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14/05/2024 | FRANCE | N°22/03798

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mai 2024, 22/03798


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/03798 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WH6G


JUGEMENT DU 14 MAI 2024



DEMANDEUR :

M. [R] [T]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Hélène POPU, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Pascal LENOIR avocat plaidant au barreau d’AMIENS

DEFENDERESSES :

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic la SAS SERGIC, prise en la personne de son représentant légal.
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée

par Me Ludovic DENYS, avocat au barreau de LILLE

La S.A.S SERGIC, prise en la personne de son représentant légal dont le siège se sit...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/03798 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WH6G

JUGEMENT DU 14 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [R] [T]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Hélène POPU, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Pascal LENOIR avocat plaidant au barreau d’AMIENS

DEFENDERESSES :

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic la SAS SERGIC, prise en la personne de son représentant légal.
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Ludovic DENYS, avocat au barreau de LILLE

La S.A.S SERGIC, prise en la personne de son représentant légal dont le siège se situe [Adresse 4], prise en son établissement sis : 
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Kathia BEULQUE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juillet 2023.

A l’audience publique du 15 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mai 2024.

Ghislaine CAVAILLES, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mai 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

Il existe à [Localité 6] un ensemble immobilier situé [Adresse 1], dit Résidence Grand magasin et soumis au statut de la copropriété.
Plus précisément, il existe deux copropriétés l’une pour les lots d’habitation, l’autre pour les lots à usage de garage.
M. [R] [T] y est propriétaire d’un lot consistant en un appartement B24 ainsi que d’un garage.
Le syndic de chacun des syndicats des copropriétaires est la société SERGIC.

Seule celle de la partie habitation est l’objet du présent litige.

Un sinistre a été déclaré à l’assureur dommage ouvrage des travaux de réhabilitation, la société SMABTP de cet immeuble par le syndic, le 15 septembre 2015. Le 30 octobre 2015 l’expert désigné par l’assureur, M. [J] du cabinet SOFREX, a considéré qu’une poutre en bois se trouvant à la limite des appartements B23 et B24 avait maigri par l’effet du chauffage des locaux, créant un vide allant de 2 à 3 cm sous la poutre. Il a préconisé un calefeutrement des interstices puis la création d’un caisson isophonique pour habiller la poutre.
L’expert a constaté le même phénomène de maigrissement d’une poutre entre le salon et la chambre, estimé que le désordre n’était qu’esthétique et qu’un calefeutrement des vides pouvait être envisagé si les garanties étaient acquises.

Par acte d’huissier du 24 novembre 2016, M. [T] a agi en référé expertise pour faire examiner les travaux de rénovation du lot acquis par lui dans l’ensemble immobilier du [Adresse 1]

Séparément et par acte d’huissier du 30 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires a également agi en référé expertise pour faire examiner les travaux de réhabilitation de cet ensemble immobilier ancien.

C’est dans ces circonstances que le président du tribunal de grande instance de Lille a, par deux décisions distinctes du 7 mars 2017 ordonné deux expertises, toutes deux confiées à l’expert [E].

Par actes d’huissier du 9 septembre 2021, M. [T] a fait assigner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], et la société SERGIC devant le tribunal judiciaire de Lille afin notamment d’obtenir l’annulation de l’assemblée générale du 14 décembre 2018 et d’engager la responsabilité du syndicat et du syndic.
L’affaire a été enregistrée sous la référence 21/05325.

Par ordonnance du 31 mars 2022, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive dans l'affaire opposant M. [T] au syndicat des copropriétaires et à la société SERGIC, engagée par assignation du 15 février 2019 enrôlée sous le numéro 19/01379.

Le jugement attendu a été rendu le 28 avril 2022 et le tribunal a principalement :
- Déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assemblée générale du 14 décembre 2018 ;
- Déclaré irrecevables les demandes indemnitaires de M. [T] relatives aux frais supportés indument pour son expertise judiciaire en plus des frais supportés pour l'expertise judiciaire initiée par le syndicat des copropriétaires pour tous les lots de la copropriété, pour la perte des loyers résultant des vices de construction de la partie commune en l'espèce la paroi séparative, mais aussi les planchers, la présence de xylophages non traitée et pour la violation de son mandat par la société SERGIC ;
- Rejeté les demandes indemnitaires relatives au surcoût de la gestion par la société SERGIC et à la violation du droit de M. [T] de pouvoir voter en étant parfaitement informé ;
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires de M. [T] tendant à l'organisation d'une expertise, l'octroi d'une provision et le prononcé d'un sursis à statuer ;
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes accessoires de M. [T] relatives aux intérêts, à l'anatocisme et à l'application de l'article L.313-13 ou L.313-3 du code monétaire et financier.

Les parties ont toutes acquiescé au jugement.

M. [T] a demandé, le 2 juin 2022, la réinscription de l’affaire 21/05325, ce qui a été fait sous la nouvelle référence 22/03798.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, le juge de la mise en état a principalement déclaré irrecevables les demandes tendant à l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 14 décembre 2018 et à la condamnation au paiement de dommages et intérêts pour un surcoût de gestion par la société SERGIC et la violation du droit de M. [T] de pouvoir voter en étant parfaitement informé.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, M. [T] demande au tribunal de :

- Juger que le syndic, la société SERGIC a commis des fautes engageant sa responsabilité civile ; - Juger que le syndicat des copropriétaires est responsable des vices de construction affectant les parties communes, engendrant un préjudice pour lui et des fautes personnelles opposables à la société SERGIC ;
En conséquence,

A titre principal :
- Condamner in solidum la société SERGIC et le syndicat de copropriétaires à lui verser à titre de dommages-intérêts les sommes de :
- 16 300 euros au titre des frais supportés indument pour son expertise judiciaire en plus des frais supportés pour l’expertise judiciaire initiée par le syndicat des copropriétaires pour tous les lots de la copropriété,
- 72 420 euros au titre de la perte des loyers résultant des vices de constructions de la partie commune en l’espèce la paroi séparative, mais aussi les planchers, la présence de xylophages non traitée ;
- 8 512,94 euros au titre de son préjudice résultant de la violation de son mandat par la société SERGIC ;
- Condamner in solidum la société SERGIC et le syndicat de copropriétaires à lui payer la somme de 13 200 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :
- Ordonner toute expertise que la présente juridiction considérerait comme utile, le cas échéant pour apprécier l’étendue de son préjudice ;
- Condamner in solidum la société SERGIC et le syndicat de copropriétaires à lui payer une provision à hauteur de 30 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;
- Surseoir sur la liquidation définitive de son préjudice ;

En tous cas :
- Juger que la totalité des condamnations, en ceux compris l’indemnité au titre de l’article 700 produiront intérêts au taux légal à compter du 1er août 2015, date de la survenance de son dommage ;
- Ordonner l’anatocisme ;
- Ordonner l’application de l’article L.313-13 du code monétaire et financier ;
- Ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble des condamnations.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- Débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- Condamner M. [T] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de l’avocat constitué.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2023, la société SERGIC demande au tribunal de :

- Débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes formulées à son encontre ;
- Débouter M. [T] de ses demandes de mesure d’instruction, de provision et de sursis à statuer ;

En tout état de cause ;
- Condamner M. [T] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
- Dire n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la société SERGIC :

L’article 1240 du code civil énonce que :

“Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

Il est admis qu'un tiers à un contrat peut invoquer, malgré l'effet relatif des conventions, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a directement causé un dommage.

La responsabilité personnelle du syndic est recherchée à raison de son inaction dans le cadre des expertises judiciaires pour les désordres affectant les parties communes, de l’annulation de l’assemblée générale du 14 décembre 2018 et la violation des obligations de son mandat.

Concernant les expertises judiciaires :

M. [T] fait valoir qu’une expertise a été réalisée par M. [Y] en 2014, mais c’est la société SERGIC qui la verse au débat dans le cadre de la présente instance. Il s’agit d’un avis technique donné à la demande unilatérale du syndic le 28 avril 2014. Cet expert a notamment constaté un jour en cueillie des éléments séparatifs, c’est à dire sous les poutres au-dessous desquelles sont posées les cloisons entre les appartements, considéré que le désordre était généralisé à de nombreux appartements et avait déjà donné lieu à l’intervention de l’assureur dommage ouvrage mais devrait être considéré sur un plan collectif plutôt qu’individuel.

Cet expert a analysé les désordres relatifs à l’isolation thermique et phonique au droit des baies, l’isolation phonique et odorifique entre les appartements, la dégradation des liaisons des poutres en bois avec les maçonneries, la conformité des grilles d’entrée d’air, l’absence d’isolation en allège. Il lui a été signalé la présence d’insectes mais il ne l’a pas constatée.

Le syndic disposant d’une information précise et utile depuis avril 2014, quand bien même l’assureur dommage ouvrage saisi à plusieurs reprises pour des désordres présentés comme individuels suggérait un traitement individuel par calfeutrement, il peut être considéré qu’une action diligente aurait pu conduire à une assignation délivrée à une date antérieure au 30 novembre 2016, plus de deux ans plus tard.

La lecture du courriel de M. [T] au préposé de la société SERGIC en charge de la copropriété du 24 novembre 2014 (PC demandeur 10) établit certes que M. [T] ne se range pas immédiatement à l’avis de l’expert de l’assureur dommage ouvrage, qu’il envisage “le cas échéant” d’initier une procédure d’expertise judiciaire et qu’il considère que seule une action en référé expertise du syndicat des copropriétaires pour l’ensemble des lots serait satisfaisante. En passant au-delà de l’expression “ensemble des lots” (les lots faisant habituellement référence aux parties privatives) pour comprendre la totalité des parties communes, M. [T] ne pouvait pas s’attendre à ce que cette demande se traduise par la délivrance d’une assignation dans les jours suivants alors que la copropriété est de taille assez importante.

M. [T] se prévaut aussi d’un courrier de l’avocat du syndicat des copropriétaires à la société SERGIC du 25 juin 2019 (PC demandeur 11), trois ans après les assignations litigieuses. Il est peu habituel que le tribunal statue sur la base d’un courrier entre un avocat et son client surtout si ce courrier mentionne les propositions faites par l’avocat d’une autre partie, mais au-delà de cette singularité, ce courrier démontre principalement qu’il existe des liens entre les deux expertises, ce qui n’était pas véritablement nécessaire puisqu’il est acquis depuis le départ que le lot de M. [T] se trouve dans la copropriété et que les défendeurs sont essentiellement les mêmes dans les deux expertises de sorte que les solutions techniques à envisager pour les parties communes et pour les parties privatives de M. [T] doivent être coordonnées et cohérentes.
Quant à l’emploi de la locution “en suite” dans une phrase évoquant l’action du syndicat “en suite” de celle de M. [T], elle est équivoque et n’implique pas nécessairement de lien de conséquence mais peut être lue comme rappelant qu’une assignation a été délivrée postérieurement à l’autre.

Le tribunal tire du rapport SOFREX (PC demandeur 9) que la date de “réception ou première occupation” de l’immeuble est au 30 novembre 2016 ce qui permet de comprendre pourquoi M. [T] estimait que la prescription de certaines actions par 10 ans était d’actualité en novembre 2016.
Toutefois, il doit être fait le constat que, pour les parties communes, la société SERGIC a agi le 30 novembre 2016 sans qu’il soit contesté que cet acte était valable ni même qu’il était le seul a avoir interrompu la prescription pour les désordres susceptibles d’affecter les parties communes.

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, le tribunal ne peut pas affirmer que le syndic a fait délivrer une assignation car il était conscient d’avoir commis une faute, qu’il s’estimait contraint d’engager une procédure identique à celle de M. [T] ni que sans l’intervention de ce dernier le syndic n’aurait pas agi et laissé l’action en garantie décennale se prescrire, de sorte que la faute alléguée de la société SERGIC n’est pas caractérisée.

Ensuite, le tribunal entend bien que M. [T] supporte personnellement le coût de l’avance des frais de son expertise ainsi que sa contribution au coût de l’avance des frais de l’expertise du syndicat.
Toutefois, il s’agit d’une avance. Le sort du coût de l’expertise a vocation à faire l’objet soit d’un accord entre toutes ou certaines des parties à chaque expertise à son issue, soit d’une décision judiciaire si les parties devaient être en désaccord et introduire une instance portant sur les désordres affectant l’immeuble.

D’autre part, M. [T] dit ne pouvoir ni vendre ni louer son lot en raison de son état et réclame l’indemnisation d’une perte de loyer. Toutefois, cet appartement, dans lequel il est domicilié dans le cadre de toutes les instances dont les décisions sont versées au débat, n’a jamais été mis en location par M. [T] et il n’établit pas avoir envisagé ni de le mettre en location ni de le vendre.

Il en résulte que le lien de causalité entre la faute alléguée et les dommages invoqués n’est pas caractérisé et que les dommages ne sont ni actuels ni certains.

Dans ces conditions, les demandes formées à ce titre doivent être rejetées.

Concernant l’annulation de l’assemblée générale du 14 décembre 2018 :

Il a été suffisamment statué sur la convocation de M. [T] à cette assemblée et sa validité par le jugement du 28 avril 2022 et l’ordonnance d’incident du 15 décembre 2022, ces deux décisions ayant l’autorité de la chose jugée.

La “malheureuse erreur de plume” invoquée lors de l’audience d’incident n’a pas été corrigée et se retrouve en pages 17, 18 et 19 des conclusions.

Concernant le défaut d’entretien des parties communes :

M. [T] fait particulièrement valoir l’absence d’embauche d’un gardien pour succéder à celui qui a pris sa retraite le 1er avril 2021, l’absence d’entretien des parties communes, l’absence de réaction à la présence d’insectes xylophages depuis de nombreuses années dans les parties communes.

Concernant l’embauche d’un gardien, il ressort des échanges de courriels de la pièce 22 en demande que l’ancien gardien a fait connaître le 29 janvier 2021 au syndic son intention de prendre sa retraite au 1er avril 2021 (22-3), soit un préavis de deux mois.
Il ressort de ces mêmes échanges, qu’un candidat s’est présenté et qu’il a passé du temps avec l’ancien gardien pour comprendre les tâches à effectuer (22-2 verso et 22-6) avant de décliner l’offre d’emploi le 15 mars 2021 (22-1 verso et 22-7).
Le syndic a alors proposé un contrat avec une societé d’entretien et proposé d’autres candidats (22-7).
Plusieurs membres du conseil syndical paraissent avoir considéré que le syndic aurait dû anticiper cette embauche depuis avril 2020 mais le tribunal ne dispose pas d’éléments pour affirmer que le syndic savait que le gardien ferait connaître sa décision de partir en retraite antérieurement à la fin de janvier 2021.

La société SERGIC verse quant à elle au débat, le contrat conclu avec un nouveau gardien le 3 mars 2022 qui a été rompu au cours de la période d’essai (PC 18) puis le suivant conclu à compter du 8 septembre 2022 (PC 19) dont il n’est pas contesté qu’à la date de la clôture de l’instruction de la présente instance, il était en cours d’exécution.

Dans ces conditions, il a été pallié sans aucun délai au moyen d’un contrat avec une société d’entretien à l’absence de gardien pour le temps nécessaire au recrutement d’un nouveau gardien.

M. [T] se prévaut d’un constat d’huissier du 17 mai 2021 (PC 23) faisant état d’un défaut de désherbage des abords de la résidence, d’un défaut d’entretien des espaces verts (bien que les photographies au constat qui est produit en noir et blanc montrent principalement des zones pavées) et la présence de saletés dans l’escalier du bâtiment B.

La taille des haies, si de telles haies que le tribunal croit deviner sur les photographies sont effectivement ce que l’huissier a qualifié d’espaces verts, n’étant pas habituellement pratiquée de manière quotidienne mais périodique, une ou quelques fois par an, un désordre ponctuel des haies ne suffit pas à conclure à un défaut d’entretien. Pareillement, l’existence ponctuelle de saleté dans un escalier d’une résidence d’habitat collectif ne suffit pas à affirmer que le syndic est défaillant dans son obligation de veiller à l’entretien de l’immeuble.

Quant à la présence d’insectes xylophages, M. [T] fait valoir qu’un copropriétaire a signalé au syndic le 5 avril 2021 la présence d’insectes xylophages, dont il a communiqué une photographie (PC 22-22). M. [T] a, quant à lui, présenté à l’expert judiciaire des insectes morts recueillis par lui-même sur “ses tablettes de menuiseries extérieures” identifiés comme des grosses vrillettes et des anthrènes. L’expert le mentionne dans sa note 2 du 17 mai 2019 (PC 17) et considère comme indispensable de prévoir un diagnostic approfondi des bois du plancher de l’appartement de M. [T] par une société spécialisée.
Le résultat définitif de telles investigations n’est pas communiqué mais M. [T] produit la note 5 du 30 mars 2021 de l’expert judiciaire (PC 28). Il y indique que les bois du plancher haut de l’appartement de M. [T] ont été examinés sans qu’il soit trouvé des trous indiquant une activité d’insectes xylophages depuis la mise en peinture des bois, l’absence d’excès anormal d’humidité et l’absence de signature sonore caractéristique de l’activité des insectes à larves xylophages.
En somme, la preuve d’une affection de l’appartement par de tels insectes, sur la base des seules notes de l’expert et en l’absence de ses conclusions définitives n’est pas, en l’état établie.

Le signalement de la présence d’insectes en 2021 par un cporporiétaire, alors que l’expert judiciaire a mené ses investigations en décembre 2020 ne commandait pas que le syndic propose automatiquement, de son côté, aux copropriétaires de procéder à d’autres investigations, qui seraient venues en double de celles de l’expert.

Les fautes alléguées de la société SERGIC ne sont pas caractérisées.

A le supposer, il ne serait pas démontré que de telles fautes pourraient être la cause d’une indemnisation égale à la totalité des charges de copropriété acquittées depuis que M. [T] a acquis son lot.

Pour les motifs précédemment retenus concernant les pertes de loyers, le lien de causalité entre les fautes alléguées et le dommage invoqué n’est pas caractérisé tandis que le dommage n’est ni actuel ni certain.

Dans ces conditions, les demandes formées à ce titre doivent être rejetées.

Au final, toutes les demandes indemnitaires formées par M. [T] à l’encontre de la société SERGIC doivent être rejetées.

Sur la demande subsidiaire d’expertise et ses suites :

A défaut de preuve de l’existence d’un dommage, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise pour en apprécier l’importance.
Partant, les demandes de sursis à statuer et de provision doivent également être rejetées.

Sur la responsabilité du syndicat :

M. [T] invoque en premier lieu la responsabilité du syndicat des copropriétaires tirée de l’article 14 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dans sa rédaction issue de la loi n°85-1470 du 31 décembre 1985 :

“ [...]
Il [le syndicat] a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.”

M. [T] se prévaut des notes 2 du 17 mai 2019 et 5 du 30 mars 2021 de l’expert (PC 17 et 28).
Il doit être fait le constat que les conclusions de M. [T] ne définissent pas le vice de construction qu’il invoque, alors qu’il lui revient de le faire. L’expert n’y fait d’ailleurs référence à aucun vice de construction.
A cet égard, le fait que la société SERGIC ait pu conclure en 2016, au soutien de la demande d’expertise et sur la base de l’avis technique de M. [Y] à l’existence de désordres, malfaçons, non façons ou non conformités, ne permet pas de définir un vice de construction.

S’il faut comprendre qu’il se plaint du retrait de déssication ou l’amaigrissement de la poutre séparant son appartement du lot voisin parce qu’elle aurait été posée alors qu’elle présentait un taux d’humidité supérieur à 15 % dont il faut présumer qu’une norme de construction (non précisée) fixe ainsi un seuil maximal, ces deux notes de l’expert ne constituent pas son rapport définitif après avoir reçu les éventuels dires des parties sur son analyse provisoire.

Il a été retenu plus haut que, relativement aux insectes xylophages, l’existence d’un vice de construction ou d’un défaut d’entretien n’est pas démontrée.

Enfin, aucune des notes produites ne se rapporte à un vice de construction affectant le plancher.

En conséquence, la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut pas être engagée sur ce fondement.

M. [T] fait aussi valoir la responsabilité du syndicat des copropriétaires, mandant, à raison des fautes commises par le syndic, son mandataire.
Toutefois, aucune faute de la société SERGIC n’a été caractérisée.

En conséquence, la demande ne peut pas prospérer sur ce fondement non plus.

Pour les motifs précédemment retenus à l’égard du syndic, la preuve du lien de causalité et de l’existence actuelle et certaine des dommages invoqués concernant l’avance sur les frais d’expertise judiciaire, la perte de loyer et la violation par le syndic des obligations de son mandat ne sont pas rapportées.

En conséquence, toutes les demandes indemnitaires formées par M. [T] à l’encontre du syndicat des copropriétaires doivent être rejetées.

Par suite de l’absence de condamnation au paiement de sommes, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes accessoires relatives aux intérêts, à l’anatocisme et à l’application de l’article L.313-13 du code monétaire et financier (étrangement relatif aux prêts participatifs, à moins qu’il n’eût fallu lire L.313-3 du même code).

Sur l’exécution provisoire :

Selon les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

“ Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.
Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. [...]”

La décision étant de droit exécutoire par provision, il n’est pas nécessaire de l’ordonner.

Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile :

Les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile prévoient que :

“La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.”

“Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.[...]”

“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”

M. [T], qui succombe, sera condamné à supporter les dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Ludovic Denys ; l’équité commande de le condamner également à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile au syndicat la somme de 2 000 euros et à la société SERGIC celle de 2 000 euros.
Cette somme s’ajoutera aux condamnations déjà prononcées par le juge de la mise en état pour les frais irrépétibles de l’incident.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,

Rejette les demandes indemnitaires formées par M. [T] à l’encontre de la société SERGIC au titre de :
- l’avance sur les honoraires de l’expert judiciaire,
- la perte de loyer,
- la violation des obligations de son mandat par la société SERGIC ;

Rejette les demandes indemnitaires formées par M. [T] à l’encontre du syndicat des copropriétaires au titre de :
- l’avance sur les honoraires de l’expert judiciaire,
- la perte de loyer,
- la violation des obligations de son mandat par la société SERGIC ;

Rejette les demandes subsidiaires de M. [T] tendant à l’organisation d’une expertise, l’octroi d’une provision et le prononcé d’un sursis à statuer ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes accessoires de M. [T] relatives aux intérêts, à l’anatocisme et à l’application de l’article L.313-13 ou L.313-3 du code monétaire et financier ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement qui est, de droit, exécutoire par provision ;

Condamne M. [T] à supporter les dépens de l’instance et autorise Maître Ludovic Denys à recouvrer directement les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

Condamne M. [T] à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de :
- 2 000 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 1],
- 2 000 euros à la société SERGIC ;

Dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/03798
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;22.03798 ?
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