expertise et de son expérience s'agissant des investissements immobiliers.

M. [T] [B] était donc manifestement averti des risques des investissements qu'il réalisait, de sorte que la banque ne peut engager sa responsabilité au titre d'un manquement de son devoir de mise en garde.

Sur les sommes dues par les cautions :

A.Sur le principal et les intérêts :

En l'espèce, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] se sont portés cautions solidaires :
- à hauteur de 120.000 euros le 22 août 2007 s'agissant du prêt n°1 destiné à l'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] d'un montant de 80.000 euros,
- à hauteur de 109.455 euros le 5 septembre 2007 s'agissant du prêt n°2 destiné à l'acquisition de l'immeuble de [Localité 12] d'un montant de 72.970 euros,
- et à hauteur de 40.545 euros le 5 septembre 2007 s'agissant du prêt n°3 destiné aux travaux de l'immeuble de [Localité 12] d'un montant de 27.030 euros.

La Société Générale produit notamment à l'appui de sa demande en paiement :
- les trois contrats de prêts,
- les trois contrats de cautionnement,
- les lettres recommandées avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021 aux termes desquelles la banque informe les cautions des impayés de la SCI Famille du Nord s'agissant des trois prêts,
- et les lettres recommandées avec accusé de réception en date des 23 et 24 septembre 2021, aux termes desquelles la banque met en demeure M. [T] [B] et Mme [Z] [E] de régler le capital restant dû des trois prêts litigieux en leur qualité de caution.

Ainsi, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] seront solidairement condamnés avec la SCI Famille du Nord à payer à la Société Générale :
-la somme de 77.951,64 euros au titre du prêt n°1 avec intérêt au taux de 3,60 %, correspondant au taux sollicité par la banque dans son dispositif, à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement,
-la somme de 67.284,47 euros au titre du prêt n°2 avec intérêt au taux de 4,91 % à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement,
-et la somme de 14.048,33 euros au titre du prêt n°3 avec intérêt au taux de 4,71 % à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement.

B.Sur la capitalisation des intérêts :

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Toutefois, l'article L.312-23 du code de la consommation déroge à ce principe en prévoyant que les intérêts échus ne peuvent produire d'intérêt lorsque la déchéance du terme est prononcée dans le cadre d'un crédit immobilier soumis au droit de la consommation.

Il est désormais constant que ce principe d'interdiction de la capitalisation des intérêts issus des règles du droit de la consommation concerne également les recours du prêteur contre les cautions.

Aussi, la demande en capitalisation des intérêts formulée par la Société Générale sera rejetée.

SUR LA DEMANDE DE DELAIS DE PAIEMENT FORMEE PAR LA CAUTION

Compte-tenu de sa situation financière actuelle, M. [T] [B] demande au tribunal que soit mis en place des délais de paiement en vue du remboursement des sommes dues à la Société Générale.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

En l'espèce, M. [T] [B] fait valoir qu'il est désormais micro-entrepreneur et est hébergé chez Mme [Z] [E]. Il ne formule toutefois aucune offre de paiement précise, et ne fait pas état de circonstances particulières permettant d'envisager un paiement du solde à l'issue du délai de deux ans.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de rejeter sa demande de délais de paiement.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens seront mis in solidum à la charge de la SCI Famille du Nord, de M. [T] [B] et de Mme [Z] [E] qui succombent.

Par ailleurs, l'équité commande de condamner in solidum la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] à verser à la Société Générale la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il convient de rappeler que l'exécution provisoire est de droit, par application de l'article 514 du code de procédure civile, s'agissant d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE solidairement la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] à payer à la Société Générale la somme de 77.951,64 euros outre intérêts au taux de 3,60% à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°1 de 80.000 euros ;

CONDAMNE solidairement la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] à payer à la Société Générale la somme de 67.284,47 euros outre intérêts au taux de 4,91% à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°2 de 72.970 euros ;

CONDAMNE solidairement la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] à payer à la Société Générale la somme de 14.048,33 euros outre intérêts au taux de 4,71% à compter du 23 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°3 de 27.030 euros ;

DÉBOUTE la Société Générale de sa demande de capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE M. [T] [B] de l'ensemble de ses demandes et notamment de sa demande de délais de paiement ;

CONDAMNE in solidum la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] à payer à la Société Générale la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SCI Famille du Nord, M. [T] [B] et Mme [Z] [E] aux dépens ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEMaureen DE LA MALENE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 21/06760
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;21.06760 ?
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