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19/03/2024 | FRANCE | N°23/08129

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 23/08129


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 23/08129 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOHK


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDEUR :

M. [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me William WATEL, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

E.U.R.L. [R] [O], exerçant sous l’enseigne “ART DECO”, enregistré sous le numéro 528 130 123 000 29, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
défaillant


COMPOSITI

ON DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisati...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 23/08129 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOHK

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDEUR :

M. [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me William WATEL, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

E.U.R.L. [R] [O], exerçant sous l’enseigne “ART DECO”, enregistré sous le numéro 528 130 123 000 29, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Novembre 2023 ;

A l’audience publique du 23 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024, et signé par Anne-Sophie SIEVERS, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [F] a confié à M. [O] [R], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Art Déco » des travaux de chape et carrelage pour un montant de 30 851,35 euros. Les travaux ont été terminés le 9 mars 2021.

Se plaignant de désordres, M. [F] a assigné M. [R] en référé afin d'obtenir une expertise judiciaire. Le juge des référés de Lille a confié une expertise judiciaire à M. [Y] [G], par décision du 5 avril 2022.

Le rapport définitif a été rendu le 18 décembre 2022.

Par acte d'huissier signifié le 31 août 2023, M. [F] a assigné M. [R] devant le tribunal judiciaire de Lille.

Dans l'état de son assignation, il demande au tribunal de :

-à titre principal condamner le défendeur à payer à M. [F] le prix des remboursements des travaux soit la somme 30851,35euros euros, ainsi que la somme de 6 494,47 euros correspondant au carrelage
-à titre subsidiaire condamner le défendeur à payer à M. [F] le prix de la reprise des travaux soit la somme de 26283 euros, ainsi que la somme de 6 494,47 euros correspondant au carrelage
-condamner le défendeur à payer à M. [F] la somme de 32 100 euros au titre de l’indemnité du trouble de jouissance
-condamner l’EURL [R] à régler la somme de 5 000 euros pour le préjudice moral subi par M. [F],
en tout état de cause,
-condamner le défendeur à verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers frais et dépens, en ce compris les frais d’expertise ;
-prononcer l’exécution provisoire

M. [F] expose que M. [R] a commis de nombreuses malfaçons attestées par le rapport d'expertise judiciaire, le chantier ayant en outre été abandonné. Il ajoute que les travaux de réfection évalués à 30 851,35 euros par l'expert dureront 21 jours pendant lesquels il devra reloger sa famille de six personnes, le montant du relogement calculé par l'expert étant insuffisant.

M. [R], assigné à étude, n'a pas constitué avocat.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 24 novembre 2023. Après débats à l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

I. Sur les demandes principales de M. [F]

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat de faire des travaux sans vice, ce qui implique, dès lors que ses travaux sont affectés de désordres, une présomption simple de faute et de causalité entre la faute et les désordres.

En l'espèce, M. [F] justifie avoir signé plusieurs devis établis par M. [R] :
-un devis F202/58 portant sur des travaux de pose de chappe de 10 cm pour rattraper le niveau et pose de carrelage dans la cuisine, l'entrée, les WC, le sol chauffant du hammam, et le patio, pour un montant de 16 442,25 euros TTC
-un devis F20/62 de fourniture et pose et joint de matériel pour deux salles de bain et un hammam pour un total de 7 623,15 euros TTC (et un rectificatif du même jour, portant le montant à 8 467,32 euros), avec déduction de postes du devis F20/58,
-un devis F20/81 de fourniture et pose de matériel dans la salle de bain, la cuisine et le WC, le plafond du hammam et la terrasse, pour un total de 3 982,69 euros TTC.

Le rapport contractuel entre les parties est donc établi s'agissant de ces travaux consistant notamment dans la réalisation d'une chappe et la pose de carrelage.

Or il ressort du rapport d'expertise judiciaire du 18 décembre 2022 que non seulement le chantier est arrêté avant l'achèvement des travaux, mais qu'en outre les travaux sont affectés de malfaçons. L'expert judiciaire a souligné que dans le hall, la cuisine, les WC attenant au sauna, la terrasse et l'abri de jardin, les carreaux sont mal posés et descellés pour certains et que beaucoup sonnent creux. L'expert relève aussi que contrairement aux échantillonnages lisses et satinés fournis par M. [F], les carreaux de la cuisine et du hall ont été poncés ou nettoyés avec un liquide agressif qui leur donne un aspect rugueux et poreux et les rend difficiles à nettoyer, et impropres à leur destination d'origine.

En outre, le hammam n'est pas terminé, l'isolant vertical a été posé avec perforations et le carrelage vertical et au plafond n'a pas été posé. Dans la salle de bain du 1er étage, les joints entre le carrelage et le plancher ne tiennent pas. Dans la salle de bain du deuxième étage, les joints sont à faire et l'espace entre le carrelage et le receveur, trop important, a été comblé par du silicone, solution non pérenne. Les finitions de carrelage autour des baies de fenêtres ne sont pas terminées.

Ces désordres affectant les travaux confiés à M. [R] sont donc le résultat de malfaçons et de non-façons.

1. Sur le préjudice matériel

S'agissant du préjudice matériel, M. [F] réclame à titre principal le remboursement des sommes qu'il affirme avoir versées.

Cependant, il ressort du rapport d'expertise que certaines des prestations de M. [R], notamment aux étages, ne donnent pas lieu à des travaux de reprise intégrale mais seulement à des travaux de finition. Par conséquent, M. [F], qui ne sollicite d'ailleurs pas la résolution du contrat, ne saurait affirmer que son préjudice est égal à l'ensemble des sommes qu'il a versées.

L'expert judiciaire conclut à la nécessité, au rez-de-chaussée, de démonter la cuisine et les sanitaires, d'enlever et évaluer l'intégralité du carrelage du rez-de-chaussée et de la terrasse, de mettre en place une chappe, de fournir et poser un nouveau carrelage et de reposer la cuisine et les sanitaires, outre des travaux de finition aux étages.

Il a déclaré satisfaisant le devis de la société Wartelle Carrelages d'un montant de 24 296,80 euros TTC, bien que celui-ci soit supérieur à son évaluation à dire d'expert de 20 293 euros qui comprenait pourtant, contrairement au devis de la société Wartelle Carrelages, le coût du carrelage. Le tribunal relève par ailleurs que l'offre de prix de 6 494,47 euros de la société Quarade Carrelages pour la fourniture des carreaux n'est d'une part pas mentionnée dans le rapport d'expertise et d'autre part est largement supérieure aux sommes réglées par M. [F] lors du premier chantier pour la fourniture des carreaux (3 222 euros à la société Carrelage du Marais et 1 125 euros à la société Porcelanosa), sans qu'une explication soit donnée à cette hausse de 40% en deux ans.

Pour ces raisons, c'est l'évaluation à dire d'expert de 20 293 euros, plus complète, qui sera retenue. M. [R] sera donc condamné à payer à M. [F] la somme de 20 293 euros à ce titre.

2. Sur le préjudice de jouissance

Le préjudice de jouissance vise à compenser l'impossibilité de jouir normalement de l'immeuble.

Le rapport d'expertise judiciaire conclut que pendant trois semaines correspondant à la dépose et à la nouvelle pose du carrelage du rez-de-chaussée, l'immeuble ne sera pas habitable et que pendant une semaine correspondant aux travaux de finition aux étages, il sera possible d'habiter l'immeuble. Il ajoute que l'immeuble est difficilement exploitable notamment au rez-de-chaussée, puisque des carreaux se descellent et bougent lorsqu'on marche dessus, alors même que les matériaux choisis étaient de bonne facture.

Pour contester tardivement l'estimation du préjudice lié à la durée des travaux, que l'expert évalue à 95 euros par jour pour une famille de six personnes, M. [F] produit devant le tribunal trois recherches Booking pour des logements de six adultes pour trois semaines, pour des prix respectifs de 3 405 euros, 4 979 euros et 10 482 euros. Au regard de la différence importante de ces trois tarifs, il n'apparaît pas pertinent d'en faire une moyenne.

L'estimation de 1 995 euros pour trois semaines sera donc retenue au titre du préjudice pendant la durée des travaux.

Le fait que les pièces carrelées du rez-de-chaussée de l'immeuble soient difficilement exploitables depuis la fin des travaux en mars 2021 peut valablement être indemnisé à hauteur de 150 euros par mois compte tenu de l'emplacement de l'immeuble, soit 5 400 euros à la date de la présente décision.

M. [R] sera donc condamné à payer à M. [F] la somme de 7 395 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice lié à la durée des travaux.

3. Sur le préjudice moral

Les inexécutions de M. [R] ont placé M. [F] et sa famille dans une situation complexe, étant précisé que la famille nombreuse va devoir déménager pendant trois semaines. Cet état de fait constitue un préjudice moral qui sera évalué à 1 000 euros.

II. Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [R], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

M. [F] ayant dû exposer des frais pour faire valoir ses droits en justice, il n'apparaît pas inéquitable de condamner M. [R] à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Aucune partie ne sollicitant qu'il soit fait exception à ce principe, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE M. [O] [R], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Art Déco », à payer à M. [T] [F] les sommes suivantes :
-20 293 euros au titre des travaux de reprise et de finition,
-7 395 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice lié à la durée des travaux,
-1 000 euros au titre du préjudice moral,
-2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE M. [O] [R], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne « Art Déco », aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEAnne-Sophie SIEVERS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 23/08129
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;23.08129 ?
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