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27/05/2024 | FRANCE | N°22/02836

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 27 mai 2024, 22/02836


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/02836 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WB3H


JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [C] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.R.L. IDEAL AUTO, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laura MAHIEU, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JO

DEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/02836 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WB3H

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [C] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.R.L. IDEAL AUTO, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laura MAHIEU, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juillet 2023.

A l’audience publique du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant bon de commande daté du 20 décembre 2019, Monsieur [C] [D] a réservé auprès de la S.A.R.L. IDEAL AUTO, un véhicule RENAULT Megane immatriculé [Immatriculation 4], indiqué comme mis en circulation pour la première fois le 19 mars 2010 et affichant 176.200 kilomètres au compteur, moyennant un prix de vente de 6.490 euros. Ledit bon de commande faisait état d'une garantie de trois mois ''moteur et boîte de vitesse''.

Suivant facture datée du 17 janvier 2020 et certificat de cession daté du même jour, Monsieur [D] a effectivement pris possession du véhicule, lequel affichait alors toujours 176.200 kilomètres au compteur. La facture confirmait une garantie de trois mois.

Suite à la vente, Monsieur [D] s'est rapidement plaint de divers dysfonctionnements affectant le véhicule.

Persistant à se plaindre de désordres, malgré la réalisation de travaux de remplacement du kit embrayage volant moteur courant juin 2020, une expertise amiable a été diligentée à l'initiative de l'assureur protection juridique de Monsieur [D], confiée au cabinet RABACHE - NORD DE FRANCE EXPERTISE et l'expert amiable a déposé son rapport définitif d'expertise le 30 octobre 2020.

Sur la base de ce rapport, Monsieur [D] a, par l'intermédiaire de son avocat, adressé le 27 novembre 2020 à la société IDEAL AUTO une mise en demeure d'avoir à lui régler l'intégralité du prix de vente du véhicule ainsi que des dommages et intérêts.

Cette mise en demeure étant demeuré infructueuse, Monsieur [D] a sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille l'organisation d'une expertise judiciaire confiée , par ordonnance en date du 29 juin 2021, à Monsieur [F] [M].

Le cabinet CRUZ EXPERTISE, désigné pour remplacer Monsieur [M] suivant ordonnance du 13 juillet 2021, a déposé son rapport définitif le 27 octobre 2021.

Par suite, Monsieur [C] [D] (ci-après ''l'acquéreur'') a assigné la S.A.R.L. IDEAL AUTO (ci-après ''la société venderesse'') devant le tribunal judiciaire de LILLE par acte d'huissier de Justice en date du 26 avril 2022, aux fins de résolution de la vente et de dommages et intérêts.

La société IDEAL AUTO a constitué avocat le 16 mai 2022.

La clôture de l’instruction est intervenue le 05 juillet 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 11 mars 2024.

* * *

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 juin 2023, Monsieur [C] [D] demande au tribunal, au visa des articles 1641 et suivants, 1352 et suivants du Code civil et 700 du Code de procédure civile :

- débouter la SARL IDEAL AUTO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner la résolution de la vente intervenue le 20 décembre 2019 entre lui et la SARL IDEAL AUTO et portant sur le véhicule RENAULT MEGANE immatriculé [Immatriculation 4], le véhicule étant affecté de vices cachés,

En conséquence :
- condamner la SARL IDEAL AUTO à lui verser les sommes suivantes :
- 6.490 € TTC au titre du prix de vente,
- 6.404,81€ au titre du préjudice financier, le montant correspondant aux frais d'assurance étant à parfaire au jour de la décision ;
- 600 € au titre du préjudice de jouissance,
- 400 € au titre du préjudice moral ;
- 2.765,16 € au titre des frais d'expertise judiciaire ;
- 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- juger que la restitution du véhicule RENAULT MEGANE immatriculé [Immatriculation 4] à la SARL IDEAL auto est impossible ;
- juger qu'il est de bonne foi et n'a commis aucune faute, de sorte qu'il ne peut être condamné à une restitution en valeur en raison de la destruction du véhicule ;
- condamner la SARL IDEAL AUTO aux entiers dépens de l'instance ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, la société IDEAL AUTO demande au tribunal, au visa des mêmes articles, de :

A titre principal :
- dire et juger que la garantie légale prévue aux dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil n’a pas vocation à s’appliquer au présent contrat ;
- juger que le véhicule n’est affecté d’aucun vice caché ;
- par conséquent, débouter Monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire : si le Tribunal prononçait la résolution du contrat, la résolution étant impossible :
- condamner Monsieur [D] à lui restituer la valeur du véhicule, soit la somme de 6.490 euros ;
- ordonner la compensation avec toute condamnation éventuelle de restitution du prix d’achat du véhicule prononcée à son égard  ;

En tout état de cause,
- condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur [D] aux entiers frais et dépens de l'instance y compris les frais d'expertise.

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties susvisées pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’application de la garantie au titre des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

L'article 1643 dispose, quant à lui, que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.».

En matière de vente de véhicules d'occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l'article 1641 du Code civil, l'acheteur devant s'attendre en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf, ce qui explique qu’une voiture d’occasion subisse une décote importante dès sa première année puis au fil du temps.

En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, Monsieur [D] se prévaut principalement du rapport d'expertise judiciaire déposé le 27 octobre 2021 suite à des opérations expertales réalisées le 16 septembre 2021, soit vingt mois après la vente litigieuse et après 29.750 kilomètres parcourus (pièce n°14).

Au terme dudit rapport, l'expert judiciaire a retenu trois types de désordres qu'il qualifie de « majeurs » affectant ou ayant affecté le véhicule et rendant, cumulativement, ce dernier inutilisable et impropre à son usage à défaut d'importantes réparations :

- un embrayage volant moteur hors service,
- un dysfonctionnement de la chaîne de démarrage du véhicule, le verrou de colonne défaillant empêchant, de manière aléatoire, le démarrage,
- un bloc ABS hors service, dysfonctionnement apparu à 183.282 kilomètres.

L'expert chiffre les réparations, à savoir le remplacement de l'embrayage volant moteur, du bloc ABS et du verrou de colonne, à 5.149,73 euros T.T.C., étant précisé que lors des opérations expertales, le remplacement du système d'embrayage volant moteur avait déjà été effectué d'initiative par Monsieur [D] depuis de nombreux mois (cf. facture datée du 19 juin 2020, alors que le véhicule affichait 183.600 kilomètres au compteur, pour un montant de 2.056,81 euros T.T.C. – pièce n°6 demandeur).

Sur ce, outre le fait que l'expert judiciaire n'a pas été en mesure de constater personnellement l'existence d'une défaillance de l'embrayage volant moteur, lequel avait déjà fait l'objet de réparations, il doit être observé qu'un tel désordre ne peut, en tout état de cause, pas être retenu comme un vice caché au sens des articles précités, alors que l'expert indique lui-même qu'une défaillance de l'embrayage volant moteur n'est pas anormale « à ce niveau de service », à savoir pour un véhicule ayant roulé plus de 175.000 kilomètres. Or, Monsieur [D] ne pouvait ignorer, en acquérant un véhicule affichant 176.200 kilomètres au compteur, que celui-ci présenterait nécessairement une usure de certains de ses éléments, même essentiels.

Pour le surplus des désordres, l'expert ne retient pas pour cause l'usure normale du véhicule.

Il conclut, en outre, que le dysfonctionnement du verrou de colonne, qui s'est manifesté dès les premiers jours suivant l'acquisition, était antérieur à la vente, ce qui n'est pas contesté en défense, tandis que, bien que ne s'étant manifesté que postérieurement à l'achat, et plus précisément après 7.082 kilomètres parcourus (ce que l'expert qualifie de « très rapidement », page 38 du rapport notamment), le désordre affectant le bloc ABS était déjà « en germe » lors de l'achat et, par conséquent, pré-existant.

Par ailleurs, il n'est pas contestable que ces deux désordres n'étaient ni apparents ni décelables par un automobiliste profane, ce d'autant que le dernier contrôle technique réalisé quelques mois plus tôt, le 30 août 2019 (pièce n°5) n'avait révélé que des défaillances mineures relatives, notamment, à une usure légère des disques ou tambours AVG et AVD et que l'expert estime, au surplus, que le véhicule est dans un état apparent extérieur « plutôt flatteur », laissant supposer son bon état d'entretien.

Enfin, si la société défenderesse soutient que ces désordres n'ont pas rendu le véhicule impropre à son usage puisqu'au jour des opérations d'expertise judiciaire, Monsieur [D] avait été en mesure de parcourir 29.702 kilomètres avec le véhicule litigieux, l'expert judiciaire a, ainsi qu'il a été vu, émis un avis contraire.

A cet égard, l'impossibilité intempestive et aléatoire de démarrer le véhicule constitue indéniablement un défaut majeur rendant, de fait, impossible l'utilisation normale du véhicule dès lors que son usage est empêché par intermittence et, partant, sa fiabilité non-garantie.

De surcroît, l'absence de fonctionnement du système ABS du véhicule, lequel est susceptible de mener à une augmentation de la distance de freinage et à une perte de contrôle du véhicule en cas de freinage d'urgence, constitue incontestablement un vice grave rendant le véhicule impropre à son usage, comme affectant un équipement de sécurité du véhicule.

Eu égard à la gravité et à l'ampleur des désordres, ainsi qu'au montant des réparations nécessaires pour y remédier, il est indéniable que si Monsieur [D] avait eu connaissance des vices présentés par le véhicule, il ne l’aurait pas acquis ou n’en aurait donné qu’un très moindre prix.

Les conditions exigées par l’article 1641 du Code civil étant, dans le cas d'espèce, pleinement réunies, Monsieur [D] est parfaitement fondé à engager une action en garantie des vices cachés à l’encontre de la société IDEAL AUTO.

Sur les conséquences de la garantie au titre des vices cachés

Sur l'action rédhibitoire et la demande de restitution du prix d'acquisition

L'article 1644 du Code civil dispose qu'en cas de vice caché, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, étant précisé que cette option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire est ouverte au seul acquéreur, sans qu'il ait à en justifier.

Au sens de l'article 1229 du Code civil, la résolution met fin au contrat. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre.

Il en découle qu'en cas de vente d'un véhicule, sa résolution consiste dans l'anéantissement rétroactif de ces effets et a pour conséquence de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient à la date de sa conclusion.

Néanmoins, l'article 1647 du Code civil dispose que :

« Si la chose qui avait des vices a péri par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l'acheteur à la restitution du prix et aux autres dédommagements expliqués dans les deux articles précédents.

Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour le compte de l'acheteur. ».

La perte de la chose vendue arrivée par cas fortuit ne fait, en revanche, pas obstacle à ce que l'acquéreur obtienne, par la voie de l’action estimatoire, la réduction du prix que justifie la gravité du vice dont cette chose était atteinte.

En l'espèce, Monsieur [C] [D] a fait le choix de solliciter la résolution de la vente du véhicule litigieux.

La société IDEAL AUTO se prévaut, cependant, des dispositions de l'article 1647 du Code civil et, faisant le constat d'une restitution impossible du véhicule en nature, par suite de sa destruction par incendie, sollicite la restitution du véhicule en valeur.

Sur ce, il est constant que Monsieur [D] a déposé plainte le 28 mars 2023 pour l'incendie du véhicule litigieux survenu dans la nuit et les photographies annexées au procès-verbal de constat daté du 05 avril 2023 versé aux débats témoignent de ce que le véhicule objet de l'action résolutoire, totalement calciné, a péri (pièces n°19 et 20).
Les suites apportées à cette plainte n'étant pas connues, la cause de l'incendie demeure, à ce stade, indéterminée, aucun élément ne permettant, en tout état de cause, de conclure que le sinistre serait dû à un vice antérieur à la vente et inhérent au véhicule, de sorte qu'il doit être retenu que la destruction résulte d’un cas fortuit, ce qui, au demeurant, n'est pas contesté.

Contrairement à l'analyse qui en est faite par le défendeur, l'application de l'article 1647 alinéa 2 du Code civil précité conduit purement et simplement à priver l'acquéreur de son option entre action estimatoire et action résolutoire, cette dernière ne lui étant plus ouverte.

La demande de résolution de la vente ne saurait, en conséquence, aboutir.

Le tribunal relève, néanmoins, que l'acquéreur, qui sollicite la condamnation de la SARL IDEAL AUTO à lui restituer l'entier prix de vente du véhicule – ce qu'il ne peut obtenir pour les motifs ci-dessus développés – réclame, de facto, a minima, restitution partielle de ce prix de vente, compte tenu des vices affectant le véhicule. La demande sera, dès lors, requalifiée en ce sens.

Sur ce, en considération du coût des réparations nécessaires pour mettre fin aux vices cachés affectant le véhicule objet du litige, tel que chiffré par l'expert judiciaire et non-contesté par les parties, soit les sommes de 2.354,32 euros T.T.C au titre du bloc ABS et 739,20 euros T.T.C. au titre du verrou de colonne, la société IDEAL AUTO sera condamnée, en restitution d'une partie du prix, à verser à Monsieur [D] la somme de 3.093,52 euros.

Sur les demandes indemnitaires

Conformément à une lecture combinée des articles 1645 et 1646 du Code civil, seul le vendeur de mauvaise foi qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; dans le cas contraire, il n'est tenu qu'à la restitution du prix et au remboursement à l'acquéreur des frais occasionnés par la vente.

En l'espèce, la société IDEAL AUTO est un professionnel de la vente de véhicules. Elle est donc présumée avoir connu les vices de la chose, présomption qui ne saurait être renversée, s'agissant, de jurisprudence constante, d'une présomption irréfragable fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, et qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente.

Elle est, par conséquent, tenue de réparer l'intégralité de tous les dommages subi par Monsieur [C] [D].

- préjudice de jouissance

Monsieur [D] entend enfin faire valoir subir un préjudice de jouissance depuis l'immobilisation du véhicule en avril 2021, préjudice qu'il chiffre forfaitairement à la somme de 600 euros.

Il n’apparaît pas contestable que, compte tenu des désordres présentés par le véhicule objet du litige, l'acquéreur a fini par être privé de son utilisation normale et contraint de se réorganiser. Il justifie, à cet égard, avoir acquis un nouveau véhicule fin avril 2021, date correspondant à l'immobilisation du véhicule litigieux dont l'expert judiciaire a ensuite confirmé, dans son rapport d'octobre 2021, l'inutilisabilité en raison de désordres majeurs (pièce n°14/42).

Il sera tenu compte d'une immobilisation du véhicule jusqu'au jour du prononcé de la présente décision, le véhicule ayant, certes, péri par cas fortuit, mais étant, en tout état de cause inutilisable par suite des vices dont il est atteint et auxquels seul l'octroi, par l'effet de la présente décision, de la somme correspondant au montant des travaux des réparations permet de mettre fin.

Compte tenu de la durée d'immobilisation du véhicule, la somme réclamée n'est pas excessive de sorte que la société IDEAL AUTO sera condamnée à verser à Monsieur [D], au titre du préjudice de jouissance, la somme de 600 euros.

- préjudice financier

Monsieur [D] sollicite, tout d'abord, le remboursement des primes d'assurance qu'il a dû régler aux fins d'assurer le véhicule litigieux et plus précisément la somme de 815,68 euros au titre des années 2020, 2021 et 2022 (étant précisé que la mention du dispositif des conclusions en demande selon laquelle « le montant correspondant aux frais d'assurance [es]t à parfaire au jour de la décision » ne constitue pas une demande chiffrée devant être tranchée par le tribunal).

Néanmoins, jusqu'à la date d'immobilisation du véhicule, qui sera fixée au 23 avril 2021, date d'acquisition d'un nouveau véhicule par Monsieur [D] (pièces n°14/17 et 15), il doit être relevé que le paiement de ces primes est la contrepartie directe et exclusive de l'utilisation du véhicule par celui-ci, alors qu'il est, de surcroît, établi qu'il a roulé avec le véhicule sur une distance de plus de 29.000 kilomètres depuis l'acquisition résolue.

La demande tendant à être indemnisé des primes versées au titre de la période du 17 janvier 2020 au 23 avril 2021 sera, en conséquence, rejetée.

A compter de cette date, il sera, en revanche, considéré que le paiement de ces primes d'assurance a été assumé en pure perte par Monsieur [D], en raison des vices rendant l'utilisation du véhicule impossible, de sorte que ce montant devra être pris en charge par la société venderesse.

Monsieur [D] justifiant d'une cotisation annuelle d'assurance pour ce véhicule d'un montant de 279,69 euros T.T.C. (pièce n°16), la somme due par l'assureur au titre de la période du 23 avril 2021 au 31 décembre 2022 s'élève à 466,15 euros (186,46 €+ 279,69 €).

La société IDEAL AUTO sera également condamnée à prendre en charge les frais de passage du véhicule à la valise pour diagnostic engagés en septembre 2020 dans le cadre de l'expertise amiable pour un montant de 32,40 euros T.T.C. et ayant permis de mettre en évidence notamment le mauvais état du verrou de colonne de direction (pièce n°9).

La société défenderesse ne saurait, en revanche, être redevable envers l'acquéreur de la somme de 2.056,81 euros T.T.C. (pièce n°6) correspondant aux frais de remplacement de l'embrayage volant-moteur du véhicule, alors que l'expert a expressément indiqué que ces travaux sont dus à l'entretien – normal – du véhicule (pièce n°14/35).

Quant au coût d'achat d'un nouveau véhicule, il ne saurait être mis à la charge de la société IDEAL AUTO sans conduire à une double indemnisation, alors que partie du prix de vente du véhicule litigieux est restituée à l'acquéreur par l'effet de la présente décision et qu'il est octroyé, par ailleurs, une indemnité à celui-ci au titre de son préjudice de jouissance. La demande sera, à ce titre, rejetée.

En conséquence, le préjudice financier de Monsieur [D] s'élève à la somme totale de 498,55 euros.

- préjudice moral

Monsieur [D] sollicite enfin la somme de 400 euros en réparation de son préjudice moral. Il fait valoir que la situation de ce véhicule, qui refusait fréquemment de démarrer, était invivable pour lui, alors qu'en sa qualité d'auto-entrepreneur, il avait besoin tous les jours de sa voiture pour travailler. Il rajoute n'avoir jamais été confronté à la Justice de sorte que ce litige est un facteur de stress pour lui, alors qu'il a cherché par tous les moyens à régler amiablement la situation, en vain, face à l'indifférence et à la mauvaise foi de la société défenderesse.

La société IDEAL AUTO conclut, pour sa part, au rejet de la demande, motif pris de l'absence de démonstration d'un préjudice moral.

Néanmoins, il n’apparaît pas contestable que les désordres dont était atteint le véhicule et les nombreuses démarches menées par l'acquéreur pour les faire valoir ont engendré non seulement du tracas mais également une indubitable désorganisation de son quotidien.

La somme réclamée en réparation de ce préjudice, soit 400 euros, qui n'est pas excessive, sera, en conséquence, accordée.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, la société défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance ainsi qu'au coût de l'expertise judiciaire. Il n'y a donc pas lieu à application de l’article 700 précité à son profit.

En revanche, l’équité commande de faire application de ces dispositions au profit de Monsieur [C] [D] qui a été contraint d'engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits en justice. Il lui sera accordé, à ce titre, la somme réclamée de 1.500 euros.

Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger d'office à ce principe.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déboute Monsieur [C] [D] de sa demande tendant à la résolution judiciaire de la vente conclue le 17 janvier 2020 avec la S.A.R.L. IDEAL AUTO portant sur le véhicule de marque RENAULT Megane immatriculé [Immatriculation 4] ;

Condamne la S.A.R.L. IDEAL AUTO à payer à Monsieur [C] [D] la somme de 3.093,52 euros en restitution d'une partie du prix de vente ;

Condamne la S.A.R.L. IDEAL AUTO à payer à Monsieur [C] [D] les sommes indemnitaires suivantes :

- 498,55 euros en réparation de son préjudice financier,
- 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
- 400 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la S.A.R.L. IDEAL AUTO à payer à Monsieur [C] [D] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la S.A.R.L. IDEAL AUTO aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'au coût de l'expertise judiciaire. ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/02836
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.02836 ?
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