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03/06/2024 | FRANCE | N°23/10366

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 03 juin 2024, 23/10366


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 23/10366
N° Portalis DBZS-W-B7H-XWYL

N° de Minute : L 24/00368

JUGEMENT

DU : 03 Juin 2024





S.A. COFIDIS


C/

[C] [H] [E]
[V] [O] [S] épouse [H] [E]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 03 Juin 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.A. COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]


représentée par Me Francis DEFFR

ENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [C] [H] [E], demeurant [Adresse 3]


Mme [V] [O] [S] épouse [H] [E], demeurant [Adresse 3]

non comparants




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/10366
N° Portalis DBZS-W-B7H-XWYL

N° de Minute : L 24/00368

JUGEMENT

DU : 03 Juin 2024

S.A. COFIDIS

C/

[C] [H] [E]
[V] [O] [S] épouse [H] [E]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 03 Juin 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [C] [H] [E], demeurant [Adresse 3]

Mme [V] [O] [S] épouse [H] [E], demeurant [Adresse 3]

non comparants

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 25 Mars 2024

Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 03 Juin 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

EXPOSÉ DES FAITS

Suivant offre de contrat acceptée le 24 mars 2018, la société anonyme COFIDIS a consenti à M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] un crédit à la consommation sous la forme d’un regroupement de crédits d’un montant de 22 000 euros, remboursable en 120 mensualités de 240,72 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 5,68 % et un taux annuel effectif global de 5,66 %.

Suivant une seconde offre de prêt acceptée le 10 mars 2020, la société COFIDIS a consenti à M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] un nouveau crédit à la consommation sous la forme d’un prêt personnel d’un montant de 8 000 euros remboursable en 72 échéances d’un montant de 130,89 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 5,55% et un taux annuel effectif global de 5,69%.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société COFIDIS a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2022, mis en demeure M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.

Par actes de commissaire de justice du 9 septembre 2023, la société COFIDIS a ensuite fait assigner M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :
A titre principal :
17 187,53 euros au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 24 mars 2018, outre intérêts au taux contractuel de 5,68 % à compter du 19 janvier 2023,
6 696,63 euros au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 10 mars 2929, outre intérêt au taux contractuel de 5,55% à compter du 19 janvier 2023,
Subsidiairement :
22 000 euros au titre de la résolution du contrat de crédit souscrit le 24 mars 2018, déduction faite des règlements intervenus,
8 000 euros, au titre de la résolution du contrat de crédit souscrit le 10 mars 2020, déduction faite des règlements intervenus,
2 000 euros au titre de l’article 1231-1 du code civil,
Très subsidiairement :
Au paiement des mensualités échues impayées pour les crédits du 24 mars 2018 et du 10 mars 2020 ;
En tout état de cause :
1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 25 mars 2024, lors de laquelle le juge des contentieux de la protection a relevé d'office les moyens pris de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La société COFIDIS, représentée par son avocat, s'en est rapportée aux demandes contenues dans l’assignation.

Régulièrement assignés, après notification de l’assignation à personne le 2 novembre 2023, conformément aux dispositions des articles 684 et suivants du code de procédure civile, M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] n’ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.

L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l'espèce, d'appliquer d’office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur lors de la conclusion des contrats, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

I. Sur la demande en paiement du solde du prêt
 
- Sur la recevabilité de l’action
 
Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que le délai de forclusion est une fin de non-recevoir. Par application de l’article 125 du même code, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.
En application des dispositions de l'article R.312-35, les actions engagées au titre d’un crédit à la consommation doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
Les dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation étant d’ordre public, la forclusion doit être soulevée d’office.
En l'espèce, il ressort des deux historiques de comptes produits par l’établissement de crédit concernant le contrat conclu le 24 mars 2018 (pièce n°4) ainsi que le contrat souscrit le 10 mars 2020 (pièce n°12), que les premiers incidents de paiement non régularisés pour les deux crédits datent du 11 mars 2022.
Par conséquent, l’action en paiement du solde des deux crédits, introduite par assignation du 9 septembre 2023, soit moins de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé, est recevable. 

- Sur la déchéance du terme
 Aux termes de l'article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. 
La société COFIDIS justifie avoir adressé à M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] le 1er octobre 2022 un courrier recommandé aux termes duquel elle les mis en demeure de lui régler les échéances impayées d'un montant de 2 616,04 euros pour le crédit souscrit le 24 mars 2018 et la somme de 1 363,50 euros pour le crédit souscrit le 20 mars 2020 dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.
Il résulte des pièces produites au débat et notamment de l’historique des règlements et du détail de la créance qu'aucun règlement n'est intervenu dans le délai imparti, de sorte que la déchéance du terme du contrat est valablement intervenue pour les deux crédits le 17 octobre 2022.
 
- Sur le montant de la créance 

L’article L.312-12 du code de la consommation exige du prêteur ou de l'intermédiaire de crédit qu'il donne à l'emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, par écrit ou sur un autre support durable dont le contenu et la présentation sont définis par les articles R.312-2 et suivants, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

L’article L.341-1 du code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L.312-12 est déchu du droit aux intérêts.

Il appartient à la banque d’apporter la preuve de ce qu’elle a satisfait aux obligations qui lui incombent par application des dispositions du code de la consommation. La production par la banque de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisée, sans la signature ou les initiales de l’emprunteur, ne permet pas de venir corroborer la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne.

En l’espèce, le crédit souscrit le 24 mars 2018 contient une clause intitulée « acceptation de l’offre du contrat » par laquelle les emprunteurs attestent avoir reçu et conservé la fiche d’information précontractuelle. De même, le contrat signé le 10 mars 2020 contient une clause type selon laquelle les emprunteurs déclarent avoir reçu pris connaissance et conservé un exemplaire de la fiche d’information. Ces clauses constituent seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. Toutefois, la société COFIDIS produit seulement une copie des fiches d’informations pré-contractuelles européennes normalisées afférentes au contrat du 24 mars 2018 et au contrat du 10 mars 2020, fiches qui ne comportent ni la signature ni le paraphe des emprunteurs. Ces documents, qui émanent de la seule banque et ne peuvent utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt, ne permettent pas d’établir que la banque a respecté les exigences de l’article L.312-12 du code de la consommation.

En l'absence de production par la demanderesse d'autre élément susceptible d'apporter cette preuve, il convient donc de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts depuis l'origine sur ce fondement.

Conformément à l'article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.

Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

En l’espèce, le taux d’intérêt prévu par les contrats est de 5,68% et de 5,66%, alors que le taux d’intérêt légal est fixé à 5,07% au premier semestre 2024. Au regard de la nécessité que les sanctions soient dissuasives, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l'encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.

Il convient, en conséquence, d'écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

Pour le contrat de crédit souscrit le 24 mars 2018, les emprunteurs seront condamnés solidairement à verser à la banque la somme de 8 052,72 euros, correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] (22 000 euros) et celui, justifié et non contesté, des règlements effectués par ces derniers (13 947,28 euros correspondant à 44 mensualités de 305,62 euros et une mensualité de 500 euros).

Pour le contrat de crédit souscrit le 20 mars 2020, les emprunteurs seront condamnés solidairement à rembourser à la banque la somme de 4 256,25 euros correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] (8 000 euros) et celui, justifié et non contesté, des règlements effectués par ces derniers (3 743,75 euros)

II. Sur les autres demandes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E], qui succombent à l'instance, seront solidairement condamnés aux dépens.

En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Selon l’article 514-1 du même code, le juge peut néanmoins écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, compte tenu du montant et de l'ancienneté de la dette et de l'absence totale de reprise du paiement des mensualités de crédit depuis l'assignation, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable l’action de la société anonyme COFIDIS ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société anonyme COFIDIS au titre du crédit souscrit le 24 mars 2018 par M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E],

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société anonyme COFIDIS au titre du crédit souscrit le 10 mars 2020 par M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E],

ÉCARTE l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L.313-3 du code monétaire et financier,

CONDAMNE solidairement M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 8 052,72 euros, à titre de restitution des sommes versées en application du contrat souscrit le 24 mars 2018,

CONDAMNE solidairement M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] à payer à la société anonyme COFIDIS la somme de 4 256,25 euros, à titre de restitution des sommes versées en application du contrat souscrit le 20 mars 2020,

DIT que ces sommes ne produiront pas d'intérêt, même au taux légal,

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [C] [H] [E] et Mme [V] [H] [E] aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Ainsi signé par la juge et la greffière susnommées et mis à disposition des parties le 3 juin 2024.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 23/10366
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;23.10366 ?
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