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02/05/2024 | FRANCE | N°21/02377

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 02 mai 2024, 21/02377


1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 21/02377 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VX7G
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 02 MAI 2024

N° RG 21/02377 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VX7G

DEMANDEUR :

M. [S] [R]
[Adresse 4]
[Localité 8]
assisté de Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE



DEFENDERESSE :

[9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Gaëlle HEINTZ, avocat au barreau de LILLE



PARTIE(S) INTERVENANTE(S) :

CPAM DE L’ARTOIS
[Adresse 1]<

br>[Localité 7]
dispensée de comparution



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Anne-Marie FARJOT, Vice-Présidente
Assesseur: José BORGMANN, Assesseur pôle soc...

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 21/02377 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VX7G
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 02 MAI 2024

N° RG 21/02377 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VX7G

DEMANDEUR :

M. [S] [R]
[Adresse 4]
[Localité 8]
assisté de Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

DEFENDERESSE :

[9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Gaëlle HEINTZ, avocat au barreau de LILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S) :

CPAM DE L’ARTOIS
[Adresse 1]
[Localité 7]
dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Anne-Marie FARJOT, Vice-Présidente
Assesseur: José BORGMANN, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Dominique DURANDAU, Assesseur Pôle Social salarié

Greffier

Déborah CARRE-PISTOLLET,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 02 Mai 2024.

EXPOSE DU LITIGE

M [S] [R] a été engagé par l'[9] ([9])en qualité d'éducateur spécialisé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 10 janvier 2012.

L'[9] ([9]) est une association loi 1901 à but non lucratif, reconnue d'utilité publique. Elle accueille, héberge, aide, oriente et forme des jeunes et des adultes en grande difficulté.(addiction, problèmes d'hygiène, pertes d'emplois etc)
M [R] était affecté au sein du foyer [10], situé à [Localité 11].

Jusqu'au 1 er janvier 2018, le foyer [10] a fait l'objet d'une cogestion entre le Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) d'[Localité 11], la ville d'[Localité 11], et l'[9].

A ce titre, une Convention avait été conclue prévoyant la mise à disposition d'un éducateur à temps complet pour assurer l'accompagnement social au sein du foyer ainsi qu'un gardien (agent de police municipale) présent la nuit afin d'assurer une veille de nuit au sein du foyer, de sorte que l'effectif sur place était de deux éducateurs par roulement outre un gardien de nuit.

En date du 6 mars 2018, Monsieur [R] a été placé en arrêt de travail. Cet arrêt de travail pour maladie s'est prolongé jusqu'au 7 décembre 2020, date à laquelle Monsieur [R] a été déclaré inapte par le médecin du travail, avec dispense de recherche de reclassement ce qui a engendré son licenciement pour inaptitude.

Le 24 décembre 2020, M [S] [R] a complété une déclaration de maladie professionnelle qu'il a adressée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (C.P.A.M.) de l'Artois accompagnée d'un certificat médical initial établi le 8 décembre 2020 par le Docteur [K] faisant état d'un " syndrome dépressif en relation avec une souffrance au travail confirmé par le docteur [N] psychiatre " et d'une première constatation médicale le 5 mars 2018.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a diligenté une enquête administrative, sollicité l'avis de son médecin-conseil puis a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Hauts de France (CRRMP), en présence d'une maladie dite hors tableau et d'un taux d'incapacité permanente prévisible au moins égal à 25%.

Par un avis du 25 août 2021, le CRRMP de la région des Hauts de France a retenu un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle de M [S] [R].

Par décision en date du 26 août 2021, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a pris en charge la maladie du 5 mars 2018 de M [S] [R] au titre de la législation professionnelle.

Le conseil de l'[9] a saisi la commission de recours amiable afin de contester la décision de prise en charge par la C.P.A.M. , au titre de la législation professionnelle, de la pathologie de M [S] [R].

A défaut de réponse il a saisi la présente juridiction le 10 février 2022.

Par jugement du 2 février 2023 le tribunal a , avant dire droit ,désigné le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région GRAND EST [Adresse 3] , aux fins de dire si la maladie en date du 5 mars 2018 de M [S] [R] à savoir un" syndrome dépressif ", est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime.

Parallèlement ,le 26 novembre 2021, M [S] [R] a saisi la présente juridiction en reconnaissance de la faute inexcusable de l'[9].

L'affaire évoquée le 2 février 2023, a été mise en délibéré au 16 février 2023.

Par jugement du 16 février 2023, le tribunal a énoncé
"REJETTE la demande de sursis à statuer dans l'attente de la position du tribunal quant à l'opposabilité ou non de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle
AVANT DIRE DROIT sur le surplus
DIT y avoir lieu de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ;
DESIGNE le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région GRAND EST [Adresse 3] , aux fins de :
- prendre connaissance de l'entier dossier constitué par la caisse primaire d'assurance maladie conformément aux dispositions de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale,
- procéder comme il est dit à l'article D.461-30 du code de la sécurité sociale,
- dire si la maladie en date du 5 mars 2018 de M [S] [R] à savoir un" syndrome dépressif ", est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime,
- faire toutes observations utiles,
DIT que la Caisse primaire d'Assurance maladie doit adresser son dossier au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles désigné, constitué des éléments mentionnés à l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale auxquels s'ajoutent l'ensemble des pièces visées à l'article D. 461-29 du même code ;
RAPPELLE que M [S] [R] et l'[9] peuvent adresser au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles désigné des observations et/ou pièces complémentaires qui seront annexées au dossier transmis par la C.P.A.M.
INVITE M [S] [R] et l'[9] à adresser des observations dans le délai d'un mois soit directement à la Caisse primaire d'Assurance Maladie qui transmettra celles-ci au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles soit directement au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région GRAND EST ;
DIT que le CRRMP désigné adressera son avis au GREFFE DU POLE SOCIAL du Tribunal Judiciaire de LILLE, [Adresse 2] à [Localité 12],
DIT qu'une copie de l'avis du CRRMP dès réception sera adressée aux parties par le Greffe du POLE SOCIAL du Tribunal Judiciaire de LILLE par lettre simple ;
DIT que l'affaire sera rappelée au rôle à la diligence du greffe après dépôt de l'avis
SURSOIT A STATUER jusqu'à réception de l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles ;
RÉSERVE les dépens"

L'avis du CRRMP a été rendu le 4 septembre 2023 et l'affaire rappelée à la mise en état du 23 novembre 2023 date à laquelle elle a été fixée à plaider au 7 mars 2024.

* * *

M [S] [R], par l'intermédiaire de son conseil, a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.
Il demande au tribunal de :
-dire et juger que sa maladie professionnelle est la conséquence de la faute inexcusable de l'[9]
-ordonner la majoration de la rente d'accident du travail à son taux maximum
-fixer le préjudice subi à la somme de 40 000euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
A titre subsidiaire
-ordonner la désignation d'un expert judiciaire avec pour mission de fixer les différents postes de préjudice à la suite de la maladie professionnelle en rapport dont il souffre
En tout état de cause
-dire que la réparation de son préjudice sera avancée par la CPAM qui exercera son recours à l'encontre des défendeurs solidairement tenus à son égard(sic)
-condamner le défendeur à lui payer la somme de 1 500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-ordonner l'exécution provisoire
-condamner l'[9] aux dépens.

L'[9], par l'intermédiaire de son conseil, a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.
Elle demande
A titre principal
°de constater l'absence de lien direct et essentiel entre le burn out déclaré par M [R] et son travail habituel
°par conséquent de juger l'absence de faute inexcusable de sa part et de débouter M [S] [R] de l'ensemble de ses demandes
°de condamner à titre reconventionnel M [S] [R] à une somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
A titre subsidiaire
°de constater que M [S] [R] n'apporte pas la preuve d'éléments qui permettraient de démontrer l'existence d'une faute inexcusable de sa part
°de dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement à l'origine de la maladie psychique dont est atteint M [S] [R]
°par conséquent de débouter M [S] [R] de l'ensemble de ses demandes à savoir sa demande de majoration de rente , sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, sa demande d'expertise médicale et sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
°de condamner à titre reconventionnel M [S] [R] à une somme de 3 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
A titre infiniment subsidiaire
°de débouter M [S] [R] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 40 000euros et de procéder à la désignation d'un expert en vue de procéder à l'évaluation du préjudice moral invoqué par M [S] [R]
°de débouter M [S] [R] de sa demande d'exécution provisoire.
° de surseoir à statuer sur l'action récursoire de la CPAM dans l'attente de la décision quant à l'opposabilité ou non de la décision de prise en charge de la maladie à son égard.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a demandé sa dispense de comparution et le bénéfice de son action récursoire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère professionnel de la maladie

Il est constant que dans le cadre de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ce dernier peut contester le caractère professionnel de la maladie.

En l'espère l'[9] conteste ce caractère.

Deux avis de CRRMP ont été rendus.

Le premier avis émis par le CRRMP de la région Hauts de France a énoncé "après avoir étudié les pièces du dossier communiquées, le CRRMP constate l'existence de violences internes associées à un manque de soutien social et une surcharge de travail avec des moyens contraints
Pour toutes ces raisons il convient de retenir un lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle"

Le deuxième avis émis par le CRRMP de la région Grand Est a énoncé "l'intéressé occupe un poste d'éducateur spécialisé depuis au moins 2011.
Il prend en charge des publics défavorisés qui peuvent développer des conduites agressives à son égard, sur un mode récurrent Sa charge de travail est élevée. Enfin il n'est pas retrouvé de facteur extraprofessionnel significatif explicatif
En conséquence les membres du CRRMP estiment qu'un lien direct et essentiel peut être établi entre la maladie présentée et l'activité professionnelle exercée"

Pour autant il convient dès à présent de rappeler que le tribunal n'est pas lié par les avis de CRRMP de sorte qu'il appartient à M [R] dans le cadre de la présente instance,de rapporter la preuve du caractère professionnel de sa maladie.
Pour ce faire, M [R] évoque
-ses conditions de travail qualifiées de délétères au motif que son bureau était petit et dépourvu de fenêtres, qu'il a subi des modifications horaires pendant le cours de son activité , qu'il a connu des supérieurs hiérarchiques différents nécessitant un effort d'adaptation et en 2017 connu une anxiété importante en raison du désengagement de la mairie dans la cogestion du foyer impliquant une réorganisation de celui ci
-une insécurité constante au motif qu'il a fait l'objet d'agressions physiques et verbales outre la dégradation de son véhicule
-une surcharge de travail en ce qu'il travaillait seul , avait la charge de 23 personnes tous les jours et avait de nombreuses fonctions

L'[9] conteste le caractère professionnel de la maladie en s'expliquant sur l'ensemble des éléments ci dessus repris et en faisant état qu'il ressort des pièces produites que M [R] semblait rencontrer des difficultés dans sa vie personnelle puisque le docteur [F] indique qu'il a divorcé en 2014, vit seul depuis 2018 et avait limité les contacts avec sa famille et ses amis, de sorte que le lien multifactoriel de sa pathologie ne permet pas d'établir le lien direct et essentiel entre sa pathologie et son travail.

Sur ce , le tribunal considère que même si un état dépressif est possiblement multifactoriel et peut résulter d'éléments qui se sont accumulés au cours des années, il convient de rappeler que l'énoncé de facteur de risques-seraient ils constitués-ne permet pas d'établir le lien de causalité entre le risque et la pathologie; de fait M [R] ne caractérise pas en quoi la succession de 6 supérieurs hiérarchiques sur 7ans ou un changement horaire survenu des années auparavant ,soit en lien direct avec sa pathologie

Il s'observe d'ailleurs que les CRRMP ont motivé leur avis , non sur l'ensemble des éléments évoqués par M [R] mais sur
-pour l'un , l'existence de violences internes associées à un manque de soutien social et une surcharge de travail avec des moyens contraints
-pour l'autre , des conduites agressives à son égard, sur un mode récurrent et une charge de travail élevée.

Sur ce le tribunal ne considère pas caractérisée l'existence de violences internes ou de conduites agressives à son égard de nature à avoir participé de sa pathologie

En effet le seul évènement que Monsieur [R] a remonté à sa hiérarchie et dont il fait état , concerne un incident survenu dans la cave avec un résident, qui a le jour même quitté le foyer.Il expose qu'il s'est retrouvé seul avec un résident qui devait quitter le foyer le jour même et que ce faisant ce dernier l'ayant menacé et qu' il a trouvé refuge dans la cave jusqu'à l'intervention de l'agent municipal Il ne conteste d'ailleurs pas en avoir informé sa hiérarchie que plus tard et non le jour où l'incident est survenu.

Il s'agit donc du seul incident (survenu en milieu d'année 2017) dont a été victime Monsieur [R] ; il ne permet pas en raison de son caractère isolé et de l'absence même de déclaration d'accident de travail,d'établir un lien direct et essentiel avec le burn-out déclaré trois ans plus tard.

S'agissant des autres éléments évoqués par Monsieur [R] dans le cadre de l'enquête menée par la CPAM, il est fait état d'un échange de SMS dont il résulte que Monsieur [Y] [D], contrat aidé au sein de la structure, a adressé un message d'insultes à une autre personne, dont rien ne permet de penser qu'il s'agit de Monsieur [R] puisqu'il est adressé à une personne dénommée [V]

Quand bien même il s'agirait de Monsieur [R], ce dernier n'indique pas à quelle date il aurait reçu ce SMS, ce qui permet pas de s'assurer si ce SMS peut avoir un lien avec son arrêt de travail ayant débuté le 6 mars 2018. En tout état de cause ce seul SMS ne peut permettre de prétendre que M [R] aurait été victime au sein de la structure d'insultes de nature à expliquer sa pathologie.

Le seul élément subsistant est de fait la dégradation du véhicule de M [R] stationné dans la rue du foyer, peu de temps avant qu'il ne soit placé en arrêt pour syndrome dépressif.

S'agissant de la surcharge de travail, il convient de relever que le CRRMP de la région Grand évoque une charge de travail élevée mais non une surcharge.

La surcharge de travail ne serait en tout état de cause être rapportée par les propos du veilleur de nuit , agent de police municipale qui ne fait part que d'une appréciation personnelle dont le tribunal ne peut se contenter à défaut d'autres éléments.; s'il est indéniable que la charge de travail de M [R] était élevée(ce qui n'est pas contesté d'ailleurs) aucun élément objectif ne caractérise une surcharge de travail.

Le tribunal considère qu'il convient plus exactement pour apprécier le lien de causalité entre le travail et la pathologie, de s'attacher aux conditions de travail contemporaines de la 1ere constatation médicale à savoir mars 2018

Or il s'observe qu' en septembre 2017 M [R] a été informé de ce que la ville se désengageait de la gestion du foyer pour des motifs financiers à compter du 1er janvier 2018 de sorte qu'à compter du 31 mars 2018 la veille de nuit assurée par la ville serait supprimée; le foyer devait donc reprendre en interne cette activité de nuit et une réorganisation de service était par conséquent nécessaire Cette réorganisation impliquait que le personnel travaille en horaires postés sur une plage horaire plus étendue.

De fait M [R] dans ses propres écritures, évoque dans son paragraphe "conditions de travail"ce seul élément qui soit contemporain de sa pathologie et qui donc apparaît avoir été déterminant pour M [R]; il énonce ainsi "en 2017 M [R] était informé de manière totalement informelle que la cogestion du foyer pourrait cesser ce qui aurait impliqué soit la suppression du poste de M [R] soit une modification substantielle de ses conditions de travail puisque le retrait du CCAS aurait impliqué la suppression du professionnel détaché au sein du foyer cette situation causait une anxité importante au requérant"

S'agissant du motif d'insécurité , il énonce lui même dans ses écritures page 10 qu'il a déposé plainte le 26 février 2018 pour des rayures sur son véhicule personnel et que "cette ultime agression conduisait le médecin du travail à le placer en incapacité temporaire de travail et ce sans la moindre réponse de l'association nonobstant son courriel ce qui a conduit qu'à renforcer l'isolement et le sentiment d'injustice chez le requérant"

Le tribunal considère donc au vu de la temporalité mais également de ses propres écritures et des pièces médicales reprenant les dires de M [R] (cf pièces15 et 19) que M [R] s'est indéniablement investi considérablement dans son travail ; si la surcharge de travail n'est nullement établie, il est par contre indeniable , commme le relève le CRRMP de la région Grand Est ,que sa charge de travail était très élevée.

Comme le relève le docteur [N] qui s'est entretenu avec M [R] "on retient un sentiment d'injustice avec une non reconnaissance de son investissement et des années passées Le sentiment d'isolement et l'absence d'accompagnement apparaissent déterminants et déclencheurs de son état actuel..celui ci a décompensé face à un sentiment d'absence de soutien et de réaction de sa hiérarchie malgré ses demandes et appels à l'aide"

Il se comprend donc que dans un contexte de travail difficile, en ce que l'éducateur spécialisé évolue par essence auprès d'un public en difficulté-sans néanmoins que puisse être évoqué des conduites agressives à son égard de manière récurrente à défaut d'élément en ce sens -associé au stress d'un avenir incertain en raison de la réorganisation projetée , M [R] a décompensé face à l'absence de réaction de son employeur lorsque son véhicule a été vandalisé et ce malgré le mail adressé.Il y a manifestement vu une absence de reconnaissance de son employeur et s'est certainement interrogé sur le sens de son engagement à défaut de retour de la structure lorsque lui même s'est trouvé en difficulté.

Le caracatère professionnel de la pathologie apparaît donc établi mais uniquement par rapport à l'analyse ci dessus faite des causes de sa pathologie.

Sur la faute inexcusable

En droit, il résulte de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

En vertu de la loi, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité , notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et les accidents du travail.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il convient de préciser que la charge de la preuve ne repose pas exclusivement sur le salarié ; en effet, l'obligation de l'employeur est plus exactement une obligation de moyen renforcée dès lors qu'il peut s'exonérer en rapportant la preuve qu'il a mis tous les moyens en œuvre pour éviter la pathologie; ainsi le salarié devra rapporter la preuve de la conscience du danger que devait avoir son employeur tandis que ce dernier, tenu d'une obligation de moyen renforcée, devra rapporter la preuve qu'il a pris les mesures de nature à protéger la santé et la sécurité de son salarié.

Force est de constater que M [R] même s'il a invoqué un ensemble de faits qui seraient à l'origine de sa pathologie, ne se prévaut que de la conscience du danger que son employeur devait avoir du risque d'agression, ce qui confirme l'analyse faite de ce que la pathologie de M [R] est en lien avec un vécu d'insécurité.

S'il est constant que le risque d'agression était connu , M [R] étant en contact avec un public en difficulté, il fut précédemment établi que la pathologie de M [R] n'est pas en lien avec l'incident survenu en cave mais plus précisément sur sa voiture ; or si M [R] a toujours considéré que la dégradation de son véhicule était le fait d'un résident , créant chez lui un sentiment d'insécurité,rien ne l'établit.

M [R] ne saurait donc reproché à son employeur de ne pas l'avoir protégé de ce risque de dégradation pour lequel il n'est pas établi l'origine professionnelle

L'employeur ne pouvait pas plus avoir conscience que son défaut de réponse à un mail de M [R] consécutivement à ce fait qui ne pouvait pas être relié au travail, soit de nature à provoquer une décompensation psychique.

M [R] sera donc débouté de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable et des demandes subséquentes.

M [R] qui succombe sera condamné aux éventuels dépens de l'instance.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'[9] ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe

DEBOUTE M [S] [R] de l'intégralité de ses demandes

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE M [S] [R] aux éventuels dépens

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l'article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille les jours, mois et an que dessus.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Déborah CARRE-PISTOLLET Anne-Marie FARJOT

Expédié aux parties le
1 CE Me Heintz
1 CCC [R], Me Brouwer, cpam, [9]


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Pôle social
Numéro d'arrêt : 21/02377
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;21.02377 ?
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