TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/09650 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XUXX
N° de Minute : 24/00337
JUGEMENT
DU : 27 Mai 2024
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
[R] [E] [X]
[C] [U] [J] [H]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 27 Mai 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Catherine TROGNON-LERNON, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [R] [E] [X], demeurant [Adresse 4]
M. [C] [U] [J] [H], demeurant [Adresse 3]
non comparants
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 18 Mars 2024
Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 27 Mai 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
EXPOSE DU LITIGE Suivant offre préalable acceptée le 25 octobre 2018, la société anonyme (ci-après SA) BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. [R] [X] et M. [C] [H] un crédit affecté au financement d’un véhicule neuf de marque Aixam modèle City Premiu d’un montant de 13 363 euros remboursable en 60 mensualités de 256,70 euros, hors assurance, au taux débiteur fixe de 4,92 %.
La livraison du véhicule est intervenue le 2 novembre 2018.
Par lettre recommandée du 12 juillet 2022 revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », la SA BNP Paribas Personal Finance a mis en demeure M. [R] [X] de lui régler les échéances impayées, soit la somme totale de 1 067,28 euros sous 10 jours, sous peine de déchéance du terme du contrat.
Par lettre recommandée du 5 août 2022 revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », le Groupement d’intérêt économique (GIE) [Localité 6] Contentieux a mis en demeure M. [X] de lui payer la somme de 5 309,50 euros au titre du solde du prêt sous 8 jours.
Pa lettre recommandée du même jour revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », le GIE [Localité 6] Contentieux a mis en demeure M. [H] de lui payer la même somme sous 8 jours en lui précisant qu’il était co-emprunteur, conjoint et solidaire du contrat de crédit.
Par acte de commissaire de justice du 6 septembre 2023, la SA BNP Paribas Personal Finance a fait assigner Messieurs [X] et [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir, au visa des articles 1103, 1104, 1227 et 1229 du code civil, L 312-1 et suivants du code de la consommation et sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
Constater la déchéance du terme et l’exigibilité des sommes dues, à défaut, prononcer la résolution judiciaire du contrat pour défaut de paiement,
condamner solidairement Messieurs [X] et [H] à lui payer la somme de 5 308,84 euros avec les intérêts au taux de 4,92 % sur le capital restant dû de 3 965,37 euros à compter du 12 juillet 2022,
condamner solidairement Messieurs [X] et [H] à lui payer la somme de 950 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 18 mars 2024.
Le juge a relevé d’office les moyens d’ordre public notamment tirés de la forclusion et de la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur.
La SA BNP Paribas Personal Finance, représentée par son conseil, s’en est rapportée aux demandes contenues dans son acte introductif d’instance.
Assigné par remise de l’acte à l’étude d’huissier en ce qui concerne M. [X] et selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile en ce qui concerne M. [H], aucun d’eux n’a comparu ni ne s’est fait représenter.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 27 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de Messieurs [X] et [H] à l’audience ne fait pas obstacle à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige.
Sur la demande en paiement
Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
Aux termes de l'article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, il ressort de l’historique de compte produit aux débats que la forclusion biennale n’était pas acquise lorsque l’assignation a été délivrée par la SA BNP Paribas Personal Finance le 6 septembre 2023.
La SA BNP Paribas Personal Finance est donc recevable à agir en paiement.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l'article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.
Aux termes de l'article L.312-36 alinéa 1er du même code, dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci, sur support papier ou tout autre support durable des risques qu'il encourt au titre des articles L312-39 et L312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L141-3 du code des assurances.
En l'espèce, le crédit affecté comporte une clause suivant laquelle le prêteur pourra résilier le contrat après envoi à l’emprunteur d’une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat. En cas de résiliation du contrat par le prêteur, l’emprunteur sera tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes dues en vertu du présent contrat.
En l’espèce, la SA BNP Paribas Personal Finance justifie avoir adressé à M. [X] une mise en demeure préalable le 12 juillet 2022.
Tel n’est toutefois pas le cas pour M. [H].
Or, aux termes de l’article 1305-5 du code civil, la déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires et à ses cautions.
Il ressort de l’historique de compte et du détail de créance arrêté au 17 août 2023 produits que la situation n’a pas été régularisée par M. [X] dans le délai imparti par la SA BNP Paribas Personal Finance.
La déchéance du terme du crédit est donc valablement intervenue à son égard.
Sur la demande de résolution judiciaire du crédit affecté
Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1227 du même code dispose que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.
Conformément à l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte que les échéances du crédit n’ont plus été réglées à compter du 5 avril 2022.
Aussi, le manquement de M. [H] à l’obligation de s’acquitter des mensualités contractuellement convenues est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.
Il sera donc fait droit à la demande de résolution judiciaire du contrat en ce qui le concerne.
Aux termes de l’article 1229 du code civil, la résolution judiciaire met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
En l’espèce, la résolution judiciaire prendra effet au 6 septembre 2023, date de l’assignation.
Sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur
Aux termes de l'article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Aux termes de l'article L 312-16 du même code, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.
Suivant l'article L.341-2 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L.312-14 et L.312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l'espèce, la SA BNP Paribas Personal Finance n’a exigé des emprunteurs aucun justificatif de leurs charges notamment d’hébergement alors que celles-ci sont classiquement substantielles.
La SA BNP Paribas Personal Finance a donc insuffisamment vérifié la solvabilité des emprunteurs au sens de l'article L 312-16 du code de la consommation.
Partant, la SA BNP Paribas Personal Finance sera totalement déchue de son droit aux intérêts contractuels.
Sur les sommes dues
La résolution judiciaire implique la restitution par l’emprunteur de la somme reçue en capital. Le prêteur doit, quant à lui, restituer le montant total des échéances réglées.
Il y a lieu de faire application des règles relatives à la compensation prévues aux articles 1347 et suivants du code civil.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L.341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort.
Pour fixer les sommes dues par l'emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l'emprunteur depuis l'origine.
Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut, par ailleurs, qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L.312-39 du code de la consommation.
Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
Au regard de cette dernière exigence, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l'encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.
Il convient, en conséquence, d'écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.
La créance de la SA BNP Paribas Personal Finance s'établit donc comme suit au 17 août 2023, date à laquelle le détail de créance a été établi :
capital emprunté : 13 363 euros
sous déduction des versements depuis l'origine : - 10 262,40 euros
soit un restant dû de : = 3 100, 60 euros.
Le contrat de crédit affecté ne comporte aucune clause de solidarité.
Messieurs [X] et [H] seront donc conjointement condamnés à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 100,60 euros arrêtée au 17 août 2023 au titre du solde du prêt personnel souscrit le 25 octobre 2018.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Messieurs [X] et [H] qui succombent à l'instance seront condamnés in solidum aux dépens.
L'équité comme la situation économique respective des parties commande de rejeter la demande présentée par la SA BNP Paribas Personal Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, en application de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant à l'issue de débats tenus en audience publique, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,
DECLARE la société anonyme BNP Paribas Personal Finance recevable à agir en paiement ;
CONSTATE que la déchéance du terme du crédit affecté souscrit le 25 octobre 2018 est valablement intervenue à l’égard de M. [R] [X] ;
PRONONCE la résolution judiciaire du contrat de crédit affecté souscrit le 25 octobre 2018 en ce qui concerne M. [C] [H] à compter du 6 septembre 2023, date de l’assignation ;
CONDAMNE conjointement M. [R] [X] et M. [C] [H] à payer à la société anonyme BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 100,60 euros arrêtée au 17 août 2023 au titre du solde du crédit affecté souscrit le 25 octobre 2018;
DIT que cette somme ne produira aucun intérêt, ni légal, ni conventionnel ;
REJETTE la demande présentée par la société anonyme BNP Paribas Personal Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum M. [R] [X] et M. [C] [H] aux dépens de l'instance ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 27 mai 2024, par mise à disposition au greffe.
LA GREFFIERELA JUGE