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19/03/2024 | FRANCE | N°22/05595

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 22/05595


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/05595 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WLZ7


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT LOGEMENT, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°302493275, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Patrick DUPONT-THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE




DÉFENDEURS :

M. [T] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Adrien CAREL, avocat

au barreau de LILLE

Mme [U] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Président...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/05595 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WLZ7

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT LOGEMENT, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°302493275, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Patrick DUPONT-THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

M. [T] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Adrien CAREL, avocat au barreau de LILLE

Mme [U] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Décembre 2023 ;

A l’audience publique du 16 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024, et signé par Claire MARCHALOT, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

[U] [O] et [T] [N] ont contracté, le 21 avril 2015, un prêt immobilier auprès de la banque LCL (Crédit Lyonnais SA) (prêt n°M15033184801) destiné au rachat du prêt immobilier de leur résidence principale, située [Adresse 7] à [Localité 6], d’un montant de 154.000 € pour une durée de 297 mois. La SA Crédit Logement s’est portée caution pour le remboursement de ce prêt en faveur de l’établissement de crédit le 4 mai 2015.

A la suite de la défaillance des débiteurs principaux, la SA Crédit Logement a versé à la société LCL le solde du prêt, soit les sommes de 3.348,10 € le 29 août 2018, puis 38.231,27 € le 29 juillet 2020.

Par actes d’huissier en date du 4 août 2022 et du 6 septembre 2022, la SA Crédit Logement a fait assigner [T] [N] et [U] [O] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à lui verser les sommes réglées en leur lieux et place, sur le fondement de l’article 2308 du code civil.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 26 mai 2023, à [T] [N] et par voie de signification par huissier de justice le 10 novembre 2023, à [U] [O], la SA Crédit Logement demande au tribunal au visa de l’article 2305 du code civil dans sa version applicable au litige, de :
-condamner solidairement [T] [N] et [U] [O] épouse [N] à lui payer :
-1°) la somme de 41.092,46 € montant de la créance arrêtée au 11 avril 2022,
-2°) les intérêts au taux légal sur la somme de 40.794,71 € montant de la créance due en principal à compter du 11 avril 2022 au jour du règlement effectif,
-3°) celle de 1.000 € conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner enfin in solidum en tous les frais et dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 16 mars 2023, [T] [N] demande au tribunal au visa de l'article 2308 du code civil et de l'article 2311 du code civil, de :
-débouter la SA Crédit Logement de l'intégralité de ses fins, prétentions et conclusions,
-condamner la SA Crédit Logement à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la SA Crédit Logement aux entiers frais et dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.

[U] [O] n’a pas constitué avocat.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Conformément à l’article 37 de l'ordonnance du 15 septembre 2021 réformant le droit du cautionnement, les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeurent soumis à la loi ancienne.

En l’espèce, le contrat de cautionnement a été conclu le 7 décembre 2010 entre les parties, de sorte qu’il convient d’appliquer le droit antérieur à la réforme.

Sur la déchéance du recours de la SA Crédit Logement fondée sur l’article 2308 du code civil

[T] [N] soutient que par ordonnance de non-conciliation en date du 10 novembre 2017, [U] [O] s’est vu octroyer la jouissance onéreuse du domicile conjugal et que le divorce a été prononcé le 5 mars 2020. Il fait valoir qu’aucune déchéance du terme n’est intervenue de sorte que la créance n’était pas exigible par le LCL et qu’ainsi la SA Crédit Logement a agi trop rapidement faisant obstacle à ce qu’il n’a pas été en mesure de soulever l’irrégularité de la déchéance du terme et tout moyen de droit dont la prescription biennale.

La SA Crédit Logement fait valoir que [T] [N] ne démontre pas qu’il disposait, préalablement à l’intervention des deux quittances subrogatives, d’un moyen de faire déclarer la dette éteinte.

L’article 2308 du code civil dans sa version applicable en l’espèce, prive la caution qui a payé, de ses recours contre le débiteur principal dans deux hypothèses : lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait et s’il a payé une seconde fois ; si elle a payé sans être poursuivie et sans en avoir averti le débiteur, alors que celui-ci avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.

La déchéance n’est encourue au terme de cet alinéa que si trois conditions cumulatives sont réunies : l’absence d’avertissement du débiteur, le paiement sans poursuite, et la preuve par le débiteur de ce qu’il possédait un moyen de faire déclarer la dette éteinte.

Il ressort des quittances subrogatives en date du 29 août 2018 concernant les échéances impayées d’avril 2018 à août 2018 et en date du 29 juillet 2020 représentant le capital restant dû, que le prêteur, la société LCL a reçu paiement, de la SA Crédit logement, de la somme de 3.348,10 € le 29 août 2018 et de la somme de 38.237,40 €, le 29 juillet 2020.

Ces quittances subrogatives visant l’article 2305 du code civil, établissent la réalité du paiement effectué par la SA Crédit Logement qui ne justifie toutefois pas aux débats de la demande qui lui en a été faite par la société LCL.

La SA Crédit logement ne justifie pas davantage aux débats, avoir informé [T] [N] du paiement qu’elle envisageait d’effectuer puisqu’elle ne produit que la copie de la lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 janvier 2019 l’informant de ce que « Nous avons tenté de trouver une solution amiable au litige qui nous oppose, notamment en vous invitant à prendre contact auprès de notre établissement. Ces démarches étant restées vaines, nous vous mettons en demeure de nous régler la totalité de votre retard, soit 3.358,79 €. », concernant les échéances impayées et la copie de la lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 octobre 2021 l’informant de ce que « étant sans réponse de votre part à nos demandes, nous vous mettons en demeure de nous régler la totalité de votre dette, soit 40.492,66 €, compte non tenu des indemnités, pénalités et autres frais de justice et sous réserve des intérêts à courir ».

Force est donc d’en déduire, que la SA Crédit Logement a effectué le paiement à l’insu de [T] [N] alors que celui-ci pouvait être en mesure d’opposer utilement à la société LCL, pour y faire obstacle, un moyen de droit tiré de l’irrégularité de la déchéance du terme.
En l’espèce, le courrier de notification de la déchéance du terme adressé à [T] [N] en date du 13 janvier 2020 adressé par la société LCL mentionne les échéances échues impayées, il est précisait « Nous vous mettons en demeure de nous payer sous quinzaine, sauf erreur ou omission (…) Nous vous indiquons qu’à défaut de recevoir votre règlement dans les délais impartis, nous entendons nous prévaloir de la clause de déchéance de terme prévue au contrat qui sera prononcée au terme fixé. Votre prêt deviendra dès lors immédiatement et intégralement exigible pour les sommes suivantes que nous vous mettons en demeure de nous régler (…). ». La déchéance du terme était donc acquise à l’expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à la notification d’une déchéance du terme postérieure.

Par ailleurs, si [T] [N] soutient que l’ordonnance de non conciliation du 10 novembre 2017, avait laissé la jouissance onéreuse du domicile conjugal à [U] [O] à charge pour elle de rembourser les mensualités du prêt immobilier. Pour autant, cette décision entre les ex-époux ne saurait être opposable à la société Crédit Logement, qui n’y était pas partie, et qui doit toujours pouvoir disposer de deux codébiteurs solidaires.

Enfin si [T] [N] soutient qu’il aurait été en mesure de soulever plus largement tout moyen de droit dont la prescription biennale, force est de constater qu’il n’apporte aucun moyen en ce sens, quant à cette prescription se contentant de l’affirmer, sans en justifier.

Dans ces conditions, les conditions cumulatives de l’article 2308 alinéa 2 du code civil n’apparaissent pas réunies et aucun motif ne justifie donc de déchoir la société Crédit Logement du droit à exercer son recours personnel contre les débiteurs principaux.

Sur la créance de la SA Crédit Logement

L’article 2305 du code civil dispose que la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur, que ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais mais que néanmoins, la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites engagées contre elle ; et qu’elle a aussi recours pour les dommages intérêts, s’il y a lieu.

Si, dans le cadre du recours subrogatoire et selon l’article 1252 du code civil, le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire, tel n’est pas le cas en cas d’exercice par la caution de son recours personnel, comme en l’espèce.

Dans la présente affaire, la société Crédit Logement produit notamment :
-le contrat de prêt acceptés par [T] [N] et [U] [O] le 21 avril 2015,
-le tableau d’amortissement,
-l’acte de cautionnement,

-les lettres de mise en demeure de paiement adressées par lettre recommandée de la banque aux défendeurs le 30 août 2019 et le 13 janvier 2020, enjoignant [T] [N] de régler les impayés dans le délai de 15 jours, à peine de déchéance du terme du contrat de prêt,
-les 2 quittances subrogatives des 7 janvier 2019 et 8 octobre 2020, attestant du montant des sommes acquittées par le Crédit logement en lieu et place de la débitrice principale en sa qualité de caution,
-les courriers recommandés des 7 janvier 2019 et 8 octobre 2021 par lesquels la société Crédit logement met en demeure [T] [N] de lui régler sous huit jours les sommes avancées, à peine de poursuites judiciaires, pour chacun des deux prêts,
-le jugement de contestation des mesures imposées moratoire du tribunal judicaire de Lille fixant pour les besoins de la procédure de surendettement à la somme de 33.876,13 € ainsi qu’à la somme de 3.315,69 € les créances détenues par la SA Crédit Lyonnais,
-le décompte de créance établis le 11 avril 2022.

La SA Crédit Logement justifie être créancière envers [T] [N] et [U] [O] qui se sont engagé solidairement et indivisiblement.

Il ressort également des quittances subrogatives établies par la banque, que la SA Crédit Logement en sa qualité de caution de ce crédit lui a payé la somme de 3.348,10 € le 29 août 2018 et celle de 38.231,27 e le 29 juillet 2020.

Dans ces conditions, la SA Crédit Logement qui a bien payé à la banque, en sa qualité de caution, la créance due par le débiteur, est bien fondée à obtenir le remboursement des sommes ainsi versées déduction faite de la somme de 1.092,84 € (restitution de mutualisation) et donc la condamnation solidaire de [T] [N] et [U] [O] au paiement de la somme de 41.092.46 € montant de sa créance arrêtée au 11 avril 2022, et des intérêts au taux légal sur la somme de 40.492,66 € (montant de la créance due en principal) à compter du 4 août 2022 (date de l’assignation) et jusqu’à parfait paiement.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens seront mis à la charge in solidum de [T] [N] et [U] [O] qui succombent.

Par ailleurs, l’équité commande de condamner [T] [N] et [U] [O] à verser à la SA Crédit Logement la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement in réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition ;

DÉBOUTE [T] [N] de sa demande de déchéance fondée sur l’article 2308 alinéa 2 du code civil ;

CONDAMNE solidairement [T] [N] et [U] [O] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 41.092.46 € montant de sa créance arrêtée au 11 avril 2022, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 40.492,66 € à compter du 4 août 2022 et jusqu’à parfait paiement ;

CONDAMNE in solidum [T] [N] et [U] [O] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE in solidum [T] [N] et [U] [O] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEClaire MARCHALOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/05595
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.05595 ?
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