COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT rendu le 03 Mai 2024
N° RG 23/00524 - N° Portalis DBZS-W-B7H-X3OL
DEMANDERESSE :
Madame [M] [L]
domiciliée : chez M. [B] [I]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Hélène CAPPELAERE, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE :
S.A.S. EOS FRANCE, anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la société COFIDIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS , avocat plaidant, et Me Francie DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE, avocat postulant , substitués par Me Charles DELEMME
MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Etienne DE MARICOURT, Juge du tribunal judiciaire de LILLE
Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE
GREFFIER : Sophie ARES
DÉBATS : A l’audience publique du 22 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mai 2024
JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe
Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00524 - N° Portalis DBZS-W-B7H-X3OL
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d’huissier de justice du 8 novembre 2023, la société EOS FRANCE a fait délivrer à Madame [L] un procès-verbal de saisie-vente, ce en exécution d’une ordonnance d’injonction de payer rendue à son encontre par le juge du tribunal d’instance de Carvin le 6 décembre 1999.
Par acte d’huissier de justice du 8 décembre 2023, Madame [L] a fait assigner la société EOS FRANCE devant ce tribunal à l’audience du 2 février 2024 afin de contester cet acte d’exécution.
Après un renvoi à l’initiative des parties, l’affaire a été entendue à l’audience du 22 mars 2024 au cours de laquelle les parties étaient représentées par leurs conseils.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré à la date du 3 mai 2024.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience par son conseil, Madame [L] présente les demandes suivantes :
-A titre principal, ordonner la mainlevée de la saisie-vente du 8 novembre 2023,
-Subsidiairement, lui accorder des délais de paiement par mensualités de 200 euros,
-En tout état de cause, condamner la société EOS FRANCE à lui payer 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie et 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience par son conseil, le société EOS FRANCE présente les demandes suivantes :
-Débouter la demanderesse de ses prétentions,
-La condamner à lui payer 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
Pour un exposé de l'argumentation des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à ces conclusions et aux éléments repris dans la motivation du présent jugement.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de mainlevée de la saisie-vente du 8 novembre 2023.
Aux termes de l’article L221-1 du code des procédures civiles d’exécution, « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier ».
Aux termes de l’article 1411 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs.
L'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
En l’espèce, Madame [L] reproche à la société EOS FRANCE de ne pas verser aux débats l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer mise à exécution.
La société EOS FRANCE qui fait valoir une difficulté à retrouver l’acte de signification, l’huissier instrumentaire ayant selon elle cessé ses fonctions, soutient qu’en tout état de cause la preuve de la signification serait suffisamment rapportée par la mention suivante portée sur l’ordonnance par le greffier lors de l’apposition de la formule exécutoire : “Signification à Mademoiselle [L] [M], effectuée le 14-12-1999 à mairie par [E] [P]”.
Néanmoins, il ne saurait résulter des seules mentions apposées sur l’ordonnance portant injonction de payer par le greffier ayant revêtu ladite ordonnance de la formule exécutoire la preuve, dont la charge incombe au créancier poursuivant, de la réalité de la signification de cette ordonnance, qui est contestée par Madame [L], laquelle ne saurait être en tout état de cause tenue à subir les conséquences de la carence probatoire de la société EOS FRANCE en étant privée de critiquer la régularité de cette signification alléguée.
Dès lors, il y a lieu de constater le caractère non-avenu de l’ordonnance d’injonction de payer du 6 décembre 1999 faute de preuve de sa signification dans les six mois de sa date.
Par conséquent, il y a lieu de prononcer la mainlevée de la saisie-vente litigieuse, en l’absence de titre exécutoire susceptible de fonder cette mesure d’exécution.
Sur la demande indemnitaire.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, «tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». L'engagement de la responsabilité civile d'autrui nécessite d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
En l’espèce, avant même d’avoir à statuer sur l’abus allégué, il y a lieu de relever que Madame [L] fait état d’un préjudice moral sans en décrire aucunement la consistance.
Faute de préjudice correctement allégué et démontré, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire.
Sur les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l’espèce, la société EOS FRANCE qui succombe sera condamnée aux dépens.
Sur l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
Condamnée aux dépens, la société EOS FRANCE versera à Madame [L] une somme qu'il est équitable de fixer à 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution, statuant par jugement prononcé par mise à disposition au greffe, contradictoire et susceptible d’appel,
CONSTATE le caractère non-avenu de l’ordonnance d’injonction de payer rendue à l’encontre de Madame [M] [L] par le juge du tribunal d’instance de Carvin le 6 décembre 1999;
PRONONCE la mainlevée de la procédure de saisie-vente diligentée à l’encontre de Madame [M] [L] le 8 novembre 2023 ;
CONDAMNE la société EOS FRANCE à payer à Madame [M] [L] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE la société EOS FRANCE aux dépens ;
RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution ;
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier,
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Sophie ARESEtienne DE MARICOURT