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27/05/2024 | FRANCE | N°23/04337

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 23/04337


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/04337 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XEHY


JUGEMENT DU 27 MAI 2024



DEMANDEUR :

M. [Z] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Joseph sinclair MBOGNING KENFACK, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

L’E.U.R.L. BUREAU D’INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal M. [H] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseu

r: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en d...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/04337 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XEHY

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [Z] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Joseph sinclair MBOGNING KENFACK, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

L’E.U.R.L. BUREAU D’INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal M. [H] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 Juin 2023.

A l’audience publique du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 juillet 2019, Monsieur [Z] [N] a fait l’acquisition auprès de l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES d’un véhicule d’occasion NISSAN X-Trail immatriculé en Belgique, moyennant le prix de 12.000 euros.

Quelques mois plus tard, le véhicule a été cédé par Monsieur [Z] [N] à Monsieur [P] [Y] moyennant le prix de 13.498 euros.

Néanmoins, par jugement en date du 22 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Lille a, notamment :

- prononcé la résolution judiciaire de la vente conclue entre Monsieur [Z] [N] et Monsieur [P] [Y] portant sur le véhicule de marque NISSAN X-Trail, immatriculé provisoirement [Immatriculation 5], livré le 08 février 2020 ;
- condamné Monsieur [Z] [N] à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 13.498 euros en restitution du prix de vente ;
- condamné Monsieur [Z] [N] à payer à Monsieur [P] [Y] les sommes suivantes :
- 120 euros au titre du remboursement des frais de mise en conformité du véhicule,
- au titre des frais d'assurance :
- échus : 1.170,04 euros,
- à échoir : 61,42 € par mois à échoir à compter du mois d'août 2022 et jusqu'à reprise effective du véhicule par Monsieur [N],
- 1.500 euros au titre du préjudice de jouissance ;
- condamné Monsieur [Z] [N] à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de la présente instance.

Par suite, Monsieur [Z] [N] a, par exploit daté du 09 mai 2023, à son tour assigné l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES (ci-après ''l'EURL BIMA'' ou ''l'entreprise venderesse''), prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], en résolution judiciaire de la vente du véhicule intervenue entre eux le 12 juillet 2019, ainsi qu'en dommages et intérêts.

Assignée par procès-verbal de recherches infructueuses, conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'EURL BIMA n'a pas constitué avocat.

La clôture des débats est intervenue le 28 juin 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 14 mars 2024.

* * *

Au terme de son assignation valant conclusions récapitulatives, Monsieur [N] demande au tribunal, au visa des articles 1603, 1604, 1610, 1611 et 1615 du Code civil, de :

- prononcer la résolution judiciaire de la vente conclue entre lui et Monsieur [H] [G],
- condamner Monsieur [H] [G] à lui payer la somme de 12.000 euros en restitution du prix de vente,
- dire que le paiement de cette somme n’est pas conditionné à la restitution préalable et effective du véhicule,
- condamner Monsieur [H] [G] à lui payer la somme de 1.498 euros au titre de perte de la plus-value,
- ordonner à Monsieur [H] [G] de récupérer le véhicule objet de la vente à l’endroit où il se trouve et à ses propres faits,
- dire que les condamnations pécuniaires, frais et dépens prononcés à son encontre seront entièrement supportés par Monsieur [H] [G],
- condamner Monsieur [H] [G] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de la présente instance.

Il est renvoyé à l'assignation pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence de constitution en défense

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application de l'article 472 du Code de procédure civile, "si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée".

En tout état de cause, aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur le défaut de délivrance conforme

Aux termes de l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En vertu des articles 1603 et 1604 du Code civil, la délivrance, à laquelle s’oblige le vendeur, est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.

Il est de droit, par application de l’article 1615 du même code, que l’absence de remise à l’acquéreur, lors de la livraison, des documents indispensables à l’utilisation de la chose vendue et qui en constituent, par conséquent, l’accessoire, caractérise un manquement à l’obligation de délivrance.

C'est au vendeur, tenu d'établir qu'il a rempli son obligation de délivrance, d'apporter la preuve de la délivrance des accessoires de la chose vendue.

En application de l’article 1610 du Code civil, si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

Au sens des articles 1304-3 alinéa 2 et 1304-7 du Code civil, la résolution d'un acte juridique consiste dans l'anéantissement rétroactif des effets de celui-ci et a pour conséquence de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient à la date de sa conclusion, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d'administration.

En l'espèce, Monsieur [N] fait grief à Monsieur [G], es qualité de représentant légal de l'EURL BIMA, de lui avoir cédé le 12 juillet 2019 un véhicule NISSAN X-Trail portant un numéro d'immatriculation belge (pièces n°1 à 3) sans lui en remettre, malgré des demandes répétées, le quitus fiscal nécessaire à l'immatriculation définitive du véhicule en France.

Il expose ainsi qu'alors qu'il avait entamé toutes les démarches pour faire immatriculer le véhicule à son nom en France et obtenu un certificat d'immatriculation provisoire dans l'attente de l'obtention du quitus fiscal, il n'a jamais été en mesure de faire définitivement immatriculer le véhicule à son nom.

Il rajoute que, ayant lui-même pris la décision de céder le véhicule quelques mois plus tard, Monsieur [G] s'était engagé à communiquer directement le quitus fiscal au nouvel acquéreur, ce qu'il n'a jamais fait, de sorte que le nouvel acquéreur du véhicule, qui n'était pas davantage en mesure d'obtenir immatriculation du véhicule à son nom, a sollicité et obtenu du tribunal judiciaire de Lille la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme (pièce n°5).

L'EURL BIMA, qui n'a pas constitué avocat dans le cadre de la présente instance, ne justifie pas avoir remis à Monsieur [N] l'intégralité des documents indispensables à sa mise en puissance et possession du véhicule et, plus particulièrement le quitus fiscal, document destiné à certifier que le véhicule est en situation régulière au regard de la T.V.A. et dont il est constant qu'il est indispensable pour obtenir, en France, un certificat d'immatriculation d'un véhicule acquis dans un autre pays de l'union européenne, élément pourtant essentiel comme conditionnant la circulation régulière du véhicule sur le territoire.

L'existence d'un défaut de délivrance conforme est, dès lors, établie.

Par suite, Monsieur [N] a fait le choix de solliciter la résolution de la vente du véhicule litigieux, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la résolution de la vente intervenue entre les parties le 12 juillet 2019.

L'EURL BIMA, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [G], sera, ainsi, condamnée à restituer à Monsieur [N] la somme de 12.000 euros correspondant au prix d’acquisition du véhicule (pièce n°2), en contrepartie de la restitution par ce dernier du véhicule NISSAN X-Trail, le tout suivant modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Sur les demandes indemnitaires

L'article 1611 du Code civil dispose que, quelle que soit l'option choisie par l'acquéreur, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour lui du défaut de délivrance au terme convenu.

En l'espèce, Monsieur [N] justifie qu'en raison de l'absence de délivrance conforme du véhicule par l'EURL BIMA, il n'a pas été lui-même en mesure de délivrer ledit véhicule à Monsieur [Y], de sorte que la cession à ce dernier du Nissan X-Trail a été judiciairement résolue et diverses indemnités mises à sa charge, à savoir (pièce n°5) :

- 120 euros au titre du remboursement des frais de mise en conformité du véhicule,
- au titre des frais d'assurance :
- échus : 1.170,04 euros,
- à échoir : 61,42 € par mois à échoir à compter du mois d'août 2022 et jusqu'à reprise effective du véhicule par Monsieur [N],
- 1.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de l'instance introduite par Monsieur [P] [Y].

L'EURL BIMA, par la seule faute de laquelle Monsieur [N] est contraint aujourd'hui de verser ces sommes à Monsieur [Y], devra, en conséquence, l'en garantir et relever indemne.

Au regard de la formulation équivoque de la prétention du demandeur, il sera ici précisé que la restitution du prix de vente d'un montant de 13.498 euros à laquelle Monsieur [N] a été condamnée ne peut, en revanche, être supportée par l'entreprise venderesse, alors qu'elle est la contrepartie de la restitution du véhicule à Monsieur [N] par Monsieur [Y].

Enfin, Monsieur [N] sollicite l'indemnisation de la perte de plus-value qu'il avait réalisée en cédant le véhicule litigieux à Monsieur [Y], puisqu'il l'avait vendu 1.498 euros plus cher que son propre prix d'acquisition auprès de l'EURL BIMA.

Néanmoins, la vente intervenue entre l'EURL BIMA et Monsieur [N] étant résolue, ce dernier ne saurait se prévaloir d'une plue-value qu'il aurait pu réaliser sur la vente d'un véhicule dont il est réputé n'avoir jamais été propriétaire.

La demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, l'EURL BIMA, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

En outre, l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 précité au profit de Monsieur [N] qui a été contraint d’engager des frais non-compris dans les dépens pour faire valoir ses droits en Justice. Il lui sera accordé la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Prononce la résolution judiciaire de la vente conclue le 12 juillet 2019 entre l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES et Monsieur [Z] [N] portant sur le véhicule de marque NISSAN X-Trail portant le numéro de châssis JN1TCAT32U0006909 ;

Condamne l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], à payer à Monsieur [Z] [N] la somme de 12.000 euros en restitution du prix de vente ;

Dit que le paiement de cette somme n’est pas conditionné à la restitution préalable et effective du véhicule ;

Ordonne à l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], de récupérer le véhicule objet de la vente résolue à l'endroit où il se trouve et à ses propres frais ;

Condamne l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], à garantir et à relever indemne Monsieur [Z] [N] des condamnations suivantes prononcées à l'encontre de ce dernier par jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 22 juillet 2022 :

- 120 euros au titre du remboursement des frais de mise en conformité du véhicule,
- au titre des frais d'assurance :
- échus : 1.170,04 euros,
- à échoir : 61,42 € par mois à échoir à compter du mois d'août 2022 et jusqu'à reprise effective du véhicule par Monsieur [N],
- 1.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens de l'instance introduite par Monsieur [P] [Y] ;

Condamne l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], à payer à Monsieur [Z] [N] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne l'E.U.R.L. BUREAU D'INTERMEDIATION AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [H] [G], aux entiers dépens de la présente instance ;

Déboute Monsieur [Z] [N] de ses autres ou plus amples demandes ;

Le greffier,La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/04337
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.04337 ?
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