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19/03/2024 | FRANCE | N°22/01141

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 22/01141


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/01141 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V5VV


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDERESSE :

S.A.S. STRATEGE PLUS CONSTRUCTION, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°789508611, représentée par ses dirigeants domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas PAPIACHVILI, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES :

S.D.C. RES LES TILLEULS pris en la personne de son syndic la SAS Cabinet CORNIL dont le siège est si

s [Adresse 1]
[Adresse 6] ET [Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILL...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/01141 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V5VV

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S. STRATEGE PLUS CONSTRUCTION, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°789508611, représentée par ses dirigeants domicilié es qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas PAPIACHVILI, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES :

S.D.C. RES LES TILLEULS pris en la personne de son syndic la SAS Cabinet CORNIL dont le siège est sis [Adresse 1]
[Adresse 6] ET [Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. CABINET CORNIL, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°886580166, représentée par ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège.
[Adresse 1]
TOURCOING / FRANCE
représentée par Me Alice DHONTE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Décembre 2023 ;

A l’audience publique du 23 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024, et signé par Anne-Sophie SIEVERS, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 janvier 2014, la galerie commerciale de la copropriété de la résidence Les Tilleuls, située [Adresse 6] et [Adresse 5] à [Localité 2] a subi un incendie.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls (ci-après : le syndicat des copropriétaires) a alors conclu un marché de travaux avec la société Stratège Plus Construction portant sur la réhabilitation de l'immeuble.

Le montant du marché initial s'élevait à 727 245,90 euros TTC et en cours de chantier, le syndicat des copropriétaires a donné son accord à deux devis supplémentaires portant le total à de 736 250,70 euros TTC.

La réception a été prononcée le 4 janvier 2018 avec réserves.

Par actes signifiés le 17 février 2022, la société Stratège Plus Construction a assigné le syndicat des copropriétaires et la société Cabinet Cornil devant le tribunal judiciaire de Lille, réclamant notamment leur condamnation in solidum à lui payer un solde de travaux de 83 970,52 euros TTC avec intérêts à compter du 30 octobre 2019.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 1er juin 2023 par RPVA, la société Stratège Plus Construction demande au tribunal de :

A titre principal,
-débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2] pris en la personne de son syndic en exercice la société Cabinet Cornil et le Cabinet Cornil de l’ensemble de leurs demandes
-condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2], représenté par la société Cornil et le Cabinet Cornil à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 83.970,85 euros TTC assorti des intérêts moratoires à compter du 30 octobre 2019,

A titre subsidiaire,
-ordonner au syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2] pris en la personne de son syndic en exercice la société Cabinet Cornil de consigner 5% du prix du marché entre les mains de la caisse des dépôts et consignations soit la somme de 37.125,73 euros TTC,
-condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2] pris en la personne de son syndic en exercice la société Cabinet Cornil et le Cabinet Cornil à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 46.84512 euros TTC assorti des intérêts moratoires à compter du 30 octobre 2019,

En tout état de cause,
-condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2], représenté par la société Cornil et le Cabinet Cornil à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
-condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Tilleuls sis [Adresse 6] – [Adresse 5] à [Localité 2], représenté par la société Cornil et le Cabinet Cornil à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance,

La société Stratège Plus Construction fait valoir que compte tenu du marché initial, des deux devis complémentaires et du fait que le Cabinet Cornil ne s'est pas opposé à la démolition de l'escalier, le montant total du marché était de 742 514,70 euros TTC et qu'elle a levé l'intégralité des réserves. Or la société Cabinet Cornil ne lui a réglé que la somme de 658 543,85 euros si bien qu'elle est en droit d'exiger le solde de 83 970,85 euros TTC.

Elle conclut à la responsabilité contractuelle de la société Cabinet Cornil, signataire des marchés et devis, et à sa résistance abusive. A titre subsidiaire, elle réclame le paiement du solde du marché, diminué de la somme de 5% à consigner par le syndicat des copropriétaires jusqu’à la levée des réserves.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 31 août 2023 par RPVA, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

-débouter la société Stratège Plus Construction de l’ensemble de ses demandes ;
-condamner la société Stratège Plus Construction à procéder ou faire procéder, dans le mois de la signification du jugement à intervenir, à la levée des réserves visées au procès-verbal de réception, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant trois mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;
-condamner la société Stratège Plus Construction à procéder ou faire procéder, dans le mois de la signification du jugement à intervenir, à la reprise des désordres visés au procès-verbal de constat du 8 mars 2023, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant 3 mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;
-condamner la société Stratège Plus Construction à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-condamner la société Stratège Plus Construction aux entiers dépens.

Le syndicat des copropriétaires souligne que le devis de démolition de l'escalier n'a jamais été accepté, qu'elle a versé 663 996,65 euros compte tenu d'un règlement du 9 décembre 2019, et fait valoir une exception d'inexécution dès lors que la société Stratège Plus Construction ne démontre pas avoir levé les réserves du procès-verbal de réception.

En se prévalant de l'obligation de résultat des constructeurs, il réclame la levée des réserves mais également des désordres apparus par la suite, qu'ils soient de nature décennale ou intermédiaires, comme la coulure verticale au niveau du porche ou la fissuration de l'enduit extérieur.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 6 octobre 2022 par RPVA, la société Cabinet Cornil demande au tribunal de :

-débouter la société Stratège Plus Construction de l’ensemble de ses demandes à l’encontre du Cabinet Cornil,
-condamner la société Stratège Plus Construction à payer à la société Cornil 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens.

La société Cornil rappelle qu'elle n'a passé commande de travaux qu'en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires et non en son nom propre. Elle ajoute que la société Stratège Plus Construction ne verse aux débats ni procès-verbal de réception, ni procès-verbal de levée de réserves, ni devis complémentaire signé, ni facture, et considère que la demande de 10 000 euros au titre de la résistance abusive est forfaitaire et s'oppose au principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 8 décembre 2023. Après débats à l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.
MOTIFS

I. Sur les demandes principales de la société Stratège Plus Construction

A. Sur la demande de condamnation

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1217 du code civil prévoit par ailleurs que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution. Toutes les sanctions qui ne sont pas incompatibles entre elles peuvent se cumuler.

S'agissant de l'exception d'inexécution, elle implique que l'inexécution de la partie adverse soit suffisamment grave, étant précisé qu’en cas de réserves, une somme n’excédant pas 5% du marché peut être consignée.

En l'espèce et bien que le devis du 17 janvier 2017 ne fasse pas référence au syndicat des copropriétaires mais seulement au Cabinet Cornil, celui-ci a toujours signé avec un tampon « ès qualité Syndic » et le syndicat des copropriétaires ne conteste pas être le véritable cocontractant de la société Stratège Plus Construction, la société Cabinet Cornil n'ayant agi qu'en sa qualité de syndic de la résidence et sur mandat spécial des copropriétaires. La société Stratège Plus Construction ne pouvait d'ailleurs ignorer ce point, puisque dans un courrier électronique du 11 novembre 2017, en réponse à une présentation de devis où elle précisait que l'opération pouvait être faite plus tard si les propriétaires le décidaient, la société Cabinet Cornil lui a indiqué « pour la végétalisation, je me rapproche du conseil syndical ».

Par conséquent, il sera considéré que le syndicat des copropriétaires a donné mandat à la société Cabinet Cornil pour signer un premier devis de 606 038,25 euros HT, soit 727 245,90 euros TTC selon les conclusions concordantes de la société Stratège Plus Construction et du syndicat des copropriétaires. Par courrier électronique du 11 novembre 2017, la société Cabinet Cornil en sa qualité de syndic a également donné son accord à deux devis supplémentaires, le devis n°2017.10.026 pour la reprise d'un muret moyennant 5 542,80 euros TTC et le devis n° 2017.10.029 de remplacement des tampons en fonte par des tampons de remplissage pour 3 552 euros TTC. En revanche, ce courrier électronique ne permet en aucun cas d'en déduire un accord exprès pour la démolition de l'escalier existant moyennant 6 264 euros.

Le montant total du marché est donc de 736 340,70 euros TTC.

Par ailleurs, l'extrait du grand livre du syndic démontre que la somme de 5 542,80 euros a été virée à la société Stratège Plus Construction en date du 9 décembre 2019 avec le commentaire « reprise muret », étant précisé que la société Cabinet Cornil n’aurait eu aucun intérêt à falsifier son grand livre dès lors qu’elle n’est pas la cocontractante de la société Stratège Plus Construction.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires a fait virer par l'intermédiaire de la société Cabinet Cornil la somme totale de 663 996,65 euros, si bien que le solde non réglé est de 72 344,05 euros.

Pour justifier son inexécution, le syndicat des copropriétaires se prévaut du procès-verbal de réserves du 4 janvier 2018 en soulignant que ces réserves n'ont jamais été levées.

Aux termes de ce procès-verbal, les réserves étaient les suivantes :

-faire le branchement électrique du réseau commun éclairage extérieur,
-faire le branchement électrique des cellules sur les compteurs ERDF,
-peindre le mur et le muret de part et d'autre de l'escalier de gauche,
-peindre les contre-marches des escaliers, y ajouter une bande pédo-tactile en haut et en bas et mettre une rampe,
-mettre des caniveaux le long de murs des cellules 6 et 5,
-à partir de la réception, le propriétaire des cellules 2 et 3 aura trois semaines pour transmettre son titre de propriété et le mur de séparation entre les deux cellules sera alors mis en œuvre,
-en cas de refus de dérogation, l'entreprise s'engage à mettre en œuvre les garde-corps sur les escaliers (fera l'objet d'un travail supplémentaire),
-prévoir plats béton au pied des luminaires,
-voir reprise enduit (+ illisible)
-projecteur au pied de l'arbre.

Le tribunal relève que certaines de ces mentions ne sont pas des réserves imputables à l'entreprise, puisque l'une d'entre elle implique une diligence du propriétaire des cellules 2 et 3 et qu'une autre concerne d'éventuels travaux supplémentaires par définition non compris dans les devis.

Il appartient à la société Stratège Plus Construction, signataire de ce procès-verbal, de démontrer que ces réserves ont été levées par la suite, et elle ne peut se prévaloir comme elle le prétend de la seule ancienneté de la réception, ni de l’absence d’action en justice pendant cinq ans. C'est en revanche au syndicat des copropriétaires d'établir que les inexécutions seraient suffisamment graves pour justifier que le solde ne soit pas versé.

En l’espèce, la société Stratège Plus Construction ne démontre pas avoir levé les réserves litigieuses.

Cependant, le syndicat des copropriétaires ne rapporte pour sa part aucun élément de preuve de l’importance des réserves, étant observé que la plus grande partie de ces réserves correspond à des travaux de simple finition au coût modique. En outre la société Cabinet Cornil, en sa qualité de syndic de la copropriété, n'a jamais prétendu que ces réserves justifiaient de retenir la somme de 72 344,05 euros. Par courrier du 19 décembre 2020, elle avait affirmé n'avoir cause d'opposition au règlement tout au moins à hauteur de 95% (soit 699 523,66 euros) compte tenu du fait que la « réception finale » n'avait pas « encore eu lieu » mais que la défaillance de Generali, assureur du syndicat des copropriétaires, bloquait la situation. Par conséquent, il était reconnu que ces réserves limitées ne justifiaient pas l’exception d’inexécution invoquée par le syndicat des copropriétaires, mais tout au plus la retenue du prix à hauteur de 36 817,04 euros, soit 5% du marché, conformément aux pratiques habituelles en cas de réserves et à l’article R. 231-7 du code de la construction et de l’habitation.

Le syndicat des copropriétaires sera donc condamné à payer à la société Stratège Plus Construction la différence entre 72 344,05 euros et 36 817,04 euros, soit 35 527,01 euros et la demanderesse sera déboutée de ses demandes à l’encontre de la société Cabinet Cornil en son nom propre.

Il ressort de l’article 1231-6 du code civil que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

En l'espèce, la société Stratège Plus Construction se prévaut d'un courrier daté du 30 octobre 2019 pour affirmer qu'il s'agirait d'une mise en demeure faisant partir le cours des intérêts. Cependant ce courrier sans accusé de réception a été adressé à la société Cabinet Cornil sans précision de sa qualité de syndic de la copropriété litigieuse et ne visait donc pas le syndicat des copropriétaires.
En outre il indique uniquement « je vous prie de m'indiquer les raisons qui justifient ce retard de paiement ou à défaut, de procéder au règlement du solde dû à la cliente, et ce dans les dix jours à compter de la réception de la présente. A défaut de retour de votre part, je n'aurai pas d'autre alternative que de saisir le juge compétent ». Cette formule ambiguë implique qu'une simple réponse aurait suffi à dissuader la société Stratège Plus Construction de saisir la présente juridiction, si bien qu'il ne s'agit pas d'une mise en demeure.

Par conséquent, la condamnation à la somme de 35 527,01 euros ne sera assortie des intérêts au taux légal qu'à compter de l'assignation valant mise en demeure.

B. Sur la demande de consignation jusqu’à la levée des réserves

La société Stratège Plus Construction réclame par ailleurs à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le syndicat des copropriétaires ne lui réglerait pas l'intégralité du solde, ce qui est le cas en l'espèce, que le syndicat des copropriétaires soit condamné à consigner la somme correspondant à 5% du prix du marché auprès de la caisse des dépôts et consignations, ce qui implique sa volonté de lever les réserves. Or le syndicat des copropriétaires réclame précisément que la société Stratège Plus Construction soit condamnée à lever les réserves.

Les deux parties manifestent ainsi leur intention de mener le contrat à son terme.

Par conséquent, il sera ordonné la consignation par le syndicat des copropriétaires de la somme de 36 817,04 euros correspondant à la retenue de garantie de 5% auprès de la caisse des dépôts et consignations jusqu'à la levée des réserves suivantes :

-faire le branchement électrique du réseau commun éclairage extérieur,
-faire le branchement électrique des cellules sur les compteurs ERDF,
-peindre le mur et le muret de part et d'autre de l'escalier de gauche,
-peindre les contre-marches des escaliers, y ajouter une bande pédo-tactile en haut et en bas et mettre une rampe,
-prévoir plats béton au pied des luminaires,
-voir reprise enduit,
-projecteur au pied de l'arbre.

C. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il ressort de l'article 32-1 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil que le droit d'agir en justice n’ouvre droit à des dommages et intérêts que s’il a dégénéré en abus ayant causé un préjudice.

En l’espèce et compte tenu de la présence de réserves dont la société Stratège Plus Construction n’a pas démontré qu’elles étaient levées, la résistance du syndicat des copropriétaires ne saurait être considérée comme abusive.

Cette demande sera donc rejetée.

III. Sur les demandes reconventionnelles du syndicat des copropriétaires

A. Sur la demande de condamnation sous astreinte à lever les réserves

Dans la mesure où la retenue de garantie est consignée jusqu'à la levée des réserves, la demanderesse a tout intérêt à justifier rapidement de la levée des réserves et il n'apparaît donc pas utile de la condamner en outre sous astreinte à justifier qu'elle a fait les travaux. Cette demande sera donc rejetée.

B. Sur la demande de condamnation sous astreinte à reprendre les désordres apparus après la réception

S’agissant des demandes tendant à condamner la société Stratège Plus Construction à reprendre les désordres apparus par la suite, à savoir une coulure verticale au niveau du porche et une fissuration de l’enduit extérieur :

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires ne prétend pas rapporter la preuve du caractère décennal des désordres, si bien que le premier fondement sera écarté.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut du principe de responsabilité contractuelle, dont il ressort que l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat de livrer un ouvrage sans vice, si bien qu'il engage sa responsabilité dès lors que des désordres sont imputables à ses travaux.

Cependant, le tribunal relève que les dispositions générales du droit des contrats permettent d'obtenir l'exécution en nature de l'obligation, mais non la réparation en nature d'une inexécution.

Or, en réclamant la reprise de désordres apparus plusieurs années après la réception, le syndicat des copropriétaires ne demande plus l'exécution en nature de l'obligation de livrer un ouvrage sans vice lors de la réception, mais la condamnation de la société Stratège Plus Construction à effectuer en nature des réparations.

Par conséquent, le tribunal, qui au demeurant ne dispose d'aucun élément quant à la nature des travaux nécessaires, ne peut que rejeter cette demande.

IV. Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le syndicat des copropriétaires succombant en majeure partie, il sera condamné aux dépens.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Le syndicat des copropriétaires sera condamné à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

En revanche, assignée à tort alors qu'elle n'était même pas cocontractante, la société Cabinet Cornil a engagé pour faire valoir sa défense des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. Il convient donc de condamner la société Stratège Plus Construction à lui payer la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 35 527,01 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure,

ORDONNE la consignation par le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls de la somme de 36 817,04 euros correspondant à la retenue de garantie de 5% auprès de la caisse des dépôts et consignations jusqu'à la levée des réserves, relatives au branchement électrique du réseau commun éclairage extérieur, au branchement électrique des cellules sur les compteurs ERDF, à la peinture du mur et du muret de part et d'autre de l'escalier de gauche, à la peinture des contre-marches des escaliers, à l'absence de bande pédo-tactile en haut et en bas et de rampe, au plats béton au pied des luminaires, à la reprise enduit et au projecteur au pied de l'arbre,

DEBOUTE la société Stratège Plus Construction de ses demandes à l'encontre de la société Cabinet Cornil,

DEBOUTE la société Stratège Plus Construction de sa demande au titre de la résistance abusive,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls de sa demande tendant à condamner la société Stratège Plus Construction à lever les réserves sous astreinte,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls de sa demande tendant à condamner la société Stratège Plus Construction à reprendre les désordres survenus après la réception,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Tilleuls à payer à la société Stratège Plus Construction la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la société Stratège Plus Construction à payer à la société Cabinet Cornil la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEAnne-Sophie SIEVERS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/01141
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.01141 ?
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