La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°23/03074

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 23/03074


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/03074 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XCK2


JUGEMENT DU 27 MAI 2024



DEMANDEUR :

Madame [S] [J] [R] née [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me William WATEL, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

LE GROUPEMENT HOSPITALIER DE L INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7] (GHICL), pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE

La CAISSE PRIMAIRE D

ASSURANCE MALADIE de [Localité 8]-[Localité 10], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

C...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/03074 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XCK2

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

Madame [S] [J] [R] née [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me William WATEL, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

LE GROUPEMENT HOSPITALIER DE L INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7] (GHICL), pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de [Localité 8]-[Localité 10], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 Juin 2023.

A l’audience publique du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 17 septembre 2016, Mme [S] [I] a été prise en charge au service des urgences du Centre Hospitalier [9] à [Localité 7] en raison de douleurs thoraciques.

Alors qu'elle se trouvait en salle de radiologie et se plaignait de sensations vertigineuses, elle a été victime d'un malaise et a chuté au sol, lui occasionnant un traumatisme crânien, des contusions oedémato-hémorragique temporo-polaire et temporale externe droite et une fracture non déplacée de l'os occipital ayant été objectivées.

S'interrogeant sur la qualité de sa prise en charge audit centre hospitalier, Mme [S] [I] a sollicité et obtenu du juge des référés de Lille, suivant ordonnance en date du 30 mai 2017, l'organisation d'une expertise médicale confiée au Docteur [T] [Y], outre la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Docteur [Z] [P], finalement désigné pour remplacer le Docteur [T] [Y], a déposé son rapport d'expertise le 16 octobre 2018, retenant un manquement aux règles de prudence et de surveillance de la patiente par l'établissement de santé et concluant à l'absence d'acquisition de l'état de consolidation de la victime.

Suivant ordonnance en date du 12 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Lille, statuant en référés, a notamment :

ordonné une nouvelle expertise médicale de Mme [S] [I], de nouveau confiée au Docteur [Z] [P],alloué à Mme [S] [I] une somme provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice,alloué à Mme [S] [I] une somme provisionnelle de 1.000 euros à titre de provision ad litem,alloué à Mme [S] [I] une somme provisionnelle de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 12 novembre 2020, fixant la consolidation de l'état de santé de Mme [I] au 05 juin 2019 et concluant à la persistance d'un déficit fonctionnel permanent de 5%.

Sur la base de ce rapport, aucun accord d'indemnisation amiable n'ayant été trouvé entre les parties, Mme [S] [I] épouse [R] a, par actes d'huissier de justice en date du 28 mai 2021, fait assigner le Groupement des Hôpitaux de l'Institut Catholique de [Localité 7] (ci-après le GHICL) et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après la CPAM) de [Localité 8]-[Localité 10] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM de [Localité 8]-[Localité 10] n'a pas constitué avocat.

Après une mesure de radiation, suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 06 juillet 2022, l'affaire a été réinscrite au rôle en mars 2023. La clôture des débats est ensuite intervenue le 21 juin 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 14 mars 2024.

***

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, Mme [S] [I] demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 23 [sic] juillet 1985, et des articles 211-13 et 211-9 du Code des assurances, de :

condamner les défendeurs à lui verser les sommes suivantes :- déficit fonctionnel temporaire : 11.140 euros,
- souffrances endurées avant consolidation : 20.000 euros,
- assistance par tierce personne : 3.300 euros,
- préjudice fonctionnel permanent : 40.678 euros,
- préjudice esthétique définitif : 6.000 euros,
- coût d'acquisition du premier appareillage restant à charge : 1.600 euros,
- frais de renouvellement du premier appareillage restant à charge : 47.267,78 euros,
ordonner le doublement du taux d'intérêt au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts ;condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;ordonner l'exécution provisoire.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2023, le GHICL demande au tribunal de :

statuer sur ce que de droit quant à sa responsabilité ;liquider le préjudice de Mme [S] [I] comme suit :- DSA : rejet
- ATPT : 1.560 euros
- DFTT/DFTP : 2.804,50 euros
- SE : 2.000 euros
- DFP : 7.900 euros
- PEP : 1.000 euros,
déduire la somme provisionnelle de 5.000 euros allouée par ordonnance du 12 novembre 2019,limiter sensiblement le montant réclamé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et limiter à une somme de 800 euros les frais d'expertise qui seront pris en charge par lui,rejeter toute autre demande.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la non-constitution de la CPAM de [Localité 8]-[Localité 10]

Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la responsabilité du GHICL

En l'espèce, bien que Mme [S] [I] ne précise pas expressément le fondement de sa demande et vise les dispositions de « la loi du 23 juillet 1985 », le tribunal croit comprendre qu'elle vise en réalité la loi du 05 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dite ''loi Badinter''.

Bien que cette loi soit parfaitement inadaptée aux faits de l'espèce, Mme [S] [I] faisant valoir une faute de l'hôpital [9] dans sa prise en charge, force est de constater qu'en défense, le GHICL ne conteste pas sa responsabilité pour faute sur le fondement de l'article L.1142-1 du Code de la santé publique, lequel dispose que :

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

Le Docteur [Z] [P] a, en effet, conclu, au terme de son rapport daté du 16 octobre 2018 à un manquement aux règles de prudence et de surveillance de la patiente par l'établissement de soins, ayant notamment relevé l'absence de suivi des constantes cardio-vasculaires et de réévaluation clinique avant qu'il ne soit demandé à la patiente de se lever pour marcher jusqu'à la salle de radiologie, voire avant la réalisation de la radiographie, laquelle n'aurait été effectuée que quatre heures après l'évaluation clinique réalisée lors de l'admission de Mme [I] aux urgences et ce, alors que cette dernière décrivait des sensations vertigineuses qui peuvent constituer des symptômes de troubles cardio-vasculaires.

Le GHICL ne conteste pas davantage le principe du droit à indemnisation intégrale de Mme [S] [I].

En conséquence, M. [S] [I] a droit à indemnisation intégrale de ses préjudices tels qu'issus de la chute survenue le 17 septembre 2016.

Sur l’indemnisation des préjudices de Mme [S] [I]

A titre liminaire, conformément aux dispositions de l'article 768 du Code de procédure civile, le tribunal rappelle n'avoir à statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et à examiner les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

L'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

En l'espèce, il convient de préciser qu'après examen de Mme [S] [I], recueil des doléances et analyse des pièces médicales fournies, le Docteur [Z] [P] a conclu qu'elle ne présentait pas de pathologie antérieure qui ait pu interférer dans la survenue des lésions et indique que les blessures relevées et les conséquences qui en ont résulté sont imputables en totalité aux faits traumatiques.

Par ailleurs, la date de consolidation médico-légale retenue par l'expert judiciaire, soit le 05 juin 2019, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, sera entérinée. A cette date, Mme [S] [I] était âgée de 46 ans.

Enfin, pour les calculs de capitalisation, il sera retenu le barème de capitalisation de la gazette du palais publié en 2022 au taux d'actualisation de référence de 0,00%, s’agissant de la table de calcul la plus appropriée au principe de la réparation intégrale du préjudice au regard de l’érosion monétaire et des tables de mortalité.

La créance de la CPAM :

Pour mémoire, selon le relevé versé aux débats daté du 1er février 2023(pièce n°83 demanderesse), les débours définitifs exposés par la CPAM s’élèvent à 30.641,27 euros, détaillés comme suit :

629,60 euros au titre des frais hospitaliers,1.362,82 euros au titre des frais médicaux,9,12 euros au titre des frais pharmaceutiques,248,31 euros au titre des frais de transport,28.391,42 euros au titre des frais futurs.
Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

Le déficit fonctionnel temporaire :

Ce poste tend à l’indemnisation de la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante de l’accident à la consolidation, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

En l'espèce, l'expert a indiqué que le déficit fonctionnel temporaire a été :

total du 17 septembre 2016 au 23 septembre 2016,partiel de 1/3 du 24 septembre 2016 au 19 octobre 2016,partiel de 1/5 du 20 octobre 2016 au 29 novembre 2016,partiel de 1/10 du 30 novembre 2016 au 05 juin 2019.
Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Mme [S] [I] évalue ce chef de préjudice sur la base d'une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 100 euros et sollicite ainsi une somme totale de 11.140 euros.

Le défendeur propose, pour sa part, d'évaluer ce poste sur la base d’une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 25 euros, soit la somme de 2.804,50 euros.

Sur ce, eu égard aux éléments du rapport d'expertise, les troubles dans les conditions d’existence subis jusqu’à la consolidation permettent d'évaluer le préjudice de Mme [S] [I] comme suit, sur la base d’une indemnité de 27 euros par jour :

au titre du DFT total : 100% x 7 jours x 27 euros = 189 euros,au titre du DFT partiel de 33% : 33% x 26 jours x 27 euros = 231,66 euros,au titre du DFT partiel de 20% : 20% x 41 jours x 27 euros = 221,40 euros,au titre du DFT partiel de 10% : 10% x 918 jours x 27 euros = 2.478,60 euros,
soit un total de 3.120,66 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme de 3.120,66 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Les souffrances endurées :

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime du jour de l'accident à la date de consolidation.

En l'espèce, l'expert a évalué les souffrances endurées par Mme [I] à 2,5 sur une échelle habituelle de 7 valeurs.

Mme [S] [I] sollicite de ce chef une somme de 20.000 euros, tandis qu'il est offert en défense une somme de 2.000 euros.

Sur ce, il est rappelé que, des suites de sa chute, Mme [S] [I] a présenté initialement des contusions oedémato-hémorragique temporo-polaire et temporale externe droite et une fracture non déplacée de l'os occipital.

Elle a été hospitalisée du 18 septembre au 23 septembre 2016.

A son retour à domicile, elle a présenté une hyposmie voire anosmie, des acouphènes bilatéraux prédominants à droite, une hypoacousie bilatérale prédominante à droite et des vertiges rotatoires lors des changements de position.

Compte tenu de ces circonstances, des troubles de la vigilance liés à l'hémorragie intra-cérébrale et du retentissement psychologique consécutif aux soins et incapacités, les souffrances endurées peuvent être valablement évaluées à la somme de 6.000 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme de 6.000 euros au titre des souffrances endurées.

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents :

Le déficit fonctionnel permanent :

Il s’agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes.

En l'espèce, l'expert a chiffré à 5% le taux de déficit fonctionnel permanent conservé par Mme [S] [I] en considération :

de douleurs au crâne, de sensations vertigineuses et d'acouphènes (décrits par le sapiteur, le Dr [K], comme étant « bilatéraux prédominants à droite, permanents et intenses »), s'inscrivant dans le cadre d'un syndrome post-commotionnel crânien,une hyposmie (perte partielle de l'odorat) séquellaire.
Mme [S] [I], en considération du taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert mais également de la perte des joies usuelles de la vie et des douleurs post-consolidation qu'elle évalue à 40 euros par jour, chiffre ainsi sa demande :

(40 euros par jour x 5%) x 14.089 jours sur la base d'une espérance de vie de 85,60 ans = 28.178 euros au titre de la perte des joies usuelles de la vie et des souffrances post-consolidation,12.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 5%,
soit une somme totale réclamée de 40.678 euros.

L'assureur conteste la méthode de calcul utilisée en demande et offre de verser à la victime une somme de 7.900 euros sur la base du taux retenu par l'expert, estimant que ce taux englobe toutes les composantes du déficit fonctionnel permanent.

Sur ce, il doit être constaté que l'évaluation faite par l'expert judiciaire du poste de déficit fonctionnel permanent n'a pas fait l'objet d'un dire l'ayant critiquée ni même interrogée quant à l'éventuelle absence de prise en compte, au titre des 5%, d'une perte de qualité de vie ou de joies usuelles de la vie courante.

Il est, par ailleurs, observé que, lors de l'examen, l'expert avait relevé les doléances suivantes exprimées par Mme [I] :

- sommeil perturbé par les acouphène bilatéraux qui la réveillent trois à quatre fois par nuit,
- acouphènes et hypoacousie bilatérale persistant malgré l'appareillage,
- perte de l'odorat et du goût,
- vertiges lors de la flexion haute ou basse de la tête, limitant la réalisation de sorties de son domicile et l'empêchant de réaliser à souhait des activités avec ses enfants,
- sensation d'être rabaissée psychologiquement.

Le tribunal estime qu'au regard des termes du rapport d'expertise, l'expert judiciaire a, pour fixer l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent à 5%, repris toutes les composantes dudit poste de préjudice et tenu compte des souffrances permanentes et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme [S] [I], de sorte que le tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de retenir la méthode d'évaluation proposée par la demanderesse.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de l'âge de la victime à la date de consolidation (soit 46 ans), le déficit fonctionnel permanent conservé par Mme [S] [I] sera évalué à 9.000 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme de 9.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Le préjudice esthétique permanent :

Il s’agit d’une altération définitive de l’apparence physique de la victime.

En l'espèce, au terme de son rapport, l'expert a évalué ce poste à 0,5 sur une échelle habituelle de 7 valeurs, en raison de l'appareillage auditif bilatéral nécessaire à la compensation des acouphènes.

Mme [S] [I] sollicite à ce titre une somme de 6.000 euros, tandis que l'assureur offre de lui verser une somme de 1.000 euros.

Sur ce, il doit être ici précisé que, si l'expert a pu relever lors de l'examen de la victime, que l'appareillage était complètement caché par la chevelure de celle-ci, cela n'est aucunement de nature à atténuer son préjudice, Mme [I] devant demeurer parfaitement libre de choisir tant sa coupe de cheveux que sa coiffure quotidienne.

Dès lors, le préjudice esthétique permanent de Mme [S] [I] sera justement indemnisé par le versement d'une somme de 2.500 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme de 2.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Les préjudices patrimoniaux temporaires :

L’assistance par tierce personne temporaire :

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale. Dans ce cas, l’indemnisation ne peut être réduite pour le seul motif que l’aide a été apportée par l’entourage familial.

En l'espèce, l'expert a évalué le besoin en tierce personne temporaire à 2 heures 30 par jour, 7 jours sur 7, du 24 septembre 2016 au 29 novembre 2016.

Mme [S] [I] sollicite à ce titre une somme de 3.300 euros sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

L'assureur estime, pour sa part, le besoin retenu par l'expert surévalué et offre de verser une somme de 1.560 euros sur la base d'un besoin estimé à 1 heure 30 par jour sur la période concernée et d'un taux horaire de 16 euros.

Sur ce, l'expert judiciaire a estimé devoir maintenir son évaluation du besoin en assistance par tierce-personne à 2h30 par jour, malgré dire formulé en défense dès la première expertise, le Docteur [P] ayant précisé tenir compte d'une perte d'autonomie au titre des douleurs éprouvées ainsi que des troubles neurologiques (vigilance, équilibre, troubles de la motricité et de la préhension) consécutifs aux fractures des os du crâne et du saignement méningé et ayant précisé retenir un besoin d'aide à hauteur de 30 minutes pour la préparation de chacun des trois repas, 30 minutes pour les tâches ménagères quotidiennes et 30 minutes pour l'aide à la toilette (pièce n°63 demanderesse).

Or, le tribunal observe qu'il n'est produit aux débats par le GHICL aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation ainsi faite par l'expert, ce alors que la demanderesse justifie pour sa part que son entourage a dû prendre son relais pour les tâches de la vie quotidienne et la conduite de ses enfants à l'école (pièces n°49 à 51).

Il sera, dès lors, statué sur la base de l'évaluation faite par l'expert.

S'agissant d'une aide non-spécialisée et étant rappelé que l’indemnisation ne peut être réduite au seul motif que l’aide a été apportée par l’entourage familial (tel que cela a manifestement été le cas en l'espèce), la réclamation de Mme [S] [I] n'est pas excessive.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme réclamée de 3.300 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire.

Les préjudices patrimoniaux permanents :

Les dépenses de santé futures :

Il s’agit des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais d’hospitalisation et de tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu, après consultation d'un sapiteur ORL ayant recommandé un appareillage auditif permettant de réduire les nuisances sonores parasites, qu'au vu des acouphènes persistants, il y a lieu de prévoir les dépenses de santé suivantes :

coût moyen d'un appareillage auditif conventionnel : 1.535 euros par oreille avec renouvellement à prévoir tous les quatre ans,remboursement annuel des embouts : 50 euros par an par oreilleproduits d'entretien et piles : 250 euros par an pour les deux appareillagesconsultation ORL annuelle : 52,25 euros.
Mme [S] [I] indique que, si elle a acquis un premier appareillage pour un montant resté à sa charge de 1.600 euros, celui-ci ne lui convient pas, de sorte qu'elle souhaite acquérir un nouvel appareillage qui lui a été recommandé et qui lui occasionnera, cette fois, un reste à charge de 4.409 euros.

Elle sollicite en conséquence la somme de 1.600 euros au titre de l'acquisition du premier appareillage, et la somme totale de 47.267,78 euros, comprenant le coût du nouvel appareil auditif et son renouvellement tous les quatre ans, ainsi que le coût des embouts à raison de 50 euros par oreille et par an, sommes se détaillant comme suit :

4.409 euros + [(4.409 euros / 4) + 100 euros) x 38,883] = 47.267,78 euros.
La société défenderesse ne conteste pas le principe de ce poste de préjudice mais conclut au rejet de la demande en l'absence des relevés des débours de la CPAM et de la mutuelle de la demanderesse.

Sur ce, Mme [S] [I] justifie avoir acquis un appareillage auditif le 20 septembre 2019 indiquant un net à payer de 1.600 euros (pièce n°74), sans qu'il soit possible de déterminer le montant resté in fine à sa charge, faute de précision de la facture sur ce point et de communication d'un quelconque justificatif annexe de la part de la demanderesse.

Toutefois, le tribunal observe que la CPAM de [Localité 8]-[Localité 10] a, au terme de sa notification définitive des débours, fait état d'une prise en charge, au titre de l'appareillage auditif bilatéral, à hauteur de 1.600 euros tous les quatre ans, outre la prise en charge des embouts à hauteur de 50 euros par an (pièce n°83/1 demanderesse).

En l'absence d'élément justificatif de nature à contredire le montant de cette prise en charge s'agissant de l'acquisition du 20 septembre 2019, il sera considéré qu'aucun montant n'est demeuré à la charge de Mme [I] au titre de cette première acquisition.

S'agissant du renouvellement de l'appareillage auditif nécessité, si le tribunal entend parfaitement que la première acquisition effectuée par Mme [I] ait pu être dictée par un motif financier (achat qu'elle qualifie de ''premier prix'') et qu'il soit difficile de parvenir à un appareillage parfaitement adapté et confortable, force est de constater que la demanderesse n'explicite aucunement en quoi l'appareillage actuel ne serait pas adéquat et ne verse aucun avis médical ou professionnel préconisant, dans son cas particulier, l'orientation vers l'appareillage onéreux dont elle sollicite prise en charge.

Dès lors, étant rappelé que l’indemnité allouée au titre des dépenses de santé futures doit être évaluée en fonction des besoins prévisibles de la victime, sans être subordonnée à la production de factures ou de quelconques justificatifs d'achat, le tribunal retiendra, dans ces conditions, les coûts moyens tels que chiffrés par l'expert judiciaire, de sorte que les dépenses de santé futures doivent s'évaluer comme suit :

- première acquisition (septembre 2019) : 0 €,
- 1er renouvellement (septembre 2023) : 1.535 € par oreille, soit 3.070 € - 1.600 € pris en charge = 1.470 €,
- embouts : (50 € x 2 – 50 € pris en charge) x 4 ans = 200 €,
- dépenses futures à échoir :
[(1.470 € / 4 ans) + 50 €] x 36.236 (prix de l'euro de rente pour une femme âgée de 50 ans au jour du premier renouvellement) = 15.128,53 euros,

soit un montant total de 16.798,53 euros.

En conséquence, il sera accordé à Mme [S] [I] la somme de 16.798,53 euros au titre des dépenses de santé futures.

* * *

Les sommes allouées à la victime seront versées sous déduction des provisions déjà versées, à hauteur de 5.000 euros (pièce n°2 défendeur).

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Le demandeur fonde sa demande sur les dispositions des articles L.211-9 et L.211-13 du Code des assurances lequel impose à l’assureur de responsabilité civile, lorsque la responsabilité n’est pas contestée et lorsque le dommage est entièrement quantifié, de faire une offre d’indemnité à la victime dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée, et l'article L.211-13 du même code lequel dispose quant à lui que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

Toutefois, l'article L.211-8 du code des assurances précise que « Les dispositions de la présente section s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »

Il s'ensuit que le doublement des intérêts au taux légal prévu par les textes susvisés n'a vocation à s'appliquer que dans le cadre d'accidents de la circulation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que ces textes ne sont nullement applicables au présent litige.

La demande, mal fondée, sera en conséquence purement et simplement rejetée.

Sur la capitalisation des intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil, devenu article 1343-2 du Code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

En l'espèce, la capitalisation annuelle des intérêts, de droit lorsqu’elle est sollicitée, sera accordée.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Le GHICL qui succombe, supportera la charge des dépens, en ce compris les frais des deux expertises judiciaires.

L’équité commande également de le condamner à payer à Mme [S] [I] une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, montant dont il conviendra de déduire la somme de 1.000 euros perçue à de provision ad litem (pièce n°2 défendeur).

Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger d'office à ce principe.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et susceptible d’appel,

Dit que le GROUPEMENT HOSPITALIER DE L'INSTITUT CATHOLIQUE de [Localité 7] a commis une faute dans la prise en charge de Mme [S] [I] à l'hôpital [9] le 17 septembre 2016 ;

Dit que le GROUPEMENT HOSPITALIER DE L'INSTITUT CATHOLIQUE de [Localité 7] est tenu d'indemniser Mme [S] [I] de ses préjudices en lien avec les faits du 17 septembre 2016 ;

Fixe la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de [Localité 8]-[Localité 10] à la somme de 30.641,27 euros ;

Condamne le GROUPEMENT HOSPITALIER DE L'INSTITUT CATHOLIQUE de [Localité 7] à payer à Mme [S] [I] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi :

* 3.300 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
* 16.798,53 euros au titre des dépenses de santé futures,
* 3.120,66 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 6.000 euros au titre des souffrances endurées,
* 9.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 2.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Dit qu'il sera déduit de ces sommes la somme de 5.000 euros perçue à titre d'indemnité provisionnelle ;

Déboute Mme [S] [I] de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal ;

Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter de la présente décision ;

Condamne le GROUPEMENT HOSPITALIER DE L'INSTITUT CATHOLIQUE de [Localité 7] à payer à Mme [S] [I] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Dit qu'il sera déduit de ces sommes la somme de 1.000 euros perçue à titre de provision ad litem ;

Condamne le GROUPEMENT HOSPITALIER DE L'INSTITUT CATHOLIQUE de [Localité 7] à supporter les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais des deux expertises judiciaires ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision ;

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/03074
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.03074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award