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30/05/2024 | FRANCE | N°23/00338

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jex, 30 mai 2024, 23/00338


COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 30 Mai 2024


N° RG 23/00338 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XO6E


DEMANDEUR :

Monsieur [V] [W]
[Adresse 4]
Appt 403
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/711 du 25/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)

représenté par Me Jennifer PARISH, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

S.A. 3F NOTRE LOGIS, venant aux droits de la société

3 F NORD ARTOIS anciennement dénommée IMMOBILIERE NORD ARTOIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avo...

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 30 Mai 2024

N° RG 23/00338 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XO6E

DEMANDEUR :

Monsieur [V] [W]
[Adresse 4]
Appt 403
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/711 du 25/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)

représenté par Me Jennifer PARISH, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A. 3F NOTRE LOGIS, venant aux droits de la société 3 F NORD ARTOIS anciennement dénommée IMMOBILIERE NORD ARTOIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 29 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2024, prorogé au 30 Mai 2024

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00338 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XO6E

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat du 24 juin 2015, la société IMMOBILIERE NORD ARTOIS, aux droits de laquelle se présente aujourd'hui la société 3F NOTRE LOGIS, a donné en location à Monsieur [V] [W] un logement situé à [Adresse 5].

Monsieur [W] s'est par la suite marié, le 15 juin 2019, avec Monsieur [X] [U].

Suite à des impayés, et par acte d’huissier du 2 décembre 2021, le bailleur a fait délivrer à Messieurs [W] et [U], un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.

Par un jugement du 28 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, saisi par le bailleur en résolution du bail, a notamment :
-constaté l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail,
-condamné solidairement Monsieur [W] et Monsieur [U] à payer à la société 3F NOTRE LOGIS la somme de 5 249,78 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 août 2022,
-autorisé Monsieur [U] et Monsieur [W] à se libérer de cette dette par mensualités de 50 euros, le solde étant dû à la 36ème mensualité,
-suspendu l’effet de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais et dit qu’elle sera réputée n’avoir jamais joué si les délais sont respectés,
-à défaut, dit que l’intégralité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire sera acquise, ordonné l’expulsion de Messieurs [W] et [U] et fixé une indemnité mensuelle d’occupation de 323,69 €.

Ce jugement a été signifié à Monsieur [W] et Monsieur [U] le 30 novembre 2022.

Par acte d’huissier en date du 11 juillet 2023, la société 3F NOTRE LOGIS a fait délivrer à Monsieur [W] et Monsieur [U] un commandement de quitter les lieux.

Par requête reçue au greffe le 7 août 2023, Monsieur [W] a sollicité l’octroi d’un délai à la mesure d’expulsion.

Les parties ont comparu pour la première fois à l'audience du 13 décembre 2023.

Après renvois à leur demande, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l'audience du 29 mars 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A cette audience, Monsieur [W] a présenté les demandes suivantes :
lui accorder un délai de douze mois pour quitter le logement.

Au soutien de sa demande, Monsieur [W] indique qu'il souffre de problèmes de santé importants suite notamment à une grave agression. Il bénéficie désormais de l' A.A.H.
Il indique être à jour du paiement de son loyer courant et avoir entrepris les démarches nécessaires pour redresser sa situation : dossier MDPH, demande de curatelle, dossier de surendettement, demande de logement social.

En défense, la société 3F NOTRE LOGIS a pour sa part formulé les demandes suivantes :
débouter Monsieur [W] de ses demandes, fins et conclusions,le condamner au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la société 3F NOTRE LOGIS fait d'abord valoir que la dette locative de Monsieur [W] n'a fait que croître et est désormais importante.
La dette locative est reprise dans un plan de surendettement mais Monsieur [W] n'a pas payé le loyer courant et n'a effectué aucun versement entre janvier et juillet 2023.
Alors que Monsieur [W] bénéficiait d'un moratoire, il a cependant créé de nouvelles dettes.
Monsieur [W] n'est donc manifestement pas de bonne foi et ne peut dès lors bénéficier d'aucun délai supplémentaire.

A l'issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 17 mai 2024.

Ce délibéré a dû être prorogé au 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA DEMANDE DE DELAIS

Aux termes de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

L'article L 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, Monsieur [W] justifie de ce qu'il bénéfice d'une mesure de rétablissement personnel avec effacement de ses dettes, depuis le 27 décembre 2023.

Monsieur [W] justifie par ailleurs par les pièces versées aux débats avoir été victime d'une tentative de meurtre par son conjoint qui a entraîné une longue hospitalisation du 18 janvier 2023 au 10 mars 2023 avant un passage en centre de convalescence.
Le grave traumatisme crânien causé lors de l'agression laisse aujourd'hui Monsieur [W] avec de nombreuses séquelles médicales, neurologiques et cognitives qui justifient l'octroi d'une allocation aux adultes handicapées – incapacité supérieure à 80 % - par la MDPH ainsi qu'une demande de placement sous curatelle.

Longtemps au RSA, Monsieur [W] bénéficie désormais de l'AAH pour un total mensuel, toutes allocations confondues ,de 1 200 à 1 300 € par mois.

Monsieur [W] a demandé un logement social en septembre 2023.
Monsieur [W] a par ailleurs repris le paiement de son reste à charge depuis le mois d'août 2023.
En conséquence, il convient d'accorder à Monsieur [W] un délai de neuf mois pour quitter son logement sous condition du paiement régulier de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.
Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00338 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XO6E

SUR LES DEPENS

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la présente procédure ne fonctionne qu'au profit de Monsieur [W].

En conséquence, il convient de le condamner aux entiers dépens.

SUR LES FRAIS DE PROCEDURE

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, compte tenu de la situation de précarité de Monsieur [W] et de la modestie de ses ressources, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et susceptible d’appel,

ACCORDE à Monsieur [V] [W] un délai de neuf mois pour quitter les lieux ;

DIT que le maintien du bénéfice de ce délai est subordonné au paiement de l'indemnité d'occupation prévue par le jugement du 28 octobre 2022, soit la somme de 323,69 € ;

DIT que ce paiement devra intervenir au plus tard le 10 de chaque mois à compter de la notification de ce jugement ;

DIT qu’à défaut le délai sera caduc 15 jours après une mise en demeure restée infructueuse et que l’expulsion pourra alors être poursuivie ;

CONDAMNE Monsieur [V] [W] aux dépens ;

DEBOUTE la société 3F NOTRE LOGIS de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R12121 du code des procédures civiles d’exécution ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.

La greffière,Le juge de l'exécution,

Sophie ARESDamien CUVILLIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 23/00338
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;23.00338 ?
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