COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT rendu le 03 Mai 2024
N° RG 23/00407 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XSOF
DEMANDERESSE :
Madame [B] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Margaux MACHART, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Fulvia CASINI
DÉFENDEURS :
Monsieur [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [H] [U] épouse [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Elisabeth GOBBERS-VENIEL, avocat au barreau de BETHUNE
MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE
Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE
GREFFIER : Sophie ARES
DÉBATS : A l’audience publique du 08 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 Avril 2024, prorogé au 03 Mai 2024
JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe
Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00407 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XSOF
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
Par contrat en date du 6 juillet 2012, Monsieur et Madame [P] ont donné en location à Madame [B] [Z] un logement situé [Adresse 2]) moyennant le paiement d’un loyer mensuel d’un montant initial de 950 €.
Suite à des impayés, et par acte de commissaire de justice en date du 25 juillet 2022, les bailleurs ont fait délivrer à Madame [Z] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.
Par un jugement en date du 10 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, saisi par le bailleur en résolution du bail, a notamment :
-constaté l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail,
-ordonné en conséquence à Madame [Z] de quitter les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours,
-dit qu'à défaut pour Mme [Z] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur et Madame [P] pourront faire procéder à son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique,
-fixé à la somme de 1 039,75 € l'indemnité d'occupation mensuelle due par Madame [Z] à compter de la résiliation du bail jusqu'à libération effective et définitive des lieux et condamné Madame [Z] au paiement de cette somme mensuellement,
-condamné Madame [Z] à payer la somme de 1 014,15 € euros au titre de l’arriéré d'indemnité d'occupation arrêté en mars 2023.
Ce jugement a été signifié à Madame [Z] le 28 août 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 13 septembre 2023, Monsieur et Madame [P] ont fait délivrer à Madame [Z] un commandement de quitter les lieux.
Par requête reçue au greffe le 28 septembre 2023, Madame [Z] a sollicité l’octroi d’un délai de grâce à la mesure d’expulsion.
Le locataire et les bailleurs ont été invités à comparaître devant ce tribunal à l’audience du 12 janvier 2024.
Après renvois à la demande des parties, celles-ci ont été entendues en leurs plaidoiries à l'audience du 8 mars 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A cette audience, Madame [Z], représentée par son avocate, a présenté les demandes suivantes :
lui accorder un délai de 15 mois pour quitter les lieux ou subsidiairement tout délai qu'il plaira au juge de l'exécution de prononcer,dire n'y avoir lieu à prononcer d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de l'article 696 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Madame [Z] fait d'abord valoir qu'elle a soldé sa dette locative et qu'elle règle régulièrement l'indemnité d'occupation depuis un an. Aucun passif ne s'est recréé et les difficultés financières qu'elle a pu rencontrer étaient isolées.
Son maintien dans les lieux ne cause donc aucun préjudice aux bailleurs.
Madame [Z] a vu sa situation financière s'améliorer même si cela reste tendu puisqu'en plus de son loyer elle doit rembourser des emprunts à hauteur de 494 € par mois.
Madame [Z], qui vit seule et perçoit 3 000 € par mois, n'est pas éligible au logement social.
Elle se fait accompagner par l'association SOLIHA et suit une formation à la gestion du budget.
Elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour l'instant pour payer la caution d'un logement du parc privé.
Ses recherches de logement n'ont toujours pas porté leurs fruits.
En défense, Monsieur et Madame [P], représentés par leur avocat, ont pour leur part formulé les demandes suivantes :
débouter Madame [Z] de toutes ses demandes,subsidiairement, lui accorder un délai jusqu'à la fin du mois de juin 2024,la condamner à régler à Monsieur et Madame [P] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, Monsieur et Madame [P] font d'abord valoir qu'ils remboursent pour leur part un emprunt immobilier de 1 904 € par mois pour l'achat du logement donné en location à Madame [Z] et qu'ils ont besoin des loyers pour ce faire.
Ils soulignent que Madame [Z] ne pourra résoudre ses difficultés financières qu'en prenant un logement plus petit et moins onéreux et qu'elle n'a pas besoin des trois chambres du logement actuel.
Madame [Z] dispose par ailleurs de revenus devant lui permettre de se reloger facilement dans le privé.
Elle ne justifie cependant d'aucune recherche active de logement.
A l'issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 19 avril 2024.
Ce délibéré a dû être prorogé au 3 mai 2024 en raison d'une surcharge de travail du magistrat rédacteur.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LA DEMANDE DE DELAIS
Aux termes de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
L'article L 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Néanmoins, afin de préserver un équilibre entre les intérêts des bailleurs et ceux de la locataire, il y a lieu de prévoir que le maintien du bénéfice de ce délai est conditionné au paiement régulier de l’indemnité d’occupation / résiduelle.
En l'espèce, il est constant que Madame [Z] vit seule. Elle ne fait par ailleurs état d'aucun handicap ni d'aucun problème de santé.
Elle justifie par les pièces qu'elle verse aux débats percevoir un revenu mensuel moyen de 3 370 € par mois et qu'elle rembourse 495 € par mois en règlement de deux emprunts.
Si Madame [Z] justifie s'être rendue à un rendez-vous de l'association SOLIHA dans le cadre de l'enquête avant expulsion par la force publique, elle ne justifie par aucune pièce de recherches actives de logement.
Il est cependant constant que Madame [Z] a réglé sa dette locative et qu'elle paie régulièrement l'indemnité d'occupation.
En conséquence, il convient d'accorder à Madame [Z] un délai de quatre mois pour quitter les lieux, le bénéfice de ce délai étant conditionné au paiement régulier de l'indemnité d'occupation.
SUR LES DEPENS
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, la présente procédure ne fonctionne qu'au profit de Madame [Z].
En conséquence, l'équité commande de condamner Madame [Z] aux entiers dépens de l'instance.
SUR LES FRAIS DE PROCEDURE
Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.
En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,
ACCORDE à Madame [B] [Z] un délai de quatre mois pour quitter les lieux à compter de la présente décision ;
DIT que le maintien du bénéfice de ce délai est subordonné au paiement de l'indemnité d'occupation fixée par le jugement en date du 10 juillet 2023, soit la somme de 1 039,75 € ;
DIT que ce paiement devra intervenir au plus tard le 10 de chaque mois à compter de la notification de ce jugement ;
DIT qu’à défaut le délai sera immédiatement caduc et que l’expulsion pourra être poursuivie ;
CONDAMNE Madame [B] [Z] aux dépens de l'instance ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R12121 du code des procédures civiles d’exécution ;
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.
La greffièreLe Président
Sophie ARESDamien CUVILLIER
Expédié aux parties le :