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27/05/2024 | FRANCE | N°22/06349

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 22/06349


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/06349 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WPPK

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

Mme [H] [O] née [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE


DEFENDEUR :

La S.A. HOPITAL PRIVE DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Thibaut FRANCESCHINI, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Vincent BOIZARD avocat plaidant au barreau de PARIS

La CPAM DE [Localité 8]-[Localité 9], prise e

n la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAI...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/06349 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WPPK

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

Mme [H] [O] née [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A. HOPITAL PRIVE DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Thibaut FRANCESCHINI, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Vincent BOIZARD avocat plaidant au barreau de PARIS

La CPAM DE [Localité 8]-[Localité 9], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Juin 2023.

A l’audience publique du 11 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 février 2016, Mme [H] [W], alors âgée de 74 ans, a été opérée, dans un contexte de coxarthrose, pour mise en place d'une prothèse totale de hanche droite par le Dr [Z] [G] au sein de l'Hôpital Privé de [Localité 5], ci-après l'[6].

Les suites opératoires ont été marquées par un défaut de cicatrisation et un écoulement au niveau de la cicatrice.

Mme [H] [W] a été transférée au centre de rééducation [7] puis a regagné son domicile le 8 mars 2016.

Le 3 avril 2016, elle s'est présentée aux urgences du centre hospitalier Appels Léman en raison d'une importante fièvre associée à un écoulement important de la cicatrice. Elle a bénéficié le 5 avril d'un lavage de la prothèse. Les prélèvements ont mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré.

Le 11 avril 2016, elle a été transférée au service des maladies infectieuses du centre hospitaliser de [Localité 9].

Le 15 avril 2016, elle a bénéficié d'une dépose totale de sa prothèse. Au cours de l'opération, le grand nerf sciatique a été atteint.

Le 25 mai 2016, elle a bénéficié de la pose d'une nouvelle prothèse totale de hanche droite.

Mme [H] [W] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille lequel a, par ordonnance en date du 9 juillet 2019, ordonné une expertise médicale confiée au Dr [D] [S], laquelle s'est adjoint le concours du Dr [K] [T].

Les experts ont déposé leur rapport le 3 mars 2021.

S'agissant du Dr [G], les experts ont retenu à son encontre un manquement caractérisé par un défaut de prise en charge de l'écoulement post-opératoire, manquement ayant fait perdre à la patiente une chance d'échapper aux séquelles imputables à l'infection de 30%. Sur la base du rapport, le Dr [G] n'a pas contesté sa responsabilité et un accord est intervenu entre les parties pour que Mme [H] [W] soit indemnisée de son dommage à hauteur de 30%.

Souhaitant obtenir de l'[6] l'indemnisation des 70% qu'elle lui estime imputable au motif de la survenue d'une infection nosocomiale, suivant exploit délivré les 27 septembre et 5 octobre 2022, Mme [H] [W] a fait assigner l'[6] et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 8]-[Localité 9], ci-après la CPAM, devant le tribunal judiciaire de Lille.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM n'a pas constitué avocat.

Les parties ont fait notifier leurs dernières conclusions par voie électronique le 22 mai 2023 pour Mme [H] [W] et le 26 mai 2023 pour l'[6].

La clôture des débats est intervenue le 8 juin 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 11 mars 2024.

****

Aux termes de ses dernières écritures, Mme [H] [W] demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles L1142-1 et suivants du code de la santé publique,

débouter l'[6] de l'ensemble de ses demandes,dire et juger que l'[6] est tenu d'indemniser les préjudices subis par elle liés à l'infection contractée dans les suites de l'opération chirurgicale réalisée dans son établissement le 12 février 2016 dans une proportion de 70%,condamner l'[6] à lui payer les sommes suivantes :* DFT : 8.478,75 euros
* souffrances endurées : 21.000 euros
* préjudice esthétique temporaire et définitif : 2.800 euros
* DFP : 24.640 euros
* ATP : 11.750 euros
* remboursement frais expertise médicale : 2.100 euros
total : 70.768,75 euros
à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le tribunal s'estimerait insuffisamment informé sur la possibilité d'une contamination infectieuse survenue au cours de son hospitalisation au sein de l'[6], désigner avant dire droit le Dr [S] ou tout autre expert pour clarifier ce point et renvoyer l'instance à une audience de mise en état ultérieure dans l'attente de ses conclusions,condamner l'[6] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,condamner l'[6] aux dépens,déclarer la décision opposable à la CPAM de [Localité 8]-[Localité 9].
Aux termes de ses dernières écritures, l'[6] demande au tribunal de :

Vu l'article L1142-1 I du code de la santé publique,
Vu les articles R4127-22 et R4127-33 du code de la santé publique,

à titre principal :* constater l'absence d'arguments en faveur d'une infection nosocomiale contractée en son sein,
* constater l'absence de faute imputable,
* dire que sa responsabilité n'est pas engagée,
* débouter Mme [H] [W] de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire :* constater que l'infection est survenue uniquement en raison de la faute du Dr [G],
* dire qu'aucune condamnation ne saurait peser sur lui,
* dire qu'il devra être relevé garanti intégralement par le praticien de toute condamnation prononcée à son encontre,
à titre infiniment subsidiaire :* constater l'existence d'un état antérieur à l'origine de 22,7% du dommage global,
* constater l'existence d'un aléa thérapeutique à l'origine du SPE lui-même à l'origine de 45,5% du dommage global,
* dire que l'infection est à l'origine de 31,8% du dommage,
* faire application du taux de perte de chance en lien avec la faute du praticien (30%),
* compte tenu du taux de perte de chance et du partage de responsabilité, mettre à sa charge les sommes suivantes :
• frais divers : 150 euros
• tierce personne : 1.198,70 euros
• déficit fonctionnel temporaire : 1.735,17 euros
• souffrances endurées : 1.716,75 euros
• préjudice esthétique : 890,40 euros
• déficit fonctionnel permanent : 5.537 euros

* ramener le montant de la condamnation au titre de l'article 700 à de plus justes proportions,
* statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour l’exposé des moyens respectifs des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à “dire constater et juger” ne constitue pas une prétention en justice devant être tranchée par le tribunal mais simplement un exposé des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur la qualification du jugement

La CPAM n'ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.

Sur la responsabilité du GHICL

Aux termes de l’article L1142-1 du code de la santé publique :
“I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».

Ce texte consacre une responsabilité de plein droit à la charge des établissements.

Le patient doit rapporter la preuve du caractère nosocomial de l’infection. Est nosocomiale toute infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans un établissement de santé et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci. Il appartient, le cas échéant, à l’établissement de santé mis en cause de démontrer l’existence d’une cause exonératoire, laquelle ne peut consister dans le simple respect des règles en matière d’aseptie.

En l'espèce, Mme [H] [W] entend engager la responsabilité de plein droit de l'[6] sur le fondement de cet article.

Les parties discutent du caractère nosocomial ou non de l'infection contractée par Mme [H] [W].

Il ressort du rapport d'expertise les éléments suivants :

Le 11 février 2016, Mme [H] [W] a été hospitalisée à l'[6] en vue de la pose d'une prothèse totale de hanche droite réalisée le lendemain par le Dr [G].

Dans les suites immédiates de l'intervention, il a été constaté un défaut de cicatrisation avec un écoulement important en regard de l'extrémité supérieure de la cicatrice.

Le Dr [G] a autorisé la sortie le 18 février 2016 avec des soins locaux à réaliser toutes les 48h par une infimière jusqu'à cicatrisation complète.

Entre le 18 février et le 8 mars 2016, Mme [H] [W] a été prise en charge au centre de rééducation de la Clinique [7] de [Localité 5]. Lors de cette prise en charge, il a été noté la persistance d'un petit écoulement séreux au niveau du tiers supérieur de la cicatrice associée à une petite zone légèrement fibrineuse. Dans le compte rendu du 8 mars 2016, il est indiqué qu'à l'entrée la CRP de contrôle était de 60,8mg/l tandis qu'elle était de 6,7 mg/l le 1er mars 2016.

Mme [H] [W] a regagné son domicile le 8 mars 2016 et a consulté le Dr [G] à l'[6] le 21 mars 2016. A cette occasion, le chirugien note que le dernier bilan inflammatoire met en évidence une CRP normale et qu'il n'existe pas de fièvre. Il relève que Mme [H] [W] a expulsé un liquide séreux il y a quelques jours rendant la cicatrice moins inflammatoire et qu'il n'y avait pas d'aspect purulent. Il indique qu'il existe encore une petite déhiscence d'environ 1 cm. Il invite la patiente à reconsulter en urgence en cas de fièvre, d'écoulement purulent ou de douleur importante.

Mme [H] [W] a présenté une fièvre à 39°C à compter du 1er avril 2016 et a constaté une majoration de l'écoulement. Elle a donc consulté aux urgences du centre hospitalier Alpes Léman le 3 avril 2016. Il ressort du compte rendu de ce service que le bilan biologique montrait un très léger syndrome inflammatoire avec une CRP à 34.

Un lavage chirurgical a été réalisé le 5 avril 2016. Des prélèvements ont été réalisés lesquels ont mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré. Un traitement antibiotique a été mis en place.

Mme [H] [W] a été rapatriée au centre hospitalier de [Localité 9] le 11 avril 2016 en vue d'une dépose de prothèse laquelle a été réalisée le 15 avril 2016.

Le 25 mai 2016, elle a bénéficié d'une repose de la prothèse totale de hanche droite.

Après analyse du dossier médical de Mme [H] [W], les experts ont relevé que, alors qu'elle était encore hospitalisée à l'[6], celle-ci avait présenté d'emblée un défaut de cicatrisation avec un écoulement important en regard de l'extrémité supérieure de la cicatrice.

L'écoulement ayant persisté et étant toujours présent lors de la consultation du Dr [G] du 21 mars 2016, les experts ont reproché à celui-ci de n'avoir pas procédé immédiatement à une reprise chirurgicale de la cicatrice pour exploration, voir lavage articulaire en fonction des constatations avec réalisation de prélèvements bactériologiques. Ils estiment que lors de cette consultation, le diagnostic de fistule aurait dû être posé ou tout du moins fortement évoqué. Ils précisent qu'un écoulement persistant sur cicatrice doit faire suspecter une fistule cutanéo-articulaire qui nécessite une prise en charge chirurgicale le plus précocement possible afin de pouvoir conserver la prothèse. Ils indiquent que cette prise en charge doit se faire dans le mois dès l'apparition de l'écoulement et qu'au delà de ce délai, la prothèse est considérée comme perdue. Les experts ont ainsi considéré que le manquement du Dr [G] dans la prise en charge de Mme [H] [W] lui avait fait perdre une chance d'échapper à la dépose de la prothèse de hanche, perte de chance qu'ils ont évalué à 30%.
Sur la base de ces conclusions, le Dr [G] a accepté d'indemniser Mme [H] [W] à hauteur de 30% de ses préjudices.
S'agissant de l'infection en elle-même, les experts ont indiqué : “la persistance de l'écoulement correspondant à l'apparition d'une fistule est responsable de l'infection secondaire, il s'agit d'une infection post-opératoire survenant dans les suites du manquement (absence de reprise chirurgicale). Il ne s'agit pas d'une infection nosocomiale imputable au geste princeps de mise en place de prothèse de hanche mais d'une infection survenue secondairement au défaut de cicatrisation de la plaie opératoire et à l'absence de reprise chirurgicale”.
Invités à se prononcer sur l'origine de l'infection, les experts ont précisé : “l'apparition d'un écoulement post opératoire et une déhiscence de la cicatrice sont à considérer comme la porte d'entrée de l'infection et ont entraîné l'apparition d'une fistule cutanée articulaire : toute fistule située sur le trajet de la voie d'abord est considérée comme profonde et communicante avec l'articulation prothèsée jusqu'à preuve contraire”.

Invités ensuite à se prononcer sur les causes possibles de cette infection, ils ont indiqué “l'intervention chirurgicale princeps de mise en place de prothèse de hanche est responsable de la première infection”.

Sur dire du conseil de l'ONIAM relatif notamment à la qualification nosocomiale de l'infection post-opératoire de nature à engager la responsabilité sans faute de l'établissement de soins, les experts ont répondu : “concernant l'infection nosocomiale, elle est totalement imputable au manquement survenu dans la prise en charge de Madame [O], en effet l'infection est constatée le 3 avril du fait de l'absence de reprise chirurgicale décidée lors de la consultation du 21 mars du Docteur [G]”.

Enfin, sur dire du conseil de Mme [H] [W] invitant les experts à se prononcer sur le partage de responsabilité entre l'établissement de soins, lequel engage sa responsabilité sans faute, et le Dr [G], lequel engage sa responsabilité pour faute, il a été répondu “concernant la survenue de l'infection nosocomiale, elle est directement imputable au manquement”.

Il ressort de ces éléments, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'[6], que Mme [H] [W] a présenté une infection au staphylocoque doré laquelle a été diagnostiquée le 5 avril 2016 grâce aux prélèvement effectués lors du lavage chirurgical. Bien que les parties n'aient pas discuté de ce point, le tribunal retient que Mme [H] [W] avait quitté l'[6] depuis le 18 février 2016. En effet, à cette date, elle a été prise en charge à la clinique [7] de [Localité 5] sans qu'il ne soit démontré que cette clinique dépendrait de l'[6], lequel indique qu'à la date du 21 mars 2016, la patiente avait quitté son établissement depuis plus d'un mois.

L'[6] soutient qu'il n'est pas démontré que l'infection serait survenue au cours des soins dispensés en son sein mais qu'au contraire, celle-ci est apparue secondairement en raison d'une non cicatrisation persistante et d'une non prise en charge de la plaie.

Il n'est ainsi pas soutenu en défense que l'infection était présente ou en incubation au début de la prise en charge.

Pour qualifier de nosocomiale l'infection présentée par Mme [H] [W], il appartient à cette dernière d'établir qu'elle est survenue au cours ou au décours de sa prise en charge au sein de l'[6].

Si l'infection doit en principe être contractée au temps et au lieu de l'hospitalisation ayant donné lieu aux soins prodigués pour revêtir une qualification nosocomiale, ce double critère temporel et spatial s'apprécie spécifiquement s'agissant des infections de plaie opératoires. Ainsi, les définitions standardisées établies par les comités de lutte contre les infections nosocomiales au cours des années 90, émanant du rapport « 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales », permettent de ne considérer une infection comme nosocomiale que si elle apparaît au moins après 48h d'hospitalisation. Si elle apparaît avant un tel délai, elle est considérée comme ayant été en incubation lors de l'entrée dans l'établissement et perd de ce fait son caractère nosocomial. En revanche, pour les infections de plaie opératoire, le délai de 48h est repoussé à 30 jours après l'intervention, même si le patient est sorti de l'établissement.

Contrairement à ce qu'indique l'[6], les experts n'ont pas exclu le caractère nosocomial de l'infection. Ils ont seulement indiqué qu'elle n'avait pas été contractée lors de l'intervention du 12 avril 2016. En effet, l'infection est survenue postérieurement à l'intervention et la voie d'entrée de cette infection a été la présence d'un écoulement au niveau de la cicatrice et d'un défaut de cicatrisation qui ont entraîné l'apparition d'une fistule.

Lors de la consultation du 21 mars 2016 avec le Dr [G], il n'est pas relevé de signes infectieux pouvant laisser penser à la présence d'un staphylocoque doré. En effet, Mme [H] [W] ne présente pas de fièvre et la CRP est normale. La cicatrice ne présente pas d'aspect purulent.

Les signes d'infections, avec apparition de la fièvre, sont survenus une dizaine de jours plus tard, le 1er avril 2016, soit à plus de 30 jours de l'intervention et de la sortie de Mme [H] [W] de l'[6].

Dès lors, rien ne permet d'affirmer, ni même présumer, que l'infection serait survenue lors de la prise en charge de Mme [H] [W] à l'[6]. En effet, la persistance d'un écoulement depuis l'opération ne suffit pas à dire que l'infection a nécessairement été contractée dans l'établissement de soins.

Le tribunal comprend de l'affirmation des experts selon laquelle l'apparition de l'infection est imputable au manquement du chirurgien que la contraction du staphylocoque doré a très bien pu intervenir après la consultation du 21 mars 2016 au cours de laquelle le Dr [G] a adopté une attitude attentiste plutôt que de procéder à une reprise chirurgicale.

Dans ces conditions, l'infection par staphylocoque doré ne peut être qualifiée de nosocomiale et Mme [H] [W] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de l'[6] sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner un complément d'expertise pour déterminer si l'infection révélée le 3 avril 2016 a pu avoir pour origine une contamination survenue lors de l'opération du 12 février 2016, les experts ayant clairement répondu par la négative à cette question.

Sur la demande de jugement commun et opposable

La demande est dépourvue d'intérêt dès lors que la CPAM est partie à l'instance et que le jugement lui est réputé contradictoire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Mme [H] [W], qui succombe, supportera la charge des dépens, ce qui entraîne rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute Mme [H] [W] veuve [O] de l'intégralité des demandes formées à l'encontre de la SA Hôpital Privé de [Localité 5],

Condamne Mme [H] [W] veuve [O] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/06349
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.06349 ?
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