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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00232

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 07 mai 2024, 24/00232


TRIBUNAL JUDICIAIRE de LILLE
[Localité 7]





N° RG 24/00232 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X47N

N° minute : 24/00121






Recours contre les décisions statuant sur la recevabilité prononcées par les commissions de surendettement des particuliers


Débiteurs :
- M. [Y] [S]

- Mme [E] [Z]




PROCEDURE DE SURENDETTEMENT

JUGEMENT DU : 07 Mai 2024




COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Clémence DESNOULEZ

Greffier : Fanny ROELENS


dans l’affaire entre :

DE

MANDEUR :

M. [G] [T]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Créancier
Comparant en personne

ET

DÉFENDEURS :

M. [Y] [S]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Débiteur

Mme [E] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Co-d...

TRIBUNAL JUDICIAIRE de LILLE
[Localité 7]

N° RG 24/00232 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X47N

N° minute : 24/00121

Recours contre les décisions statuant sur la recevabilité prononcées par les commissions de surendettement des particuliers

Débiteurs :
- M. [Y] [S]

- Mme [E] [Z]

PROCEDURE DE SURENDETTEMENT

JUGEMENT DU : 07 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Clémence DESNOULEZ

Greffier : Fanny ROELENS

dans l’affaire entre :

DEMANDEUR :

M. [G] [T]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Créancier
Comparant en personne

ET

DÉFENDEURS :

M. [Y] [S]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Débiteur

Mme [E] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Co-débiteur
Assistés de M. [I], travailleur social

Etablissement POLE EMPLOI HAUTS DE FRANCE
DIRECTION REGIONALE HAUTS DE FRANCE SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 4]
[Localité 10]

Mme [B] Masseur kinésithérapeute [C]
[Adresse 2]
[Localité 11]
Créancier

Société [24]
[Adresse 1]
[Localité 13]

M. [U] Masseur kinésithérapeute [F]
[Adresse 2]
[Localité 11]
Créancier

Société [18]
CHEZ [19]
[Adresse 22]
[Localité 7]

Société CAF DU NORD
[Adresse 16]
[Localité 7]

Etablissement TRESORERIE [Localité 27]
[Adresse 20]
[Adresse 17]
[Localité 27]

Société [21] CHEZ [25] M. [D] [K]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 14]

Société [26]
SERVICE CLIENTELE
[Adresse 28]
[Localité 8]

M. [H] [N]
[Adresse 15]
[Localité 12]
Créancier
Non comparants

DÉBATS : Le 12 mars 2024 en audience publique du Juge des contentieux de la protection

JUGEMENT : par mise à disposition au greffe le 07 mai 2024, date indiquée à l’issue des débats ;

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant déclaration enregistrée au secrétariat de la commission d'examen des situations de surendettement des particuliers du NORD (ci-après désignée la commission) le 26 octobre 2023, Monsieur [Y] [S] et Madame [E] [Z] ont demandé l'ouverture d'une procédure de traitement de leur situation de surendettement.

Dans sa séance du 6 décembre 2023, la commission a déclaré cette demande recevable.

Cette décision a été notifiée à Monsieur [G] [T], créancier, le 14 janvier 2023.

Une contestation a été élevée le 19 décembre 2023 par Monsieur [T] au moyen d'une lettre recommandée envoyée au secrétariat de la commission.
Le créancier indique s'étonner que Monsieur [S] et Madame [Z] aient pu obtenir un nouveau logement sur la base d'un loyer mensuel d'un montant de 845 euros, sans garanties de ressources salariales. Il s'étonne également que la dette fiscale ait été réglée par les débiteurs, alors qu'ils n'ont effectué aucun versement auprès de leur ancien bailleur.
Monsieur [T] affirme que la consultation du réseau social [23] permet de voir que Monsieur [S] et Madame [Z] consomment de l'alcool et de la drogue, qu'ils possèdent une licence de pêche et un bateau en Belgique, ainsi qu'un compte bancaire en Belgique. Il ajoute que les débiteurs bénéficient d'un véhicule et d'une villa de luxe, ainsi que d'un chalet à la montagne, prêtés par leurs parents pour les vacances.
Monsieur [T] indique qu'il n'est pas normal que les parents des débiteurs ne soient pas sollicités pour combler les dettes de leurs enfants, ni que Monsieur [S] et Madame [Z] bénéficient des aides de l'Etat, sans travailler.
Enfin, il sollicite le remboursement de sa créance, d'un montant de 29299,20 euros, outre le paiement des intérêts.

Le dossier a été transmis au greffe du juge des contentieux de la protection le 8 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article R713-4 du Code de la consommation, les parties ont été convoquées à l'audience du 12 mars 2024 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

A cette audience, Monsieur [T] a comparu en personne.
Il indique qu'il ne comprend pas pourquoi il n'est pas indemnisé, alors que les débiteurs ont effectué certains paiements, et affirme que le montant de sa créance s'élève à 29299,20 euros. Monsieur [T] affirme qu'il lui a fallu un an pour remettre en état le logement suite au départ de Monsieur [S] et de Madame [Z].
Monsieur [T] remet en cause le train de vie des débiteurs. Il prétend que ceux-ci ont un compte bancaire en Belgique, et ajoute que Monsieur [S] est propriétaire d'un bateau. Il indique que ceux-ci partent en vacances et qu'ils ont plusieurs animaux domestiques, cela établissant selon lui qu'ils sont en mesure de payer les charges.
Enfin, Monsieur [T] a déclaré que les débiteurs pouvaient travailler pour payer leurs dettes.

A cette audience, Monsieur [S] et Madame [Z] ont comparu en personne.
Ils soutiennent qu'ils sont propriétaires d'une barque d'une valeur de 300 euros, et que Monsieur [S] consomme du CBD pour soulager des douleurs liées à ses problèmes de santé. Ils exposent que, lorsqu'ils ont pris le logement donné à bail par Monsieur [T], Madame [Z] était commerciale et percevait des revenus confortables, mais qu'elle a été ensuite licenciée, de sorte qu'ils se sont retrouvé dans l'incapacité de payer le loyer.
Ils ajoutent que la reprise d'une activité professionnelle leur a permis de reprendre un logement dont le loyer s'élevait à la somme de 840 euros par mois. Ils déclarent qu'actuellement, Monsieur [S] est en fin de droits POLE EMPLOI. Ils affirment avoir effectué une demande de logement social, sachant qu'ils ne peuvent plus honorer le paiement du loyer.

Certains créanciers ont écrit au greffe et, notamment :
- le SIP [Localité 7] 2, pour indiquer, par courrier en date du 23 janvier 2024, que sa créance était soldée ;
- [26], pour indiquer, par courrier reçu au greffe le 23 janvier 2024, ne pas se présenter à l'audience.

Malgré signature de l'avis de réception de leur lettre de convocation, les autres créanciers n'ont pas comparu à l'audience et n'ont formé aucune observation par écrit.

A la clôture des débats en audience publique, le jugement a été mis en délibéré pour un prononcé par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024, date qui a été portée à la connaissance des parties présentes à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité du recours :

Aux termes de l'article R722-2 du Code de la consommation, la décision rendue par la commission sur la recevabilité du dossier est susceptible de recours devant le juge des contentieux de la protection.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article R722-1 du même code que la lettre de notification indique que la décision peut faire l'objet d'un recours, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au secrétariat de la commission.

En l'espèce, dans sa séance du 6 décembre 2023, la commission a pris une décision de recevabilité qu'elle a notifiée le 14 décembre 2023 à Monsieur [T]. Le recours a été élevé par lettre recommandée expédiée au secrétariat de la commission le 19 décembre 2023, soit le cinquième jour.

Au regard du délai prévu par les dispositions susvisées (quinze jours), il y donc lieu de dire recevable la contestation formée par Monsieur [T].

Sur le bien-fondé de la contestation :

Sur le montant du passif :

L'état du passif a été arrêté par la commission à la somme de 56643,32 euros suivant état détaillé des dettes en date du 27 décembre 2023.

Sur l'existence d'une situation de surendettement :

En vertu de l'article L711-1 du Code de la consommation, le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement.

En l'espèce, il ressort de l'état descriptif de situation dressé par la commission et des justificatifs produits aux débats que Monsieur [S] et Madame [Z] disposent de ressources mensuelles d'un montant de 778,36 euros réparties comme suit :

RESSOURCESDEBITEURCODEBITEURTOTAL
Allocations chômage778,36€0 €778,36 €
TOTAL778,36 €0 €778,36 €

Monsieur [S] est en fin de droits POLE EMPLOI. Il n'est pas justifié des éventuelles ressources auxquelles il pourrait désormais prétendre.

En application des dispositions de l'article R731-1 du Code de la consommation, pour l'application des dispositions des articles L732-1, L733-1 et L733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L731-1, L731-2 et L731-3, par référence au barème prévu à l'article R3252-2 du Code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L262-2 du Code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.

En l'espèce, la part des ressources mensuelles de Monsieur [S] et de Madame [Z] à affecter théoriquement à l'apurement de leurs dettes, en application du barème de saisies des rémunérations, s'élèverait à la somme de 53,72 euros.
Cependant, compte tenu des éléments du dossier, il est impossible de retenir la stricte application du barème à l'ensemble des ressources de Monsieur [S] et Madame [Z], qui ne pourraient plus faire face à leurs charges courantes.
En effet, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard aux charges particulières qui peuvent être les siennes.
Au demeurant, l'article L731-2 du Code de la consommation impose de prendre en considération les dépenses de logement, d'électricité, de gaz, de chauffage, d'eau, de nourriture et de scolarité, de garde et de déplacements professionnels ainsi que les frais de santé.

En l'espèce, sans enfants à charge, la part de ressources de Monsieur [S] et Madame [Z] nécessaire aux dépenses de la vie courante peut être fixée à la somme mensuelle de 2014 euros décomposée comme suit :

CHARGESDEBITEURCODEBITEURTOTAL
Forfait chauffage121 €43 €164 €
Forfait de base625 €219 €844 €
Forfait habitation120 €41 €161 €
Logement845 €845 €
TOTAL1711 €303 €2014 €

Il en résulte que l'état de surendettement de Monsieur [S] et Madame [Z] est incontestable. La capacité de remboursement (ressources - charges = - 1235,64 euros) est en effet insuffisante pour faire face au passif ci-dessus rappelé.

Sur la bonne foi des débiteurs :

Il y a lieu d'apprécier la mauvaise foi dont Monsieur [S] et Madame [Z] auraient fait preuve, motif de la contestation de Monsieur [T].
En effet, le bénéfice des mesures de redressement peut être refusé au débiteur qui, en fraude des droits de ses créanciers, a organisé ou aggravé son insolvabilité, notamment en augmentant son endettement par des dépenses ou un appel répété aux moyens de crédit dans une proportion telle au regard de ses ressources disponibles que ce comportement caractérise le risque consciemment pris de ne pas pouvoir exécuter ses engagements ou la volonté de ne pas les exécuter.
La bonne foi s'apprécie, par ailleurs, au regard du respect d'un plan de désendettement éventuellement mis en place précédemment. Enfin, la bonne foi est une notion évolutive dans le temps qui s'apprécie au moment où le juge statue.

En l'espèce, Monsieur [T], ancien bailleur, reproche à Monsieur [S] et à Madame [Z] de mener un train de vie dispendieux, au détriment du remboursement des créanciers.
Toutefois, alors que les débiteurs bénéficient d'une présomption de bonne foi, Monsieur [T] ne rapporte aucunement la preuve de ce qu'il allègue. De plus, la lecture des relevés bancaires produits par les débiteurs, dont les charges mensuelles sont très nettement supérieures à leurs ressources mensuelles, ne laisse pas apparaître de dépenses excessives ou disproportionnées au regard de leur situation financière.
Enfin, Monsieur [T] n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre une éventuelle consommation de drogues et de produits stupéfiants des débiteurs, consommation dont la preuve n'est d'ailleurs pas rapportée, et leur situation de surendettement, ni entre les allégations de dégradations du logement, qui ne sont pas davantage établies, et l'état de surendettement de Monsieur [S] et Madame [Z].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la mauvaise foi de Monsieur [S] et de Madame [Z] n'est pas établie.

En conséquence, les débiteurs seront déclarés recevables en leur demande tendant au traitement de leur situation de surendettement.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au greffe à la date indiquée à l'issue des débats en audience publique en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, par jugement réputé contradictoire et rendu en dernier ressort,

DIT Monsieur [G] [T] recevable en son recours formé à l'encontre de la décision de recevabilité rendue le 6 décembre 2023 par la commission de surendettement des particuliers du NORD à l'égard de Monsieur [Y] [S] et de Madame [E] [Z] ;

DECLARE Monsieur [Y] [S] et Madame [E] [Z] recevables en leur demande tendant au traitement de leur situation de surendettement ;

Et en conséquence,

RENVOIE le dossier devant la commission de surendettement des particuliers du NORD pour poursuite de la procédure ;

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

DIT que cette décision sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à Monsieur [Y] [S] et à Madame [E] [Z] et aux créanciers et par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers du NORD.

Ainsi jugé et prononcé à LILLE, le 7 mai 2024.

LE GREFFIER, LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION,
F. ROELENSC. DESNOULEZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 24/00232
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;24.00232 ?
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