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03/05/2024 | FRANCE | N°24/00049

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jex, 03 mai 2024, 24/00049


COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 03 Mai 2024


N° RG 24/00049 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAOO


DEMANDERESSE :

Madame [L] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Représentant : Me Carole GUILLIN, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEUR :

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Me François-xavier LAGARDE, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Laure GOISLOT




MAGISTRAT TENAN

T L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président ...

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 03 Mai 2024

N° RG 24/00049 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAOO

DEMANDERESSE :

Madame [L] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Représentant : Me Carole GUILLIN, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

Monsieur [K] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Me François-xavier LAGARDE, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Laure GOISLOT

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 08 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Avril 2024, prorogé au 03 Mai 2024

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00049 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAOO

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 16 juin 2013, Monsieur [K] [Y] a donné en location à Madame [L] [Z] un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1].

Par exploit en date du 13 décembre 2021, Monsieur [K] [Y] a fait délivrer à Madame [L] [Z] un congé pour reprise avec effet au 15 juin 2022.

Par jugement en date du 12 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de TOURCOING a, notamment :
validé le congé pour motif légitime et sérieux délivré le 13 décembre 2021 par Monsieur [K] [Y] à Madame [L] [Z],constaté en conséquence que Madame [Z] est occupante sans droit ni titre de l'immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 1] et ce depuis le 15 juin 2022,en conséquence, dit qu'à défaut pour Madame [L] [Z] d'avoir libéré les lieux deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion avec l'assistance de la force publique si besoin est,condamné Madame [Z] à payer à Monsieur [Y] une indemnité d'occupation mensuelle de 940 € à compter du 15 juin 2022 et jusqu'à libération effective des lieux,condamné Madame [Z] au paiement d'une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par exploits en date du 4 septembre 2023, Monsieur [Y] a fait délivrer à Madame [Z] :
- un commandement aux fins de saisie-vente pour obtenir paiement d'une somme de 15 858,06 €,
- un commandement de quitter les lieux avant le 4 septembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 30 janvier 2024, Madame [L] [Z] a fait assigner Monsieur [Y] devant le juge de l'exécution aux fins d'annulation du procès-verbal de saisie-vente et d'obtention de délais de grâce à la mesure d'expulsion.

Les parties ont comparu pour la première fois à l'audience du 23 février 2024.

Après renvoi à leur demande, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l'audience du 8 mars 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A cette audience, Madame [Z], représentée par son avocate, a formulé les demandes suivantes :
ordonner la nullité du commandement de saisie-vente,condamner Monsieur [Y] à payer 500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,dire que les frais du commandement de saisie-vente seront à la charge de Monsieur [Y],ordonner la mainlevée de la saisie-vente,accorder à Madame [Z] les plus larges délais d'expulsion,suspendre la mesure d'expulsionstatuer sur les dépens comme de droit.
Au soutien de ses demandes, Madame [Z] fait d'abord valoir qu'elle a réglé l'intégralité des sommes dues au titre de l'indemnité d'occupation auprès du mandataire de gérance du bien pris à bail, soit la société HOSTE IMMOBILIER.
La créance réclamée dans le procès-verbal de saisie-vente n'existe donc pas et la délivrance de ce commandement de payer aux fins de saisie-vente était abusive ce qui justifie l'allocation de dommages et intérêts.
Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00049 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAOO

Madame [Z] souligne ensuite qu'elle s'acquitte scrupuleusement de l'indemnité d'occupation mise à sa charge et qu'elle cherche activement un nouveau logement. Elle a également fait une demande de logement social. Ces démarches n'ont cependant pas encore pu aboutir et elle demande donc à pouvoir bénéficier d'un délai supplémentaire.

En défense, Monsieur [Y], représenté par son avocat, a pour sa part formulé les demandes suivantes :
débouter Madame [L] [Z] de sa demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente signifié le 4 septembre 2023,débouter Madame [L] [Z] de sa demande de mainlevée de la saisie-vente,débouter Madame [L] [Z] de sa demande de délai d'expulsion,condamner Madame [L] [Z] à verser à Monsieur [Y] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,condamner Madame [L] [Z] aux entiers frais et dépens de l'instance,dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [Y] fait d'abord valoir que si le commissaire de justice a commis une erreur en réclamant le montant des indemnités d'occupation réglées par Madame [Z], celle-ci n'en reste pas moins encore redevable d'une somme de 1 459,44 € au titre notamment des frais de procédure. Le commandement de payer critiqué reste donc valable à hauteur du montant des sommes restant dues.

Monsieur [Y] souligne qu'il a proposé à Madame [Z] plusieurs solutions de relogement qu'elle a refusées.
Il soutient par ailleurs que Madame [Z] a laissé périmer sa demande de logement social faute de l'avoir renouvelée à temps et qu'elle ne justifie d'aucune recherche active de logement.

A l'issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 19 avril 2024.

Ce délibéré a dû être prorogé au 3 mai 2024 en raison d'une surcharge conjoncturelle de travail du magistrat rédacteur.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LE COMMANDEMENT AUX FINS DE SAISIE-VENTE

Aux termes de l'article L 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.
Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.
Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l'exécution.

Aux termes de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, dans le décompte figurant sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente, les sommes réclamées à Madame [Z] correspondaient principalement au paiement des indemnités d'occupation dues entre le mois de juin 2022 et le mois de septembre 2023.

Or, il résulte du décompte de la société HOSTE IMMOBILIER produit aux débats par Madame [Z] que l'intégralité de ces sommes ont été réglées par Madame [Z].

Cependant, il résulte du même décompte que, bien qu'elle ait réglé ses indemnités d'occupation, Madame [Z] reste redevable d'autres sommes envers Monsieur [Y] – article 700, frais d'huissiers notamment – pour une somme de 1 459,44 €.
Le commandement fait pour une somme supérieure au montant réel de la dette demeure valable à concurrence de ce montant.

Dans ces conditions, s'il porte sur une somme réclamée initialement erronée, le commandement de payer en date du 4 septembre 2023 demeure valable pour les sommes restant dues par Madame [Z].

En conséquence, il convient de débouter Madame [L] [Z] de sa demande en nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente et, par conséquent, de sa demande de dommages et intérêts.

SUR LA DEMANDE DE DELAIS

Aux termes de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

L'article L 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, le droit de reprise effectué par Monsieur [Y] est exercé sur le fondement de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et non sur les dispositions de la loi de 1948. Madame [Z] est donc bien recevable à présenter une demande de délai dans ce cadre.

Madame [Z] justifie par les pièces produites aux débats qu'elle souffre de quelques problèmes de santé, congruents avec son âge, mais qu'elle est également psychologiquement affectée par la procédure de reprise du logement qu'elle occupe et qu'elle est suivie de ce fait par le secteur psychiatrique.

Madame [Z] justifie percevoir une retraite mensuelle moyenne de 2 159 € ce qui doit lui permettre de se reloger.

Elle justifie également rechercher un autre logement et avoir re-déposé une demande de logement social le 10 janvier 2024 – une précédente demande datant de 2022 s'est périmée dans le courant de l'année 2023 faute d'avoir été renouvelée à temps.
Madame [Z] est apparemment également suivie par son assistante sociale dans le cadre de ses recherches de logement.

Monsieur [Y] attend pour sa part de pouvoir récupérer son logement depuis plusieurs années.
En conséquence, il convient d'accorder à Madame [Z] un délai limité à cinq mois pour quitter son logement, le bénéfice de ce délai étant conditionné au paiement régulier de l'indemnité d'occupation.

SUR LES DEPENS

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, chacune des parties succombe partiellement en ses demandes.

En conséquence, il convient de dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.

SUR LES FRAIS DE PROCEDURE

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, chacune des parties succombe partiellement en ses demandes et reste tenue de ses propres dépens.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [Y] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE Madame [L] [Z] de sa demande en nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 4 septembre 2023 ;

DEBOUTE Madame [L] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure d'exécution abusive ;

ACCORDE à Madame [L] [Z] un délai de cinq mois à compter de la présente décision pour quitter les lieux ;

DIT que le maintien du bénéfice de ce délai est subordonné au paiement de l'indemnité d'occupation fixée par le jugement en date du 12 juin 2023, soit la somme mensuelle de 940 € ;

DIT que ce paiement devra intervenir au plus tard le 10 de chaque mois à compter de la notification de ce jugement ;

DIT qu’à défaut le délai sera immédiatement caduc et que l’expulsion pourra alors être poursuivie ;
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

DEBOUTE Monsieur [K] [Y] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R12121 du code des procédures civiles d’exécution ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.

La greffièreLe Président

Sophie ARESDamien CUVILLIER

Expédié aux parties le :


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/00049
Date de la décision : 03/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-03;24.00049 ?
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