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27/05/2024 | FRANCE | N°22/05070

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 22/05070


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/05070 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WMPO


JUGEMENT DU 27 MAI 2024



DEMANDEUR :

M. [I] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Camille WATTIEZ, avocat au barreau de LILLE


DEFENDEUR :

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE “ [Adresse 6]” sis [Adresse 1]), représenté par par son syndic la SARL SAFIR IMMO INVESTISSEMENT, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5],
représentée par Me Gabriel DENE

CKER, avocat au barreau de LILLE


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vic...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/05070 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WMPO

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [I] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Camille WATTIEZ, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE “ [Adresse 6]” sis [Adresse 1]), représenté par par son syndic la SARL SAFIR IMMO INVESTISSEMENT, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5],
représentée par Me Gabriel DENECKER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 Septembre 2023.

A l’audience publique du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Il existe un immeuble soumis au régime de la copropriété situé [Adresse 1]) dénommé ''[Adresse 6]''.

Monsieur [I] [G] est propriétaire, au sein de cet immeuble, du lot C503.

Une assemblée générale ordinaire des copropriétaires s'est tenue le 1er juin 2022.

Lors de cette assemblée générale, a été adoptée une résolution n°8 intitulée « Décision à prendre concernant le contrat d'installation d'une antenne Free », visant à autoriser la location d'une partie de la toiture à la société Free Mobile aux fins d'installation d'équipements téléphoniques, moyennant le versement par ladite société d'un loyer annuel de 12.500 euros.

Monsieur [I] [G], qui était présent lors de cette assemblée, a voté contre cette résolution.

Par suite, contestant la régularité du vote de cette résolution, Monsieur [I] [G] a, par acte d’huissier de Justice en date du 11 août 2022, fait assigner le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble ''[Adresse 6]'' (ci-après « le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES ») devant le tribunal judiciaire de Lille afin d’obtenir l’annulation de la résolution n°8 de l’assemblée générale des copropriétaires du 1er juin 2022.

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES a constitué avocat le 18 août 2022.

La clôture des débats est intervenue le 15 septembre 2023, par ordonnance du même jour, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 14 mars 2024.

* * *

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 mars 2023, Monsieur [I] [G] demande au tribunal, au visa des articles 10-1, 42, 24, 25 et 25-1 de la loi du 10 juillet 1965, de :

- annuler la résolution 8 de l’assemblée générale des copropriétaires de la « [Adresse 6] » du 1er juin 2022,
- condamner le syndicat des copropriétaires de la « [Adresse 6] », représenté par son syndic SAFIR IMMO INVESTISEMENT, à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance,
- dire qu'il sera dispensé de toute participation à la dépense commune des condamnations prononcées contre le syndicat des copropriétaires et des frais de procédure que celui-ci a engagé.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 février 2023, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES demande au tribunal de :

Vu la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles batis,
Vu le décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,
Vu la loi du 02 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce,
Vu le décret du 27 mai 2004 modifiant le décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,

Vu la loi dite ALUR du 24 mars 201 4 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové,

- juger n'y avoir lieu à annuler la résolution n° 8 de l°assemblée générale des copropriétaires de la [Adresse 6] du 1er juin 2022 ;
- débouter Monsieur [I] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Monsieur [I] [G] à lui payer la somme de 2.400 € en application de l°article 700 du Code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers frais et dépens, en ce compris tous frais à sa charge en application de la prestation de recouvrement ou d°encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 visé à l'article A 444-32 du Code de commerce (ancien article au tarif des huissiers de justice).

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives susvisées pour l'exposé des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation de la résolution n° 8

L'article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa version antérieure en vigueur au jour de l'assemblée générale critiquée, énonce que :

« Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, s'il n'en est autrement ordonné par la loi [...] ».

L’article 25 de la même loi dispose que :

« Ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :
[...]
h) L'installation d'une station radioélectrique nécessaire au déploiement d'un réseau radioélectrique ouvert au public ou l'installation ou la modification d'une antenne collective ou d'un réseau de communications électroniques interne à l'immeuble dès lors qu'elles portent sur des parties communes ;
[...] ».

Néanmoins, l'article 25-1 prévoit que « Lorsque l'assemblée générale des copropriétaires n'a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l'article 25 ou d'une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l'article 24 en procédant immédiatement à un second vote ».

En l'espèce, l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires réunie le 1er juin 2022 a adopté une résolution n°8 intitulée « Décision à prendre concernant le contrat d'installation d'une antenne Free » et ainsi rédigée (pièce n°2 demandeur) :

« La société FREE MOBILE a proposé la location d'une partie d ela toiture pour un montant annuel de 12.500,00 € afin d'y installer une antenne 5G.
RESOLUTION : L'Assemblée Générale autorise la pose d'équipements téléphoniques selon la proposition de FREE MOBILE (dont copie jointe).
Après avoir pris connaissance de la proposition de FREE MOBILE visant à l'installation, l'exploitation et la maintenance d'infrastructures permettant l'accueil et l’exploitation d’équipements techniques de communication électroniques et audiovisuels appartenant à des opérateurs.
Ce contrat est proposé pour une durée de 12 ans au prix annuel de 12.500,00 € nets.
Les copropriétaires donnent pouvoir au syndic afin de régulariser cette convention.

Le produit de ce contrat sera porté au crédit du compte de chaque copropriétaire au prorata de ses tantièmes de charges communes générales.
L’Assemblée donne pouvoir au syndic pour signer ce contrat et effectuer toutes les démarches nécessaires à sa mise en place ».

Les parties s'accordent à reconnaître qu'une telle résolution doit, normalement, être votée à la majorité prévue à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965, soit à la majorité de tous les copropriétaires.

Or, dans le cas d'espèce, le procès-verbal de l'Assemblée générale considérée indique que ladite résolution n°8 a été « acceptée à la majorité des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance », soit à la majorité de l'article 24 précité.

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES ne conteste pas cet état de fait mais affirme que la résolution n°8 a, néanmoins, été régulièrement adoptée à la majorité simple, en application de la pratique dite ''de la passerelle'' prévue par l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Monsieur [I] [G] entend, toutefois, faire valoir la nullité de cette résolution, au motif de son adoption irrégulière à la majorité simple prévue à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965, en violation des articles 25 et 25-1 de la loi de 1965.

Au soutien de sa prétention, il rappelle que, pour être votée dans les conditions de l’article 25, la résolution 8 devait réunir 10.055 tantièmes, l'ensemble des copropriétaires de la résidence réunissant 20.109 tantièmes. Or, les copropriétaires présents ou représentés réunissaient seulement 6.577 tantièmes, en ce compris les 138 tantièmes de Madame [V] [X] arrivée pendant le déroulement de l’assemblée. Il soutient, ainsi, que la résolution n°8 ne pouvait, en tout état de cause pas être votée à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965.

De surcroît, il souligne que, compte tenu du nombre de voix présentes ou représentées à l'assemblée, il était impossible que la résolution n°8 réunisse les conditions d'application de l'article 25-1 de la loi de 1965, le tiers des voix de tous les copropriétaires n'étant pas réuni.

Sur ce, il ressort, en effet, du procès-verbal et de la feuille de présence que 44 copropriétaires sur 145 totalisant 6.439 sur 20.109 tantièmes étaient présents ou valablement représentés à l'assemblée générale du 1er juin 2022 (pièces n°2 et 3 demandeur), de sorte qu'il était impossible que les conditions de l'article 25-1 soient réunies, puisque le tiers des voix de tous les copropriétaires n'était pas même présent ou représenté à cette assemblée.

C'est donc en violation de cet article 25-1 que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES a fait voter la résolution n°8 critiquée à la majorité simple prévue à l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Il sera, au demeurant, observé que le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES a implicitement reconnu que ce vote était irrégulier, puisqu'il a de nouveau soumis cette même résolution au vote de l'Assemblée générale des copropriétaires du 18 janvier 2023 (pièce n°1 défendeur).

La résolution n°8 votée lors de l'Assemblée générale des copropriétaires du 1er juin 2022 doit, en conséquence, être annulée.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Par ailleurs, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, énonce que :

« […] Le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.
Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige. »

En l'espèce, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, qui succombe, supportera les dépens de l’instance, de sorte que ses demandes aux titres des frais irrépétibles et de l'article A.444-32 du Code de commerce doivent être rejetées.

L’équité commande, en outre, de le condamner à verser à Monsieur [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, en application de l'article 10 de la loi de 1965 précité, Monsieur [G] sera dispensé de toute participation à la dépense commune des frais et dépens de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Prononce l'annulation de la résolution n°8 de l'assemblée générale du 1er juin 2022 ;

Condamne le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble ''[Adresse 6] à payer à Monsieur [I] [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble ''[Adresse 6]'' à supporter les entiers dépens de l’instance ;

Dit que Monsieur [I] [G] sera dispensé de toute participation à la dépense commune des frais et dépens de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/05070
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.05070 ?
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