La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°22/00085

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 19 mars 2024, 22/00085


1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/00085 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3R6
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

N° RG 22/00085 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3R6

DEMANDEURS :

M. [G] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Comparant, assisté par Me Simon DANCOISNE, avocat au barreau de LILLE

Mme [D] [Y] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Comparante, assistée par Me Simon DANCOISNE, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

DEPARTEMENT DU NORD DAJAP
[Ad

resse 3]
[Localité 4]

Non comparante


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Muriel DESURMONT,
Assesseur: José BORGMANN, Assesseur pôle social col...

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/00085 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3R6
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

N° RG 22/00085 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3R6

DEMANDEURS :

M. [G] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Comparant, assisté par Me Simon DANCOISNE, avocat au barreau de LILLE

Mme [D] [Y] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Comparante, assistée par Me Simon DANCOISNE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

DEPARTEMENT DU NORD DAJAP
[Adresse 3]
[Localité 4]

Non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Muriel DESURMONT,
Assesseur: José BORGMANN, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Emmeline CADOT, Assesseur pôle social collège salarié

Greffier

Louise DIANA,

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 20 Février 2024. Le délibéré a été prorogé au 19 Mars 2024.

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [O] [Y], atteint d'une lourde problématique de santé, a fait l'objet d'un placement sous curatelle renforcée dès l'âge de 28 ans, curatelle confiée à sa mère, Madame [Z] [P] épouse [Y] par jugement du 10 juin 1986.

La pathologie dont souffrait Monsieur [O] [Y], décédé le 02 avril 2021, à l'âge de 63 ans, aurait pour origine une sévère grippe contractée vers l'âge de 10 ans.

Monsieur [O] [Y] a suivi un début de scolarité classique avant de rapidement faire l'objet d'une prise en charge spécialisée. Il a ensuite fait l'objet d'une reconnaissance en qualité de personne handicapée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées et a été placé au sein de différentes structures.

Il a travaillé dans un ESAT à [Localité 11] et était hébergé au foyer d'hébergement [9] situé à [Localité 8] et géré par l'[6]. Il a ainsi vécu au sein de ce foyer jusqu'au 22 avril 2018. C'est dans ce contexte que le Département du Nord a accordé l'aide sociale à l'hébergement à Monsieur [O] [Y] qui participait largement à ses frais d'hébergement (dans la limité de 90 % de ses ressources).

L'état de santé de Monsieur [O] [Y] s'aggravant avec notamment une perte d'autonomie, son frère, Monsieur [G] [Y] et sa soeur, Madame [D] [H] ont tenté de trouver un établissement adapté à l'évolution physique et mentale de leur frère, en l'espèce, une Maison d'accueil spécialisée (MAS) mais ce dernier n'a pu y être accueilli.

L'organisme tutélaire [7] a fait le choix de le placer à l'EHPAD de [Localité 10] en lien avec le foyer [9] qui ne voulait plus le garder. De plus, aucun foyer d'accueil médicalisé ne l'acceptait en raison de son comportement parfois violent. Celui-ci a fini sa vie isolé et reclus dans sa chambre dormant sur matelas posé sur le sol afin d'éviter tout risque de blessure. Il a ainsi résidé à l'EHPAD du 23 avril 2018 à la date de son décès, soit le 02 avril 2021.

La curatelle a ensuite été exercée par Madame [D] [H] jusque la fin de l'année 2015.

Le 28 septembre 2021, le Président du Conseil Départemental du Nord a notifié aux héritiers de Monsieur [O] [Y] sa décision de procéder à la récupération sur sa succession d'une somme de 221 083,93 euros correspondant à la prise en charge des frais d’hébergement du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2015 et du 23 avril 2018 au 31 décembre 2019.

Il convient de préciser que l’actif net de la succession de Monsieur [O] [Y] s’élève, hors créance soulevée par le Conseil Départemental du Nord et hors frais de déclaration de succession, à la somme de 94 856,77 euros.

En outre, Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] déclarent avoir maintenu le lien affectif et une assistance particulière auprès de leur frère ainé, [O], justifiant ainsi le rejet de la demande de récupération sur succession conformément aux articles L241-4 et L344-5 du code de l’action sociale et des familles.

Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] ont formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision pour courrier recommandé en date du 12 novembre 2021.

Par réponse en date du 20 décembre 2021, le Président du Conseil Départemental du Nord décidait de maintenir sa décision initiale, considérant en particulier que « le Département n'est pas compétent pour apprécier la charge effective et constante ».

Le 11 janvier 2022, Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] saisissaient le tribunal.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 08 janvier 2024 en présence des demandeurs assistés de leur conseil, Maître DANCOISNE, du Barreau de Lille, mise en délibéré à la date du 20 février 2024 et prorogée au 19 mars 2024.

Le représentant du Conseil Départemental du Nord s’est présenté à l’issue de la clôture des débats.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] sollicite :

A titre principal, l’annulation de la décision de rejet rendue le 28 septembre 2021 par le Département du Nord relative à la récupération sur la succession de Monsieur [O] [Y] d’un montant de 221 083,93 euros,

A titre subsidiaire, de fixer le montant de la créance de récupération de Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] à de plus justes proportions,

La condamnation du Conseil Départemental du Nord à verser la somme de 2 000,00 euros à Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Conseil Départemental du Nord au terme de son mémoire, en date du 18 février 2022, sollicite le rejet de la requête de Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y] au motif notamment que les services départementaux n’ont pas constaté que les relations dont se prévalent les demandeurs dépassent le cadre fraternel et de laisser à chaque partie la charge de ses dépens étant donné la nature familiale du litige.

MOTIFS :

Sur la récupération sur succession :

Selon l’article L132-8 du code de l’action sociale et des familles, « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le Département contre le donataire, revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire. (…). Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier, s’exerce sur la partie de l’actif net successoral ».

S’il n’est pas contesté que les demandeurs ont entretenu une relation régulière avec leur frère en situation de handicap, cette relation ne reflète pas une prise en charge effective et constante de leur frère handicapé.

En conséquence, cela ne les exonère pas de contribuer aux frais de prise en charge de Monsieur [O] [Y] par le Conseil Départemental du Nord.

En conséquence, il convient de rejeter la requête de Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y].

Sur la demande d’article 700 du code de procédure civile :

Les requérants succombant à l’instance, il n’y a pas lieu de condamner le Conseil Départemental du Nord au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient également au regard de la nature du litige, de laisser à chacune des parties la charge de leurs propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe :

Rejette la demande d’annulation de la créance du Conseil Départemental du Nord par Madame [D] [H] et Monsieur [G] [Y],

Constate que la récupération sur succession s’effectuera à hauteur de l’actif net successoral, soit 94 856,77 euros,

Rejette la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
L. DIANA M. DESURMONT

Expédié aux parties le :
1 CE au Département du Nord
1 CCC à M. [Y]
1 CCC à Mme [Y]
1 CCC à Me Dancoisne


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Pôle social
Numéro d'arrêt : 22/00085
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.00085 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award