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13/05/2024 | FRANCE | N°24/00031

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 13 mai 2024, 24/00031


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/00031
N° Portalis DBZS-W-B7I-X442

N° de Minute : 24/00098

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 13 Mai 2024





S.A. D'HLM VILOGIA


C/

[R] [Y]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 13 Mai 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.A. D 'HLM VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 4]


représentée par Me Delphine GRAS-VERMESSE, av

ocat au barreau de LILLE


ET :


DÉFENDEUR(S)

Mme [R] [Y], demeurant [Adresse 2]

non comparante





COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 04 Mars 2024

Eléonora ONGARO, Juge...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/00031
N° Portalis DBZS-W-B7I-X442

N° de Minute : 24/00098

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 13 Mai 2024

S.A. D'HLM VILOGIA

C/

[R] [Y]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 13 Mai 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. D 'HLM VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Delphine GRAS-VERMESSE, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [R] [Y], demeurant [Adresse 2]

non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 04 Mars 2024

Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Fanny ROELENS, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 13 Mai 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 31/2024 – Page - MAEXPOSE DU LITIGE

La société anonyme (ci-après S.A) Vilogia est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 5].

Le 31 octobre 2023, la Maître [G] [K], huissier de justice, a constaté l’occupation de l’immeuble par Madame [R] [Y] et ses 4 enfants mineurs.

Par acte d'huissier du 27 décembre 2023, la SA VILOGIA a fait assigner Madame [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, statuant en référé, à qui elle demande de :

constater l'occupation sans droit ni titre de l'immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 5] par Madame [Y] ;ordonner l'expulsion de Madame [Y] du logement ci-dessus désigné, ainsi que de toutes personnes qu'elle aurait pu introduire dans les lieux de son fait avec si besoin en est le concours de la force publique dans les huit jours suivant la décision à intervenir ;condamner Madame [Y] au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer de l'habitation soit la somme mensuelle de 562,57 euros depuis son entrée dans les lieux soit fin octobre 2023 et jusqu'à leur complète libération ;condamner Madame [Y] au paiement de la somme de 1500 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le coût du constat ;
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 mars 2024, à laquelle elle a été retenue.

La SA VILOGIA, représentée par son conseil, s'en est référé à ses demandes contenues dans son acte introductif d'instance.

Elle fait valoir que Madame [Y] occupe avec des enfants mineurs, le logement situé à [Adresse 2] sans droit ni titre depuis le mois d'octobre 2023 et qu'elle ne peut donc pas jouir de la propriété de son bien pour le mettre en location. Elle considère que l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite qui lui cause un préjudice et qui justifie la saisine en référé, conformément aux articles 834 et 835 du code de procédure civile.

Elle indique que les occupants ne respectent pas les règles minimales de sécurité et de décence du fait de leur couchages posés à même le sol et de l'installation d'une plaque à induction chaotique.

Elle précise que le procès-verbal de constat d'occupation des lieux mentionne des traces d'effraction, et qu'à la suite de ce constat, l'huissier leur a fait sommation de quitter les lieux, ce qui a été refusé au motif qu'il ne disposait pas d'une décision de justice.

Elle soutient, sur le fondement de l'article L.411-1 et L.411-2 du code des procédures civiles d'exécution que les occupants étant entrés par effraction et par conséquent par voie de fait, ils ne sauraient bénéficier de délais supplémentaires pour quitter les lieux.

De même, elle estime, au visa de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution que malgré l'impossibilité de reloger les occupants dans des conditions normales, ceux-ci étant entrés par voie de fait, il ne peuvent pas bénéficier de délais supplémentaires pour quitter les lieux.

Enfin, par application de l'article L.412-6 du même code, elle sollicite, au vu de l'entrée dans les lieux par voie de fait, qu'il ne soit pas sursis à la mesure d'expulsion pendant la durée de la trêve hivernale.

Assignée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, Madame [Y] n'a pas comparu et ne s'est pas faite représenter.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 13 mai 2024.

MOTIVATION DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de Madame [Y] à l’audience ne fait pas obstacle à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige.

Sur la demande de constat de l’occupation sans droit ni titre et l’expulsion

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée eu droit de propriété. Le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d’obtenir en référé l’expulsion des occupants.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal établi par Maître [G] [X] que Madame [Y] a déclaré à l’huissier ne disposer d’aucun bail ou d’autorisation pour occuper les lieux.

Dans ces conditions, il y a lieu d’ordonner son expulsion de l’immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec si besoin en est le concours de la force publique.

Sur les délais pour quitter les lieux

Aux termes de l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L.412-3 à L.412-7. Ce délai ne s’applique pas lorsque le juge qui constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal établi le 31 octobre 2023, que la porte d’entrée du logement présente des traces d’effraction importantes, et qu’un branchement électrique a été réalisé en branchant un câble directement au niveau du compteur électrique, et que l’occupante ne dispose d’aucun titre pour occuper les lieux. Il en résulte que Madame [Y] est entrée dans les lieux par voie de fait.

En conséquence, le délai de deux mois de l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution sera supprimé.

De plus, l’article L.412-3 du même code énonce en ses deux premiers alinéas que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais dans les mêmes conditions. Les deux premiers alinéas du présent article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. L’article L.412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l’article L.412-3, ne peut, en aucun cas être inférieure à un mois, ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité du sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faite en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, Madame [Y] étant entrée dans les lieux par voie de fait, elle ne peut bénéficier des délais prévus par l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution.

Selon l’article L.412-6 du même code, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L.412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte. Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans tout autre lieu que le domicile à l’aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa.

En l’espèce, il résulte des conclusions du conseil de la S.A Vilogia que les lieux litigieux ne constituaient pas son domicile, puisqu’elle indique vouloir relouer le logement, de sorte que l’alinéa 2 de l’article précité ne trouve pas à s’appliquer.

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal établi par Maître [G] [X] que Madame [Y] est enceinte et qu’elle occupe les lieux avec 5 enfants mineurs. Il en résulte que Madame [Y] est dans une situation de particulière précarité et que son relogement, au regard de l’importance de la famille, ne peut être assuré dans des conditions et des délais satisfaisants. Par conséquent, il n’y a pas lieu de supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au premier alinéa de l’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution.

Sur l’indemnité d’occupation

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En occupant les lieux, Madame [Y] cause un préjudice au propriétaire, résultant de l’indisponibilité du bien et de la perte des loyers et charges. Ce préjudice sera réparé jusqu’au départ définitif du preneur par l’octroi d’une indemnité d’occupation mensuelle équivalente au montant non sérieusement contestable du loyer, des charges et des taxes applicables.

La S.A Vilogia produit une capture d’écran relative au logement situé au rez-de-chausée, [Adresse 2] à [Localité 5] de laquelle il résulte que le calcul théorique du loyer serait de 562,67 euros. Ce document est suffisant pour établir la preuve de la valeur locative du logement et Madame [Y] sera en conséquence condamnée à payer à la S.A Vilogia une somme provisionnelle correspondant à l’indemnité d’occupation mensuelle fixée à la somme de 562,67 euros, de la date d’occupation dans les lieux, constatée par l’huissier de justice le 31 octobre 2023 jusqu’à la date de son départ effectif et définitif des lieux.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, Madame [Y], partie perdante, sera donc condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure, le juge condamne la partie perdante aux dépens, ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité, ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l’espèce, au vu des situations économique respectives des parties, il y a lieu de rejeter la demande formée par la S.A Vilogia au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il est rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référé, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :

Au principal, invitons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, au provisoire :

ORDONNONS à Madame [R] [Y] de quitter l’immeuble situé à [Localité 5], au [Adresse 2], à compter de la signification de la présente ordonnance ;

ORDONNONS à défaut d’exécution volontaire son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;

RAPPELONS qu’en application de l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution, « Les meubles se trouvant sur les lieux, sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les restituer dans un délai fixé par voie règlementaire. »

SUPPRIMONS le délai prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

MAINTENONS le délai prévu à l’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution ;

CONDAMNONS Madame [R] [Y] à verser à la société anonyme Vilogia une somme provisionnelle correspondant à l’indemnité mensuelle d’occupation fixée à la somme de 562,67 euros, à compter du 31 octobre 2023 jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux loués ;

REJETONS la demande formée par la Société anonyme Vilogia au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS  Madame [R] [Y] aux dépens de l’instance ;

RAPPELONS que la présente décision est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé à Lille, par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 24/00031
Date de la décision : 13/05/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-13;24.00031 ?
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