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19/03/2024 | FRANCE | N°22/02342

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 22/02342


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 22/02342 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V7D7


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Patrick DUPONT-THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEURS :

M. [Z] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

Mme [L] [E] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LIL

LE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code d...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/02342 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V7D7

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Patrick DUPONT-THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

M. [Z] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

Mme [L] [E] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Décembre 2023 ;

A l’audience publique du 23 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024, et signé par Anne-Sophie SIEVERS, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 février 2010, la société Crédit du Nord a consenti à M. [Z] [B] et Mme [L] [E] un prêt immobilier d’un montant de 160 000 euros remboursable en 240 mensualités.

Au sein du même acte, la société Crédit Logement est intervenue en qualité de caution solidaire au titre de ce prêt.

L'immeuble objet du prêt a été vendu le 10 novembre 2015.

M. [Z] [B] a saisi seul la commission de surendettement le 12 décembre 2016. Son dossier a été déclaré recevable le 22 février 2017 et un plan a été établi le 17 mai 2017. Suite à une contestation par la société Crédit du Nord des mesures recommandées, la cour d'appel de Douai a établi un nouveau plan.

Selon quittance subrogative du 25 septembre 2018, la société Crédit Logement a réglé à la société Crédit du Nord la somme de 21 713,89 euros au titre des échéances impayées et des pénalités de retard.

La société Crédit du Nord a ensuite prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 2 septembre 2020. Selon quittance subrogative du 2 juin 2021, la société Crédit Logement a réglé la somme de 121 194,09 euros au titre des échéances impayées, des pénalités de retard et du capital restant dû.

Par acte d'huissier signifié le 6 avril 2023, la société Crédit Logement a assigné M. [B] et Mme [E] devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir le paiement de la somme de 137 962,35 euros, montant de la créance arrêtée au 7 janvier 2022 et les intérêts au taux légal à compter de cette date sur la somme de 137 899,18 euros.

Par ordonnance du 22 juin 2023, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes en paiement de la société Crédit Logement à l'encontre de M. [B] et Mme [E] au titre de la quittance subrogative du 25 septembre 2018.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 12 octobre 2023 par RPVA, la société Crédit Logement demande au tribunal, au visa de l'article 2305 du code civil, de :

-condamner M. [B] et Mme [E] à payer à la société Crédit Logement :
-la somme de 113 540,60 euros, montant de la créance arrêté au 6 octobre 2023 ;
-les intérêts au taux légal sur la somme de 113 273,19 euros, montant de la créance due en principal à compter du 6 octobre 2023 au jour du règlement effectif,
-rappeler qu'en ce qui concerne M. [Z] [B], aucune voie d'exécution ne pourra être entreprise sur la base de cette condamnation à son encontre tant que ce dernier respectera les termes du plan de règlement que lui a accordé la cour d'appel de Douai par arrêt du 15 février 2019 et que la caducité de ce plan n'aura pas été constatée,
-condamner M. [B] et Mme [E] à payer à la société Crédit Logement la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
-condamner M. [B] et Mme [E] aux dépens.

A l'appui de ses demandes, la société Crédit Logement soulève notamment que les défendeurs ont été informés dès le 29 décembre 2020 du règlement effectué à la société Crédit du Nord. M. [B] a même été informé une seconde fois et a répondu à ce deuxième courrier par un courrier électronique.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 9 octobre 2023 par RPVA, M. [B] et Mme [E] demandent au tribunal de :

-constater la déchéance du recours personnel de la société Crédit Logement pour le solde,
-débouter la société Crédit Logement de l'ensemble de ses demandes,
-condamner la société Crédit Logement à payer à M. [B] et Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
-condamner la société Crédit Logement aux entiers dépens.

Au visa des articles 2305 et 2308 anciens du code civil, ils soutiennent notamment les arguments suivants :

-La société Crédit Logement a effectué le paiement sans les avertir au préalable puisqu'ils n'ont reçu les courriers d'information qu'après le paiement.
-En outre, la société Crédit du Nord avait assigné Mme [E] en paiement des sommes dues avant de se désister, mais Mme [E] a fait valoir la prescription de la dette dès lors que l'assignation du 24 décembre 2020 est intervenue plus de deux ans après le 10 mars 2017, date de la première échéance non régularisée. Le juge de la mise en état n'a pu statuer sur ce point dès lors que la société Crédit du Nord s'est désistée de son instance.
-Ayant procédé au remboursement de l'emprunt sans information préalable alors que M. [B] et Mme [E] disposaient d'un moyen de faire déclarer la dette prescrite, la société Crédit Logement doit être déchue de son recours personnel.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 8 décembre 2023. Après débats à l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur les demandes en paiement
L’article 2305 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi son recours pour les dommages et intérêts s’il y a lieu.
Conformément à l'article 2308 alinéa 2 du même code, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
En l’espèce, la société Crédit Logement, qui se prévaut de l’existence d’un contrat de cautionnement, produit au soutien de sa demande :
-l'offre de prêt acceptée le 14 février 2010 et son engagement de caution repris audit acte,
-la quittance subrogative du 25 septembre 2018 pour la somme de 21 713,89 euros,
-des courriers de la société Crédit Logement à l'adresse de Mme [E] l'informant de la défaillance et de l'intention de la banque de réclamer le paiement à l'organisme de caution (18 septembre 2018), faisant différentes relances et mettant en demeure Mme [E] de régler sous huitaine la somme de 21 713,89 euros (seul ce courrier ayant un avis de réception, daté du 18 décembre 2018)
-la lettre de l’organisme bancaire prononçant la déchéance du terme et mettant en demeure Mme [E] de payer la somme de 127 721,78 euros, avec avis de réception du 4 septembre 2020 ;
-le courrier de l'organisme bancaire informant M. [B] de la déchéance du terme et lui précisant qu'il était réclamé à la société Crédit Logement son intervention en paiement pour les sommes dues par Mme [E], avec avis de réception du 7 septembre 2020 ;
-un courrier de la société Crédit Logement adressé à Mme [E] lui indiquant qu'elle est amenée à rembourser l'intégralité du solde de la créance du prêteur aux droits duquel elle est intégralement subrogée et réclamant le paiement de 121 194,04 euros en principal sous huitaine, avec avis de réception du 5 juin 2021 ;
-un courrier de la société Crédit Logement adressé à M. [B] lui indiquant qu'elle est amenée à rembourser l'intégralité du solde de la créance du prêteur aux droits duquel elle est intégralement subrogée, avec avis de réception du 5 juin 2021 ;
-la quittance subrogative du 2 juin 2021 pour la somme de 121 194,09 euros,
-un échange de courriers entre Mme [E] qui réclame par courrier daté du 12 décembre 2018 la preuve que la somme de 21 713,89 euros a été payée à l'organisme bancaire et propose de régler 100 euros par mois
-le décompte de la créance Crédit Logement arrêté au 7 janvier 2022 et le décompte actualisé tenant compte des effets de l'ordonnance du juge de la mise en état de Lille du 22 juin 2023, pour un montant de 113 540,60 euros au 6 octobre 2023.
Il ressort de ces différentes pièces que la société Crédit Logement s’est portée caution solidaire du crédit immobilier contracté le 14 février 2010 par M. [B] et Mme [E] et qu'à ce titre elle s'est acquittée de la somme de 121 194,04 euros dès le 2 juin 2021, sans avoir été poursuivie par l'établissement bancaire et alors qu'elle n'a informé les débiteurs principaux que le 5 juin 2021.
Il apparaît aussi que la société Crédit Logement ne répond pas aux observations de M. [B] et Mme [E] qui soulignent que la créance de l'établissement bancaire était déjà éteinte au moment où la demanderesse a réglé la somme de 121 194,04 euros.
Or il est établi que l'immeuble ayant fait l'objet du prêt a été vendu le 10 novembre 2015 par M. [B] et Mme [E] pour un montant de 218 000 euros, si bien que le prêt était exigible dès cette date conformément à l'article 9 du contrat. Par conséquent, l'établissement bancaire disposait d'un délai de deux ans pour agir en justice contre les emprunteurs aux termes de l'article L. 137-2 du code de la consommation. En toute hypothèse, Mme [E] a toujours fait valoir que plus aucune échéance n'a été réglée à compter du 10 mars 2017 et que l'assignation en paiement de la banque en date du 2 septembre 2020 était par conséquent prescrite compte tenu du délai biennal.
Par conséquent, les défendeurs disposaient bien, au moment du paiement du 2 juin 2021, de moyens de faire déclarer éteinte leur créance, si bien que la société Crédit Logement, qui a réglé à la banque la somme de 121 194,04 euros sans avertir les débiteurs principaux, ne dispose plus de recours à l'encontre de ces derniers.

Dans ces conditions, la société Crédit Logement sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
II. Sur les demandes accessoires
Les dépens seront mis à la charge de la société Crédit Logement qui succombe.
Compte tenu néanmoins de la mauvaise foi des défendeurs, qui n'ont jamais prévenu l'établissement bancaire de la vente de l'immeuble dès 2015, il n'apparaît pas inéquitable de les débouter de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE la société Crédit Logement de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [Z] [B] et Mme [L] [E],
DEBOUTE M. [Z] [B] et Mme [L] [E] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société Crédit Logement aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEAnne-Sophie SIEVERS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/02342
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.02342 ?
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