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21/03/2024 | FRANCE | N°22/02149

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 21 mars 2024, 22/02149


1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/02149 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WW2E
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 21 MARS 2024

N° RG 22/02149 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WW2E

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Vincent POTIE, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

MSA NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Mme [I] [B], munie d'un pouvoir


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Anne-Marie FA

RJOT, Vice-Présidente
Assesseur: Hubert VANDERBEKEN, Assesseur pôle social collège employeur agricole
Assesseur: Marie-Noëlle MAQUAIRE, Assesseur Pôle s...

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/02149 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WW2E
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 21 MARS 2024

N° RG 22/02149 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WW2E

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. [5]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Vincent POTIE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

MSA NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Mme [I] [B], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Anne-Marie FARJOT, Vice-Présidente
Assesseur: Hubert VANDERBEKEN, Assesseur pôle social collège employeur agricole
Assesseur: Marie-Noëlle MAQUAIRE, Assesseur Pôle social collège salarié

Greffier

Louise DIANA,

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 21 Mars 2024.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [F] [L] âgé de 54 ans est entré au service de la société [5], entreprise de scierie, le 1er juillet 2015 et ce en qualité de manutentionnaire.

Le 8 juillet 2021, un certificat d'arrêt de travail a été établi par le médecin de M. [F] [L] faisant état d'un « trouble anxieux aigu+lombalgie aigue secondaire charge travail physique lourde Patient me dit avoir subi harcèlement professionnel de la part de son supérieur ».

A réception du double du certificat médical initial, le gérant de la société [5] a adressé à la MSA un courrier daté du 15 juillet 2021 pour contester tout fait accidentel survenu le 8 juillet ; il indiquait quue M. [F] [L] avait quitté l'entreprise à midi après être passé par le secrétariat pour signaler son départ.

Le 6 septembre 2021 l'inspecteur du travail s'est rendu sur place et la société [5] a établi une déclaration d'accident du travail le jour même. Il était mentionné un accident le 16 juillet 2021 et le fait que « M. [F] [L] s'est présenté au secrétariat le 8 juillet 2021 à 12h pour dire qu'il rentrait chez lui car il ne se sentait pas bien. Il a quitté l'entreprise sans prévenir son dirigeant et repartit avec son véhicule. Avant de quitter l'entreprise il a vidé son casier de vestiaire ».

Une enquête a naturellement été mise en place par la MSA du fait des réserves de la société. M. [F] [L] y a fait état de ce qu'il avait subi l'agression physique et verbale du fils du gérant, M. [Z] [H], le 8 juillet 2021 à la suite de la chute d'un chevron de bois préparé par lui et qu'il subissait depuis trop longtemps des conditions de travail désatreuses pour sa santé.

Par courrier en date du 2 décembre 2021 la MSA a informé la société [5] du refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle au motif que « selon l'avis de (son) médecin conseil les lésions ne sont pas imputables à l'accident » ; de fait il s'avère que le médecin conseil avait émis cet avis médical au motif d'une « contradiction » entre la date de l'accident mentionné sur la DAT (le 16 juillet) et le certificat médical (8 juillet).

Par courrier du 26 janvier 2022 la MSA a adressé à la société [5] un courrier l'informant de la prise en charge du fait du 8 juillet 2021 au titre de la législation professionnelle ; elle lui notifiait une voie de recours contre cette décision.

La société [5] a contesté cette décison le 17 mars 2022 devant la commission de recours amiable, laquelle a, par décision du 8 novembre 2022, rejeté le recours de la société [5] au motif de l'absence d'intérêt à agir de la société à l'égard de laquelle la décision est inopposable.

La société [5] a saisi le tribunal par courrier du 6 décembre 2022.

Après divers renvois l'affaire a été évoquée le 25 janvier 2024 en présence des parties dûment représentées.
La société [5] par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, sollicite de :
- dire que l'arrêt de travail du 13juillet (sic) ne peut être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou maladie professionnelle,
- condamner la MSA à verser à la société [5] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dépens comme de droit.

La MSA Nord-Pas-De-Calais par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, sollicite de :
-confirmer la prise en charge par la MSA de l'accident dont a été victime M. [F] [L] au titre de la législation sur les risques professionnels,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 8 novembre 2022,
- constater que la caisse a accordé l'inopposabilité à la société [5],
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.

L'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

MOTIFS :

Sur l'intérêt à agir

L'article 31 du code de procédure civile dispose que « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

La MSA conteste l'intérêt à agir de l'employeur en contestation de la décision au motif que la décision lui est inopposable comme elle a pu le lui confirmer par courrier du 25 avril 2022.

Il sera néanmoins observé que la MSA a notifié à la société [5] la décision de prise en charge le 25 janvier 2022 avec indication d'une voie de recours et lui dénie en l'état le droit qu'elle lui a pourtant elle-même notifié. Ce seul fait est suffisant à établir l'intérêt à agir de la société [5] à voir dire la décision de prise en charge inopposable à elle quand bien même par courrier du 25 avril 2022, la MSA l'a reconnue.

Par ailleurs la jurisprudence (notamment 17 septembre 2009 n° 08-18.151) a déjà eu l'occasion d'énoncer que :
« Même si aucune somme n'est mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie d'un de ses salariés par une caisse primaire d'assurance maladie, l'employeur a intérêt à pouvoir faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n'a pas été prise conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale. »

La société [5] sera donc déclarée recevable à agir.

Sur l'accident du travail

La recevabilité de l'action de la société [5] étant établie, celle-ci est libre des moyens qu'elle entend articuler de sorte qu'il ne saurait être prononcé, si elle ne l'invoque pas, l'inopposabilité de la décision au motif qu'elle est intervenue alors qu'une décision de refus lui avait été précédemment notifiée et était devenue définitive à son égard.

Sur le moyen de la matérialité de l'accident :
En droit, aux termes de l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »

La lésion pouvant se déclarer à distance ou être constatée à distance, la jurisprudence a également considéré que « Constitue un accident de travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle. »

En d'autres termes l'accident du travail sera reconnu en présence soit d'une lésion survenue indéniablement au temps et lieu du travail soit d'une lésion constatée à distance mais pouvant être reliée à un événement survenu au temps et lieu du travail.

En l'espèce la MSA n'hésite pas à énoncer que « la victime doit uniquement prouver qu'elle présente des lésions (par un certificat médical initial) et que ces lésions sont apparues soudainement au temps et au lieu du travail (au moyen d'une déclaration d'accident du travail). Dès lors au vu de ces éléments il est constant que M. [F] [L] a été victime d'un accident du travail ».

Une telle analyse est néanmoins erronée en fin de phrase dans sa partie entre parenthèses, dans la mesure où la déclaration d'accident du travail ne peut constituer la preuve de la survenance de la lésion au temps et lieu du travail (sauf hypothèse d'un constat par l'employeur de la lésion pendant le temps du travail) ; il convient en effet de rappeler que la déclaration d'AT est une obligation légale pesant sur l'employeur quelle que soit sa contestation.

Il est exact que sur la déclaration, l'employeur a reconnu que M. [F] [L] était parti en déclarant « ne pas se sentir bien » ; il n'en demeure que s'agissant d'un trouble anxieux cette affirmation est insuffisante à reconnaître la survenue au temps et lieu du travail de la lésion.

En tout état de cause aucun élément de l'enquête ne permet de caractériser la survenue de la lésion au temps et lieu du travail.

La MSA aurait pu tenter d'établir au contraire une constatation médicale contemporaine d'un évènement survenu au temps et lieu du travail pouvant être à l'origine de la lésion tel qu'une altercation sur le lieu de travail.

Or aucun élément de l'enquête ne le permet ; c'est d'ailleurs le constat qu'avait fait l'inspecteur du travail dans son courrier du 4 octobre 2021 en énonçant en gras « aucun élément ne vient conforter les déclarations de M. [F] [L] quant aux agissements qu'il dénonce concernant M. [Z] [H] à son encontre tant sur la nature de ses propos que sur les éventuelles menaces physiques ».

Il s'observe au surplus que si la MSA a modifié sa décision, ce n'est nullement en raison d'un élément nouveau concernant les faits mais uniquement en raison d'une modification de l'avis du médecin conseil qui a compris que l'erreur de la société [5] sur la DAT (16 juillet) concernant la date de l'accident ne devait pas être un obstacle à un avis médical favorable à savoir le possible lien entre la lésion du 8 juillet et le fait invoqué le 8 juillet (et non le 16) étant précisé que le lien possible sur le plan médical ne dispense pas la MSA d'établir la réalité des faits du 8 juillet.

A défaut d'élément autre que les déclarations de M. [F] [L], la MSA ne rapporte pas cette preuve.

Du fait de l'indépendance des rapports, il ne peut être dit que « l'arrêt de travail du 13juillet (sic) ne peut être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail ou maladie professionnelle ».

Mais il convient de dire inopposable à la société [5] la décision de prise en charge du 25 janvier 2022 pour non caractérisation de l'accident du travail de M. [F] [L] en date du 8 juillet 2021.

La MSA qui succombe sera condamnée aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société [5] ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant après audience publique, par décision contradictoire en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

DIT la société [5] recevable à agir ;

DIT inopposable à la société [5] la décision de prise en charge du 25 janvier 2022 pour non caractérisation de l'accident du travail de M. [F] [L] en date du 8 juillet 2021 ;

DEBOUTE la société [5] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la MSA Nord-Pas-De-Calais aux dépens ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l'article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal ;

RAPPELLE que le délai dont disposent les parties pour, le cas échéant, interjeter appel du présent jugement est d'un mois à compter du jour de sa notification ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Tribunal les jours, mois et an sus-dit.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Louise DIANA Anne-Marie FARJOT

Expédié aux parties le :
1 CE à Me Potie
1 CCC à la Société
1 CCC à la MSA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Pôle social
Numéro d'arrêt : 22/02149
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;22.02149 ?
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