TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 3]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/08639 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XRT6
N° de Minute : 24/00296
JUGEMENT
DU : 06 Mai 2024
S.A. FIDUCRE
C/
[D] [E]
[F] [Z]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 06 Mai 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. FIDUCRE, dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 2]
représentée par Me Marine CRAYNEST, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
Mme [D] [E], demeurant [Adresse 5] - [Localité 4]
M. [F] [Z], demeurant [Adresse 5] - [Localité 4]
non comparants
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 19 Février 2024
Joelle SPAGNOL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 06 Mai 2024, date indiquée à l'issue des débats par Joelle SPAGNOL, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG : 23/8639 – Page - SD
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 22 juin 2009, la société de droit belge ING Belgique a consenti à Mme [D] [E] et M. [F] [Z] un prêt personnel d’un montant de 25 400 euros, au taux contractuel de 5,30% l’an, remboursable en 60 mensualités de 481,37 euros.
Par courriers recommandés des 27 décembre 2011, 27 janvier 2012, 27 février 2012, 27 mars 2012, 27 avril 2012, 29 mai 2012, 27 juin 2012, 27 juillet 2012 et 27 août 2012, la SA ING BELGIQUE a mis en demeure Mme [D] [E] et [F] [Z] de régulariser le paiement des mensualités impayées, soit la somme de 2 995,57 euros en principal pour la dernière.
Par lettre recommandée du 10 septembre 2012, la SA ING Belgique a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure Mme [D] [E] et M. [F] [Z] de lui payer la somme de 12 670,72 euros au titre du capital restant dû, outre la somme de 358,43 euros au titre des intérêts, la somme de 1084,68 euros au titre des pénalités et des frais de rappel.
La société ING Belgique a cédé sa créance à la SA FIDUCRE.
Par acte d'huissier en date du 8 septembre 2023, la SA FIDUCRE a fait assigner Mme [D] [E] et M. [F] [Z] devant le juge des contentieux du tribunal judiciaire de Lille afin d'obtenir, au visa des dispositions de la loi belge du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation et des dispositions du code civil belge,
de déclarer la loi belge applicable au litige et la juridiction française compétente pour le trancher, déclarer la SA FIDUCRE recevable, débouter les défendeurs de leurs demandes, leur condamnation solidaire à lui payer :- La somme de 12 341,44 euros au titre du solde du prêt et intérêts échus et impayés, avec intérêts au taux conventionnel de 4,90 % à compter de la dénonciation du 15 mars 2022,
- les intérêts de retard au taux de 15,30% à compter du 10 septembre 2012, date de la dénonciation du contrat,
- la somme de 1 008,53 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue aux conditions générales du contrat de crédit,
- la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
leur condamnation solidaire aux dépens.Cette affaire a été appelée à l'audience du 19 février 2024 lors de laquelle le juge a relevé d'office les moyens d'ordre public notamment tirés de la forclusion et de la déchéance du droit de la SA FIDUCRE aux intérêts contractuels.
La SA FIDUCRE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance. Au soutien, elle fait valoir que le contrat a été conclu postérieurement aux dispositions de l’article 6 du règlement de Rome lequel prévoit que les contrats sont régis par la loi choisie par les parties. En l’espèce, le professionnel venant aux droits de la SA ING Belgique exerce son activité en Belgique, lieu où les consommateurs résidaient à l’époque de la signature du contrat. Elle estime dès lors que la loi applicable au litige est la loi belge.
Elle relève que son action en paiement n'est pas prescrite au regard des termes de l'article 2262 bis §1 et 2277 alinéa 4 du code civil belge d’autant qu’un réaménagement est intervenu en 2014 après plusieurs impayés. Compte tenu des paiements irréguliers jusqu’en 2020, elle a sollicité le paiement de l’intégralité des sommes dues. Elle ajoute que la SA FIDUCRE est recevable à agir compte tenu de la cession de créance dont Mme [E] et M. [Z] ont été informés par courrier. Elle ajoute que son action est fondée par la loi belge du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation.
Mme [D] [E] et M. [F] [Z], régulièrement assignés par dépôt de l’acte à l’étude n’était ni présent ni représenté.
A l’issue de l'audience, la décision a été mise en délibéré au 6 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le droit applicable au contrat de crédit et la fin de non recevoir tirée de la forclusion de l'action en paiement
Aux termes de l'article 3 du code civil, les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Aux termes de l'article 9.2 du règlement CE n°593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles dit « Rome I », les dispositions dudit règlement ne peuvent porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi.
Sont qualifiées comme telles les dispositions applicables au crédit à la consommation.
En l'espèce, le contrat de prêt souscrit stipule que « par « la loi », on entend la loi du 12/06/1991 sur le crédit à la consommation telle éventuellement ultérieurement amendée, quand elle est applicable ».
Toutefois, dans la mesure où le juge français est saisi du litige et que la qualité de consommateur de Mme [E] et M. [Z] n'est pas contestée, il est tenu d'appliquer, en application des textes précédemment rappelés, les dispositions du code de la consommation, et ce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les critères d'application d'autres articles du règlement Rome I sont satisfaits.
Aux termes de l’article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, aucun historique de compte n’est produit. Toutefois, les courriers de mises en demeure adressés dès le mois de décembre 2011 (1 147,28 euros) réclamant le paiement des premières échéances impayées mettent en évidence que la dette ne cesse de croître jusqu’en août 2012 (2 995,57 euros).
Compte tenu de l’échéance, le premier incident de paiement peut être ainsi fixé au mois de février 2012.
La SA FIDUCRE évoque une plan de réaménagement qui n’est pas produit de sorte qu’il n’a pu valablement remettre en cause la date du premier incident non régularisé.
En prenant en compte les versements effectués de janvier 2014 au 9 mai 2022 pour un total de 1 500 euros, soit 3 échéances réglées, le premier incident non régularisé date du mois de mai 2012.
L’assignation ayant été délivrée le 8 septembre 2023, la SA FIDUCRE est irrecevable à agir.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SA FIDUCRE qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort ;
DECLARE la société de droit belge SA FIDUCRE irrecevable à agir en paiement du solde du crédit n° 03302898-48 d'un montant de 25 400 euros souscrit par Mme [D] [E] et M. [F] [Z] le 22 juin 2009 ;
CONDAMNE la société de droit belge SA FIDUCRE aux dépens ;
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé le 6 mai 2024 à LILLE, et ont signé :
Le GreffierLe Juge