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27/05/2024 | FRANCE | N°23/05057

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 23/05057


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/05057 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XGGK

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

La S.A.R.L. PCER (IMMOSENS), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.S.U. LUXE IMMO, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

M. [F] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant

Mme [N] [E] épouse [O]
[Ad

resse 2]
[Localité 5]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-préside...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/05057 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XGGK

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

La S.A.R.L. PCER (IMMOSENS), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.S.U. LUXE IMMO, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

M. [F] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant

Mme [N] [E] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juillet 2023.

A l’audience publique du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 janvier 2022, Madame [P] [C] a accordé à la S.A.R.L. PCER, exerçant sous l'enseigne IMMOSENS un mandat exclusif de vente relativement à son bien immobilier situé [Adresse 1] (Nord), le bien devant être présenté à la vente au prix de 151.000 euros.

Par acte sous seing privé en dates des 25 mars et 1er avril 2022, la S.A.S. LUXE IMMO s'est portée acquéreuse de cette maison à usage d'habitation et des fonds et terrain en dépendant moyennant le prix principal de 119.000 euros et sans condition suspensive relative à l'obtention d'un financement.

L'acte prévoyait que l'acquéreur serait en outre redevable, au jour de la signature de l'acte authentique de vente, de la somme de 11.000 euros à titre de rémunération du mandataire, la S.A.R.L. PCER.

La réitération par acte authentique devait intervenir au plus tard dans les trois mois à compter de la signature du compromis de vente.

Usant de la faculté de substitution prévue au compromis de vente, Monsieur [F] [O] et Madame [N] [E] épouse [O] se seraient substitués à la société LUXE IMMO, à date inconnue, afin d'acquérir en ses lieu et place l'immeuble sis [Adresse 1].

Par suite, suivant exploits en date du 20 décembre 2022 remis à Étude, Monsieur et Madame [O] ont été convoqués devant notaire le 04 janvier 2023 aux fins de réitération de la vente par acte authentique.

Le 04 janvier 2023, constatant l'absence de présentation des époux [O] au rendez-vous fixé le jour-même aux fins de réitération de l'acte de vente, Maître [R] [D] a dressé procès-verbal de carence.

De même, malgré convocation signifiée le 06 janvier 2023 par remise à tiers présent, la société LUXE IMMO n'a pas comparu au rendez-vous fixé au 25 janvier 2023 pour la signature de l'acte authentique, procès-verbal de carence en ayant été dressé le même jour.

Par courriers datés du 1er février 2023, la S.A.R.L. PCER a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société LUXE IMMO et les époux [O] d'avoir à lui régler la somme de 11.000 euros correspondant à la perte de ses honoraires.

Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, la société PCER (ci-après ''l'agence immobilière'') a fait assigner, suivant exploits datés des 30 et 31 mai 2023, la S.A.S. LUXE IMMO, Monsieur [F] [O] et Madame [N] [E] épouse [O] devant la présente juridiction aux fins, notamment, de dommages et intérêts correspondant au montant de la commission perdue.

Bien qu'assignés, respectivement, à personne morale, à domicile et à personne, ni la société LUXE IMMO, ni Monsieur [O], ni son épouse n'ont constitué avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 05 juillet 2023 et l'audience de plaidoiries fixée au 14 mars 2024.

Au terme de son assignation valant conclusions récapitulatives, la société PCER sollicite de voir le tribunal, au visa des articles 1103,1200 et 1240 du Code civil :

- déclarer sa demande recevable et bien fondée,

En conséquence :
- constater, dire et juger que Monsieur [F] [O], Madame [N] [E] épouse [O] et la société LUXE IMMO ont, compte tenu de leurs manquements contractuels, commis une faute engageant leur responsabilité délictuelle à son égard,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [F] [O], Madame [N] [E] épouse [O] et la société LUXE IMMO à lui verser la somme de 11.000 euros à titre de dommages et intérêts en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2023 date de la mise en demeure ;
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [F] [O], Madame [N] [E] épouse [O] et la société LUXE IMMO à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [F] [O], Madame [N] [E] épouse [O] et la société LUXE IMMO aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de Maître Karl VANDAMME, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Pour l’exposé des moyens, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile et renvoyé à l'assignation précitée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande indemnitaire formulée à l'encontre de la société LUXE IMMO

L’article 1240 du Code civil énonce que : “Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

Malgré l’effet relatif des conventions, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Sur le caractère fautif de l'absence de réitération de la vente par acte authentique

En l'espèce, l'acte sous seing-privé de vente des 25 mars et 1er avril 2022 aux termes duquel la société LUXE IMMO s'est portée acquéreuse de l'immeuble de Madame [C] et de ses annexes prévoyait que la réitération par acte authentique se tiendrait, au plus tard, dans les trois mois, soit au plus tard le 02 juillet 2022 (pièce n°2, page 12). Aucun avenant n'est venu proroger cette date.

Toutefois, il est constant que la réitération devant notaire n'a jamais eu lieu, la société acquéreuse ne s'étant pas présentée au rendez-vous fixé par le notaire et ce, malgré convocation valant mise en demeure d'avoir à signer l'acte authentique de vente (pièce n°4).

Or, la S.A.S. LUXE IMMO, qui n'a pas constitué avocat à l'instance, ne démontre ni allègue aucun motif légitime à son refus de poursuivre la vente, ce alors que la vente était parfaite, aucune condition suspensive particulière, notamment d'obtention d'un financement, n'ayant été stipulée au compromis de vente (pièce n°2, page 9 et renvoi n°1 page 17) et l'ensemble des conditions suspensives de droit commun ayant été réalisé et les pièces nécessaires à la constatation authentique de cette réalisation obtenues par le notaire instrumentaire (pièce n°4).
Dans ces conditions, la société LUXE IMMO doit être considérée comme étant responsable d'une rétractation fautive de son consentement à la vente.

La mise en échec de la réitération devant notaire de l'acte sous seing-privé de vente daté des 25 mars et 1er avril 2022 procède ainsi de la faute de la société acquéreuse, laquelle cause indéniablement à l'agence immobilière un dommage.

Sur le montant du dommage

Quant à la consistance de ce dommage, il n’équivaut pas totalement à la perte des honoraires fixés à l'acte sous seing-privé de vente, mais seulement à une perte de chance d’obtenir cette rémunération.

Néanmoins, dès lors qu'il résulte de l'acte sous seing privé que la vente était conclue sans condition suspensive d'obtention d'un prêt, la chance perdue par l'agence immobilière sera évaluée à 98 %.

L'acte sous-seing privé de vente ayant fixé les honoraires de négociation de l'agence immobilière PCER exerçant sous l'enseigne IMMOSENS à la somme de 11.000 euros (pièce n°2, page 11), le préjudice de cette dernière s'élève donc à la somme de 10.780 euros.

En conséquence, la société LUXE IMMO sera condamnée à payer cette somme à la société PCER à titre de dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du Code civil, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur la demande de condamnation solidaire ou in solidum des époux [O]

En l'espèce, la société PCER sollicite la condamnation solidaire ou in solidum des époux [O] avec la société LUXE IMMO à lui verser la somme de 11.000 euros en réparation de la perte de ses honoraires des suites de la non-réitération de la vente par acte authentique.

Il fait valoir que, ainsi que le révèle le procès-verbal de carence du 04 janvier 2023 (pièce n°3), usant de la faculté de substitution prévue à l'acte sous seing privé de vente (pièce n°2, pages 12 et 17), Monsieur et Madame [O] se sont substitués à la société LUXE IMMO afin d'acquérir en ses lieu et place l'immeuble appartenant à Madame [C].

Il soutient ainsi que, sans raison valable et alors même que toutes les conditions relatives à la réalisation de la vente étaient réalisée, les époux [O] ont manqué à leur principale obligation, celle d'avoir à réitérer la vente chez le notaire, lui causant préjudice.

Toutefois, outre le fait qu'aucune solidarité ne peut être ordonnée, à défaut de clause la prévoyant expressément au compromis de vente, il doit être observé que la convention de substitution d'acquéreur invoquée à l'appui de la demande n'est pas versée aux débats, privant la présente juridiction d'en vérifier non seulement l'existence mais encore la validité et la régularité.

Dans ces conditions, faute de preuve de l’obligation des époux [O] au titre de l'acte sous seing-privé de vente daté des 25 mars et 1er avril 2022 susvisé, il ne saurait leur être reproché de quelconque manquement au titre de sa non-réitération authentique.

L'intégralité des demandes formulées à l'encontre de Monsieur et Madame [O] sera, dès lors, rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Aux termes de l'article 699 du même code, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

En l'espèce, la société LUXE IMMO, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance, avec distraction au profit de Maître Karl VANDAMME.

L’équité commande, en outre, qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 précité au profit de la société PCER qui a été contrainte d’exposer des frais irrépétibles non-compris dans les dépens de l'instance pour faire valoir ses droits en Justice. Il lui sera accordé, à ce titre, la somme de 1.700 euros.

Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger d'office à ce principe.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO à verser à la S.A.R.L. PCER exerçant sous l'enseigne IMMOSENS la somme de 10.780 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;

Déboute la S.A.R.L. PCER exerçant sous l'enseigne IMMOSENS de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Monsieur [F] [O] et Madame [N] [E] épouse [O] ;

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO à verser à la S.A.R.L. PCER exerçant sous l'enseigne IMMOSENS la somme de 1.700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO aux entiers dépens de la présente instance ;

Autorise Maître Karl VANDAMME à recouvrer directement les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

Déboute la société PCER de ses demandes plus amples ou contraires ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/05057
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.05057 ?
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